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On ne badine pas avec les rats

Ça m'apprendra à être trop bouffie de certitudes, pour une fois dans ma vie j'aurais mieux fait d'écouter.

- Ici, on manque de barricades ! APPORTEZ PLUS DE SACS DE SABLE !!
- TROIS PIÈCES D'ARTILLERIE PLUS EN AMONT ! UNE COULEUVRINE AU CENTRE... JE VEUX TOUS LES MORTIERS...

Immobile face à la pagaille militaire qui vient désordonner la plage nord de l'île, déserte hier encore, j'observe les hordes de tuniques blanches et bleues de la Marine grouiller dans une zizanie rocambolesque et s'évertuer à bâtir des positions pour défendre différents points stratégiques dont l'importance m'échappe. Amusée, je ne peux m'empêcher de différencier les fourmis dans leurs tâches : entre ceux qui donnent des ordres et beuglent comme pas possible, ceux qui se baladent avec toutes sortes d'armureries sur les épaules et les autres qui s'épuisent à porter sur le dos d'épais sacs de sable en courant tous azimuts pour respecter les ordres de leurs supérieurs. Les yeux encore voilés de sommeil, j'avais découvert ce spectacle tout en continuant à marcher en compagnie de mes semblables, ces autres corbeaux vêtus de noir qui, comme moi, ne participeraient pas à ce charnier. Sans même m'en rendre compte, j'avais alors ralenti le pas jusqu'à me stopper totalement en cherchant des yeux les voiles brunes à l'horizon, encore si lointaine à l'oeil nu, mais désespérément plus proches à chaque minute écoulée. J'avais alors remarqué à quel point la tension était palpable dans l'air, mon regard étant furtivement rejoint par des dizaines, des centaines d'autres, par les yeux innocents des mousses participant à leur première bataille et les regards des officiers endurcis par le sang et la chair qu'ils ont dû taillader maintes fois. Hormis l'odeur de poudre à canon, je pouvais aussi reconnaître celle de la peur et celle de la mort. Au vu du nombre de voiles noires qui voguaient au loin, nous ne possédions clairement pas l'avantage et les dogmes que je m'étais bâti commençaient lentement à s'effilocher.

- Nous devons y aller. vient soudain grommeler James en m'arrachant à mes funestes pensées en me saisissant l'épaule d'une poigne sèche pour détourner mon regard hébété de l'océan.

Reprenant donc la route, je reste néanmoins pensive, récapitulant l'enchaînement des derniers événements pour faire un peu de ménage dans mon esprit. Arrivés dans la nuit, les quelques régiments envoyés pour nous défendre avaient à peine eu le temps de mettre pied à terre et décharger leur matériel qu'ils devaient déjà, aux premières lueurs du jour, creuser des trancher et bâtir des fortifications pour accueillir les premiers navires pirates apparus à l'aube. C'était un martellement sur la porte de ma chambre qui m'avait réveillée en sursaut, m’accommodant d'un air furieux au moment d'accueillir le fauteur de trouble qui n'était autre que mon supérieur dont la mine grave me fit rapidement comprendre l'état de la situation. Je m'étais alors préparée aussi rapidement que possible pour expressément lever le camp en direction de la berge au nord de l'île, là où l'intégralité de l'équipe était censée se réunir. L'esprit encore embrumé par les quantités astronomiques de bière que j'avais pu avaler la veille au soir, j'avais difficilement progressé d'un pas lent aux côtés du vieillard dont la marche militaire et rigoureuse semblait impossible à suivre.

Remarquant enfin que mon jugement n'avait cessé d'être altéré par les différentes idées reçues ou préconçues que je m'étais faites du bonhomme, j'en étais finalement venue à le discerner en détail qu'au cours de notre course matinale, à moitié dans la pénombre du soleil levant. Cette fois-ci vêtu d'un ensemble gris passe-partout, le gaillard trainait aisément sa dégaine de Cipher Pol et communiquait une sorte de prestance, de charisme que j'avais d'abord eu du mal à identifier. Malgré tout, son regard ne se voulait pas dur et ses traits sévères, l'homme conservait, malgré ma lourdeur, une expression cordiale et presque chaleureuse.

Spoiler:

- C'est une habitude, au CP8, de boire autant avant les batailles ? Tu sais, tu n'avais pas besoin de me suivre, petite. avait-il brisé le silence, un sourire en coin.

Bien évidemment, il n'avait pas pu s'empêcher de la ramener en faisant prévaloir son statut social, hautement supérieur, de chef d'équipe du CP9. Mais quand bien même j'aurais pu mal le prendre avec n'importe quel péquenaud de la division, ici le ton léger de Larson était nettement communicatif et, pour la première fois, je me retrouvais sans répartie, idiote.

- Tu verras, les gars de l'équipe peuvent parfois être un peu durs ou impolis, voire même hautains... mais c'est des braves gars.


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Sam 11 Juin 2016 - 18:30, édité 2 fois
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- C'est qui cette pouffe ?

L'accueil sur le lieu de rendez-vous n'avait pas été pour le plus chaleureux, j'avais heureusement été prévenue. Recevant à la fois des regards amusés, moqueurs ou bien méfiants, les agents sous la coupe de Larson étaient pour la plupart comme il l'avait décrit : arrogants et hautains. Formant une équipe d'une douzaine de larrons, il n'était absolument pas possible de tous les mettre dans le même sac. Certains semblaient trop calmes, trop froids, d'autres avaient un tempérament plus chaud et hésitaient moins à se la raconter. En arrivant, nous avions par ailleurs interrompu la discussion entre deux zigs racontant leurs prouesses avec les catins qu'ils avaient pu dénicher dans le pays, mais à côté un autre agent aiguisait tranquillement un couteau de chasse en silence tandis qu'un quatrième s'amusait avec le barillet de son revolver. Définitivement moins brutal que tous les autres, c'est un énième gaillard qui était venu vers moi, l'allure grandiloquente, le timbre fragile, l'haleine aigrelette, m'adressant la parole presque dans une courbette sans néanmoins baisser le regard.

- Gente demoiselle, vous seriez-vous perdue ? Ce n'est point un endroit pour de jeunes femmes dans votre... style. m'avait-il fait en me reluquant de bas en haut, les lèvres figées dans une expression de dédain.

- Il pense que tu es une prostituée, Anna-chan.

Je n'avais alors pu résister à ce dernier affront, relâchant sur un ton désagréable :

- Je ne savais pas que le CP9 accueillait des femmelettes dans votre genre en son seing.

Piqué à vif, l'agent avait alors dardé sur moi un regard inquisiteur sans pour autant bouger le moindre petit doigt, avant de finalement retourner à ses occupations le temps de se préparer à partir. Ramenant le regard de ses équipiers sur lui par une quinte de toux obligée, Larson avait alors fait comprendre qu'il était temps de mettre les voiles. Et après quelques minutes d'ascension et de déplacement entre les barricades de sacs de sable, voilà que je me retrouvais finalement au sommet de la falaise séparant la plage du reste de l'île, regardant s'approcher inexorablement les navires ennemis, m'interrogeant sur les chances de succès des troupes de la Marine en contrebas - sur cette plage comme sur l'autre - avant de suivre le reste du groupe en direction de l'aile nord du Laboratoire de Bulgemore.

***

- Comme par hasard, pas de loups robots cette fois-ci. glissé-je au chef d'équipe se tenant à mes côtés, tandis que nous progressons dans l'obscurité épaisse d'un sous-bois bordant les ruines immenses du laboratoire abandonné.

- Ils ne doivent attaquer que les individus isolés, restons tout de même sur nos gardes, nous ne sommes pas à l'abri du danger.

Gardant une expression fermée, le vieillard ponctue finalement sa phrase en quittant mon flanc pour aller échanger quelques mots avec l'homme aux froufrous de tout à l'heure. Et c'est l'agent au couteau de chasse qui vient subitement prendre sa place pour me glisser :

- Vanderspool.

Surprise, je lève un sourcil pour marquer mon air interrogateur.

- C'est mon nom. Vanderspool Alvaro. Tu dois être l'agent du CP8 que l'on est chargés de protéger, enchanté. explique-t-il tout en me tendant la main.

