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Les deux font la paire

Suite des événements joués ici.




***



Plus qu'un jour avant l'ouverture de la boutique du cafard. Lorsque les Blattards eurent terminé les travaux, ils étaient prêts à ouvrir sans attendre, pour autant, ils avaient préféré attendre. Grand bien leur en prit, car au cours des derniers jours, après avoir éliminé pas mal de concurrence dans les environs, Joe avait rempli les geôles de son entreprise qui débordaient maintenant d'esclaves.
Cent quatre-vingt quinze produits sans compter les enfants qui vivaient dans la même cellule que leur mère, un joli lot.

- Alors ce recensement ?!

Puisqu'il prétendait proposer de tout, le cafard tenait à faire l'inventaire de son stock pour faire valoir ce qu'il avait à vendre aux clients futurs. Deux de ses rares hommes encore valides s'en étaient chargés.

- Capitaine, on a huit longs-bras, cinq longues jambes, deux-hommes poissons, une femme poisson de plus de cinquante ans malheureusement...

C'était malheureux en effet, les sirènes se monnayaient à un prix phénoménal. Passé une trentaine d'année, leur queue disparaissait au profit d'une paire de jambe.

- .... Trois demi géants, et même un Tontata qu'on a mis dans un grand bocal.

Un Tontata était en effet minuscule, mais aussi très rare et difficile à attraper. C'était une aubaine d'en voler un parmi les effectifs d'un autre marchand d'esclaves.

- Vous avez fait des trous dans le couvercle pour qu'il respire ?

Les deux pirates se regardèrent un long moment, puis, l'un d'eux paniqué se rua dans le sous-sol de la boutique où se trouvaient les nombreuses cellules pour n'en ressortir qu'une minute plus tard haletant.

- B... Bien sûr qu'on y a pensé capitaine.... Pour... Pour qui vous nous prenez ?

Si l'un d'eux avait été responsable de la mort du Tontata il aurait probablement été obligé de vendre sa famille en guise de compensation si il avait souhaité continuer à vivre. Cependant, le drame avait été évité de justesse.

- Le reste, c'est des humains normaux. On n'a pas de Minks, de géant ou de longs cous.

Ceux-ci représentaient des espèces rares, mais Joe saurait en acquérir et s'imposer comme le pourvoyeur d'esclaves de toutes les races. C'était un homme consciencieux quand il s'agissait de faire des affaires. À vrai dire c'était avant tout un psychopathe prêt à mettre des fers à tout ce qui était bipède et capable d'articuler quelques mots.

Une fois le recensement terminé, les deux pirates ne purent contenir leur joie. Leur capitaine, pensif, les bras croisés se contenta de les regarder sans comprendre l'origine d'une telle joie.

- Enfin ! Après tout ce qu'on a subit ! On peut enfin souffler !

Depuis leur arrivée sur Shabondy, les Blattards avaient sué comme des boeufs pour aménager le sous sol en dessous de la boutique. Une fois cette entreprise harassante terminée, ils avaient subit l'assaut d'un sous-lieutenant de la flotte de Teach, occasionnant trois morts et dix blessés dans leurs rangs. Enfin ils en voyaient le bout, se ruant à la taverne la plus proche pour gaspiller leur butin en alcool bon marché.

- Un instant.

Ces mots, ils les avaient craint plus qu'autre chose. Alors, dépités, les deux pirates firent demi tour abattus. Leur faisant face, le cafard se leva péniblement du fauteuil dans lequel il était assis. La balle qu'il avait reçu dans la cuisse suite au combat contre le pirate de Teach lui avait occasionné une blessure assez marquante.

- Vous voulez picoler ? Soit.

Surpris, ses deux matelots se demandèrent alors pourquoi leur capitaine les avait interrompu dans leur élan. Un sourire glaçant aux lèvres, Joe poursuivit.

- Mais dans ce cas... Que diriez vous de joindre l'utile à l'agréable ?

Cela n'augurait rien de bon.
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Laissant ses hommes retourner en taverne pour se rincer le foie, Joe fit un détour pour retourner aux quais du Grove 21. Sa douleur dans la jambe l'empêchant de marcher convenablement, il ne se déplaçait plus qu'à l'aide de ses Ventio Dials.
Là bas, Zujo l'attendait. Devant leur bateau, ils avaient aménagé un petit bureau avec une chaise. Ce genre de matériel à quai ne signifiait qu'une chose : un recrutement de pirates.

- Alors où ça en est ?

