-Bon, ben comme j'disais à M'man... heureusement que pour l'île à thème du jour, on tombe sur un machin à pic. Et j'parle pas des montagnes enneigées. Ça va aller?
-Noooooon...
C'était une petite voix rauque et écharpée qui couina tristement de sous la masse de couettes qui faisait face à Dogaku. Avec en dessous sa partenaire, affublée d'un épais pyjama motif tartan des highlands, et la mine la plus piteuse qu'on lui ai connu depuis longtemps. Une véritable épave.
Pour sa part, il se portait très bien, à fortiori vu le temps qu'il avait passé dans la chambre d'une malade. Ce qu'elle avait n'était sûrement pas contagieux, personne n'avait rien eu. Et si les températures polaires qui régissaient l'écosystème de Drum faisaient râler allègrement Sigurd depuis plusieurs heures, il n'en était pas moins satisfait d'arriver là. Cela faisait maintenant de trop nombreux jours qu'Evangeline était clouée au lit par son malaise. Depuis qu'ils avaient quitté Reverse, en fait. Il avait expliqué que si personne ici ne trouvait rien pour la soigner, ils rentreraient tout de suite pour Luvneel, tant pis pour leur traversée. Il y a des choses avec lesquelles il ne plaisantait pas, et la santé de sa meilleure moitié en faisait évidemment partie.
-Vous voulez rien? Choco, thé, café? Ça va faire un moment que vous n'avez rien bu. Moi j'me prends un café, en tout cas.
Un simple hochement de la tête lui répondit la négative. Il s'en retourna donc à sa cafetière taillé à l'effigie d'un Homaréchal Luvneelois. À part cet élément et quelques autres qu'il avait installé dans la cabine à force de veiller sur l'autre, elle était très impersonnelle. Haylor n'avait même pas eu la force de décorer son petit espace de vie.
De toute manière, ça ne prendrait plus longtemps. Ils avaient demandé à ce qu'un médecin de l'île leur rende visite à domicile dès leur arrivée sur le port de cette ville. Les escargophones étaient toujours pratiques pour ça. Et Dogaku avait bien insisté pour qu'on explique que leur médecin de bord, pourtant très compétent, ne pouvait guère qu'atténuer le mal. Ça n'était pas une fièvre passagère. Et il payait rubis sur l'ongle pour qu'un expert vienne régler ça.
C'était dans ce genre de cas qu'il se disait qu'être cupide et riche à en vomir, c'était quand même une excellente situation. À condition que ça marche. Sinon, il n'aurait plus qu'à se maudire d'être venu sur cette mer.
En attendant, il ne pouvait que rester assis dans le fauteuil de cuir qu'il s'était fait installer ici, et continuer à aider l'autre à passer le temps quand elle ne dormait pas. Ça, ou déployer des trésors d'ingéniosité pour essayer de la divertir. Ils avaient écrit quelques chansons en prévision de leurs prochaines chasses au pirate sur Norland. C'était toujours magique, de les anéantir en faisant de l'opéra avec en arrière plan un choeur de quelques centaines de personnes.
Et sur la petite table à coté de lui, se trouvait la grille de mots croisés personnalisée qu'il s'était amusé à faire... pour qu'elle s'amuse autant à la résoudre. Ils en avaient bien ri, et l'avaient même faîte circuler dans l'équipage.
Quelques minutes après que le navire ait accosté, ils furent rejoints par le médecin de bord. Elle s'appellait Dorianne Salaiseau, une femme en fin de vingtaine à l'embonpoint naissant, et de figure quelconque. Peu portée sur le maquillage, avec une peau rèche et des cheveux déjà grisonnants qui lui avaient fait abandonner toute coquetterie.
-Oh, vous venez aussi?
-Ça me semble même préférable. Je pourrais répondre aux questions. J'ai suivi ma patiente depuis le début.
-Oh oui, correct. Alors du coup, reste qu'à attendre?
-Non non, pas besoin. Il est juste derrière moi.
Une succession de tocs tocs virulents claqua contre la porte, déjà ouverte. Sans attendre, une homme de très et trop grande taille, deux mètres cinquante au minimum, entra dans la cabine. Il avait toutes les peines du monde a ne pas racler le plafond de son crâne, et progressait courbé.
Il portait un énorme manteau de fourrure en hippopotame des neiges, et une écharpe -de l'angora de Tanuki, Sigurd le reconnaitrait les yeux fermés- qui cloisonnait depuis son col roulé jusqu'à ses yeux. C'était à se demander comment il y voyait.
