Egao (A. Fenyang)

Comment ça "à quoi je ressemble"? Si tu veux ma photo pour tes longues nuits en solitaire faut pas faire tant d'chichis hein! Et puis c'est quoi ton histoire sur l'absence de musculature? Tu vas voir ce qu'elle te dit mon absence de musculature... Non mais oh!

Bon, bon, ça marche, c'toi le chef y parait...

Moi c'est Egao, mais tu peux m'appeler Monsieur, ça me dérangera pas. J'ai quinze hivers et niveau taille... ben disons qu'on m'a déjà enfermé dans une malle de marin. Mais je te conseille pas de réessayer si tu veux garder ta virilité en place.

Je suis l'heureux possesseur d'une superbe crinière argentée qui fait littéralement tomber les filles à mes pieds. Mon regard est pénétrant et l'azur de mes yeux révèle à qui y sombre la profondeur et les mystères des abysses marins. Oui parce que bon, c'est pas dans ma description physique mais j'suis poète moi tu vois?

Je suis pas très grand, je suis pas très gros. En fait je suis carrément maigre mais on me dit toujours que c'est parce que je tiens pas en place. Pourtant je mange hein! Mais je suis en pleine croissance, que voulez-vous... Dans tous les cas si on fait la course, bonne chance pour m'attraper!

En général je suis débordant d'énergie. Enfin je le suis après 14h du matin parce que avant je pionce. Je peux dormir n'importe où, n'importe quand et dans n'importe quelle situati... Zzzzz... Ouais nan j'te fais marcher, la blague était trop prévisible.

Je suis un jeune homme plein d'entrain et de bonne humeur et ça se voit. Mon crédo c'est : fends toi la poire le plus possible mon p'tit Eg', tu sais pas ce que demain te réserve (ouais, ok je l'ai inventé sur le coup et alors? J'essaye d'être un minimum lyrique pour répondre à tes exigences moi, tu pourrais au moins éviter de lever les yeux au ciel toutes les dix secondes...). Du coup je suis toujours souriant, et quand ça énerve les gens, c'est encore mieux!

Et quand un sourire ne suffit pas... pète leur la gueule! Ou alors cours. Très vite. Et loin. Dans tous les cas, on ne me voit pas venir. On m'entend pas non plus. Je suis plus silencieux qu'un pet ninja (et souvent aussi indésirable). À un moment je suis là, je me fous de ta tronche et puis l'instant d'après, POUF! Il n'y a plus personne. On me voit, on me voit plus. On me voit, on me voit un peu, on me voit plus. On me voit, on me voit plus... BREF!

En résumé je suis un jeune garçon brillant, plein d'humour, souriant, beau, mystérieux, insaisissable, silencieux et très, très je m'en foutiste. Ah ouais et modeste aussi. Je ne le disais pas parce que ça me semblait évident.

Alors? Ca te va comme description de ma personne? Bref, si tu veux revenir à l'histoire de la photo je voulais que tu saches que ça ne me dérange pas. Non mais je t'assure, si t'es un pervers moi je te juge pas! Je t'apprécie comme tu es tu sais. Alors, certain? Non? Bon, ben tu pourra pas dire que c'est parce que je t'avais pas proposé hein...

Alors déjà c'est pas compliqué, comme tu as pu le voir par toi même, je possède un humour fin, subtil et parfaitement adapté aux situations dangereuses. Je suis doux, attentionné et... ouais bon ok ça marche j'te dis la vérité.

Ma mère m'a toujours dit que j'étais un emmerdeur de première. Et je dois dire qu'elle avait raison! Mon but dans la vie, c'est de me marrer. Et si pour ça je dois te jouer un sale tour, bah... t'as pas de chance. Je n'hésite pas à m'en prendre aux plus gros que moi. Aux plus grands aussi hein, c'est pareil. J'ai peur de rien. De toute façon en cas de pépin je détale plus vite qu'un pirate devant de la bière non alcoolisée. Je suis pas un lâche. Disons plutôt que si j'ai aucune chance de m'en sortir par la force, tu verra jamais mon coup de pied en direction de tes boules arriver. Je suis comme ça moi, j'ai plein de ressources.