- Ah... Annabella Sweetsong. fais-je tout en la lui serrant, légèrement perturbée par cette conversation un poil trop normal pour les individus que nous sommes.

Loin d'être choqué, le bonhomme continue néanmoins, présentant tour à tour ses collègues et ajoutant quand nécessaire quelques détails sur leurs spécificités. Certains sont désignés par leur nom complet, d'autres leur alias, d'autres juste leur prénom : John le Miteux et ses techniques de jambes, Mika Domino fada des armes à feu, la Fayette le philosophe du groupe... et Vincent Kayne.

- Ne t'arrête pas à ses airs de bourgeois nobliau, il a beau être un peu perché, il m'a sauvé la vie plus d'une fois, c'est pas un mauvais type.

Hochant la tête, je reste néanmoins coi, le regard rivé sur la neige caillouteuse qui recouvre le sol terreux du chemin quasiment effacé et les racines qui y sont sournoisement dissimulées. Enfin, après dix minutes supplémentaires de trajet ponctuées de temps à autre par un semblant de conversation, j'arrive enfin à discerner la lisière du bois devant nous tandis que les arbres morts et les pins enneigés s'effacent pour laisser place à une toundra désertique entourant la façade nord du laboratoire.

Soudain, alors que notre piteux cortège parvient péniblement à s'écarter des quelques conifères restants, un hurlement grave et rauque vient retentir dans l'étendue blanche et brouillardeuse qui nous entoure. Un cri inhumain qui n'est ni animal, ni même vivant, bientôt suivi d'un second, puis d'un troisième, mais dont les échos semblent retranscrire efficacement un grincement métallique semblable à deux plaques de taule froissées.

- Les loups, ils nous ont retrouvé ? fais-je en direction de mon mentor, stupéfaite.

Affichant un visage légèrement dubitatif mais toujours aussi peu expressif, le chef d'équipe garde quant à lui le regard rivé vers le lieu de provenance des hurlements, définitivement masqué par la brume environnante. Ponctuant un silence de plusieurs longues secondes, c'est méthodiquement, syllabe après syllabe, qu'il prononce enfin :

- On court. Au laboratoire. Maintenant !
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Lentement, trop lentement. Incapacités par la neige montant à hauteur des hanches, nous évoluions difficilement sur le chemin de poudreuse que dessinait devant nous Larson, en tête de la fine équipe. Quelques minutes plus tôt, Vanderspool s'était bien essayé à utiliser le Soru mais l'excès de neige avait totalement stoppé ses mouvements, ralentis au point de paraître tout bonnement ridicules pour n'importe quelle personne voyant la scène de l'extérieur. De l'autre côté, les hurlements semblaient s'amplifier, bien que l'on se doutait très bien que ce n'était qu'un signe indubitable de la distance se réduisant inexorablement entre nous et l'ennemi. Puis, après plusieurs minutes supplémentaires passées à galérer dans le froid, voilà que je les vois désormais. Ces trois grandes silhouettes sombres transperçant la pureté grisée de la purée de poix qui nous encercle, trois immenses montagnes vrombissant sous leurs cris, macabres, surnaturels.

- Bon sang comment je peux être aussi lente. me dépêtré-je difficilement.

Pourtant, il n'y avait pas de mystère, la réponse à cette question était simple : la taille. De toute l'escouade, j'étais la plus petite et la plus fine. Sans le rokushiki, j'étais quasiment privée de force dans cette épreuve de grandes personnes. En bref, j'étais plus lente que les autres.

- Allez cocote bouge-toi ! On y est presque.

A ces mots, Vanderspool avait cessé sa course pour m'attendre avec un autre de ses collègues pour finalement venir surveiller mes arrières, tandis que je me battais comme une belle diablesse pour continuer à avancer. Fragile, je me sentais faible, les os atteints par le froid, la peau humide et blanche, gelée, des perles d'eau figées sur mes cils m'empêchant d'avoir une bonne vision. Le laboratoire était-il si près ? De mon œil unique je n'y voyais rien, je ne faisais que fuir un mal invisible qui nous coursait tous, mettant pour la première fois des camarades en péril. Et dire que la mission ne faisait que commencer.

BRRRAAAAOOOORRRRGGG !!

Résonnant dans l'espace, sondant les flacons transportés dans les airs, le hurlement vient soudain prédire un affrontement inévitable, lourd gong annonçant l'entrée en jeu d'un nouvel adversaire, sinon trois. Car par mégarde, je n'avais pu m'empêcher de tourner la caboche en direction du cri et identifier hasardeusement l'identité probable de nos poursuivants.

- Des... des ours ?

Fonçant sur nous tous griffes et crocs sortis, un trio d'imposants grizzly mécaniques aux articulations rouillées et oxydées par le temps étaient à nos trousses, évoluant sur le tapis neigeux avec autant d'aisance qu'un nourrisson dans le ventre de sa mère. Tournant la tête pour à nouveau faire face à ce vers quoi nous nous dirigeons, je peux finalement discerner une grande bâtisse sans fenêtres ou presque avec une immense porte jaune et noire en guise d'accueil, faiblement éclairée par un lustre implémenté dans le béton. Visiblement le premier à rejoindre ce qui ressemble de plus en plus à une écoutille, Vincent Kayne se charge vivement de joindre l'équipe de scientifiques travaillant à l'intérieur de la bâtisse pour que ceux-ci nous ouvrent le sas.

- QU'EST-CE QU'ILS BRANLENT ?! s'écrie violemment Alvaro, balayant à grands pas la neige sur mon flanc gauche.

BRRRROOOAARRRRRRR !!

Alors que les longues secondes de course nous approchent pas à pas de l'entrée, l'agent du CP9 bientôt secondé par son chef d'équipe ne semblent pas trouver de réponse au bout du fil. Haletant comme pas possible, la condensation expulsée par ma bouche vient se figer dans un voile de glace sur mon visage, tandis que mes jambes tentent encore et encore de se frayer un chemin dans la neige pour finalement...

BLOM !

Trop rapide pour que j'arrive à comprendre. Une ombre noire, un craquement sinistre et me voilà propulsée sur le côté, finissant ma chute dans un tas de neige. Légèrement sonnée, je me redresse sans trop comprendre le pourquoi du comment, avant de recouvrer mes esprits et de me retourner pour finalement faire face à ce qui vient de me percuter.

Du haut de ses trois ou quatre mètres, il était là, les prunelles rougeoyant comme mille feux, les plaques de métal tordues, une armure gigantesque animée. Il m'observait, il me toisait. J'étais son dîner.

J'étais seule.
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Temporairement immobile, la carcasse s'agite enfin pour venir m'écraser de sa gigantesque patte dardée de lames en acier en guise de griffes, comme pour mettre fin à la contemplation de son repas préparé, comme pour finalement passer à table. L'esprit encore dans le flou suite au choc, une cascade maladroite sur le côté arrive à me faire éviter la collision au prix de la vulnérabilité de mon dos pour l'ennemi. Arrivant néanmoins à me ressaisir au moment où l'ours se redresse, je roule une nouvelle fois sur mon flanc pour parvenir à me remettre debout tant bien que mal. Dardant un œil rapide sur l'espace qui entoure notre combat, je remarque les autres agents aux prises avec les deux congénères de l'ours mal léché qui me fait face. Bien que la victoire du combat soit assurée, il est vital pour moi de réussir à gagner du temps.

- Je ne peux pas me permettre une seule égratignure. Pas maintenant.

Je profite alors que ma vue redevienne progressivement plus claire et que les étoiles s'effacent pour essayer de percevoir à l'avance les mouvements de mon opposants.

- Un crochet du droit suivi d'une morsure. Là, saute !

Saisissant le moment où le grizzly s'apprête à agir, je fais donc un bond en arrière avant de me baisser pour esquiver ses crocs. Malheureusement loin d'être parfait, mon haki n'avait hélas pas prévu un second coup de griffe manquant de me décapiter, qui au lieu de ça me laisse un profonde balafre sur la joue. Roulant une nouvelle fois sur le côté pour tâcher de prendre mon adversaire à revers, je finis enfin par contre-attaquer en enfonçant un poing renforcé par le rokushiki dans la lourde armure de plaques de l'animal robotique.