-Bonjour!, l'accueillit spontanément Sigurd. Je vous débarrasse?
-Ça ira, merci. Elton Asmathae Kreygon. Toubib 54.
Un homme abrupt. À peine présenté, il ouvrit déjà sa mallette de métal et en sorti... non pas des instruments, mais de quoi prendre des notes. Il commença immédiatement à écrire, et ne s'arrêterait pas de tout le long. Il faisait partie de ceux qui n'avaient pas besoin de regarder ce qu'ils écrivaient pour le faire proprement.
-Sigurd Dogaku, et Evangeline Haylor, notre malade, répondit Dogaku en réponse. Juste pour ma culture... toubib 54?
-Le cinquante quatrième meilleur médecin du cercle de Drum.
-Oh. D'accord.
Au ton que Sigurd adopta, on pouvait presque voir qu'il ignorait encore ce que représentaient ce titre et cette position. D'un autre coté, il ne s'inquiéta pas. Avec Dorianne à ses côtés, il y avait au moins une personne capable de l'évaluer. Et elle n'avait que de très bons à-priori sur les toubibs. Il lui faisait confiance.
-Je vous conseille de partir, indiqua Kreygon. Je vais poser plein de questions indiscrètes pour lesquelles ma confrère et moi serons habilités à recevoir les réponses. Secret déontologique et longue expérience professionnelle nous permettant de nous détacher de beaucoup de choses. Mais comme je suis convaincu que vous ne voulez pas entendre la réponse à certaines des questions que je pourrais poser, je vous montre la porte du doigt.
-Ah? Je peux pas rester?
-Aucune idée. Je pourrais par exemple demander à votre amie si elle a récemment eu du...
-STOP. Sigurd, dehors, intima la malade.
-Eh? Il a encore rien dit.
-Et je ne veux même pas que l'on sache ce qu'il aurait pu dire. Sortez, merci.
-Sûrement des machins que j'ai pas non plus envie d'entendre, mwarharh. D'accord, je sors. Je vous fait quelque chose avant? Thé, choco, café?
-Un verre de jus de goyave fraîchement pressée agrémenté de tranches d'ananas, rétorqua le médecin pour lui dire de partir.
-Ok, je demande aux cuisines de faire ça. Et j'm'en prendrais bien un aussi, haha.
Et il s'exécuta de bon gré, arrachant même une expression de surprise au médecin. L'homme se retourna vers la porte fermée, sans cesser d'écrire dans son cahier.
-Je plaisantais?, demanda-t-il.
-Train de vie exorbitant, expliqua Salaiseau d'un air habitué. Si vous le demandez, ils l'ont. Même si c'est improbable. Mais on en profite bien.
-Mh. Commençons.
-Et donc c'est officiel, je suis allergique à Grandline.
Evangeline se fendit d'un grand sourire. Elle allait beaucoup mieux, déjà. Cocktail énergisant. Mais surtout, elle était maintenant armée de quoi se sentir beaucoup mieux pour le reste de la traversée, et de toutes celles à venir.
-Alors, vous aviez quoi?
-Je viens de vous le dire. Je suis littéralement allergique à l'équateur.
-...
Une simple demi-heure s'était écoulée entre l'arrivée du médecin de Drum et son départ. De la même manière qu'il avait décliné un café, il n'avait pas voulu rester pour le repas, sans s'étendre sur ses raisons. Alors Sigurd l'avait laissé partir, avec tout juste le temps de le remercier et de payer ses honoraires. Même pas de lui serrer la main.
D'un autre coté, Haylor allait tellement mieux maintenant qu'il n'en avait pas grand chose à faire. L'histoire était finie. C'était sûrement un bon médecin.
-Un excellent médecin, corrigea la jeune femme. Je fais partie des quatre pourcents de la population mondiale dont le corps est profondément perturbé par les champs magnétiques inhabituels de l'équateur.
-Euhein?
-Vous avez entendu.
-C'est quoi ces conneries?
-Eh bien...
Toujours sous sa couette, mais maintenant assise et beaucoup mieux portante (plus distinguée, aussi ; Sigurd la soupçonnait de s'être coiffée en un temps record), la miss lui désigna quelques pages de bloc-notes laissées par le médecin. Avec dessus, ce qui était la recopie exacte d'un extrait d'encyclopédie médicale. Le docteur Kreygon aimait documenter ses patients sur les sujets qu'il abordait, à fortiori quand ils étaient du genre studieux et attentifs. Et il savait reconnaître ces traits dans un comportement. Evangeline étaitde ce genre.