La question ne se posait même pas. Il suffisait de contempler la queue qui se dessinait devant le bureau pour comprendre que la main d'oeuvre abondait dans le coin. Après les quatre morts dues à l'assaut du long-bras surarmé, ainsi que Ran, décédé pendant la tempête, ajouté au boucanier que Joe avait exécuté pour ne pas avoir obéit aux ordres, les Blattards étaient en effectif réduit. Ils avaient embarqué à vingt-deux sur "Le Grouillant", n'étaient plus que seize, dont neuf blessés, capitaine inclus.

Trop occupés à devoir faire signer les contrats aux nouveaux membres d'équipage, Zujo n'avait pas entendu la réfléxion de son capitaine.

- Signe ici.

Un grand gaillaird à la gueule carrée et aux dents manquantes lui rendit la feuille avec le dessin d'une tête de bonhomme.

- C'est pas une signature ça...

Impertinent, l'homme lui répondit :

- Qu'est-ce que t'en sait ?

Devant la connerie manifeste de ces pirates dont les seules compétences relevaient du domaine de la navigation maritime, le chasseur préféra ne pas insister.

- On dira que ça fera l'affaire. Au suivant. Tiens, te voilà capitaine.

Enfin il remarquait la présence du cafard. Ce n'était pourtant pas la discrétion qui étouffait le forban, en effet, le bruit des Ventio Dials dont le souffle le surélevait au dessus du sol ne passait en principe pas inaperçu.
Après avoir bavardé un instant pour discuter de l'avancée du recrutement, tout semblait bien se passer. Néanmoins, l'ancien second de Joe alpagua son capitaine.

- Dis voir, dans la liste il y a bien quarante personnes de trop. On n'a pas besoin de tant de monde à bord.

Ricanant puis tapotant l'épaule de Zujo, le forban avait quelque chose en tête. Un mauvais plan, cela était d'une évidence crasse. Cependant, ce plan échappait au chasseur qui n'en avait pas eu vent.

- Mon pauvre Zujo, un peu d'imagination enfin ! Hin-hin.

Ce ricanement avait de quoi faire tressaillir ceux qui y étaient habitués, car il était annonciateur de désastres pour le moins sanglant. Après s'être bien marré, Joe afficha une moue plus gênée. Se penchant du mieux qu'il pouvait vers l'oreille de son ancien bras droit, il lui demanda à demi mot si ce dernier ne pouvait pas lui donner une part de son butin. C'est vrai qu'il était à court de liquidités depuis l'achat de la boutique, mais pas de là à mendier à l'un de ses hommes.
Intrigué, Zujo fronça légèrement les sourcils.

- Pour mon bien être mental capitaine, je ne vais pas te demander pourquoi tu en as besoin. En revanche, je demande un intérêt de 10% par mois en attente de remboursement.

Là dessus, Joe lui tendit la main pour que le chasseur la serre.

- T'inquiète pas va. Si tout se passe bien, tu seras remboursé ce soir même à hauteur d'au moins cent mille pour cent de la somme investie.

Soupçonnant son capitaine de pipoter, Zujo soupira et lui remis deux millions de berries puis serra sa main de manière ferme plongeant son regard dans le sien.

- Sans faute...

Quelque peu nerveux, Joe put extraire sa main de celle de son ancien second grâce à la moiteur lui permettant de glisser comme une anguille. En guise de réponse, il se contenta d'un énième ricanement sinistre.

- Allons Zujo... Tes soupçons me vexent hin-hin.

Il y avait un sale coup derrière ces successions de rictus, et quel qu'il soit, une chose était claire : il y allait avoir des morts.

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Grove 21 de nuit. Dans une taverne remarquablement bien tenue malgré la clientèle douteuse et cradingue qui la peuplait, les Blattards s'y étaient réunis en assemblée plénière afin de d'écouler le stock de boisson du propriétaire. Après tant de tumultes, l'équipage était ravi de passer enfin un peu de bon temps. Plus de la moitié des hommes étaient blessés et recouverts de bandages. C'était aussi ça le prix d'appartenir à l'équipage du cafard, ce dernier envoyant ses hommes vagues après vagues pendant qu'il restait planqué loin derrière. Une technique qui avait fait ses preuves. Pour le capitaine en tout cas.

Entre les deux équipages qui se côtoyaient dans l'établissement, un concours tacite de celui qui ferait le plus de bruit semblait s'être organisé. Difficile de se faire entendre dans tout ce vacarme où se mêlaient les rires, les hurlements d'ivrognes et les engueulades de Joe chaque fois qu'un de ses hommes lui sifflait son verre pendant qu'il était occupé à discuter.