Ce que je veux, c'est explorer le monde. Mon père s'est barré et je ne l'ai jamais vu. À vrai dire je sais que ma mère ne lui a jamais révélé mon existence. Mais je suis pas un débile, s'il passe autant de temps sur les mers c'est que ça doit être trop génial! Et moi aussi je veux voir ce que c'est, personne ne m'en empêchera!

Depuis tout petit on me raconte que les pirates sont des méchants abrutis qui ne veulent que profiter des autres. Mais aussi que certains sont vachement cool. Être libre d'aller où tu veux et de faire ce qu'il te plait... ça, ça doit être une vie du tonnerre!

Bon après la Marine a aussi salement la classe... J'ai déjà vu des gradés moi, mon père c'est un grand, très grand gradé de la marine, même si le seul souvenir que j'ai de lui c'est sur une vieille photo. Mais en tout cas tout le monde m'a dit qu'il était méga fort! En même temps pour poutrer du pirate t'es obligé tu vas m'dire. Ma mère elle voulait que je rejoigne la Marine une fois que je serais grand. C'est peut être pas une mauvaise idée, faudra que je me penche sur la question.

Ce que je voudrais c'est trouver une vrai bande de pote avec qui parcourir le monde en me marrant. Je veux tout voir, tout toucher, tout manger. L'aventure c'est la seule chose que je désire vraiment. Et c'est pour ça que je suis parti de chez moi.

Mis à part tout ça, j'ai vécu toute ma vie sur mon île natale avec ma mère. Elle est cool y a pas à dire, mais ça reste une vieille quand même. Heureusement pour moi j'ai jamais été le seul enfant du coin. Bon, soyons clair, on est pas légion et si tu veux te faire des potes t'as intérêt à pas être trop sélectif. Mais en triant bien on peut tomber sur des gens qui n'ont pas que des cailloux dans la tête. C'est le cas de mes deux meilleurs amis : Ichi et Ni. Depuis qu'on est tout petit on fait les quatre cents coups ensemble. On passe aussi le plus clair de notre temps dans la forêt à jouer à la Marine et aux pirates. Notre enfance a surtout été constituée de jeux dans la forêt, de pêche et de coups de main forcés aux villageois. Mais l'un dans l'autre on se marrait bien!

C'est eux deux qui m'ont offert mon bien le plus précieux : ma planche à roulette. Alors ok ça sert pas des masses entre les racines des arbres, mais sur la route du village je dépasse même les poneys! Elle ne me quitte jamais, c'est comme une extension de moi-même. Maintenant que je m'en vais, elle sera mon seul lien avec les personnes que j'aime.

Ouais je sais, je commence à faire dans le sentimental. Mais je suis pas toujours aussi énergique tu sais... Souvent quand personne ne me regarde je m'assieds pour penser. Je dis pas que je deviens mélancolique, mais ça arrive à tout le monde les coups de blues, non? Quoi qu'il en soit, même quand j'ai de la peine je me relève et je vais de l'avant.

Il y a fort longtemps, sur une petite île de North Blue naquit le jeune Egao. Il eu une enfance heureuse entre son père et sa mère ainsi que les gentils villageois qui le considéraient tous comme leur fils. Mais un jour où Egao profitait de sa dixième année, un bateau de pirate attaqua et décima tout le village, tuant les parents du jeune garçon devant ses yeux...

... nan je déconne. J'allais pas faire une centième histoire dramatique de plus hein? J'ai vu la tronche des mecs qui t'expliquaient leur vie avant moi. Bah franchement ouvre un centre psychologique hein, parce que niveau traumatismes y'en à qui se posent là. Et vas-y que toute ma famille est morte par-ci, et vas-y que je suis seul au monde depuis mon enfance par-là. Moi dès que j'arrive, j'ouvre une pharmacie sur Grand Line et je vends des antidépresseurs. Je vais faire fortune fissa.

Bon, je vais te raconter ma vie mais pas en prenant trois mille ans. On sait tous que si je prends des plombes ça va te saouler, ça va me saouler et ça va être chiant. Je vais être clair, concis et... et c'est déjà bien.  