BROOOARRRR !!

Assez réaliste pour gémir, voilà que le robot riposte soudain en m'envoyant un revers de la patte dans les jambes, m'envoyant valdinguer plus loin dans la poudreuse. Relevant le regard juste à temps, j'arrive une énième fois à esquiver les gestes lents et prévisibles de la bête qui cherche une fois de plus à m'empaler avec l'un de ses sabres. Les vêtements mouillés par un liquide noirâtre, je panique en croyant avoir été blessée avant de comprendre qu'il s'agit d'une sorte d'huile s'échappant de la plaie béante de l'ours.

- Si tu saignes, c'est qu'on peut te tuer. déclaré-je, les dents serrées, tout en me redressant pour faire face à la machine de guerre.

Avec un seul hurlement en guise de réponse, la bête décide alors de me charger pour me faire taire. Avec surprise, je remarque alors que j'ai les pieds posés sur quelque chose d'assez dur et d'assez sec pour effectuer un mouvement pouvant mettre un terme au combat. Priant pour que le bloc de glace sur lequel je me trouve ne cède pas trop rapidement, je reste donc immobile face au monstre fonçant sur moi, avant d'enfin décoller le talon du sol.

- Geppou !

Effectuant une suite de petits bonds dans les airs, comme semblant marcher sur les degrés d'un escalier invisible, j'arrive immanquablement au-dessus du dos de la bestiole. Je ne peux alors que saisir cette opportunité de mettre fin au combat en un coup.

- JUGON !!

Après m'être contrebalancée pour me retrouver sens-dessus-dessous, je cible finalement la base du crâne du robot pour y balancer un coup de poing dévastateur, traversant la coque en acier, les circuits imprimés et tranchant net les fils pour décapiter sobrement la tête de la bête dont le corps, désactivé, vient rapidement suivre la chute dans un bruit lourd et métallique. Et c'est près de la carcasse fumante et grésillante que je viens à mon tour rejoindre le sol.

Simultanément, les autres combats semblent s'être résolus de manière plus ou moins similaire. Aucun mort n'est à déplorer et seul un agent semble avoir été gravement blessé. Me rapprochant de la porte pour identifier le corps allongé contre le mur tandis que la porte d'entrée s'ouvre enfin, j'identifie le visage de l'agent avec qui j'avais le plus d'affinités, horriblement amoché par une vilaine trace de griffe l'ayant énucléé de l'oeil gauche : Vanderspool.

- ...je te dis que je peux encore me battre !

- Tu t'es vu Alvaro ? Tu as le visage en sang mon garçon.

- Ça ? C'est rien, juste une égratignure, je peux encore tenir debout. conclue-t-il tout en se relevant à l'aide du mur de l'entrée. Un peu de désinfectant, quelques pansements et c'est bon. Tu l'as dit toi même, vieil homme : on ne peut pas se permettre de perdre un seul homme au cas où les pirates viendraient à atteindre le laboratoire.

Après un long silence, c'est par une approbation que le chef d'équipe répond, visiblement dérangé à l'idée de risquer la vie de l'un de ses hommes, chose qui ne manque pas de me choquer.

- Qui aurait cru que le CP9 était si humain, hein Anna-chan ?

- Personne. réponds-je instinctivement.

- Tu as dit quelque chose, la fifre du CP8 ? intervient subitement Vayne dont je ne remarque la présence que maintenant.

Crispant automatiquement les poings à la vue de l'agent, je reste néanmoins coi et entre à mon tour dans le laboratoire, à la suite d'Alvaro épaulé par l'un de ses collègues dont la démarche lente et mal assurée les amène progressivement vers l'infirmerie. Enfin, après avoir emprunté un réseau de couloirs larges puis étroits menant sur plusieurs pièces aux utilités diverses et variées, nous voilà finalement dans la pièce centrale du laboratoire où sont produites les pièces détachées des pacifista ainsi que...

- Des prothèses cybernétiques !
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- C'est ce qui t'intrigue la borgne ? T'espères trouver quoi dans ce tas de ferrailles, un œil ?

Très exactement, oui. Laissant de côté les piques et boutades de gusse aux froufrous, je ne peux m'empêcher de progresser au milieu de la grande pièce présentant de nombreux ateliers et espaces de travail jonchés d'outils et de matériaux fascinants. Ici, prothèses de bras, de jambes et organes artificiels se mêlent aux piles de feuilles volantes, aux instruments de mesures, aux flacons d'huile et aux fers à souder tandis qu'aux quatre coins de la salle se trouvent d'immenses machines servant à plier, compresser, trouer, forer... Nul doute, nous étions bien dans un laboratoire, au milieu des sciences et de la recherche. Ici peut-être allais-je trouver ce que l'on m'avait promis.

- C'est très probable, mais pas ici. déclare soudain une voix qui vient interrompre ma découverte, celle d'un homme assis sur une chaise derrière l'un des bureaux, jeune, blond, les yeux bleus brillant derrière de grands carreaux rectangulaires de lunettes hasardeusement fixées sur le bout du nez. Pardonnez-moi d'avoir mis autant de temps à vous ouvrir, j'étais quelque peu occupé.

En réponse à cette dernière remarque, certains agents se fendent par des soupirs las, d'autres par des grincements de dents. Intervenant avant qu'un autre ne s'en charge, Larson s'empresse tant bien que mal de calmer le jeu, non sans conserver dans le ton de sa voix une pointe d'acidité.

- Et pendant que vous étiez occupé au chaud et en sécurité, des ours robots de trois mètres nous tailladaient gentiment dehors. Nicolas Nutesla je présume ?

Décomposant son expression joviale pour un regard se voulant désolé, voilà que l'homme se lève enfin comme s'il venait de se rappeler qu'il était de coutume d'accueillir ses visiteurs.

- C'est cela et vous James Larson ? Serrant vivement la main du vieillard tout en acquiesçant, il finit par desserrer sa prise pour lever les bras en geste d'impuissance. Excusez l'état dans lequel se trouve mon laboratoire, bien que j'aie congédié mes hommes hier soir en leur demandant de ranger leurs affaires, ils semblent n'en faire qu'à leur tête...

- Oui, j'ai cru comprendre que vous aviez quelques difficultés à vous faire respecter ici... vient tonner en réponse mon supérieur dont les sourcils laissent transparaître un air de sévérité que je lui découvre pour la première fois. Je ne sais pas si le message vous est parvenu, mais les pirates étaient déjà au large ce matin aux aurores. Ils doivent avoir débarqué à présent. Vous devriez aller vous réfugier tant qu'il en est encore temps, au cas où les régiments de la Marine venus pour défendre cet endroit ne suffiraient pas à faire barrage de leurs corps.

Sombre et solennelle, cette dernière formulation vient davantage donner l'impression d'être une affirmation plutôt qu'une hypothèse. Comme moi, Larson avait vu les préparatifs des Marines, comme moi il se doutait que les pirates n'allaient pas se limiter aux plages et arriveraient tôt ou tard à rejoindre le laboratoire. Et cependant, même si cette dernière phrase se voulait claire pour chacun d'entre nous dans cette pièce, l'ingénieur, lui, ne semblait pas comprendre la véritable intensité des propos.

- Désolé, je ne peux pas partir en laissant mon travail ici, j-

Sans avoir le temps de terminer sa phrase, c'est instantanément que le blondin se retrouve alors suspendu en l'air, les pieds s'ébattant stupidement d'avant en arrière comme pour chercher à toucher un sol inexistant, tandis qu'une poigne de fer venue enserrer le col de l'intellectuel le maintient à niveau sans faillir une seule fois.

- Ce n'était pas une proposition, monsieur Nutesla.

- Vous ne pouvez pas vous en prendre à moi, je dirige cette unité, je suis le... commence alors le scientifique, rouge de colère ou bien de honte mais les mains ballantes, grandes ouvertes comme pour éviter le combat.

- Vous êtes idiot. Nous ne pouvons pas empêcher cet endroit de subir des dégâts au cours de la bataille, mais nous pouvons vous empêcher de mourir. Si vous êtes bien le grand scientifique que l'on prétend, alors courrez vous réfugier et sauvez votre vie.

