GILGAMESH
Je ne pleurerai plus les disparus, endormis dans leur tombe marine. Je n’ai plus de larme à verser sur mes jeunes années passées au QG de la Marine de North Blue. En moi la vie est tenace, et je ne me lamenterai pas sur le passé ou sur ce qui aurait pu être. Mon chemin est différent et je me dois de le suivre jusqu’au bout.
Mais, de ma fenêtre, mes yeux se posent sur l’ensemble de l’île qui attend l’heure de la vie. Je contemple la foule qui parcourt cette mer argentée que sont les rues et, dans le bruissement des feuilles à travers le vent, j’entends de nouveau les miens m’appeler par-delà les murs. Je ferme les yeux et je me revois tel que dans mes plus lointains souvenirs, jeune et faible. Elle se tient devant moi et je revis les jours heureux de ma jeunesse, quand les pirates n’avaient pas encore frappé.
La paix, ou tout du moins l’ordre régnait sur toute la base. Mes supérieurs étaient sereins et la ville prospère. Chaque jour, les jeunes enfants prennent de la vigueur, de la force et apprennent à se plier aux conditions de la marine. Chaque jour, nous écoutions l’hymne de la marine en regardant le drapeau du QG toujours changeant, pour que la nuit nous accorde des rêves agréables. J’entendais la voix de ma mère qui s’élevait : « Conte ton histoire mon fils, disait-elle. Elle méritera de rester dans les mémoires. » Chaque soir, je prenais donc ma plume. Cela adoucissait les longs mois de ma vie de marin. Mes écrits m’apportaient certainement un peu de la paix qui, toute ma vie, m’avait été refusée.
D’ailleurs, pour le moment, je n’ai pas grand-chose d’autre à faire ; je suis captif, prisonnier en cette demeure qu’est la Marine. Je vais donc écrire. Pour moi, pour ma mère et pour toutes les voix qui implorent qu’on ne les oublie pas. Pour le moment, et jusqu’à ce que le destin en décide autrement, je suis un soldat, un défenseur de la justice. Je suis l’épée de la loi.
Lorsque mes yeux reprirent conscience, je percevais encore les voix des soldats. Mon nom se frayait entre les parois du QG pour siffler à mes oreilles. C’était la semaine durant laquelle le Sous-Amiral Jared avait été envoyé sur Grand Line, sur ordre de l’Amiral en Chef elle-même. Me souvenant de son regard inquiet et de son attitude peu élégante, j’en avais rapidement conclu qu’il avait été convoqué pour quelque chose de plus important que le maintien temporaire de son poste. Une chose était cependant étrange, il n’avait pas été remplacé. Du fait qu’aucun Colonel n’était alors présent pour prendre le commandement direct, je me trouvais être, avec le commandant de la Marine d’Elite, l’officier directement en charge de la protection du QG ainsi que de ses citoyens et soldats.
Adossé au rebord d’une fenêtre, face à la mer, je contemplais une dernière fois les reflets cuivrés du soleil sur les feuilles en écoutant le doux murmure de la brise. Somnolent et grisé par le parfum entêtant de l’air marine, je baillai en me retournant lentement en direction de ma porte.
J’avais le commandement. Même si c’était la première fois, j’étais serein et je savais parfaitement quoi faire. La base était grande et se trouvait être la plus peuplée des Blues. J’avais, de ce fait, une grande responsabilité quant à la direction de ses hommes. Je longeais les murs de la chambre et je caressais la fraîcheur des parois rocheuses qui constituaient la pièce. Plutôt rudimentaire, ma chambre ne comprenait aucun objet superficiel. Un lit, un bureau, une armoire ainsi qu’une carte des mers des Blues. Y serais-je toute ma vie ? Aucune chance, j’avais beaucoup trop à faire pour rester indéfiniment attaché à cette base. Pour le moment, je me devais simplement de protéger tout le monde. J’ouvrai alors la porte, me dirigeant lentement vers les escaliers qui se trouvaient au fond du couloir.
Je descendais les marches avec calme et patience. Au mur de droite se trouvaient accrochés des tableaux, représentant pour la plupart d’anciens grands Marines du QG. D’autres n’affichaient que de hautes distinctions accordées à la caserne, rien de passionnant en soit. J’arrivai rapidement devant la porte de la chambre du conseil. C’était là un bien grand mot pour l’endroit en question. Plutôt une salle de discussion, généralement utilisée par les plus hauts-gradés pour discuter des missions, des ordres de l’Amirauté. Toutes nos stratégies étaient mises en place et discutées ici, c’est pour cela que la demande de ma venue ne me paraissait pas des plus joyeuses. Quelque chose devait se tramer.
« Bonjour commandant, content de votre présence. Nous devons parler d’un sujet assez sensible. »
Scrutant les alentours de la pièce, je pouvais remarquer la présence de tous les soldats gradés du QG. Bien sûr, seul les dispensés étaient présents, certains étant en mission ou en formation. Jusqu’alors, je ne savais pas de quoi il retournait, mais je ne tarderai pas à comprendre. Nous étions tous assis autour de la table, les discussions pouvaient alors commencer.
« Vous ne le savez peut-être pas mais, il y a trois jours, nous avons capturé et emprisonné plusieurs pirates ici même. Ces pirates jusqu’alors inconnus, ont été appréhendés en plein échange de cargaisons illégales sur les mers près de Manshon.
Jusqu’alors, nous n’avions pas pu déterminer de quel équipage ils venaient, mais nous avons enfin trouvé. En effet, je vous le dis, ces hommes appartiennent à l’équipage des « Dents d’ta mère ». Cet équipage est réputé pour sa soif de sang, sa monstruosité aux combats ainsi que par leur chef, Glark dit « le Colosse ».
La situation était-elle à ce point tendue ? Possible que oui. Je connaissais cet équipage de réputation, il ne faisait pas partie d’une troupe d’enfants de chœur. Avaient-ils déjà eu vent de la capture de leurs hommes ? J’espérais que non. Si une quelconque demande d’échange de leur part devait nous parvenir, je ne sais pas du tout si je serai en mesure de gérer cette affaire. En tant que jeune commandant, et sans le support du Sous-Amiral, j’aurais préféré éviter ce genre de situation.
« La première chose à faire est d’envoyer des flottes de reconnaissance pour cartographier les mers alentours au QG, afin de s’assurer que cet équipage n’est pas sur le point de se rassembler près d’ici».
Pour le moment, nous n’avions reçu ni demande d’échange, ni demande de libération, ni menace. Il était donc relativement improbable que le reste de l’équipage sache que nous détenions ces hommes. Et même s’il savait, voudrait-il les récupérer ?
Dernière édition par Gilgamesh le Mar 9 Aoû 2022 - 23:47, édité 3 fois