Du coup ma petite vie à moi elle est bien plus simple. Ben oui, on commence pas tous riche, puissant, manipulateur et hyper prometteur. Par contre séduisant, drôle et modeste c'est tout moi.

J'm'appelle Egao. C'est ma mère qui m'a nommé comme ça et je dois dire qu'elle a bien choisi. Elle m'a expliqué que ça voulait dire "sourire" dans la langue de son enfance et qu'elle m'avait appelé comme ça pour que ma vie soit heureuse. C'est sympa de sa part je dois dire. Mièvre, mais sympa. En tout cas j'aime assez.

Je suis vraiment né sur une petite île de North Blue mais j'ai jamais vu passer de pirate. Ma mère s'appelle Anuki F. Enalada. C'est une femme simple et entière qui n'a jamais quitté notre île de toute sa vie. Il y a un peu moins de seize ans maintenant, un équipage de la Marine est venu se ravitailler sur notre île. Ils sont restés quelques jours et ont aidé les villageois pour les travaux, les plantations et les tâches les plus physiques. On m'a toujours dit que c'était des chics types et depuis cette période là tous les habitants du village sont fan de la Marine. "Après tout, c'est eux qui nous protègent", qu'ils me disent tous.

Ma mère m'a raconté que mon père était un des soldats de la Marine. Qu'il était grand, beau et très très fort. Mais surtout qu'il avait été très gentil avec elle. Ils ont eu une liaison le temps qu'il est resté sur l'île puis il est reparti à son travail. Neuf moi plus tard j'arrivais réclamer à bouffer en gueulant à tout va. Mon paternel ne fut jamais mis au courant de la situation.

Les années passèrent et je grandis en courant partout et en mangeant tout ce que je trouvais. J'ai rapidement fais la connaissance d'Ichi et Ni, les enfants du voisin et on est devenus amis à la vie à la mort. Comme je t'ai dit, on passait notre temps dans les bois à jouer à la Marine et aux pirates. La plupart du temps c'était moi qui faisait le Marine, comme l'était mon père. Et comme je suis plus rapide et plus silencieux que tous les autres enfants du village, mes amis ne me voyaient jamais arriver. Parfois j'y allais tellement fort qu'on finissait par se disputer et à se donner tous les noms d'oiseaux qui nous passaient par la tête... jusqu'au prochain jeu.

Quand je me retrouvais tout seul je passais mon temps à me balader dans l'île. Je mens pas quand j'affirme que je la connais mieux que tout le monde. Chaque recoin, chaque cachette et chaque branche d'arbre je les ai déjà explorés. Puis je revenais à la maison aider ma mère pour les plantations. Je lui menais une vie d'enfer, à ma vieille, mais j'aurais jamais oser lui avouer que j'adorais travailler avec elle. Déjà notre verger était le plus grand du village et déjà ça, c'était la classe. Rajoutez le fait qu'avec un peu d'habilité j'arrivais à dérober des fruits pour soudoyer les autres enfants du village ou pour me faire des banquets royaux avec mes potes et vous arrivez à la conclusion que le patron de la mafia enfantine de North Blue, ben c'était moi!

C'est que très récemment que les choses ont changé. Alors que j'étais justement en train d'aider ma mère à rentrer les fruits, la cloche du village s'est mise à sonner. Et ça, ça veut dire que deux choses: un mariage ou un bateau en approche. Et à ma connaissance personne ne se mariait.

J'ai roulé à toute allure vers le port et comme je le pensais un bateau était en train de jeter l'ancre. Les autres villageois aidaient les marins à nouer les cordes aux bittes d'amarrage et il régnait une grande agitation. Je me suis faufilé entre les jambes des adultes et je suis allé faire connaissance avec ces voyageurs. Il n'y avait aucun doute dans mon esprit: il s'agissait de soldats de la Marine. J'étais attiré vers eux comme si je les avais attendus toute ma vie.