-Vous savez qu'on attribue toutes sortes de maux aux voies de GL? Les maladies en font partie. Et celle ci en fait partie.
-J'en ai jamais entendu parler?
-Elle est longtemps restée méconnue. Avec tout le tintouin que font les gens sur l'équateur, ils se sont simplement dits que ces états de faiblesse étaient la conséquence des conditions de vie difficiles...
-J'attends toujours de voir des conditions de vie difficiles hein...
-Peut être que le train de vie y joue?
-Chais pas. Moi je dis juste qu'avec un équipage réactif aux changements météo, GL c'est easy mode.
-Je disais donc conditions de vie difficiles, ou le simple fait que ces gens n'étaient pas à la hauteur. Ou pas assez de dorikis. Puisque seule l'élite mondiale a le droit de vivre et naviguer ici, après tout...
-Vous êtes tellement belle quand vous faîtes les mêmes remarques acides que moi...
-Je connais mon public. Et puis, bon. Quatre pourcents, ça touche des gens communs. Pas les célèbres. À moins que ça ne mette fin prématurément aux aventures de certains. Tout le monde n'est pas atteint dans les mêmes proportions, non plus. C'est moins voyant en général.
-Et comment ça se fait?
-Je me m'y connais pas du tout en magnétisme. Mais je crois que personne ne s'y connaît vraiment. Ça pourrait même être autre chose... mais en tout cas, le remède marche.
-Et c'est quoi?
-De simples gélules de sels marins à avaler. À raison d'une par jour, ça semble faire l'affaire. Et je vous assure qu'après ces deux semaines, je ne vais pas oublier de les prendre.
Il jetta un coup d'oeil aux gélules bleues et vertes, entreposées dans un petit coffret de bois. Le médecin en avait laissé quelques unes, mais il faudrait vite passer commande pour une livraison rapide par mouette postale. Ça ou laisser Evangeline dans son état d'éponge maladive pendant plusieurs jours.
Une contrainte dont ils se seraient bien passés, mais bon. Ça aurait pu être pire. C'était bien mieux qu'autre chose.
-Rhooo. Et moi qui disais que je pouvais pas blairer ces îles toutes petites à la réputation surfaite... chez vous c'est littéral. Merde, haha. Pas trop déçue?
-Pas maintenant. Je me sens... beaucoup mieux. Que diriez vous de sortir pour la journée? J'ai besoin de prendre l'air.
Il la regarda se redresser et s'étirer sans la moindre contenance. Avec le temps passé clouée au lit, ça ne le surprenait pas tant que ça. Il ria brièvement.
-Ouaaais, on peut sûrement aller faire les marioles dans la neige vu qu'on est équipés pour. M'y'a pas l'air d'avoir grand chose à faire sur c't'île non plus. Quelques bestioles exotiques, mais j'sûr qu'on en verra en ville. Le seul truc que j'trouve chouette, c'est un hippo des neiges. Comme un hippopotame, mais avec plein de fourrure, et ils ont l'air ridiculement mignons. Dans le genre gros câlin pelucheux. Après paraît que le château de glace -un bâtiment au centre de la principale colline de l'île- est un truc fantastique, et qu'on pouvait même y séjourner un temps... sauf que ce truc est en ruine et totalement en manque d'amour. Et comme d'hab, merci qui? Merci la marine et la révo! Quand vous en aurez marre de détruire le monde en faisant semblant de vouloir nous sauver, hésitez pas à le dire. Chuis sûr que ces clowns ont reçu des médailles suite à ça. Oui, y'a eu un affronterment ici et y'a eu beaucoup de casse que y'aurait pas s'ils restaient tous à comploter chez eux.
-Oh. Eh bien dans ce cas... combien de villes sur l'île? C'est bien le royaume de Drum, non?
-Deux villes, sûrement des villages par dessus, et une communauté de barbares qui vivent dans les montagnes. En d'autres termes, y'a pas grand chose.
-...
-C'est dur de rester de bonne humeur longtemps, hein?
-Non, il faut seulement... profiter de ce que l'on a.
-Complètement. [size=9]Mais GL c'est de la merde.]/size] Et je suis totalement partant pour une balade dans la neige. Vous me dîtes quand vous êtes prête? J'vais regarder la carte, histoire de savoir où on va.
