-Eeeuh... ça ira, vous pourrez gérer, sans nous?
-Sigurd! Ça n'est pas comme si le monde allait arrêter de tourner en votre absence.
-Est-ce que vous en êtes sûre?, répliqua Evangeline, amusée.
-Uh?
-Parce que bon. En ce qui me concerne, je suis convaincue que... mmmh. Hihihi. Oubliez ça.
Les deux Nowel étaient face à Lucie Terranova, délégataire de la succursale encore balbutiante d'HSBC sur le port de Reverse. Maintenant que les deux dirigeants de l'affaire avaient lancé les projets sur place, leurs équipes allaient prendre le relai pour entrer dans le vif du sujet. Il y avait tellement de choses à mettre en place qu'il était sans intérêt pour les deux Luvneelois de rester sur le port, au moins pour ce moment. Ce qui ne signifiait aucunement qu'ils se désintéresseraient du projet. Au contraire : ce qu'ils allaient faire maintenant correspondait à la meilleure façon de comprendre ce qu'étaient la translinéenne, ses besoins et son activité.
-Nous sommes prêts à partir, signifia Lothar, un milicen de leur escorte Luvneeloise. Et le capitaine a prévu le départ pour d'ici quelques heures.
-Vous êtes sûrs que c'est une bonne idée?, répéta Terranova.
-Pas le moins du monde, glissa le chevalier de Bernhardt, sensiblement dépité par la chose.
Et pas qu'un peu. Werner était chevalier de la couronne de Luvneel, et sa mission sur l'équateur, protéger les gérants d'HSBC contre tout ce qui pouvait leur arriver de mal. Ils étaient trop utiles pour que la commune de Norland les laisse vagabonder dans des endroits dangereux. Le chevalier avait déjà vu sa mission se compliquer lorsque Valerian Loupiote, un autre homme d'affaires redoutable du pays, avait été convié le temps de quatre jours à leur initiative pour marchander avec les acheteurs de la translinéenne. Werner n'avait eu qu'une hantise, que ses trois protégés se fassent enlever par on ne sait quel pirate et que leurs entreprises ou la commune se retrouvent chargées d'une demande de rançon de cinq cent millions de berries... ou quelque chose du genre. Ils avaient -largement- les moyens de payer. Tout particulièrement Loupiote, qui était dans les affaires depuis une bonne vingtaine d'années.
Rien ne s'était passé, heureusement. Et maintenant, le gérant de Magdar était à nouveau sur les flots, à voguer vers Luvneel, sûrement en proie au mal de mer... ou à peu importe ce qui l'incommodait dans la vie d'un navire. Pour autant, le chevalier était loin de pouvoir se reposer. Ce qui l'attendait serait infiniment plus laborieux que jusqu'à présent. Et pour cause ; les deux derniers Nowel avaient décidé, sur une nouvelle proposition de leur interlocuteur de la translinéenne, de découvrir par eux-mêmes les réalités des marins de la translinéenne.
Sur Reverse, ils avaient beaucoup appris sur l'organisation de la firme à l'hippocampe, ses relations, ses atouts, ses faiblesses. Et ses plans. Maintenant...
-Meuh nan, se défendit Dogaku. Moi je dis, c'est que y'a qu'en en faisant qu'on y arrive. Et que plus on en fait, plus on y arrive, aussi. Du coup, le meilleur truc à faire avant d'essayer de lancer des affaires au-delà de Reverse, forcément...
Était d'embarquer sur un navire de la translinéenne, en tant que passager, marin ou gestionnaire, pour plonger les mains dans son fonctionnement et comprendre comment tout ça marchait. Sigurd avait longuement été marin, ce ne serait pas un problème. Il se distinguait particulièrement dans la catégorie généraliste, presque très bon partout, mais excellent nul part. Il savait également commander un navire, l'avait fait des années. En d'autres termes, il était extrêmement confiant sur ce qu'il allait entreprendre. La seule chose qu'il aurait à apprendre, ce serait l'équateur en elle même. Tout ce qui faisait la réputation de la route de tous les périls, et qui lui semblait ridiculement pompeux.
-Et les pirates, les dangers, tout ça?
-Honnêtement, pour ce que je me suis renseigné... si n'importe quel singe peut faire la traversée en barque en solitaire -y'en a littéralement qui le font et se retrouvent à acclamés pour ça- j'pense pas qu'on prenne de risque.