Je ne sais pas vraiment ce que j'attendais de cette rencontre mais une fois qu'il furent repartis je rentrai à toute vitesse chez moi. Je voulais des histoires, des réponses. Cela me pris une bonne semaine de harcèlement intensif avant que ma mère ne finisse par craquer et à me donner le peu d'information qu'elle avait gardé pour elle.  

Tout ce que j'obtins d'elle fut une vieille photo en noir et blanc avec un nom griffonné à l'arrière : Alheïri S. Fenyang, vice-lieutenant de la Marine. Ma décision était prise et je regardais l'océan avec une envie non dissimulée. Je partais.

Ca fait maintenant un an que je m'entraine avec Ichi et Ni. Je coupe du bois, je cours toute la journée, je nage pendant des heures. Je m'entraine même à la lutte avec Liam, notre forgeron et il me dit que j'ai une force très impressionnante pour mon âge. Mais là où je suis le meilleur, c'est pour la discrétion. On a une belle forêt sur l'île et les animaux sont méfiant. Au début c'était difficile, mais maintenant même les lapins ne m'entendent plus arriver!

Liam a bien voulu me prendre sous son aile quand il fini par comprendre ma décision. Je sais que ma mère et lui sont très proches et je crois que ça lui faisait de la peine de savoir que je partais. Du coup il m'a entrainé pour être sur que je ne finisse pas mangé par un poisson je suppose. En tout cas il m'a beaucoup appris : comment frapper, comment parer, comment éviter de prendre des coups inutiles. C'est une vrai armoire à glace Liam m'voyez, pas évident de se relever après s'être pris une patate dans les molaires.

Je crois que ma mère, elle, n'a jamais compris ce que je mijotais. Quand je lui ai annoncé que je partais à l'aventure, elle a fondu en larme. C'est assez triste mais je suis motivé. Si mon père est aussi passionné par son travail et par les océans, c'est qu'il y a une raison. Et je vais la trouver par moi-même.

J'ai déjà dit à mes amis que je partais. Ils ne m'en veulent pas je crois. En fait, c'est un peu comme si on rendait tous nos jeux d'enfance un peu plus réels. Qui sait si un jour on ne se retrouvera pas sur les mers?

En tout cas, je sais une chose : ce monde devant moi, qui s'étend à perte de vue, je vais l'explorer! Et qui sait si en chemin, je ne tomberai pas sur mon paternel? Je donnerais cher pour voir sa tronche au moment où je lui dirai que j'existe.

Boréa. La belle du nord. L’île aux reflets de cristal, qui fait la fierté de North Blue. Mais avant tout l’île sur laquelle Egao venait de s’échouer, sa pauvre barque poussée sans ménagement par un blizzard aussi soudain que violent.

Trempé de la tête aux pied et les cheveux saupoudrés de neige en train de fondre, le jeune garçon réussit tant bien que mal à s’abriter dans une caverne froide non loin de la côte. Malgré la chance qu’il avait eu de se trouver à proximité d’une île habitée lors du début de la tempête, Egao pestait contre lui-même et sa profonde débilité. S’il n’avait pas été aussi impatient et irrationnel, il aurait réfléchit à un plan de voyage AVANT de se lancer en mer… À présent il était échoué sans le sou et sans vivres sur une île où il ne connaissait personne et bloqué à l’intérieure d’une caverne sordide par un blizzard qui, en plus de lui briser les noix, lui faisait amèrement regretter la douce chaleur de son foyer.

— T’es quand même un sacré connard , se murmura-t-il à lui-même. T’en rates vraiment pas une hein ?

Un frisson plus violent que les autres lui parcouru l’échine, le faisant frissonner de la tête aux pieds. Épuisé, le jeune garçon se laissa glisser contre la paroi lisse de la grotte en serrant ses minces habits contre lui. Il avait échappé de peu à la noyade et son aventure avait failli s’arrêter avant même d’avoir débuté.