-Je vous rejoins rapidement.
-Noooooon...
C'était une petite voix rauque et écharpée qui couina tristement de sous la masse de couettes qui faisait face à Dogaku. Avec en dessous sa partenaire, affublée d'un épais pyjama motif tartan des highlands, et la mine la plus piteuse qu'on lui ai connu depuis longtemps. Une véritable épave.
Pour sa part, il se portait très bien, à fortiori vu le temps qu'il avait passé dans la chambre d'une malade. Ce qu'elle avait n'était sûrement pas contagieux, personne n'avait rien eu. Et si les températures polaires qui régissaient l'écosystème de Drum faisaient râler allègrement Sigurd depuis plusieurs heures, il n'en était pas moins satisfait d'arriver là. Cela faisait maintenant de trop nombreux jours qu'Evangeline était clouée au lit par son malaise. Depuis qu'ils avaient quitté Reverse, en fait. Il avait expliqué que si personne ici ne trouvait rien pour la soigner, ils rentreraient tout de suite pour Luvneel, tant pis pour leur traversée. Il y a des choses avec lesquelles il ne plaisantait pas, et la santé de sa meilleure moitié en faisait évidemment partie.
-Vous voulez rien? Choco, thé, café? Ça va faire un moment que vous n'avez rien bu. Moi j'me prends un café, en tout cas.
Un simple hochement de la tête lui répondit la négative. Il s'en retourna donc à sa cafetière taillé à l'effigie d'un Homaréchal Luvneelois. À part cet élément et quelques autres qu'il avait installé dans la cabine à force de veiller sur l'autre, elle était très impersonnelle. Haylor n'avait même pas eu la force de décorer son petit espace de vie.
De toute manière, ça ne prendrait plus longtemps. Ils avaient demandé à ce qu'un médecin de l'île leur rende visite à domicile dès leur arrivée sur le port de cette ville. Les escargophones étaient toujours pratiques pour ça. Et Dogaku avait bien insisté pour qu'on explique que leur médecin de bord, pourtant très compétent, ne pouvait guère qu'atténuer le mal. Ça n'était pas une fièvre passagère. Et il payait rubis sur l'ongle pour qu'un expert vienne régler ça.
C'était dans ce genre de cas qu'il se disait qu'être cupide et riche à en vomir, c'était quand même une excellente situation. À condition que ça marche. Sinon, il n'aurait plus qu'à se maudire d'être venu sur cette mer.
En attendant, il ne pouvait que rester assis dans le fauteuil de cuir qu'il s'était fait installer ici, et continuer à aider l'autre à passer le temps quand elle ne dormait pas. Ça, ou déployer des trésors d'ingéniosité pour essayer de la divertir. Ils avaient écrit quelques chansons en prévision de leurs prochaines chasses au pirate sur Norland. C'était toujours magique, de les anéantir en faisant de l'opéra avec en arrière plan un choeur de quelques centaines de personnes.
Et sur la petite table à coté de lui, se trouvait la grille de mots croisés personnalisée qu'il s'était amusé à faire... pour qu'elle s'amuse autant à la résoudre. Ils en avaient bien ri, et l'avaient même faîte circuler dans l'équipage.
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Quelques minutes après que le navire ait accosté, ils furent rejoints par le médecin de bord. Elle s'appellait Dorianne Salaiseau, une femme en fin de vingtaine à l'embonpoint naissant, et de figure quelconque. Peu portée sur le maquillage, avec une peau rèche et des cheveux déjà grisonnants qui lui avaient fait abandonner toute coquetterie.
-Oh, vous venez aussi?
-Ça me semble même préférable. Je pourrais répondre aux questions. J'ai suivi ma patiente depuis le début.
-Oh oui, correct. Alors du coup, reste qu'à attendre?
-Non non, pas besoin. Il est juste derrière moi.
Une succession de tocs tocs virulents claqua contre la porte, déjà ouverte. Sans attendre, une homme de très et trop grande taille, deux mètres cinquante au minimum, entra dans la cabine. Il avait toutes les peines du monde a ne pas racler le plafond de son crâne, et progressait courbé.
Il portait un énorme manteau de fourrure en hippopotame des neiges, et une écharpe -de l'angora de Tanuki, Sigurd le reconnaitrait les yeux fermés- qui cloisonnait depuis son col roulé jusqu'à ses yeux. C'était à se demander comment il y voyait.