-...
-Boon, j'arrête la mauvaise foi. Même si j'étais sérieux. Si je dis qu'on aura les gars de la translinéenne en plus de vous pour nous couvrir, ça vous convient mieux?
-Mmh.
-Si je dis qu'on aura Haylor en plus? Normalement vous répondez plus rien, là.
-Vous devriez arrêter de trop vous reposer sur elle. Même elle a ses limites.
-Ouais, j'me disais ça au début, mais franchement plus le temps passe et plus...
-Il a raison, Sigurd, renchérit la concernée.
-Uh? Vous croyez même pas à ce que vous dîtes.
-Si.
-Eerf. Vous avez eu trop de dérapages catastrophiques et vous ne vous sentez plus invincible, ça y est?
-Je ne.. euhm... on peut dire ça comme ça... j'imagine...
-Cool! J'vais pouvoir enfin prendre mon rôle de mâle protecteur. Vous viendrez vous blottir dans mes bras quand vous aurez peur, avec les petits cris aigus et tout?
-Les petits... certainement pas!
-Rhooo, tout de suite...
-Je comprends que vous puissiez avoir des... fantaisies masculines... mais ne comptez pas sur...
-Fantaisies masculines? Qu'est-ce que c'est que ce cliché?
-Je me crois bien placée pour savoir de quoi je parle.
-Aaaah, parce que vous vous n'êtes pas satisfaite quand je viens me réfugier sous jupes dès que ça sent le roussi, sûrement? Hein?
-Je ne... Sigurd, vous vous rendez compte de ce que vous venez de dire?, esquiva-t-elle en s'humectant les lèvres d'un sourire, torse bombé, rapprocheée, aguichante.
-Ouaaais, mais moi je...
"Vous n'êtes pas tout seuls, vous savez?". Lothar se serait bien vu glisser une réplique de ce genre à ses deux protégés. À ceci prêt qu'ils étaient maintenant en train de s'éloigner de tout le monde, coudes croisés, épaules cote à cote, un grand sourire stupide vissé sur le visage, et qu'ils avaient déjà oublié tous les autres.
-Ils seront de retour pour le départ du navire, j'imagine?
-Ça ne me dérangerait pas qu'ils le ratent et ne partent pas sur la voie, commenta Werner.
-Moi non plus, appuya Lucie. Vraiment pas.
Et pour cause. La jeune femme venait de se faire propulser à un poste de responsable qu'elle n'avait jamais occupé à ce jour. D'un coté, c'était une très bonne expérience. De l'autre... un petit peu effrayant. Et surtout, gênant pour ses rapports.
Ceux qu'elle devait remettre sur une base régulière, à la révolution... ainsi qu'au cipher pol. Car même en étant parfaitement intégrée dans les rangs batailleurs d'HSBC, Terranova, de son vrai nom Jeanne Duclos, était en premier lieu sbire de terrain du cipher pol... en second lieu espionne de la révolution... en troisième lieu agent de catégorie une du cipher pol... puis cavalière de la révolution... avant que son contrat de travail la liant aux Luvneelois ne rentre en jeu.
Et pour couronner le tout, Evangeline savait qu'elle était une espionne de la révolution devenue agent de catégorie une devenue cavalier révolutionnaire, et ne de privait pas pour la consulter à l'occasion sur quelques points épineux. En prenant soin de ne rien lui révéler de gênant, parce qu'on ne sait jamais. Haylor avait appris le rôle quadruple de Terranova à postériori, pour une raison très simple. Elle avait de très bons amis parmi les sympathisants gris de Luvneel, ce qui lui ouvrait un certain nombre de portes... et beaucoup plus d'informations. Elle avait beau être discrète et réservée, Evangeline avait l'horrible manie d'être une vraie fouine à l'allure toujours digne, et encore plus irréprochable.
Haylor ne savait pas que sa subordonnée était en premier lieu au compte du cipher pol, cela dit. Et Dogaku ne savait rien de tout ça. En bonne partie parce que le Luvneelois avait décidé d'ignorer foncièrement les tendances partisanes de chacun ; c'était ça ou se lancer dans un casse tête monumental de renouvellement massif du personnel de ses affaires. Tant que tout le monde restait discret en sa présence et ne faisait rien de bête -ou de dangereux- ça ne le concernait pas.