L’aventurier jeta un coup d’œil à sa planche à roulette, seul bien qu’il avait pu sauver de la gueule avide de l’océan. Le cadeau que lui avait offert jadis Ichi et Ni était à présent le seul lien qui le rattachait à son île, aux gens qu’il aimait et aussi à son enfance insouciante. Malgré le grand sourire qu’il avait affiché tout du long, il n’avait pu empêcher son cœur de ronchonner lorsqu’il avait contemplé le visage de sa mère et de ses amis en s’éloignant. Son intuition lui disait qu’il ne les reverrait pas avant un long moment et quitter ainsi le confort et la protection des gens qui nous aime pour se lancer dans l’inconnu — aussi enthousiaste qu’on puisse l’être — n’était pas à proprement parlé une chose aisée. Mais même ainsi, transi de froid et quelque peu découragé, Egao ne regrettait pas son choix. Après tout, il était un nordien, un habitant de North Blue, habitué aux rigueurs de l’hiver et à la mauvaise humeur du climat. Il ne reculerait pas pour si peu. S’il voulait explorer le monde il devait remporter cette épreuve quoi qu’il lui en coute.

Un grognement sourd tira le gamin de sa rêverie et le fit sursauter. Un ours blanc adulte venait de toute évidence de rentrer chez lui pour la nuit et ne semblait pas satisfait de trouver un jeune humain maigrichon comme nouvelle décoration d’intérieur.

— Tout doux mon pote, essaya de le calmer Egao en lui montrant ses main pour prouver à l’animal qu’il était inoffensif. Je savais pas que c’était chez toi, le prends pas mal.

Les yeux de la bête étaient fixés sur l’enfant mais celui-ci semblait avoir compris que Egao ne représentait pas plus une menace pour lui qu’une otarie adolescente. Il se rapprocha tout de même de façon menaçante pour bien faire comprendre à l’intrus qu’il avait intérêt à dégager fissa.

— Je m’en vais, je m’en vais t’inquiètes pas mon gros, continua de le rassurer le jeune nordien en contournant lentement la grosse bestiole pour se rapprocher de la sortie. C’est toi le patron.

Il saisi sa planche à roulette au passage puis, sans tourner le dos à l’animal, sorti de la caverne. Aussitôt, la force et la froideur du blizzard se jetèrent sur lui dans une faim dévorante de peau humaine. Mais entre le froid et la grosse boule de poile, Egao n’hésita pas une seule seconde avant de s’enfoncer dans la neige qui recouvrait le sol. Il fallait qu’il trouve un autre abri et vite !


Plus de deux heures étaient passées et toujours aucun abri à l’horizon. À bout de force, Egao se traina entre les racines d’un arbre enneigé et s’effondra. Il n’avait pas prévu une situation comme celle-ci. Tout ce dont il avait besoin c’était de reprendre un peu ses forces et de trouver un village quelconque. D’ailleurs le temps commençait nettement à se réchauffer et cet arbre n’était pas si inconfortable que ça. Le jeune garçon ferma les yeux un tout petit instant. Une ombre se penchant sur lui fut la dernière vision consciente qu’il eut avant de plonger dans un profond et dangereux sommeil.


Le bruit du grattement d’une plume sur du papier tira peu à peu Egao de son sommeil. Il ouvrit lentement les yeux pour se rendre compte avec surprise qu’il se trouvait à présent dans un lit de qualité entouré de draps secs et propres. Le crépitement des flammes brûlant dans l’âtre non loin de lui réchauffait toutes les parties de son corps. L’incompréhension qui régnait dans la tête du jeune aventurier l’empêcha de distinguer immédiatement la jeune femme assise à son bureau à l’autre bout de la pièce et qui l’observait à présent d’un regard intense.

— Où… où suis-je ? Demanda-t-il d’une voix éraillée.

— Tu te trouves actuellement dans mes appartements au sein du quartier général de la 444ème Division des Marines de Boréa.

— La Marine ? Mais comment suis-je arrivé jusqu’ici ? Et qui êtes-vous ?

— Mon nom est Midnight Santana, commandante d’élite du QG de Boréa. Et tu es ici parce que je t’ai trouvé inconscient dans la neige non loin des mines des Boyettes.

Les idées de Egao se remirent peu à peu en place ainsi que le souvenir des derniers événements. Il repoussa les couvertures et constata qu’il était vêtu d’un pyjama en lin des plus confortable. Il se planta devant la commandante et s’inclina profondément.