Ce n'était pas la concurrence qui manquait pour descendre des canons et gueuler comme des dératés. Bien que l'établissement était incroyablement large, tous étaient serrés les uns contre les autres, aller chercher de quoi se désaltérer relevait du parcours du combattant tant on devait batailler pour faire dix mètres au milieu de la foule.
Depuis le début de la soirée, on relevait trois incidents impliquant des fléchettes s'étant planté dans la peau de malheureux ne s'étant pas trouvé au bon endroit au bon moment. De ce que lui en avait raconté ses hommes qui venaient ici quotidiennement, Joe appris que l'endroit était toujours aussi bondé.
Pourtant, la taverne n'avait rien de bien particulier. La gnôle y étant servie n'était pas extraordinaire, et les filles n'y étaient ni plus jolies ni moins chères qu'ailleurs. Cependant, là où il y avait des pirates, les tavernes faisaient le plein. C'était une loi de la nature qu'on ne pouvait contester.

Qui disait pirate confinés par dizaines dans un débit de boisson impliquait bien sûr de nombreuses querelles. Il suffisait en général d'un équipage pour que les hommes se massacrent entre eux, alors deux, cela permettait le prétexte en or de la rivalité inter équipage.
Birone, saoul comme un cochon comme à son habitude avait pour la troisième fois cette nuit cherché les ennuis. Il avait beau être sec comme un coton tige et taillé comme un crayon, Birone aimait la baston. Ce qu'il n'appréciait pas trop c'était de se réveiller le lendemain couvert d'hématomes.

- Pour la troisième fois merdeux ! Si tu veux te battre, tu vas faire ça dehors !

Le barman un moustachu légèrement dégarni de l'arrière du crâne, habillé comme un pingouin avec son smoking sale avait encore dû sortir un bâton de dynamite pour menacer. Quand on fréquentait une engeance aussi agressive que celle de la piraterie, mieux valait employer les grands moyens pour être sûr de se faire comprendre.

Alors, pour la troisième fois, les deux équipages sortirent de la taverne, s'organisèrent de sorte à former un cercle au centre duquel se trouvaient les deux combattants avinés. Il fallait reconnaître que Birone, matelot sans envergure, encaissait particulièrement bien. L'inconvénient, c'était qu'il n'était pas capable de contre attaquer.
Vint un moment où les coups dans les molaires le firent enfin vaciller et s'écrouler. Que ce soit l'équipage des Blattards ou celui des Merlans enchanteurs, tous hurlèrent de joie. Des liasses de berries passèrent de mains en mains. Les paris avaient fait autant d'heureux que de mécontents, cependant, du moment que les vainqueurs payaient leur tournée, tout allait pour le mieux.
Beau joueur, le cafard, malgré la défaite au combat singulier d'un de ses hommes, s'engagea à payer une nouvelle tournée à ses adversaires pour les en récompenser.

Beau joueur. Généreux. Sympathique. Les Merlans enchanteurs commencèrent à estimer le cafard. Sans doute était-ce parce qu'ils ne le connaissaient pas assez. Le cas contraire, ils se seraient méfiés comme de la peste de toutes ces bonnes intentions leur étant adressées.
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- M.... Moi j'te l'dis Joe. J'te l'dis comme j'te l'dis que j'le pense... On d'vrait faire un alliance.

Prenant ses aises, un bras autour des épaules du cafard, tous deux assis sur l'une des banquettes de l'établissement. Sur l'horloge fixée au dessus de l'armoire où s'alignaient les liqueurs, il était affiché quatre heure du matin.
Rares étaient les fois où le capitaine des Blattards restait aussi longtemps avec ses hommes à se saouler. Cela dit, il n'avait pas bu tant que ça. Il devait s'être enfilé six godets de piquette depuis qu'il se trouvait en ces lieux. Toujours est-il qu'au court de cette nuité festive, il avait pas mal discuté avec King Arthus, capitaine de l'équipage avec lequel ils partageaient la taverne pour la nuit.

Comme tous bons pirates, ils avaient partagé leurs anecdotes maritimes, cherchant à épater l'autre du mieux qu'ils pouvaient afin de flatteur leur égo respectif. Un concours de celui qui apprendrait à pisser le plus loin en somme.
La gnôle avait aidé à faciliter la camaraderie. Tout du moins, avait disposé Arthus à apprécier le cafard. Car c'était bien connu, il fallait avoir au moins un litre d'alcool dans le sang avant de trouver le forban sympathique.

- Ouaip que ch'te dis ! Une alliance. Et tous les deux... On ira un peu calmer ces cons d'Empereurs !

Bien que particulièrement vantard et orgueilleux, même Joe savait qu'il n'avait pas le millième de ma puissance nécessaire ne serait-ce que pour égratigner un Empereur. L'incident qui l'avait opposé à un chef d'établissement sous le contrôle du malvoulant l'avait amené à maquiller la scène de meurtre afin de s'assurer qu'on ne puisse remonter jusqu'aux Blattards. Car il aurait suffit à Teach de battre d'une paupière pour les éradiquer.

- Superbe idée....

