C’était la fin… J’allais me faire abattre comme un chien.
Enfin, c’est ce que je pensais, mais l’agent du gouvernement empêcha Daisuke de tirer en lui adressant la parole pour le faire cogiter. Cependant, je ne suivis pas la discussion, obnubilé par ce pistolet qui pointait dans ma direction. Je ne pouvais plus bouger. J’avais même l’impression de ne plus pouvoir respirer. De larges gouttes de sueur glissaient le long de mon front pour mourir sur le sol, j’allais subir le même sort dans un petit moment. D’un coup, le vieil homme appuya sur la gâchette. Une détonation réveilla toute la forêt. La balle me transperça. Je ne ressentis aucune douleur. Je m’écroulai sur le sol lourdement. Je regardai l’agent Z. . Ma vue se brouilla. Ma respiration s’estompa, ainsi que ma vie.
Enfin, c’était ce que mon cerveau me faisait voir pendant tout l’échange. J’étais tétanisé, mais un bruit me sortit du brouillard. Un bruissement de feuille qui venait de la droite. Par réflexe, je tournai lentement la tête pour voir l’origine de ce bruit. Ça devait être juste un animal de la forêt qui avait été réveillé par l’affrontement et qui venait voir ce qu’il se passait. Les bruits se rapprochèrent de plus en plus et une ombre finissait par sortir des bois.
Cependant, la vue de cette ombre fut précédée par un reflet étrange qui m’éblouit, comme si la lune s’était réfléchie sur un objet métallique. Lentement, l’ombre devint humaine. Je pouvais voir une longue chevelure blanche, un kimono noir, une ceinture et une longue veste blanche, mais surtout… Une très longue lame sombre. C’était…
Mon père. Sauf que je ne le reconnaissais pas. Normalement, malgré son air dur et ses paroles sèches, de la bienveillance et de l’amour pouvaient se lire sur son visage, mais, en ce moment, aucune once de sympathie transparaissait sur son visage. Celui-ci n’était peint que de colère et de fureur. Lui qui pouvait dégager une certaine aura de bien-être, je ne ressentais que de la haine, beaucoup de haine. Je pouvais pratiquement voir son envie de meurtre tellement elle débordait, comme si un voile noirâtre l’enveloppait. Il me faisait peur, horriblement peur.
Dans la panique, je reculai de plusieurs pas avant de me prendre lamentablement les pieds dans une racine. Je tombai en arrière, me claquai légèrement la tête contre le sol et lâchai un petit hoquet de douleur, mais rien ne pouvait détourner les yeux de Père. Son objectif était juste devant lui, sa cible, sa proie. Celle-ci se tourna lentement vers lui, le regard surpris, affolé. Le vieux déglutit bruyamment tout en déportant son arme vers Eijirô, mais ce dernier continua d’avancer sans sourciller. Daisuke s’affola de plus en plus, il effectuait des pas hasardeux en arrière, tout en vociférant :
« Ne-Ne-Ne ne t'approche pas ! Arrête-toi ! »Mais en vain. Le maître du Dojo s’approchait toujours avec cette lueur de massacre dans les yeux, puis il prit la parole d’un ton monocorde très déstabilisant :
« Daisuke… Nous t’avons recueillis chez nous alors que tu étais pratiquement à l’agonie- »« Arrête d’avancer ! Sinon j’vais tirer ! » Coupa l’assaillant, complètement alarmé.
« Nous t’avons offert toute l’hospitalité dont nous pouvions faire- »« T’approches pas !!! »Sous l’affolement, le doigt du vieux ripa sur la gâchette et tira sur mon père. Mon sang ne fit qu’un tour et je me mis à hurler son nom. Cependant, la balle termina sa course dans un arbre juste derrière Père alors qu’il ne réagissait pas et continuait son monologue comme si de rien n’était. Je ne comprenais plus rien.
« Tu étais sympathique et serviable. » Un autre tir retentit, mais il finit comme le premier.
« Mes enfants, ma femme et mon père t’appréciaient, ainsi que les élèves du dojo. »Encore un autre, manqué lui aussi. Je finissais tout de même à comprendre ce qu’il se passait à force de le voir faire. Tout se passait en un instant, mais Eijirô effectuait un très rapide mouvement sur le côté. Ce mouvement était orchestré avec une telle précision qu’une personne non-initiée pouvait croire que la personne ne bougeait pas. Je ne l’avais jamais vu faire ce genre de chose…
« Alors explique-moi… » Continua-t-il.
« Pourquoi as-tu fait ça ? Pourquoi ne t’es-tu pas juste enfui sans faire d’histoires ? L’agent du gouvernement t’aurait juste attrapé sans faire de vague. Alors pourquoi ? Pourquoi ? » Le ton de sa voix se faisait de plus en plus dur, mais il gardait la même intonation.
« Pourquoi a-t-il fallu que tu touches à un cheveu de mon fils ? »Deux autres coups de feu furent tirés pendant cette tirade, mais aucun ne fit mouche. Mon père se trouvait plus qu’à deux mètres du vieillard qui tremblait comme une feuille. Sans changer d’air, il empoigna fermement son nodachi, mais garda la lame baissée. Celle-ci arriva aux pieds de Daisuke qui bondit en arrière de peur et tenta une nouvelle fois de lui tirer dessus, sauf qu’aucune balle ne sortit. Il était à sec. L’instructeur du Dojo Kan déchira son adversaire du regard puis reprit une nouvelle fois la parole :
« Tu as bien de la chance, Daisuke… Si Kagami n’était pas là, je t’aurais décapité sur-le-champ… »Pendant toute la scène, j’étais resté sur place, pétrifié. Je ne reconnaissais pas du tout mon paternel. Comme s’il était… Quelqu’un d’autre.
(Petite comparaison de taille pour le Nodashi :
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