Répandant dans la pièce un froid considérable, je comprends alors que le chef d'équipe ne se grandit pas uniquement dans le but d'impressionner le fonctionnaire comme beaucoup au Cipher Pol l'auraient fait, profitant de leur stature et de leur rang. Non, c'est davantage une tactique, dans l'optique de faire croire au gusse que sa vie vaut tellement plus que celle d'un autre en se donnant la peine de se battre pour qu'il la sauve, pour qu'il se bouge le derche. Bien évidemment, c'est après quelques secondes de silence que le larron mord finalement à l'hameçon, comme atteint par un éclair presque apparent de lucidité.

- Je... entendu, je plie bagages dès maintenant. Je... Merci. conclut-il tout en replaçant maladroitement son col une fois reposé à terre.

Les jambes flageolantes, le teint livide, voilà que l'homme s'exécute enfin en saisissant à la va-vite un manteau posé sur une chaise et une caissette non loin. Boutonnant rapidement l'épaisse veste jusqu'au cou, le gaillard se fend finalement d'une dernière révérence avant de fuir comme si la peste était à ses trousses. Et une fois le sas de l'entrée fermement verrouillé, le coordinateur de se tourner vers nous en se frottant les mains.

- Bien, voilà une bonne chose de faite, alors commençons les préparatifs. Vayne, je veux que vous surveilliez la porte d'entrée avec Lafayette. John le miteux et Domino, je vous veux ici en soutien. Gueule-d'ange, prépare les explosifs. Sweetsong... bon sang Sweetsong qu'est-ce que tu fous là ? Tu devrais déjà être partie chercher ce satané cœur, je me trompe ?
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Aussi adéquate qu'elle soit, l'expression "chercher une aiguille dans une botte de foin" ne parvient malheureusement pas à illustrer la problématique de la situation dans laquelle je me trouve : pour ça, il aurait fallu que je sache à quoi ressemble la fameuse aiguille.

- Chercher un cœur de Pacifista, t'es marrant toi, mais ça ressemble à quoi ? râlé-je tout en me précipitant de salle en salle, d'entrepôt en entrepôt, dans cet immense complexe réservant toujours plus de surprises à chaque seuil franchi.

Mon coordinateur m'avait bien transmis quelques informations pendant que nous faisions route vers le laboratoire, ainsi je connaissais parfaitement le danger que représentait la destruction de l'objet, mais peu de choses vis à vis de son apparence. Sous prétexte d'être rarissimes, on ne trouvait de vrais cœurs de Pacifista encore en état de marche que dans les endroits les plus surveillés de cette partie du monde... mis à part ce laboratoire. Et, manque de chance, le Directeur étant nouveau dans le coin, il aurait été inutile d'espérer de lui une réponse quant à la location d'une pièce détachée vieille de plus de cent ans. De toute façon, il était déjà loin : trente minutes s'étaient déjà écoulées depuis son départ du laboratoire.

- Petit, rond, sphérique. Ça m'aide vachement : c'est pas ce qui manque ici, les objets petits, ronds et sphériques. fais-je tout en renversant nonchalamment le contenu d'une étagère par terre.

Haletante à cause du stress et du temps qui ne cesse de filer, je m'oblige néanmoins à faire une pause, m'agenouillant dans un coin de la petite pièce obscure, faiblement éclairée par une lampe se trouvant dans l'un des nombreux couloirs que je viens de traverser.

- Foutu laboratoire, un vrai labyrinthe. Toutes les pièces se ressemblent.

Mise à part la pièce centrale, toutes les autres salles faisaient généralement moins de vingt mètres carrés et servaient principalement à entreposer des outils, des matériaux, des pièces détachées... mais jamais les bonnes. Et vu le nombre de pièces de ce style, si je devais continuer à toutes les fouiller j'étais sûre de ne jamais réussir à trouver l'objet convoité à temps.

- Au moins, si je ne le trouve pas, alors les pirates non plus.

- Mais... si c'est un objet vieux, peut-être qu'il se trouve dans un endroit vieux aussi, non ?

L'idée m'avait déjà traversé l'esprit, mais à moins d'enfoncer chaque porte, il n'y avait aucun moyen de savoir ce qu'il se cachait derrière. Les scientifiques devaient connaître l'endroit par cœur et ne semblaient pas avoir besoin d'indications, mais lorsque l'on n'était pas du coin, c'était peine perdue de se repérer.

Et l'espoir de finalement s'amoindrir à mesure que je dévalise littéralement les différentes salles, devenant progressivement plus brutale et moins attentionnée à l'égard des inventaires que je jette désormais à terre sans plus me poser de questions. Mais malgré ma mauvaise humeur palpable, je ne peux que continuer, tâtonnant à l'aveugle de façon ridicule, ouvrant des portes menant sur nul part ou en tout cas bien loin de la pièce d'archives que je convoite. Petit à petit alors, les couloirs deviennent de plus en plus sombres, semblent s'enterrer davantage sous la montagne insolite que représente l'ancien laboratoire, m'amenant de façon plus fréquente dans des pièces désertes, poussiéreuses et humides. C'est enfin au moment où je me vois obligée de saisir une lanterne à huile pour progresser dans la pénombre que je comprends où mes recherches m'ont amenée.

Dans la partie abandonnée du laboratoire du Bulgemore.
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Les ténèbres. A nouveau je me surprends à croupir dans un endroit sombre, un endroit froid, dans cet élément qui me compose et me distingue, me rappelle les hantises de mes nuits et ma peur de l'invisible. Bientôt mes pieds viennent systématiquement balayer sur le sol une couche compacte de poussière laissant des traces de pas évidentes dans mon sillon pour quiconque a assez de lumière pour les voir, bientôt je me vois frémir en poussant les portes une à une, toujours, pour distinguer derrière des matériels de recherche. Différent, l'endroit est différent, car au fur et à mesure je m'éloigne de l'Aile Nord pour m'enfoncer dans les méandres labyrinthiques de la science, découvrant des expériences abandonnées toujours riches en réceptacles emplis de liquides mystérieux. Est-ce la peur ou est-ce l'adrénaline qui me fait trembler, tandis que d'une main incertaine j'abandonne la pièce aux innombrables béchers et flacons pour revenir dans le couloir et poursuivre ma route.

Les ténèbres et le silence, épisodiquement perturbé par le tintement d'une goutte s'échappant d'une canalisation, par le grincement de la taule qui compose les murs de cet immense édifice abandonné. J'évolue alors en trainant des pieds, en me figeant de temps à autres, en restant stoïque devant de nouvelles portes, devant de nouvelles salles et leurs nouvelles expériences. Rapidement, je regrette les pièces de l'Aile Nord dont l'utilité simpliste se voit rapidement dépassée par de potentiels essais cliniques inhumains entrepris ici plus de cent années auparavant, par des pièces entières de cages vides comprenant des cadavres d'animaux, voire parfois rien du tout.

- Cet endroit... effrayant me fait peur.

Cherchant à stabiliser ce sentiment fugace, me voilà promptement en train de fouiller frénétiquement dans l'une des poches de mon manteau pour en sortir, tremblotante, un paquet de cigarettes déjà bien entamé. Saisissant enfin l'un des cylindres légèrement aplatis par le temps et l'usure, j'entreprends ensuite de continuer ma route tout en portant fébrilement à ma bouche un zippo avec mon unique main libre. Il faut alors peu de temps pour que la nicotine fasse son effet et décontracte progressivement les nerfs mis à si rude épreuve.

- Je suis seule ici. L'endroit est abandonné depuis plus d'un siècle. Je suis seule ici. répété-je inconsciemment mais parvenant néanmoins à me rassurer.

Allant continuellement de découverte macabre en découverte macabre, c'est toujours plus de cadavres d'animaux morts et desséchés par le temps que je retrouve sur mon chemin, toujours plus de tuyaux percés gouttant et toujours plus de taules rouillées grinçantes, s’accommodant en une étrange mélodie troublant le silence pour devenir un orchestre horrifique pénétrant les oreilles et se glissant sous la peau, hérissant le poil. L'obscurité et la solitude viennent progressivement faire émerger en moi une graine de folie malsaine, sinon la malédiction de l'endroit planant au-dessus de ma tête et me voilà bientôt à cours de tabac, tandis que le chemin devant moi se termine en un cul de sac, forcée d'admettre ma défaite face à un mur de glace inopportun.