En temps normal, il aurait insulté le crétin qui proposait une telle chose. Peut-être même qu'à force d'agressivité, il en serait venu à lui briser le crâne à coup de bouteille pour être sûr de ne plus à entendre de pareilles inepties. Mais il fallait croire que ce n'était pas un temps normal. Tantôt généreux, maintenant docile, Joe ne semblait plus être le même homme.
N'ayant presque rien bu de la nuit, on ne pouvait pas blâmer l'alcool pour ce changement de personnalité.

Toutefois, il y avait quelque chose de louche qui se tramait. Qu'il accepte de venir en taverne pour ne pas boire et discuter avec un capitaine pirate qui se trouvait là avec ses hommes pouvait à priori signifier une chose : il cherchait des partenaires de crime pour étendre sa notoriété sur Grand Line. Personne ne pouvait tenir longtemps en ce bas monde sans alliés, cela relevait de l'évidence.

Nerveusement, toutes les deux minutes, le cafard cherchait le regard de ses hommes qui en guise de réponse lui sourirent en coin. L'ambiance s'était pas mal calmée depuis environ une heure. À force de faire pleuvoir les tournées générales à l'intention de l'équipage des Merlans enchanteurs, plus de la moitié de leurs membres somnolaient. Les ronflements avaient pris le dessus sur les gueulantes.

- Re... Regarde moi ces feignants... Que veux tu faire de couillons pareils je te le demande.

Essuyant un léger rictus, Joe trouva un réponse à sa question.

- Au mieux, on pourrait en faire des appâts à requin après les avoir saigné.

Faisant s'entrechoquer sa chope de bière avec le verre à moitié remplit de vingt du cafard, Arthus rigola franchement après avoir entendu une telle plaisanterie.

- Ahahahahahah Cafard ! T'as de l'humour Ahahahahahah !


Se joignant à ses rires, un ricanement strident et sinistre échappa au capitaine des Blattards.

- Hinhinhin ! Attends voir ! Je connais une blague dans le même registre hinhin... C'est l'histoire d'un type avec une caravelle qui amarre aux quais du Grove 21 de Shabondy.

Tandis que Arthus essuyait ses larmes issu de son fou rire, Joe continua sa boutade dont la chute promettait d'être hilarante.

- Le type vient en taverne avec ses hommes ! Là il rencontre un autre capitaine comme lui. Le type est super sympa, il dépense pour presque deux millions de berries de gnôle rien que pour les saouler. Deux millions tu te rends compte ?!

Pour le moment, Arthus ne voyait pas encore où le cafard voulait en venir, l'alcool avait atténué son sens de la perspicacité.

- Ahah, ouais l'andouille !

Joe tapa sur la cuisse de son camarade de beuverie et poursuivit de plus en plus guilleret.

- Bah figure-toi que cette andouille a fait ça pour pouvoir les amadouer, tromper leur vigilance, les buter et piquer leur bateau Yahahaha ! T'y crois ça ?!

Sur le coup, Arthus avait du mal à saisir où était l'aspect amusant de la blague. Il réfléchit un instant pour voir si un élément ou un jeu de mot ne lui avait pas échappé, mais rien. Ce n'est que lorsque Joe, cessant soudainement de rire, se mis à claquer des doigts qu'ils compris.
Alors, les Blattards sortirent leurs sabres et égorgèrent les membres de l'autre équipage qui, endormis ou trop saoul pour se défendre, n'offrirent presque aucune résistance.

- Tu rigoles pas ? Je suppose que c'est une question de sens de l'humour....

Fatigué d'avoir eu à écouter le capitaine des Merlans enchanteurs lui débiter un ramassis de connerie incessant, Joe pointa son mousquet à triple canon sur la bedaine du malheureux et tira trois coups. Tout un équipage de pirates armés y était passé en un instant. Partout dans la taverne, on pouvait patauger dans le sang, le personnel de l'établissement n'y avait pas échappé non plus.

- Messieurs, finissez vos godets, j'ai un cadeau pour vous hinhin !
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Afin de ponctuer une nouvelle nuit de débauche orgiaque plus ensanglantée qu'à l'accoutumée, les oiseaux chantaient. À l'horizon, les premiers rayons de soleil commençaient à briller tandis que les Blattards couverts de sang se dirigeaient vers les quais de bon matin ne croisant personne. Et pour cause, à cinq heure du matin, les honnêtes gens et même les moins honnêtes somnolaient.

C'était aussi l'heure à laquelle Zujo se levait. Extirpé du dortoir du "Grouillant" là où il passait ses nuits, il sortit sur le pont afin d'humer l'air frais et goûter à la rosée du matin tout en étirant ses muscles.
Ses étirements tournèrent court puisqu'il se retrouva vite les bras balants, dépité de ce qu'il apercevait devant lui. Le cafard suivi de ses dix huit hommes paradaient fièrement en arborant le sang de leurs ennemis qui couvrait leurs vêtements ainsi que les bandages des blessés.