-Bonjour!, l'accueillit spontanément Sigurd. Je vous débarrasse?
-Ça ira, merci. Elton Asmathae Kreygon. Toubib 54.
Un homme abrupt. À peine présenté, il ouvrit déjà sa mallette de métal et en sorti... non pas des instruments, mais de quoi prendre des notes. Il commença immédiatement à écrire, et ne s'arrêterait pas de tout le long. Il faisait partie de ceux qui n'avaient pas besoin de regarder ce qu'ils écrivaient pour le faire proprement.
-Sigurd Dogaku, et Evangeline Haylor, notre malade, répondit Dogaku en réponse. Juste pour ma culture... toubib 54?
-Le cinquante quatrième meilleur médecin du cercle de Drum.
-Oh. D'accord.
Au ton que Sigurd adopta, on pouvait presque voir qu'il ignorait encore ce que représentaient ce titre et cette position. D'un autre coté, il ne s'inquiéta pas. Avec Dorianne à ses côtés, il y avait au moins une personne capable de l'évaluer. Et elle n'avait que de très bons à-priori sur les toubibs. Il lui faisait confiance.
-Je vous conseille de partir, indiqua Kreygon. Je vais poser plein de questions indiscrètes pour lesquelles ma confrère et moi serons habilités à recevoir les réponses. Secret déontologique et longue expérience professionnelle nous permettant de nous détacher de beaucoup de choses. Mais comme je suis convaincu que vous ne voulez pas entendre la réponse à certaines des questions que je pourrais poser, je vous montre la porte du doigt.
-Ah? Je peux pas rester?
-Aucune idée. Je pourrais par exemple demander à votre amie si elle a récemment eu du...
-STOP. Sigurd, dehors, intima la malade.
-Eh? Il a encore rien dit.
-Et je ne veux même pas que l'on sache ce qu'il aurait pu dire. Sortez, merci.
-Sûrement des machins que j'ai pas non plus envie d'entendre, mwarharh. D'accord, je sors. Je vous fait quelque chose avant? Thé, choco, café?
-Un verre de jus de goyave fraîchement pressée agrémenté de tranches d'ananas, rétorqua le médecin pour lui dire de partir.
-Ok, je demande aux cuisines de faire ça. Et j'm'en prendrais bien un aussi, haha.
Et il s'exécuta de bon gré, arrachant même une expression de surprise au médecin. L'homme se retourna vers la porte fermée, sans cesser d'écrire dans son cahier.
-Je plaisantais?, demanda-t-il.
-Train de vie exorbitant, expliqua Salaiseau d'un air habitué. Si vous le demandez, ils l'ont. Même si c'est improbable. Mais on en profite bien.
-Mh. Commençons.
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-Et donc c'est officiel, je suis allergique à Grandline.
Evangeline se fendit d'un grand sourire. Elle allait beaucoup mieux, déjà. Cocktail énergisant. Mais surtout, elle était maintenant armée de quoi se sentir beaucoup mieux pour le reste de la traversée, et de toutes celles à venir.
-Alors, vous aviez quoi?
-Je viens de vous le dire. Je suis littéralement allergique à l'équateur.
-...
Une simple demi-heure s'était écoulée entre l'arrivée du médecin de Drum et son départ. De la même manière qu'il avait décliné un café, il n'avait pas voulu rester pour le repas, sans s'étendre sur ses raisons. Alors Sigurd l'avait laissé partir, avec tout juste le temps de le remercier et de payer ses honoraires. Même pas de lui serrer la main.
D'un autre coté, Haylor allait tellement mieux maintenant qu'il n'en avait pas grand chose à faire. L'histoire était finie. C'était sûrement un bon médecin.
-Un excellent médecin, corrigea la jeune femme. Je fais partie des quatre pourcents de la population mondiale dont le corps est profondément perturbé par les champs magnétiques inhabituels de l'équateur.
-Euhein?
-Vous avez entendu.
-C'est quoi ces conneries?
-Eh bien...
Toujours sous sa couette, mais maintenant assise et beaucoup mieux portante (plus distinguée, aussi ; Sigurd la soupçonnait de s'être coiffée en un temps record), la miss lui désigna quelques pages de bloc-notes laissées par le médecin. Avec dessus, ce qui était la recopie exacte d'un extrait d'encyclopédie médicale. Le docteur Kreygon aimait documenter ses patients sur les sujets qu'il abordait, à fortiori quand ils étaient du genre studieux et attentifs. Et il savait reconnaître ces traits dans un comportement. Evangeline étaitde ce genre.