- On ne peut pas faire demi-tour Anna-chan, c'est notre unique option. Il faut percer ce mur.

Ici, la fuite semblait avoir été tel que l'eau s'était progressivement mise à geler, puis la glace à s'épaissir et à se durcir année après année avant de devenir un véritable roc bloquant le couloir de gauche à droite et de haut en bas. Illuminé par la flamme de la lanterne, le rempart froid semblait prêt à résister à toute agression au point qu'un simple coup de poing serait impuissant à l'égratigner.

- Il va falloir y mettre du mien pour le faire tomber, celui-là. fais-je alors tout en redressant mes manches, prête à faire un usage approfondi des six styles pour percer la glace.

Passant une paume sensible à la surface du mur, j'entreprends donc tout d'abord de chercher du bout des doigts une imperfection dans le cristal. Trouvée après deux minutes de talonnement, j'élance alors mon bras droit loin en arrière, fermant les yeux pour me concentrer sur la zone d'impact avant d'abattre mon poing de toutes mes forces contre la paroi gelée.

- Tekkai Kenpou... Jugon !!

Dure comme l'acier, c'est à une vitesse vertigineuse que l'arme titanesque faite d'os, de chair et de sang vient transpercer une première couche de glace, puis une seconde et une troisième, faisant progressivement s'effondrer au sol des pans entiers d'eau gelée. La paroi ainsi fragilisée, il ne me reste plus qu'à débloquer la voie.

- Jugon... Ouren !

Mitraillant désormais le mur de mes deux poings, ébranlant la surface de moins en moins solide et de plus en plus liquide, il ne me faut que très peu de temps avant que je puisse finalement commencer à voir le bout du tunnel. Et après plusieurs dizaines de coups laissant dans la glace des impacts aussi impressionnants que des trous d'obus, je débloque enfin une voie assez large pour permettre à mon corps tout entier de passer et découvrir de l'autre côté un escalier s'enfonçant davantage dans l'obscurité. Alors, ne cessant d'évoluer dans des ténèbres toujours plus profondes, j'ai davantage le sentiment de ne pas être la bienvenue sans réellement savoir si je parviendrai à atteindre mon objectif.
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Ploc. Ploc. Ploc.

Toujours moins de lumière, toujours plus de froid. Tenant désormais la lanterne proche au point de manquer de me brûler plusieurs fois, la petite nouveauté ponctuant mes recherches consiste en une fine couche d'eau baignant subtilement le sol de l'étage. Assez épaisse pour me mouiller les pieds jusqu'aux chevilles, assez froide pour secouer mon corps de spasmes incontrôlés, assez sale pour que je ne puisse identifier qu'un marc noir et gluant à la place de l'habituel carrelage poussiéreux. Que ce soit dans mon esprit ou bien dans la réalité, les petits bruits omniprésents continuent de me tourmenter tandis que l'atmosphère se fait plus pesante et l'environnement de moins en moins hospitalier. Sorties de leurs gonds, les portes recouvertes de mucus font désormais corps avec les marécages humides recouvrant le sol, se mariant parfaitement au spectacle des plans de travail renversés, des meubles détruits ou rongés. Et des petits points rouges qui viennent de plus en plus croiser ma route avant de disparaître subrepticement, longeant fourbement les murs pour aller se réfugier dans des interstices étroits et sales. Le premier signe de vie que je peux témoigner mais pas le plus rassurant du moins. Peut-être aurais-je préféré rester seule.

- Des rats.

Grattant, couinant, ils parsemaient mon chemin, rejetons potentiels de leurs ancêtres, qui avaient dû s'évader des cages de l'étage supérieur pour venir se repaitre de moisissures ici. A vue de nez, plusieurs centaines, peut-être plus. Et s'ils n'osaient m'approcher du fait de la source de lumière trop aveuglante à leur goût, j'étais sûre que l'obscurité était l'apanage parfait pour eux s'ils se décidaient soudain à me transformer en leur prochain repas.

- Ne prête pas attention et poursuis.

Voilà que je me parle à moi-même désormais, bien qu'étrangement cela n'échoue pas à me rassurer. Entendre un son humain, même si ce n'est que ma voix, me permet de me rappeler que je ne suis pas tombée dans les tréfonds de l'Enfer. Gardant les bras plaqués contre mon corps, j'évite soigneusement les obstacles qui gênent ma progression, tandis que je ne prends même plus la peine d'entrer dans les pièces bordant le corridor : un simple coup d’œil me permet de comprendre que ce n'est pas ici ni là que je trouverai ce que je convoite. Et tandis que j'en suis arrivée à me questionner, à me demander s'il ne serait finalement pas mieux de rebrousser chemin, à me demander si cette rumeur à propos du Cœur de Pacifista planqué dans ce laboratoire ne serait pas infondée, si les pirates auraient un jour le courage et la patience d'aller aussi loin pour... non, c'est sûr ils fouilleraient l'endroit de fond en comble ; ainsi perdue dans mes pensées donc, je remarque à peine un vrombissement de plus en plus proche tandis qu'une ombre déformée semble sortir tout droit des ténèbres pour instantanément venir me prendre à revers. Et c'est dans un réflexe aussi soudain qu'inconnu, n’appréhendant absolument pas la situation, que je me retrouve instantanément au sol, sur le dos, le couteau dégainé, enfoncé dans le crâne difforme et glabre, parsemé de poils hirsutes, d'une créature gigantesque et monstrueuse. Foudroyée par la douleur, je lâche un hoquet de stupeur tandis que le monstre relâche un râle d'agonie tout en me couvrant de sa bave immonde et putride et de son sang gélatineux.

Spoiler:

GLARRGHHRHHHHH...

Une expression de dégout et d'effroi sur le visage, je me redresse lentement, les vêtements souillés par l'hémoglobine et la crasse de l'eau croupie, analysant d'un regard à la fois distant et méticuleux le cadavre de la bête. Après plusieurs secondes d'observation, je parviens à reconnaître chez le monstre des similarités avec les rongeurs vivant dans les canalisations, mais refuse de croire à ce que je vois. Les rats auraient-ils évolué à force d'être confrontés à cet environnement ? Non, ça ne peut pas être l’œuvre de la nature, mais plutôt une cruauté de l'homme. Après tout, nous sommes dans un laboratoire non ? Peut-être aurais-je dû m'attendre à y trouer... des bêtes mutantes.

Mais alors que je me démène pour retirer mon arme blanche du crâne de la bestiole, de nouveaux bruits, semblables à des grognements, s'échappent de l'obscurité peuplant le chemin d'où je viens. M'avaient-il suivie ? depuis quand ? les avais-je prévenus de mon arrivée au moment où j'avais percé la glace ? Dans tous les cas, je ne perds pas plus de temps, comprenant que le rongeur difforme n'est probablement pas le seul et que ses petits amis sont à mes trousses. Pressant le pas, je reprends donc ma route tout en surveillant quotidiennement mes arrières, témoignant de temps à autres des bruits et grincements étouffés qui me rappellent constamment que je suis suivie. Finalement, ma route s'achève sur un second escalier, me proposant cette fois-ci deux choix : monter ou descendre. Et bercée par l'illusion d'un choix cornélien, je demeure soudainement hébétée par un choix impossible, acculée dans ma course contre la montre car je n'ai pas le temps de me perdre davantage dans ce labyrinthe. J'imagine, naïvement, que le Cœur se trouve au bout de l'un de ces chemins, mais ne peux me résoudre à choisir lequel. Bientôt, de nouveaux grognements se font entendre, toujours plus proches, me poussant au bord du précipice. C'est continuer ou être mangé par des rats mutants. Et comme jusque là je n'ai fait que descendre, je me résous finalement à continuer ma progression vers le centre de la Terre. Balançant d'énervement ma lanterne de gauche à droite dont l'huile si précieuse s'épuise inexorablement, je descends donc les longues marches terminant sur une double porte bloquée par une épaisse bar de fer. Le sourire me revient alors, chaud, jovial et presque cette envie de rire à gorge déployée. Malgré les monstres, malgré le froid, malgré la peur, j'affiche ma joie. Immobile, la lanterne tenue à bout de bras, je lis et relis l’écriteau à moitié effacé par le temps et partiellement couvert de mucus trônant au-dessus de l'entrée. Et à haute voix je déchiffre l'entête et son sous-titre :

- Secteur vingt, Laboratoire URP...