- Note à moi même. Ne jamais les laisser seuls en compagnie de Joe.


Face à ce spectacle pour le moins inquiétait, le chasseur fut néanmoins rassuré de voir que personne n'avait l'air mal en point. Cependant il craignait le pire. Généralement quand une bande de pirates revenait dans cet état, c'est que le pire était à prévoir. Pourtant, le cafard était tout sourire tel le dernier des imbéciles heureux et ses hommes semblaient de bonne humeur.

- Joe je jure que si tu es retourné faire chier des hommes du malvoulant je mets les voiles.

Baillant, son capitaine fit non de la tête après être monté à bord. Grite vint à lui attiré par l'odeur du sang et lui lécha la main rougie du sang de King Arthus dont les boyaux avaient explosé au contact des balles qui lui avaient transpercé la panse.

- Mais non mais non, pour qui tu me prends ?

Trop poli pour répondre à une telle question, Zujo se contenta de faire silence.

- Je viens pour rembourser ton prêt.

Alors, l'ancien second du capitaine commença à faire quelques déductions. L'hypothèse la plus probable dans sa tête étant que Joe se serait servi de son argent pour parier, que l'opération aurait échoué, justifiant les vêtements couverts de sang. En somme, un braquage.
Soupirant, le chasseur monta dans les cordages avec la ferme intention de déplier les voiles comme il l'avait promis.

- Pas envie d'être impliqué dans un braquage d'établissement pirate, je fut honoré de te cotoyer tout ça tout ça.

Devant ce spectacle, Joe se mit à rire légèrement. Un de ses hommes poursuivit la conversation à sa place.

- Y'pas d'braquage qui tienne Zujo ! On a buté un équipage pirate entier sans témoin.

Avant de se décider à descendre, Zujo fixa Joe pour essayer de voir dans son regard si il cachait quelque chose. Apparemment, il ne remarqua rien de plus pernicieux que d'habitude dans le blanc de l'oeil de son capitaine.

Une fois redescendu, Joe et ses hommes avaient fini par le persuader de les suivre plus loin à quai avant de montrer du doigt l'une des nombreuses embarcations amarrées dans le coin.

- Tiens con de chasseur ! Si tu veux mettre les voiles, prend ce navire là. C'est le tien.

C'était ainsi que le cafard l'avait remboursé. Trop radin pour acheter un nouveau vaisseau, et n'en ayant de toutes manières par les moyens, il avait alors décidé d'investir deux millions de yen en gnôle pour anéantir un équipage et leur piquer leur bien.
Cela dit, l'affaire n'était pas pliée. Sur le pont, trois matelots firent une drôle de tête en voyant s'approcher une vingtaine de pirates aussi douteux.

- Eh dites ! Dégagez voir de là ! C'est le bateau de King Arthus ça, on touche pas.

Essuyant les rires des Blattards, les trois hommes comprirent que quelque chose s'était passé.

- Ton capitaine est mort. Le reste de l'équipage aussi. Crise cardiaque collective hin-hin.

Avec tout le sang qui recouvrait les vêtements des Blattards, les derniers matelots des Merlans enchanteurs savaient qu'un règlement de compte avait eu lieu, et qu'ils n'en étaient pas sorti gagnant.

- Merde alors....

Un grand blond aux cheveux mal peignés se gratta le cuir chevelu relevant une nuée de pélicules. Ne perdant pas le Nord suite à cette terrible nouvelle, il demanda l'air de rien :

- Et euh... Vous recrutez ?


Ce fut ainsi que trois nouvelles recrues s'ajoutèrent à la quarantaine engagés par Zujo la veille durant l'après-midi. Ainsi se faisaient les prises lorsque le cafard était en charge des opérations. Pas de bataille, pas cris si ce n'est l'agonie des malheureux, pas de poudre. Tout en sournoiserie, sans victime au sein des Blattards. Joe n'avait que sa ruse perfide à faire valoir. Elle l'avait amené jusqu'à Shabondy, il espérait bien qu'elle le mène plus loin dans un avenir proche.

Deux jours après le bienheureux incident induit par le cafard et ses hommes, les Blattards, passés de vingt à soixante et un hommes clamèrent à l'unisson que le temps de la chasse aux esclaves et aux pillages en mer était enfin venu.
Joe commençait à se lasser de sa vie "d'honnête" commerçant. Sa boutique faisait des affaires correctes puisque amputée d'une grande partie de la concurrence qu'il avait annihilée il y a de cela environ une semaine. Mais si il était un esclavagiste, il restait avant tout un pirate. L'appel de la mer était inévitable.