-Vous savez qu'on attribue toutes sortes de maux aux voies de GL? Les maladies en font partie. Et celle ci en fait partie.
-J'en ai jamais entendu parler?
-Elle est longtemps restée méconnue. Avec tout le tintouin que font les gens sur l'équateur, ils se sont simplement dits que ces états de faiblesse étaient la conséquence des conditions de vie difficiles...
-J'attends toujours de voir des conditions de vie difficiles hein...
-Peut être que le train de vie y joue?
-Chais pas. Moi je dis juste qu'avec un équipage réactif aux changements météo, GL c'est easy mode.
-Je disais donc conditions de vie difficiles, ou le simple fait que ces gens n'étaient pas à la hauteur. Ou pas assez de dorikis. Puisque seule l'élite mondiale a le droit de vivre et naviguer ici, après tout...
-Vous êtes tellement belle quand vous faîtes les mêmes remarques acides que moi...
-Je connais mon public. Et puis, bon. Quatre pourcents, ça touche des gens communs. Pas les célèbres. À moins que ça ne mette fin prématurément aux aventures de certains. Tout le monde n'est pas atteint dans les mêmes proportions, non plus. C'est moins voyant en général.
-Et comment ça se fait?
-Je me m'y connais pas du tout en magnétisme. Mais je crois que personne ne s'y connaît vraiment. Ça pourrait même être autre chose... mais en tout cas, le remède marche.
-Et c'est quoi?
-De simples gélules de sels marins à avaler. À raison d'une par jour, ça semble faire l'affaire. Et je vous assure qu'après ces deux semaines, je ne vais pas oublier de les prendre.
Il jetta un coup d'oeil aux gélules bleues et vertes, entreposées dans un petit coffret de bois. Le médecin en avait laissé quelques unes, mais il faudrait vite passer commande pour une livraison rapide par mouette postale. Ça ou laisser Evangeline dans son état d'éponge maladive pendant plusieurs jours.
Une contrainte dont ils se seraient bien passés, mais bon. Ça aurait pu être pire. C'était bien mieux qu'autre chose.
-Rhooo. Et moi qui disais que je pouvais pas blairer ces îles toutes petites à la réputation surfaite... chez vous c'est littéral. Merde, haha. Pas trop déçue?
-Pas maintenant. Je me sens... beaucoup mieux. Que diriez vous de sortir pour la journée? J'ai besoin de prendre l'air.
Il la regarda se redresser et s'étirer sans la moindre contenance. Avec le temps passé clouée au lit, ça ne le surprenait pas tant que ça. Il ria brièvement.
-Ouaaais, on peut sûrement aller faire les marioles dans la neige vu qu'on est équipés pour. M'y'a pas l'air d'avoir grand chose à faire sur c't'île non plus. Quelques bestioles exotiques, mais j'sûr qu'on en verra en ville. Le seul truc que j'trouve chouette, c'est un hippo des neiges. Comme un hippopotame, mais avec plein de fourrure, et ils ont l'air ridiculement mignons. Dans le genre gros câlin pelucheux. Après paraît que le château de glace -un bâtiment au centre de la principale colline de l'île- est un truc fantastique, et qu'on pouvait même y séjourner un temps... sauf que ce truc est en ruine et totalement en manque d'amour. Et comme d'hab, merci qui? Merci la marine et la révo! Quand vous en aurez marre de détruire le monde en faisant semblant de vouloir nous sauver, hésitez pas à le dire. Chuis sûr que ces clowns ont reçu des médailles suite à ça. Oui, y'a eu un affronterment ici et y'a eu beaucoup de casse que y'aurait pas s'ils restaient tous à comploter chez eux.
-Oh. Eh bien dans ce cas... combien de villes sur l'île? C'est bien le royaume de Drum, non?
-Deux villes, sûrement des villages par dessus, et une communauté de barbares qui vivent dans les montagnes. En d'autres termes, y'a pas grand chose.
-...
-C'est dur de rester de bonne humeur longtemps, hein?
-Non, il faut seulement... profiter de ce que l'on a.
-Complètement. [size=9]Mais GL c'est de la merde.]/size] Et je suis totalement partant pour une balade dans la neige. Vous me dîtes quand vous êtes prête? J'vais regarder la carte, histoire de savoir où on va.
-Je vous rejoins rapidement.