-Sigurd! Ça n'est pas comme si le monde allait arrêter de tourner en votre absence.
-Est-ce que vous en êtes sûre?, répliqua Evangeline, amusée.
-Uh?
-Parce que bon. En ce qui me concerne, je suis convaincue que... mmmh. Hihihi. Oubliez ça.
Les deux Nowel étaient face à Lucie Terranova, délégataire de la succursale encore balbutiante d'HSBC sur le port de Reverse. Maintenant que les deux dirigeants de l'affaire avaient lancé les projets sur place, leurs équipes allaient prendre le relai pour entrer dans le vif du sujet. Il y avait tellement de choses à mettre en place qu'il était sans intérêt pour les deux Luvneelois de rester sur le port, au moins pour ce moment. Ce qui ne signifiait aucunement qu'ils se désintéresseraient du projet. Au contraire : ce qu'ils allaient faire maintenant correspondait à la meilleure façon de comprendre ce qu'étaient la translinéenne, ses besoins et son activité.
-Nous sommes prêts à partir, signifia Lothar, un milicen de leur escorte Luvneeloise. Et le capitaine a prévu le départ pour d'ici quelques heures.
-Vous êtes sûrs que c'est une bonne idée?, répéta Terranova.
-Pas le moins du monde, glissa le chevalier de Bernhardt, sensiblement dépité par la chose.
Et pas qu'un peu. Werner était chevalier de la couronne de Luvneel, et sa mission sur l'équateur, protéger les gérants d'HSBC contre tout ce qui pouvait leur arriver de mal. Ils étaient trop utiles pour que la commune de Norland les laisse vagabonder dans des endroits dangereux. Le chevalier avait déjà vu sa mission se compliquer lorsque Valerian Loupiote, un autre homme d'affaires redoutable du pays, avait été convié le temps de quatre jours à leur initiative pour marchander avec les acheteurs de la translinéenne. Werner n'avait eu qu'une hantise, que ses trois protégés se fassent enlever par on ne sait quel pirate et que leurs entreprises ou la commune se retrouvent chargées d'une demande de rançon de cinq cent millions de berries... ou quelque chose du genre. Ils avaient -largement- les moyens de payer. Tout particulièrement Loupiote, qui était dans les affaires depuis une bonne vingtaine d'années.
Rien ne s'était passé, heureusement. Et maintenant, le gérant de Magdar était à nouveau sur les flots, à voguer vers Luvneel, sûrement en proie au mal de mer... ou à peu importe ce qui l'incommodait dans la vie d'un navire. Pour autant, le chevalier était loin de pouvoir se reposer. Ce qui l'attendait serait infiniment plus laborieux que jusqu'à présent. Et pour cause ; les deux derniers Nowel avaient décidé, sur une nouvelle proposition de leur interlocuteur de la translinéenne, de découvrir par eux-mêmes les réalités des marins de la translinéenne.
Sur Reverse, ils avaient beaucoup appris sur l'organisation de la firme à l'hippocampe, ses relations, ses atouts, ses faiblesses. Et ses plans. Maintenant...
-Meuh nan, se défendit Dogaku. Moi je dis, c'est que y'a qu'en en faisant qu'on y arrive. Et que plus on en fait, plus on y arrive, aussi. Du coup, le meilleur truc à faire avant d'essayer de lancer des affaires au-delà de Reverse, forcément...
Était d'embarquer sur un navire de la translinéenne, en tant que passager, marin ou gestionnaire, pour plonger les mains dans son fonctionnement et comprendre comment tout ça marchait. Sigurd avait longuement été marin, ce ne serait pas un problème. Il se distinguait particulièrement dans la catégorie généraliste, presque très bon partout, mais excellent nul part. Il savait également commander un navire, l'avait fait des années. En d'autres termes, il était extrêmement confiant sur ce qu'il allait entreprendre. La seule chose qu'il aurait à apprendre, ce serait l'équateur en elle même. Tout ce qui faisait la réputation de la route de tous les périls, et qui lui semblait ridiculement pompeux.
-Et les pirates, les dangers, tout ça?
-Honnêtement, pour ce que je me suis renseigné... si n'importe quel singe peut faire la traversée en barque en solitaire -y'en a littéralement qui le font et se retrouvent à acclamés pour ça- j'pense pas qu'on prenne de risque.