- Avec le Log Pose pour Union John trouvé à bord du "Nuisible", on est bon pour ratisser la troisième voie et faire un joli plein dans les stocks d'esclaves ah-ah !

Il s'en frottait les mains d'avance. Plus que pour les impératifs de son commerce, c'était un esprit de revanche qui l'animait. Cette troisième voie qui lui en avait fait baver allait bientôt subir son courroux. Renforcé de par un arsenal plus conséquent et surtout d'un équipage pour l'épauler, son trajet serait assurément plus agréable. Tout du moins, c'est ce qu'il se plaisait à croire. Devenu confiant à force de victoires, il finissait par oublier que Grand Line était une mer particulièrement traître et ne faisait pas de cadeaux à ses habitués.

La décision de partir fut prise. Toutefois, avant cela, le cafard se devait de déterminer quels seraient les hommes chargés de rester sur Shabondy pour administrer la boutique en son absence. Cela n'était pas une mince affaire. Pour gérer ses comptes, il se voyait mal laisser un voleur en puissance tenir la caisse durant plusieurs mois d'absence. Avoir un équipage conséquent était une chose, ne pas lui faire confiance était une tare certaine.

Passant en revu tous ses hommes, le cafard se refusa catégoriquement à employer l'une des nouvelles recrues à la tâche. Zujo partirait avec lui en tant que capitaine de la seconde embarcation de sa flotte. Restait dix-huit gaillards. Mettant de côté ceux susceptibles de le trahir pour moins d'un million de berries, il ne restait qu'Olaf. Cependant, il n'allait pas se priver d'un cuistot à bord, surtout si ce dernier était celui qui s'occupait en plus de soigner les gangrènes entre deux ragoûts. Il lui fallait embaucher quelqu'un de confiance. Seulement, paranoïaque de par nature, considérer une telle qualité chez ses semblables relevait de l'improbable.

En charge de nourrir les esclaves, le cafard mis la main à la pâte une fois encore. Il tenait à ce que ses biens soient en bon état et veillait à ce qu'ils soient nourris convenablement. La trentaine d'esclaves rachitiques qui appartenaient à l'établissement du malvoulant commençaient à reprendre du poids. Elles reprenaient bonne mine et de tout le stock d'esclaves, étaient les seules à s'estimer heureux d'être les captives du cafard. Elles avaient connu l'enfer, les abus et les maltraitances. Au moins, à "Enchaînés et à Vendre", elles étaient bien nourries, avaient une cellule correcte avec un coin où dormir, le minimum nécessaire pour leur hygiène et même de la lecture.
Elles étaient les seules à oser adresser la parole à leur nouveau maître qui ne les intimidait pas le moins du monde.

- Dis voir le maître, t'aurais pas des bouquins avec les images, je sais lire que t'chi moi.

- Et tu t'étonnes d'être esclave après hinhinhin !

Nombreuses furent les furies à rire en coeur suite à la répartie sordide du capitaine des Blattards. Après avoir distribué tous les bols, une demoiselle l'interpella alors qu'il s'apprêtait à sortir du sous-sol de sa boutique où se trouvaient les deux-cent cachots.

- Vous devriez faire attention, y'a une épidémie de dysenterie qui couve. Il faudrait peut-être l'endiguer en vitesse.

Cette information glaça le sang du cafard. Il suffisait en effet d'une simple maladie contagieuse pour décimer sa marchandise. Il se retourna vers l'esclave qui affichait un air froid et triste. Elle aussi faisait partie des anciennes esclaves du malvoulant, mais elle semblait plus vive d'esprit que ses comparses.

- Comment tu sais ça toi ?
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On pouvait trouver de tout dans les geôles du forban. Du retraité à la femme au foyer en passant par d'anciens pirates et des filles de mauvaises vies. On retrouvait aussi des esclaves aux compétences rares vendus à un prix plus élevés, les bâtisseurs notamment.
Celle-ci avait repéré en quelques coups d'oeil des symptômes suspects et sans ausculter le moindre des bougres. Elle ne prit pas la peine de répondre à la question du forban et, sur une intonation froide et déconcernée poursuivit.

- Aline, Ginette et le longue-jambe sont touchés, ça va se répandre comme une traînée de poudre.

Jamais de la vie il ne serait venu à l'esprit du cafard de se référer à ses esclaves par leur nom. Au dessus de chaque cellule était inscrit un numéro.

- Vois-tu ma jolie, j'ai plus l'âme d'un comptable que d'un écrivain, aussi les noms....