— Je vous remercie du fond du cœur madame. Je crois bien que sans vous j’étais bon pour me geler les noix de manière définitive si vous voyez c’que j’veux dire.

Midnight leva un sourcil.

— Oui c’est souvent ce qui arrive quand on se promène dehors en plein blizzard…

—Ouais, c’est ce que j’aurais voulu expliquer au gros balourd, marmonna Egao entre ses dents en repensant à l’ours qui l’avait chassé de la grotte.

— Et je peux savoir d’où tu viens comme ça ? Demanda la femme de la marine.

Egao n’était pas très fier du succès de son parcourt depuis qu’il avait quitté son île mais il raconta son histoire dans le détail. À la fin du récit, la commandante semblait mieux comprendre la situation.

— Je vois, fit-elle avec un sourire. Eh bien tu peux rester ici quelques jours le temps de reprendre des forces si tu veux. Nous n’avons pas souvent de visiteurs au quartier général, un peu de compagnie ne pourra pas faire de mal.


Une semaine entière s’écoula sans qu’Egao ne voie passer le temps. Il avait fini par trouver ses marques parmi la marine et s’était rapidement fait accepter, aidant les hommes dans leurs tâches quotidiennes et se baladant un peu partout dans la base. Il appris rapidement qui était réellement la commandante, la fameuse Midnight qui lui avait sauvé la vie. Il avait appris qu’elle faisait partie de la Marine d’élite, la meilleure division armée du pays et qu’elle inspirait le respect à l’ensemble des gaillards machos de cette garnison.

Egao avait décidé de la suivre comme son ombre. Quelque chose l’impressionnait chez cette femme et il désirait en savoir plus. Il aurait aussi aimé lui rendre la pareille pour lui avoir sauvé la vie.

Un jour où Midnight et lui mangeaient ensemble, une jeune femme entra dans la pièce et salua la commandante.

— Le Chef m’envoie, dit-elle sans détour. On a un problème avec ces imbéciles de Crânes givrés.

Le jeune garçon observa la nouvelle venue la bouche bée. Vêtue d’une tenue de combat professionnelle, elle arborait des cheveux d’un rose vif et des yeux d’un vert profond. Mais le plus impressionnant était la hache géante qu’elle promenait sur son épaule comme un jouet. Egao ne savait pas ce qui lui semblait le plus incroyable : qu’on ait laissé cette femme pénétrer dans le cœur de la base de la Marine ainsi armée — les gardes n’avaient pas dû oser se mettre sur son passage — ou l’absence totale de la moindre once d’inquiétude dans les yeux de Santana.

— Hé Mid’, c’est qui celle-là ? Questionna le jeune garçon en se grattant le crâne.

Midnight se leva calmement et inclina légèrement la tête devant l’inconnue.

— Tu t’adresses à son Altesse Royale Lucrèce Nordin, sœur de l’actuel roi de Boréa, Maximilian Nordin premier du nom.

Elle observa alors Egao avec un air insistant qui perturba le jeune garçon. Soudain un peu gêné il se ressaisit en adressant son sourire le plus étincelant à la princesse.

— Ah bah salut alors ! T’en as une grosse hache pour une princesse dis donc !

Midnight poussa un soupire et se détourna du garçon.

— Quel est le problème avec les Crânes de Cristal ? Je croyais que Yann ne posait plus de soucis depuis le dernier affrontement avec la police de fer.

— Ben justement, reprit Lucrèce en rendant son grand sourire à Egao. Apparemment ils ont appris que le train transportait plus de marchandises précieuses cette fois. Ils ont tendu une embuscade à nos hommes à la sortie du territoire. Nous ne savons pas s’il y a des prisonniers.

La commandante saisit la longue épée qui reposait sur son bureau et la ceignit à sa ceinture.

— Bien, allons voir Mayday, lâcha-t-elle à la princesse. Quant à toi Egao tu restes ici jusqu’à mon retour.