...Unité de recherche sur les Pacifista.
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- Sweetsong, j'ai les informations complémentaires à propos des Cœurs de Pacifista et c'est encore pire que ce que l'on pensait.

- Je t'écoute.

- Bon, je commence par la bonne nouvelle : leur rareté. Je t'ai dit qu'il n'y en avait presque plus, mais en réalité il n'y en a jamais eu beaucoup. Et ce pour plusieurs raisons : leur prix, leur temps de fabrication, la dangerosité des matériaux utilisés... mais aussi le fait que pour fournir autant d'énergie, un Cœur de Pacifista nécessite un diamant rare et précieux que l'on ne trouve que sur une seule île de Grand Line et en quantité limitée. J'ai essayé d'en savoir plus à ce sujet, mais il semblerait que tout ça ait un rapport avec les ponéglyphes et le siècle oublié, donc je ne peux pas vraiment aller plus loin. Qui plus est l'île mentionnée semble avoir été rayée de la carte depuis longtemps. Mais je suis sûr que les plans de l'arme antique stipulent qu'il est nécessaire d'avoir ce matériau pour que celle-ci soit complète, il ne s'agit donc pas spécialement du Cœur de Pacifista en lui-même, mais de ce qu'il fournit en énergie.

- D'accord mais à quoi ça me sert de savoir tout ça Enrod ?

- Patience, j'y viens. J'avais eu l'occasion de te mettre une première fois en garde quant au danger que représentent les Cœurs, non ? Et bien la mauvaise nouvelle c'est que je suis retombé sur de vieux documents d'archives et ce que j'y ai trouvé n'est pas joli à voir. C'était il y a plus d'un siècle, des scientifiques de renom de Marie-Joie essayèrent de percer la carapace de l'un des Cœurs pour étudier l'énergie générée par le diamant à l'intérieur. L'on est pas vraiment sûrs de ce qui s'est passé au moment où ils le firent, toujours est-il que quelques instants après le laboratoire fut dévasté par une gigantesque explosion qui endommagea même les bâtiments alentours et fit de nombreux blessés et plusieurs morts. Des scientifiques on ne retrouva que des morceaux de chair calcinée et des cendres mais du Cœur de Pacifista, aucune trace. Ce fut d'ailleurs après ce terrible accident que la production fut définitivement stoppée sur arrêté du Gouvernement Mondial.

- Bien dans ce cas j'éviterai de jongler avec... mais où veux-tu en venir ?

- Annabella... jusque là les Cœurs étaient créés un par un pour être directement greffés dans les abdomens de leurs porteurs, ce qui veut dire qu'il n'y en a que très peu qui sont encore "vierges". A vrai dire, il n'y en a plus que deux : le premier est enfermé à double tour dans une pièce surprotégée du QG de la Marine à Marie-Joie et le second...

- ...se trouve ici, à Bulgemore. Mais, s'il n'y en a que deux et que seul le Gouvernement Mondial sait où ils sont, alors comment... ?

- C'est ce que tu dois essayer de découvrir Anna. Car à moins d'avoir accès aux archives de Marie-Joie...  il est presque impossible d'obtenir de telles informations.


Scellées. Bloquées comme pour empêcher que quelque chose n'en sorte, comme un cachot, une prison, une interdiction. Fermées de l'extérieur et pourtant rien ne pousse pour en sortir, même pas un souffle d'air. Posant une main sur la poutre en bois qui bloque l'accès, je fais lentement coulisser le rondin de bois pour finalement libérer l'accès et pousser le lourd battant en acier. De l'autre côté, une vaste salle s'étend, traversée par des tables solides sur lesquelles sont allongés de gigantesques androïdes, tous semblables, tous imparfaits, tous immobiles dans un silence de mort, dans un sommeil sans songes, inactifs. Le long des murs, je retrouve à nouveau des étagères bardées d'outils et de matériaux, parfois de livres ou d’ustensile d'un autre temps, voire même des fois quelques vêtements poussiéreux et moisis. Ici, grâce à un étrange dénivelé sur le seuil, l'eau ne s'est pas encore frayée un chemin et aucun bruit ne perce, laissant la curieuse impression de s'être perdu dans une autre époque, dans une autre dimension.

- Cet endroit... c'est le pire.

Je ne peux m'empêcher de hocher la tête. Ici, les ténèbres semblent plus noires, comme aspirées par un puits sans fond, tandis que les murs glabres et les tables en acier inoxydable renvoient systématiquement une lueur fantomatique à l'approche des flammes de ma lanterne. Différent du reste du bâtiment, le laboratoire se compose essentiellement de vastes espaces alternant leurs usages, leurs contenus, leurs cadavres robotiques. Parfois encore sur des tables, parfois empilés dans un coin, démembrés, froids, les Pacifistas sont toujours présents, veilleurs dans les ténèbres. Parfois, c'est avec frayeur que la réverbération me fait croire qu'ils viennent de bouger, qu'ils tendent le bras pour m'attraper, que leurs yeux vides et noirs me suivent du regard. Bartholomew Kuma à la chaîne, clones sans âmes, des créatures de cauchemar encore plus effrayantes que leurs nouvelles versions car venant de temps plus anciens, car oubliées, car abandonnées et dénuées de cœur. Ce cœur que je recherche et que peut-être eux aussi recherchent pour revenir à la vie. Peut-être leur cerveau mécanique regrette-t-il le jour où le laboratoire fut brusquement abandonné, le jour de la transplantation où ils devaient naître et où ils sont restés séant comme des poupées machiavéliques.

- Ne les regarde pas, fais comme s'ils n'étaient pas là.

Continuant inexorablement ma progression, je traverse finalement des salles qui vont en se rétrécissant pour enfin débarquer dans un énième endroit, plus petit, plus technique, aux murs recouverts d'outils, accueillant en son centre une machine exubérante ressemblant étrangement à une sorte de sarcophage en verre : un étrange cylindre bien protégé... ouvert, vide. Ma vision se trouble et je me vois virer de l'oeil tandis que le sentiment d'enfin atteindre mon but s'efface, me laissant désespérée devant un coffre vide... Il aurait dû être ici, j'avais le sentiment qu'il serait ici... Alors mes poings se crispent et mon visage laisse transparaître une expression de douleur et de haine, rouge vif, tandis que mes poings colériques viennent saisir et jeter à terre les ustensiles placardés aux murs pour ensuite s'abattre sur le cercueil de verre. Incontrôlable, je laisse brusquement éclater ma folie par des hurlements désarticulés.

- NON... NON NON NON !!! IL EST ICI, JE SAIS QU'IL EST ICI ! JE N'AI PAS FAIT TOUT CELA POUR RIEN !! RRAAHHH !! m'exclamé-je tout en saisissant le manche d'un épais marteau et en l'envoyant valdinguer à l'autre bout de la pièce.

CLING !

Atterrissant contre le mur, l'objet, sous la force prodigieuse du lancer, vient subitement percer l'épaisse couche de béton... qui n'est étrangement pas si épaisse que ça, s'effritant autour de la tête de l'outil avant de le laisser tomber ainsi qu'une bonne partie de la paroi pour dévoiler, caché dans le mur... un étrange coffre en acier. Soudainement ahurie par ma brutale découverte, je lâche alors un stupide hoquet d'étonnement, les yeux bêtement écarquillés et un sourcil levé exprimant ma surprise, lâchant ultimement la lourde clé anglaise avec laquelle j'étais prête à continuer mon processus de destruction. Puis, sans plus attendre, sans vouloir gaspiller plus de temps, je me rue vers la porte du coffre, verrouillé par un code aussi secret qu'inconnu, mais aux gonds heureusement oxydées par l'humidité présente dans les murs au point de ne plus pouvoir sécuriser grand chose. Ainsi, d'une forte pression du bras, je parviens après quelques secondes à dégager le sas pour en identifier le contenu et y découvrir...