Soupirant devant un tel manque d'intérêt de la part de son maître, Hillen lui donna les numéros 2, 14 et 16. Ces nombres en tête, Joe alla s'enquérir de la santé des malheureux. Observant d'une moue dégoûtée le contenu du seau où ils faisaient leurs besoins, il prit une décision que seul un homme de sa trempe était capable de prendre et sortit son mousquet à triple canon.

- Ça me fend le coeur... Il y en avait bien pour un million de berries de profits.


Dans les cages, tous commencèrent à s'agiter. Il y avait de quoi. D'habitude, le cafard prenait soin de ses marchandises, seulement, il risque d'épidémie il y avait, n'ayant que des compétences médicales très relatives, il connaissait un moyen d'éviter la contagion : éliminer tous les malades.
Plus de malades en vie, plus de maladie. C'était un calcul qui lui ressemblait bien. Alors qu'il pointait son arme en direction du détenu numéro deux, Hillen le coupa dans son élan tout aussi calme. De tous les esclaves qui s'agitaient, elle était la seule à demeurer impassible.

- Ça se soigne autrement qu'avec du plomb ce genre de maladie.

Intéressé par l'idée de garder ses possessions afin de conserver ses profits, le forban fut tout ouï gardant néanmoins son arme braquée sur la pauvre malade de l'autre côté des barreaux de sa cellule.

- Donne leur davantage d'eau, et des fibres.


Haussant les sourcil pour le moins sceptique, il arma son mousquet.

- Une dysenterie ce n'est qu'une affaire de carence alimentaire, ces esclaves étaient mal traités par leur maître avant que tu ne les amènes ici, il ont juste besoin d'une remise à niveau.

Son ton était plus nerveux. Elle avait beau essayer de paraître insensible, on pouvait se douter que ce n'était qu'une façade et que du mieux qu'elle pouvait, elle cherchait à protéger la vie de ses camarades esclavagis. Ayant saisi que la demoiselle était particulièrement émotive quand ses camarades risquaient la mort, il se doutait alors que les conseils qu'elle prodiguait ne pouvaient être faux et rangea son arme.

- Je te préviens... Si jamais ma marchandise est endommagée à cause de tes remèdes de grand mère, tu y passes dans la seconde qui suit.

Cette fois il se dirigea d'un pas déterminé pour rejoindre la boutique à la surface. Il allait devoir chercher un stock d'eau et demander à son cuistot ce qu'étaient des fibres. Cependant, il fut interrompu une fois de plus.

- Ce ne sont pas des remèdes de grand-mère. J'étais médecin avant que les hommes du malvoulant ne me mettent en cage.

Elle avait dit "médecin", il avait entendu "berries supplémentaires en perspective". Jamais il ne se serait douté qu'une telle esclave employée comme chair à bordel par son ancien maître pouvait receler de tels capacités.

Seuls trois jours avaient suffit pour que les malades reprennent bonne mine. En effet, le problème était exclusivement alimentaire. Durant ces trois jours, le cafard n'était pas seulement descendu pour nourrir correctement ses possessions, mais aussi en apprendre plus sur Hillen. Quand les esclaves avaient une vague importante à ses yeux, il consentait à se référer à eux par leur patronyme. La jeune femme n'avait pas eu un parcours typiques contrairement aux autres esclaves raflés par malchance.

Anciennement recrutée sur Dead End pour gérer un commerce d'esclaves en tant que médecin, elle avait été mobilisée à bord d'un navire en partance pour une chasse aux esclaves afin qu'elle puisse séparer les malades des bien portants. Seulement, sur le chemin du retour, l'un des innombrables vaisseaux de la flotte du malvoulant leur était tombé dessus.
Tel était pris qui croyait prendre.

- Ahahahah ! C'est décidément trop con comme destin ça !

Hillen parvint à se retenir de l'insulter. Elle avait tant subi durant sa captivité que peu de choses pouvaient l'atteindre.

- Et euh.... De tenancier de commerce d'esclave à un autre... Je m'en sors comment ?

Il n'y avait que Joe Biutag pour manquer à ce point de décence, demandant à ses esclaves d'évaluer sa qualité en tant que bourreau. La jeune femme aurait volontiers cherché à lui demander d'améliorer leur quotidien, cependant elle se doutait que si il voyait qu'on chercher à l'amadouer, Joe aurait tendance à faire l'inverse pour dissuader de recommencer.

- Je dirais que c'est viable... Il nous manque peut-être de l'air frais.

Bras croisés, adossé à la cellule faisant face à celle d'Hillen, le forban haussa les épaules. Il était vrai qu'en sous-sol, l'air était pesant au quotidien.

- Si ce n'est que ça, j'amènerai un Ventio Dial avec de l'air frais.