Les deux femmes sortirent de la pièce sous l’œil des gardes et c’est donc le plus naturellement du monde que Egao les suivit de son pas le plus silencieux et de son air le plus innocent.


Le temps était aussi couvert que le jour de l’arrivée d’Egao sur l’île des Boréalins. Le jeune garçon avait suivit les hommes de la Marine et la commandante Midnight sans se faire repérer durant plusieurs heures. Ils avançaient à présent dans le noir complet le long des rails d’un chemin de fer. Au groupe de marines, s’était ajoutés de sombres individus masqués et à l’aspect étrange. Le garçon se souvint alors de la mention de la « police de fer » faite par Santana dans ses appartements.

Sa position plus éloignée permit à Egao de voir venir l’attaque avant les autres. Un groupe d’homme armé approchait silencieusement du gros des soldats. Malgré la difficulté de distinguer réellement le nombre des nouveaux venus, le garçon était à peu prêt sur qu’ils étaient au moins moitié moins nombreux. Mais aussi jeune qu’il était, il savait qu’un effet de surprise réussi pouvait occasionner de sérieux dégâts même à des combattants aguerris. Sachant qu’il allait compromettre sa position, le nordien porta ses doigts à ses lèvres et émit un puissant sifflement qui retentit en écho à travers les bois. D’un bond, il se mit hors de portée dans les branches d’un arbre et attendit.

L’avertissement, bien que non-localisable, suffit aux expérimentés hommes de la 444ème de saisir le danger. Privés de leur attaque surprise, les bandits affluèrent de toutes part, en nombre bien supérieur aux estimations de Egao. En cas de surprise, il ne serait resté que bien peu de survivant parmi les soldats.

Les combats s’engagèrent dans une cohue et une confusion générale. Mais le seul objectif du jeune garçon était de repérer la commandante Santana. Il la trouva en tête de peloton entourée d’une quinzaine d’ennemis morts. Pensant qu’elle s’apprêtait à se retourner pour venir en aide à ses hommes, Egao fut surpris de la voir pénétrer dans la forêt.

Le garçon sauta de l’arbre depuis lequel il observait la scène et entreprit de suivre la jeune femme. C’est sans doute le moment qu’attendait l’un des bandits pour se jeter sur l’enfant toutes lames dehors. Le grognement qu’il poussa alerta Egao qui s’écarta par réflexe, sentant le déplacement d’air de la lame frôler son oreille gauche. Sans réfléchir, il frappa de sa paume comme Liam le lui avait enseigné des mois plus tôt. Sa main trouva le plexus de l’homme, l’envoyant au tapis. L’adrénaline retombant aussi vite qu’elle était venue, Egao termina son adversaire qui peinait à reprendre son souffle d’un violent coup de genou dans le nez.

*Pas de mort à déplorer mais le museau de cet idiot ne sera plus jamais le même*, songea-t-il.

Il entreprit de délester son agresseur de ses deux dagues de lancer et observa la facture de l’objet en fronçant les sourcils. Liam lui-même ne possédait pas d’arme d’une si bonne qualité et le jeune garçon se demanda bien quelle pouvait être la source d’approvisionnement de ces bandits. *Sans doute un groupe puissant qui voit intérêt à armer le  banditisme de la région*, se dit-il sans comprendre qu’il venait justement de toucher le cœur des problèmes politique de Boréa.

Il repartit ensuite dans la direction que Midnight avait prise, tachant cette fois de passer inaperçu auprès des combattants. Le son d’une conversation l’attira vers une petite clairière qu’il observa caché derrière un épais buisson.

— Si tu penses m’échapper tu es un crétin Yann, dit la voix de Midnight.

Un rire gras s’éleva hors du champ de vision du garçon. Celui-ci passa la tête hors du buisson. Un homme aussi laid que grand et gros se trouvait devant la commandante.

— C’est toi qui être crétin femme marine. Je t’aplatir !

Dès le moment où il posa ses yeux sur la situation, Egao comprit que le dénommé Yann n’avait aucune chance contre Midnight. S’il respirait la force, il se dégageait de lui une telle impression de stupidité que sa simple proximité semblait néfaste pour le jeune garçon. Mais c’est au moment où le géant fonçait sur sa nouvelle amie qu’il remarqua une autre forme bouger dans l’ombre à quelques pas de lui.