...une étrange sphère bleuâtre.

Spoiler:
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Brillant de mille feux, presque iridescent, véritable bijou au sens propre du terme et pourtant si artificiel, la sphère était incroyablement représentative de sa rareté, aussi quantitative que qualitative. Je n'étais pas une femme vénale, cependant le Cœur, avec ses couleurs et son éclat, m'attirait comme la lumière attire les moustiques. A chaque fois que je ressortais l'objet de ma poche, je me sentais comme happée par sa beauté et restais époustouflée, stoïque, le regard rivé sur l'étrange lumière diaphane teintant le centre de la boule métallique aux motifs spiralés d'acier et de cristal. Puis je m'efforçais de la camoufler à nouveau pour me reconcentrer sur la prochaine étape de ma mission. Ainsi, j'avais fait le chemin retour vers les double-portes cloisonnant l'entrée au laboratoire tout en me posant une multitude de questions. Cette trouvaille n'avait fait qu'évacuer un problème pour en amener un autre. Les pirates. Et bien évidemment, à partir du moment où j'avais commencé à m'aventurer dans cette partie du laboratoire, la communication des Den Den était devenue défectueuse et instable. Je ne pouvais pas joindre mes coéquipiers comme je ne pouvais me renseigner de la situation en surface. Les remparts des Marines avaient-il suffit ? Des pirates avaient-ils réussi à passer et faisaient-ils route vers le laboratoire ? Ou bien pire, avaient-ils réussi à entrer dans le laboratoire et étaient-ils déjà aux mains avec les gaillards du CP9 ?

Étrangement donc, tandis que je verrouille l'accès derrière moi, je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour eux, formant un pli dans les draps noircis de mon palpitant. Bien qu'étant au CP8, je fuyais généralement les missions en équipe et cette fois-ci, j'étais obligée de compter sur mes collègues. Et mon cœur, faible comme il était, se disait qu'il était de bon ton de veiller sur eux en échange. Ce n'était pas la première fois que celui-ci me faisait souffrir en ignorant les signaux de mon cerveau lui disant d'arrêter ses stupides facéties. Si je pouvais simplement ôter ce sentiment et lui tordre le cou, cela ferait longtemps que je ne serais plus aussi fragile.

- Moi j'en suis sûre, l'humanité n'est pas un vilain défaut.

- Rappelle-moi plutôt quand tu ne pourras plus entendre ce qui me passe par la tête. fais-je tout en me grillant, par automatisme, une cigarette.

Toutes aussi futiles que de parler à la voix dans mon crâne pour lui dire d'arrêter, cela faisait longtemps que la nicotine ne faisait plus effet, qu'elle ne chassait plus cette envahissante folie à la façon dont ma lanterne chasse les rats, tandis que je remonte la cage d'escalier. Des fois, elle disparaissait pour des raisons obscures, puis réapparaissait soudainement, cette petite voix d'enfant. Elle me faisait croire qu'elle était moi gamine, que j'avais changé, qu'une subtile part obscure avait pris l'avantage, que Bachibouzouk avait disparu, ce monstre se nourrissant de mes plaies ouvertes comme un vampire se prélasserait dans mon sang. Non. Elle était et restera à jamais ce monstre qui dévore mon esprit et me vrille les neurones, m'enfonce dans la détresse depuis que j'ai quatorze ans, cette entité aussi factice et humaine que la bille de métal qui emplit la poche de ma veste. L'effet secondaire d'un médicament. Ou d'une malédiction.

Balayant le faisceau de ma lanterne, je chasser les bestioles qui s'agglutinent sous mes pieds comme pour m'empêcher de passer, gardiens minuscules du trésor perdu que je viens de leur dérober. Puis je passe et contourne la carcasse défraichie et déjà rongé par ses minuscules congénères du rat mutant décédé. Je m'interroge toujours, avec cette once de peur de l'absurde, quant à la présence dans l'ombre d'autres atrocités qui, comme lui, profiteraient des ténèbres pour m'assaillir furtivement. Parcourue d'un frisson, je continue mon chemin en espérant ne pas savoir et rapidement revoir les lumières blanches et jaunies des luminaires de l'Aile Nord. Pour une fois philanthrope, je me retrouve une nouvelle fois assaillie des monstres de mes cauchemars qui peuplent les ténèbres inhabitées et sauvages, ces lieux abandonnés qui font foisonner mon imagination et travailler ma peur. Ma peur du surnaturel, nul autre. Pourtant, je ne crois pas aux fantômes, je ne crois pas aux monstres, ce tueur en série à Logue Town me l'avait bien appris : il n'y a que l'être humain et ce qu'il crée.

Comme pour répondre à cette dernière pensée, comme si le destin se riait de moi, c'est alors que je les entends. Tels des chacals attendant la faiblesse de sa proie et sentant l'odeur de sa peur, tels des démons attendant que la noirceur envahisse le cœur, tels des serpents se glissant entre les pattes de leurs proies, il étaient là. Patientant dans les ténèbres de pièces écroulées, à demi-envahies par l'eau stagnantes, au carrelage instable et aux fondations moisies, ils étaient là. De multiples yeux rouges dans les ténèbres, un sens aveugle et pourtant à l'affut, des pattes aux ongles acérés griffant le sol pour mieux savourer l'appétence de la chair fraiche, ils étaient là.

- Ce qu'il crée.

Les rats.
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Courir. Courir pour sauver sa vie, pour se préserver d'une mort horrible, pour répondre à l'appel de la peur. La peur, réveillée à son état sauvage, loin d'être domestiquée, celle qui vous donne des ailes et vous fait fuir d'un danger certain. Désormais j'en étais sûre, la mort me poursuivait. Elle rampait au sol et faisait des bruits monstrueux, éternellement masquée par les ténèbres, à quelques pas de moi et si je m'arrêtais, j'étais sûre de devoir lui faire face. Cette fois-ci, ça n'était pas un rat mutant, mais toute une bande qui me donnait la chasse, les couverts déjà sortis pour leur prochain repas. Pourtant, inexorablement, je voyais déjà le bout du couloir crasseux couvert de boue et de champignons se rapprocher : les escaliers me faisaient face et il ne me restait plus qu'à grimper les marches quatre par quatre pour atteindre l'étage suivant. Et tout en bondissant, faisant danser la flamme de ma lanterne quasiment épuisée, je pouvais remarquer les ombres monstrueuses de mes poursuivants se dessinant et se distordant sur les murs derrière moi. Une silhouette suivie d'une seconde, puis de deux autres et c'est bientôt un raz-de-marée qui grimpe les marches tandis que je rejoins enfin l'étage supérieur.

Ainsi sortie des abysses, je me sens comme soulagée d'un poids. Peut-être était-ce l'humidité qui me pesait sur le cœur, toujours est-il qu'une fois arrivée en haut des marches, j'ai soudain le sentiment de respirer un air plus pur. Malheureusement, ce sentiment n'est que de courte durée, tandis que les bestioles continuent à étendre leurs ombres machiavéliques derrière moi. Apercevant plus loin l'arche de glace que j'ai été obligée de percer à l'aller, vient alors une idée qui pourrait considérablement ralentir voire même stopper la progression de mes poursuivants. Donnant donc un puissant coup de talon dans l'une des parois de la trouée au moment où je passe en-dessous, je réussis miraculeusement à faire s'effondrer sur mon passage un épais pan de glace bien compacte. Saisissant des râles et des couinements dans mon dos, je comprends que grâce aux éboulis j'ai réussi à piéger une partie des rats, tandis que l'effondrement bloque l'intégralité de l'accès. Fière de mon action, je poursuis donc ma route d'un pas plus tranquille avant d'être soudainement interrompue, croyant entendre quelque chose gratter dans mon dos. Horrifiée, c'est tout en me retournant que je remarque alors sortir progressivement de la glace pillée un museau brun déformé, suivi d'un crâne avec de multiples yeux placés de façon presque aléatoire et une gueule garnie de crocs gigantesque. Déblayant finalement l'épaisse couche de glace, le rat mutant au corps massif, charnu et glabre vient me faire face, bientôt rejoint par un second congénère ayant survécu au traquenard.