Ce n'était pas une grosse amélioration, mais Hillen était au moins parvenue à obtenir ça du cafard, rares étaient ceux qui avaient droit à tant de considération de sa part. À croire qu'il suffisait de se laisser esclavagir par ses soins pour qu'il cesse d'être aussi cruel.

- Dis voir... T'avais des contacts niveau client quand tu étais gestionnaire ?

Elle leva la tête plongeant son regard dans les petits yeux emplis de malice du forban.

- Ça se pourrait...

Poursuivant son interrogatoire, le cafard surenchérit.

- Et tu te faisais combien quand tu bossais à Dead End ?

Déglutissant, Hillen n'osait soupçonner où le forban voulait en venir. Elle craignait surtout de se faire de faux espoirs. Toutefois, elle ne put s'empêcher une question qu'elle posa en balbutiant.

- Est-ce un entretien d'embauche ?

Alors, le sourire de Joe s'accentua. En soi, cela constituait une réponse affirmative. D'habitude si froide et cinglante, la jeune fille manqua de pleurer de joie. Seulement, elle savait à qui elle avait à faire, montrer le moindre signe de faiblesse aurait pu jouer contre elle, aussi, elle s'efforça de demeurer forte.

- Je vais te laisser à l'essai quelques jours avant notre départ et laisser des hommes pour te surveiller.

La recrue parfaite. Elle n'était pas pirate, et ne faisait pas partie de l'équipage, aussi, il ne craignait pas que les hommes qu'il laisserait derrière ne s'entendent avec elle pour l'arnaquer dans son dos. Ajouté à cela ses compétences de médecin et de gestionnaire, le cafard n'aurait pu rêver mieux. Il pourrait quitter Shabondy l'esprit léger.
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[EPILOGUE]

On venait de déposer à bord du "Nuisible" les dernières provisions nécessaires pour le long voyage qui attendait les Blattards. Deux équipages de trente hommes allaient sous peu partir pour Union John, la première île de la troisième voie. C'était un long chemin qui les attendait, mais la fortune promettait d'être au rendez-vous.

La fortune pour eux, cela allait sans dire. Si ils survivaient à leur périple, et cela, rien n'était moins sûr. En revanche, la fortune ne sourirait certainement pas à ceux qui tomberaient sur leur Jolly Rouge en mer. Jouissant d'une réputation sans cesse grandissante, Joe tenait à ce que son équipage contribue à son prestige. Et pour cela, tous les moyens seraient bons, surtout les plus retors et les plus cruels.

D'Union John à Shabondy, ils avaient dans l'idée d'aller d'île en île à parfaire leur stock d'esclaves. Joe connaissait des "viviers" d'esclaves en devenir, là où trouver un géant pouvant se monnayer le prix fort, mais aussi des hommes poissons qui eux aussi valaient leur pesant de berries. Sous peu, le cafard s'imposerait comme l'un des plus grands esclavagistes de Grand Line. Tout du moins, de ce qu'il connaissait de Grand Line. Le monde était vaste, et les adversaires hargneux ne manqueraient pas.
Déjà, les Blattards avaient atteint la moitié de la route de tous les périls, pourtant, leur vrai périple ne commençait que maintenant.

Derrière eux, ils laissaient une boutique d'esclaves. Joe y avait laissé Biron l'un de ses hommes. Celui-ci était généralement trop saoul pour chercher à duper qui que ce soit. Hillen quant à elle se chargerait de l'administration des lieux. Avec elle au moins, les esclaves seraient bien traités.

- Tu es sûr que tu veux le laisser ici ?

Joe était resté pensif quelques minutes après avoir suggéré qu'un autre élément de sa "flotte" reste à la boutique.

- Zujo, sois pas condescendant avec moi ou tu vas te manger une baffe !

Sur la défensive, le cafard venait de dévoiler à quel point le chasseur avait abordé un sujet sensible. En effet. Le cafard, ne souhaitant pas exposer Grite, le tigre qui l'accompagnait depuis l'île maléfique, à davantage de dangers en mer, avait décidé de le laisser sur place pour surveiller la boutique. Au moins, au Grove 21, il aurait de la place pour se balader et ne serait pas condamné à somnoler sur le pont.
La bête, habituée au contact des hommes, ou tout du moins de Joe, depuis peu après sa naissance se laissait facilement apprivoiser. Hillen et Biron prendrait soin de lui. Le capitaine des Blattards jeta un dernier oeil à sa boutique puis parti pour les quais. Les derniers ravitaillements à bord, il était enfin l'heure de suivre le compas de l'Eternal Pose qui pointait vers Union John.

- En route ! Et n'oubliez pas, allons-y mollo sur la bouffe, j'ai pas envie qu'on en soit réduit à virer cannibale à mi-chemin.

C'est sur cette note d'optimiste que la réelle épopée des Blattards allait enfin débuter.
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