-...
-Boon, j'arrête la mauvaise foi. Même si j'étais sérieux. Si je dis qu'on aura les gars de la translinéenne en plus de vous pour nous couvrir, ça vous convient mieux?
-Mmh.
-Si je dis qu'on aura Haylor en plus? Normalement vous répondez plus rien, là.
-Vous devriez arrêter de trop vous reposer sur elle. Même elle a ses limites.
-Ouais, j'me disais ça au début, mais franchement plus le temps passe et plus...
-Il a raison, Sigurd, renchérit la concernée.
-Uh? Vous croyez même pas à ce que vous dîtes.
-Si.
-Eerf. Vous avez eu trop de dérapages catastrophiques et vous ne vous sentez plus invincible, ça y est?
-Je ne.. euhm... on peut dire ça comme ça... j'imagine...
-Cool! J'vais pouvoir enfin prendre mon rôle de mâle protecteur. Vous viendrez vous blottir dans mes bras quand vous aurez peur, avec les petits cris aigus et tout?
-Les petits... certainement pas!
-Rhooo, tout de suite...
-Je comprends que vous puissiez avoir des... fantaisies masculines... mais ne comptez pas sur...
-Fantaisies masculines? Qu'est-ce que c'est que ce cliché?
-Je me crois bien placée pour savoir de quoi je parle.
-Aaaah, parce que vous vous n'êtes pas satisfaite quand je viens me réfugier sous jupes dès que ça sent le roussi, sûrement? Hein?
-Je ne... Sigurd, vous vous rendez compte de ce que vous venez de dire?, esquiva-t-elle en s'humectant les lèvres d'un sourire, torse bombé, rapprocheée, aguichante.
-Ouaaais, mais moi je...
"Vous n'êtes pas tout seuls, vous savez?". Lothar se serait bien vu glisser une réplique de ce genre à ses deux protégés. À ceci prêt qu'ils étaient maintenant en train de s'éloigner de tout le monde, coudes croisés, épaules cote à cote, un grand sourire stupide vissé sur le visage, et qu'ils avaient déjà oublié tous les autres.
-Ils seront de retour pour le départ du navire, j'imagine?
-Ça ne me dérangerait pas qu'ils le ratent et ne partent pas sur la voie, commenta Werner.
-Moi non plus, appuya Lucie. Vraiment pas.
Et pour cause. La jeune femme venait de se faire propulser à un poste de responsable qu'elle n'avait jamais occupé à ce jour. D'un coté, c'était une très bonne expérience. De l'autre... un petit peu effrayant. Et surtout, gênant pour ses rapports.
Ceux qu'elle devait remettre sur une base régulière, à la révolution... ainsi qu'au cipher pol. Car même en étant parfaitement intégrée dans les rangs batailleurs d'HSBC, Terranova, de son vrai nom Jeanne Duclos, était en premier lieu sbire de terrain du cipher pol... en second lieu espionne de la révolution... en troisième lieu agent de catégorie une du cipher pol... puis cavalière de la révolution... avant que son contrat de travail la liant aux Luvneelois ne rentre en jeu.
Et pour couronner le tout, Evangeline savait qu'elle était une espionne de la révolution devenue agent de catégorie une devenue cavalier révolutionnaire, et ne de privait pas pour la consulter à l'occasion sur quelques points épineux. En prenant soin de ne rien lui révéler de gênant, parce qu'on ne sait jamais. Haylor avait appris le rôle quadruple de Terranova à postériori, pour une raison très simple. Elle avait de très bons amis parmi les sympathisants gris de Luvneel, ce qui lui ouvrait un certain nombre de portes... et beaucoup plus d'informations. Elle avait beau être discrète et réservée, Evangeline avait l'horrible manie d'être une vraie fouine à l'allure toujours digne, et encore plus irréprochable.
Haylor ne savait pas que sa subordonnée était en premier lieu au compte du cipher pol, cela dit. Et Dogaku ne savait rien de tout ça. En bonne partie parce que le Luvneelois avait décidé d'ignorer foncièrement les tendances partisanes de chacun ; c'était ça ou se lancer dans un casse tête monumental de renouvellement massif du personnel de ses affaires. Tant que tout le monde restait discret en sa présence et ne faisait rien de bête -ou de dangereux- ça ne le concernait pas.