Spoiler:

M'attendant à ce que d'autres surgissent à leur tour, j'envisage de reculer pour immédiatement prendre la fuite mais me retrouve immobilisée par la peur. Par chance, le mur de glace reste immobile alors que les monstres entreprennent de me rejoindre, d'abord doucement, puis en pressant le pas, voyant que je ne représente aucun danger. Le gros brun en tête, chargeant comme un sanglier avec ses canines saillantes, je me vois dans l'obligation de me forcer à agir : saisissant mon couteau à cran d'arrêt ingénieusement glissé dans ma manche, je me taillade brusquement le côté extérieur de la cuisse pour obliger mes jambes à me répondre sous l'effet de la douleur. Un rapide regard m'informe alors de la distante restante entre les crocs du bestiau et moi, me permettant de me plaquer instantanément contre le mur pour laisser le monstre poursuivre dans le vide. Malheureusement, ma déconcentration temporaire a un prix : le deuxième rat, qui n'a pas perdu une miette de ce qu'il vient de se passer, a déjà foncé sur moi et saisi ma jambe blessée pour violemment me projeter contre le sol d'un coup sec.

- Ta gorge ! hurle la petite voix en moi tandis qu'une image fugace me montre avec la gorge ouverte et les mains couvertes de sang.

De fait, je réagis instantanément pour que la vision ne devienne pas triste réalité, roulant sur moi-même pour passer sous le ventre de la bête et lui planter mon couteau papillon dans le flan. Réponse naturelle, celle-ci jappe et s'écarte violemment contre le mur, l'arme toujours enfoncée entre les côtes. Mais le danger n'est pas écarté, puisque le rat-sanglier de tout à l'heure a déjà fait demi-tour et se prépare cette fois-ci à ne pas me rater. Bloquée dans un espace relativement étroit à cause de deux meubles renversés sur toute la largeur du couloir, je n'ai pas d'autre choix que de faire face à mon opposant.

- Tu veux m'empaler ? Alors viens, approche. fais-je tout en pointant vers l'animal ma main et en lui faisant signe de se ramener.

Me campant solidement sur mes deux jambes, je m'apprête soigneusement à réceptionner la bête. Un coup d’œil rapide dans mon dos vient soudain m'informer de la stratégie à adopter : déjà l'autre monstre se redresse pour, lui aussi, revenir à la charge en me prenant à revers.

- Fini de rigoler, vous n'êtes que de pitoyables expériences humaines. Vous n'êtes pas les monstres que j'attendais.

Poussant un hurlement rauque, le voilà enfin qui vient le premier, celui qui me fait face. Cependant plus lent et plus distant, je sais que ce sera l'autre le premier à frapper. Comptant dans ma tête, voyant toujours du coin de l'oeil ce qu'il se passe derrière, le mutant entamant lui aussi sa charge, je n'ai que très peu de temps pour agir. Et tandis que le moment de l'impact approche à grand pas, ce n'est pas par excès de confiance que je ferme mon œil unique dans le but d'utiliser un sens plus efficace dans ce genre de situation : l’ouïe. Alors je forme une bulle et je l'étends autour de moi comme un radar, me renvoyant les échos des bruits de griffes s'incrustant dans le carrelage, s'approchant inexorablement. Je compte enfin : trois... deux... un...

- Soru.

Deux petits pas et me voilà derrière le rat à la peau rougeâtre, dont les yeux aveugles et si peu expressifs cherchent à comprendre ce qu'il vient de se passer. Trop tard. L'autre arrive, droit devant, mais ce n'est pas la collision que je recherche, bien que je devine qu'il ne ralentira pas et passera évidemment sur le corps de son congénère pour atteindre sa proie. Mais plutôt que d'attendre et mettre ma stratégie en péril, je saisis brusquement la queue épaisse et grasse de la bestiole rousse pour brutalement la soulever au-dessus du sol et...

- Geppou !

CRAC !

Le crane de l'un abattu de toutes mes forces sur le crâne de l'autre, je répands brusquement à gauche et à droite du sang étrangement orangé et des morceaux de cerveau. Saisie par la satisfaction que m'apporte le craquement des os, je recommence l'opération autant de fois que nécessaires jusqu'à ce que la queue de ma matraque improvisée cède et se sépare du reste du corps de l'animal, laissant en tout et pour tout qu'une impressionnante flaque de sang sur le sol. Lâchant alors la queue inutile du machin, j'envisage de m'approcher du corps inerte de la seconde créature.

- Alors on fait moins le mal-

- BGLARHRHHHH !

Moins d'un dixième de seconde, c'est ce qu'il me faut pour comprendre que la bestiole est encore en vie et projette de m'encercler le cou de ses crocs acérés. C'est ce qu'il me faut pour comprendre que je suis dans la merde et que je vais crever. Merde, j'ai été trop imprudente.

BAKAM !

Sous l'effet de la détonation, ce qui s'apprêtait il y a une seconde encore à m'arracher la gorge explose soudainement et vient me peinturlurer le visage de liquide poisseux et sanguinolent. Ahurie, je ne comprends pas vraiment ce qu'il se passe, avant d'entendre une voix provenir d'un peu plus loin dans le couloir.

- Alors, Akuma, t'en penses quoi de ce tir ? Avoue, je t'ai bluffé non ? A cette distance, dans cette obscurité, tu peux dire que je suis le meilleur, je ne t'en voudrai pas...

- Bof, j'aurais fait mieux. Moi j'aurais eu la fille avec.

- Oui mais toi, tu nous aurais mis dans la merde si tu avais buté la nana du CP8. Heureusement qu'on t'a demandé plusieurs fois si t'avais bien suivi le plan.

- Le plan, je m'en fous. C'est la castagne qui m'intéresse. Bon, on peut y retourner maintenant ? C'est pas comme si le combat allait commencer à tout moment et que nous on était pas là, hein ?

Deux silhouettes, l'une que je reconnais et pour sûr, avec ses froufrous et sa chevelure blonde bien soignée : ça ne peut être que Vincent Kayne. L'autre, inconnu au bataillon, m'avait probablement déjà été présenté mais j'avais dû l'oublier. Akuma, c'est bien ça ? De toute manière j'aurai tout le loisir de le découvrir, j'ai pas mal de questions à leur poser. Me redressant en me débarbouillant le visage tant bien que mal de l'hémoglobine de rat mutant qui m'a sauté à la figure, je m'éclaircis la voix dans le but d'interrompre leurs chamailleries.

- Vous pouvez m'expliquer ce que vous foutez là ?

Affichant une mine sombre et un regard noir, Kayne semble soudain se rappeler que j'existe. Parcourant donc la dizaine de mètres qui nous sépare, l'agent du CP9 ne semble pas enthousiaste de me voir en vie. Cependant, je remarque très rapidement que mon analyse est faussée et que ce n'est pas cette curieuse inimitié qui le chamboule.

- Ils vont arriver.

En simple guise de réponse, le blondin me saisit brusquement le bras pour m'attirer à ses côtés avant de retourner vers son confrère dont la lanterne, pleine d'huile, semble pour moi briller de mille feux. Brisant le silence, l'homme finit alors tout simplement par dire.

- Il y a des choses dont il faut que l'on parle en chemin. Mais avant tout rassure-moi... ce satané Cœur de Pacifista, tu l'as bien avec toi, n'est-ce pas ? me demande-t-il tout en accentuant la pression sur mon bras.

Légèrement confuse, j'ouvre la bouche pour lui répondre, bloquant davantage face au ton de sa voix que dans la difficulté de la réponse à sa question. Et tandis que je m'apprête finalement à faire sortir les mots et à hocher la tête en même temps pour lui faire comprendre que ma mission est une réussite, quelque chose vient soudain interrompre mon acte. Et à mon tour, j'affiche une expression terrible, identifiant la source du tremblement qui semble soudain secouer l'infrastructure autour de nous. Ainsi que sa raison. Une explosion.

Les pirates.
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