Un homme à la face ravagée par les cicatrice, bossu et informe approchait de manière parfaitement silencieuse le dos de la commandante trop occupée à parer les coups du géant. Comprenant le danger imminent, Egao sorti des fourrés ses lames à la main. Il ne laisserait personne prendre Midnight en traitre.

— Eh l’affreux ! Cria-t-il à l’adresse du vieux moche qui se retourna vers lui à une vitesse surprenante.

La colère avait commencé à prendre place dans l’esprit du garçon et augmenta ses réflexes et sa précision. Il se battait pour protéger quelqu’un, ce qui le rendait beaucoup plus dangereux. Le couteau de lancer vint se ficher net dans la jambe de son ennemi, lui arrachant un cri de douleur et de surprise qui alerta Midnight. Voyant sa ruse éventrée, l’individu rejoignit l’abri des arbres à une vitesse stupéfiante.

— On s’en va, siffla-t-il à l’adresse de son compagnon.

Une fumée opaque, sans doute le résultat d’un piège dissimulé là bien avant le début des combats, emplit alors la clairière et Egao chercha son amie des yeux. Une fois la vue récupérée, Midnight et lui étaient seuls dans la forêt.

— Eh bien gamin, cette fois c’est moi qui t’en dois une belle ! Commenta-t-elle avec un sourire.


Deux jours s’étaient écoulés depuis l’incident de la clairière quand Egao fut appelé dans les appartements de la commandante. Il s’y rendit en saluant plusieurs soldats qui continuaient à le remercier chaleureusement. Bien que peu décisive en terme de force de combat, l’intervention de Egao — aussi bien pour empêcher l’attaque surprise que pour aider la commandante Santana — était à présent connue de tous et les hommes reconnaissaient sans peine que beaucoup de vies supplémentaires auraient été perdues sans le jeune garçon.

— Egao ! Fit la voix de Midnight quand il entra.

— Tu m’as fait demander Mid’mid’ ?

Elle soupira.

— En effet. J’aimerais qu’on discute tous les deux.

Le jeune garçon s’assis, attendant tranquillement que la femme continue.

— Lors du combat qui nous a opposé au clan des Crânes de Cristal, tu t’es hautement distingué.

— Oh merci mais tu sais j’ai fait que mon devoir, tout ça…

— Je n’ai pas fini ! Tu as peut-être été très utile mais tu as aussi enfreint un ordre clair et direct. Je t’avais expressément ordonné de rester ici car un civile n’a pas sa place sur un champ de bataille. Encore moins un enfant, dit Midnight en le coupant sur un ton sévère.

— Ouais bah c’est pas ce que t’aurais dit si j’avais laissé l’autre gros moche te planter son couteau dans les steaks. Il est pt’ête même possible que t’aurais plus jamais rien dit du tout d’ailleurs.

— Tu es impertinent, irresponsable, désobéissant et beaucoup trop sur de toi. Continua Santana avec un sourire énigmatique. Et c’est pour ça que je te recommanderai chaudement auprès du commandant Jugo pour ton entrée à l’examen du BAN.

— L’examen du quoi ?

— Le BAN. La formation et examen indispensable pour toute personne désirant rejoindre la Marine d’élite. Je pense que tu as absolument toutes les qualités recherchées. J’ai ici une carte précise de la localisation de la base ainsi qu’une boussole de qualité. Tu pourras demander une semaine de vivres en cuisine et une barque pour te rendre sur place. Voici aussi ma lettre de recommandation. Elle ne te donnera aucun avantages une fois la formation commencée mais elle devrait inciter les examinateurs à passer au dessus de la barrière de l’âge pour le recrutement.

Egao se leva de sa chaise, sous le choc. Il saisit les papiers et la boussole d’une main, une flamme brûlant dans ses yeux.

— Ca roule ma poule !

[Bon désolé je voulais pas être aussi long mais j'ai un peu été pris par l'histoire ^^]