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Anarchicommunistodystopique

"Third District".

- C'est une pancarte.

- Oui je sais merci.

- C'est un cerf volant.

- Non c'est une pancarte, vous venez de le dire.

- J'aime les girafes.

Third District, donc. Reprenons. Voilà trois heure que je suis arrivée sur cette fichue île paumée au milieu de nul part et je crois pas avoir rencontré une seule personne faisant réellement montre d'intelligence. Ou de logique. Des termes qui n'existent pas dans le coin, qui sont pas mis à application. Bon, au moins c'est pas moche. C'est pas beau non plus mais c'est pas moche. Je dois avouer que d'être sur une île surmontée d'autres îles, ça coupe le souffle. Première fois que je vois une île céleste et rien que d'en bas, ça en jette pas mal.

- C'est la ville.

- Je sais ce qu'est une ville.

- Non c'est La Ville. Le nom du bled.

Ah. Oui, il fallait croire que je m'étais trouvée un guide en débarquant. Un dégénéré comme les autres qui disait s'appeler "Indiana Jones" et avait déjà vu les "mystérieuses cités d'or". Une belle panoplie de folie, qui tranchait pas mal avec son désir en soi.

- Un jour je deviendrai le Seigneur des Limandes.

Bien contente de le savoir. Ce qui du coup me rappelle qu'il faut que je mette le gaillard sous sourdine pour uniquement me concentrer sur ce qu'il y a autour de moi. Pas envie de me faire bouffer par une bête sauvage comme j'ai pu en voir dans les forêts bordant le coin. Du coup, derrière le panneau mentionnant "Third District" il y a une ville, "La Ville". Zéro en originalité pour les habitants, qui ont pourtant réussi à bien me surprendre jusque là. Par contre, cette originalité on la retrouve facilement dans ce que les bâtiments en ruine ont à offrir. Ce qu'on retrouverait pas ailleurs, typiquement.

- Arrêtes de poisson, qui veut mes arrêtes de poisson ? vient gueuler une première qui tient un échoppe en plein milieu du chemin.

- Moi je vends les plus beaux colliers de nouilles de La Ville ! entonne un autre.

- Je suis collectionneur de crottes de nez ! Regardez mes belles crottes de nez ! Non je ne les vends pas, c'est mes crottes de nez !

- Bien contente de le savoir. réponds-je de façon absente, préférant plutôt darder le regard sur les immenses structures qui se dressent de toutes parts.

Des grattes-ciels, immenses mais délabrés. Il doit y en avoir plusieurs bonnes dizaines, à première vue. C'est donc ça les vestiges de la "Colonie" installée par Lone Down dans le coin il y a près d'un siècle. Ouais, je me suis documentée. Je traverse le coin en faisant gaffe à où je mets les pieds, donc. Pas mal de déchets qui traînent par terre et il s'avère même que certains sont en réalité des œuvres d'art signées. Ou bien des maisons pour escargots. Dur de trouver une personne relativement saine d'esprit que je pourrais éventuellement interroger au sujet de Hayley. J'ai bien essayé avec mon guide, mais celui-ci a simplement essayé de me piquer mon unique cliché en retour. Du coup, depuis j'évite.

- Excusez-moi, madame, auriez-vous vu cette jeune fille dans les parages ?

- Hihihi, je suis un gâteau de riz.

Bon, je vais pas mentir, ça commence un peu à devenir exaspérant cette légèreté mentale. On dirait un conglomérat de consanguins, à moins que ça soit journée portes-ouvertes dans l'asile du coin. A croire qu'il n'y a vraiment personne qui puisse m'aider, ce qui me fait progressivement comprendre pourquoi Hayley pourrait avoir disparu. Avec de tels zigotos, l'envie de fuir devient un besoin primaire.

***

Une demi-heure de marche, j'arrive finalement en périphérie de La Ville. Pas grand chose à signaler, sauf des ombres menaçantes dans les fourrés des sous-bois environnants. Pour le coup, j'ai pas vraiment envie de me balader dans les bois, seule, dans ce coin maudit, alors que l'astre est en train de disparaître à l'horizon. C'est sympa cette petite lueur orange qui baigne la zone, d'ailleurs, ça rajoute un petit côté post-apocalyptique supplémentaire. Par contre j'ai pas vraiment envie de traîner dehors quand les chacals et autres bestiaux n'auront plus peur de sortir de la broussaille.

- Hého, il y a quelqu'un ?

On sait jamais, sur un malentendu ça pourrait fonctionner. Puis mon Haki-détecteur-de-vie me dit qu'il y a des gens, ils sont juste bien cachés. Ce que je me dis, c'est que s'ils sont cachés, c'est qu'ils sont pas totalement timbrés. Pas comme tous les abrutis que j'ai pu rencontrer jusque là et qui se baladaient à l'air libre. Est-ce que c'est l'air le problème ? Est-ce que je suis en train de respirer des gaz qui me rendent plus conne d'heure en heure ? J'espère pas.

- Je sais que vous êtes là ! Je cherche une amie ! fais-je tout en matant les petites baraques environnantes du quartier.

Des maisons mitoyennes, mais moi j'appelle ça des "maisons castor" car elles se ressemblent toutes et sont toutes collées les unes aux autres. Ce qui fait deux grands barrages le long de l'allée. Comme les castors. Les barrages. Castors. Je deviens folle.

- Chuuutt. Tu vas nous faire repérer.

- Mais moi je dis que c'est pas une fifre des Ist. Regardez, ça se voit qu'elle est paumée.

- Je vous entends, hein !

Des voix tapies dans l'ombre. Derrière une fenêtre, dans l'une des nombreuses maisons abandonnées. Au moment où je dis ça, je remarque d'ailleurs l'un des rideaux bouger. Bingo.

- Voilà, elle nous a vus à cause de toi. Tu fais chier Manu !

- Pas de ma faute, t'avais qu'à pas te foutre derrière la fenêtre aussi. Une tronche de cake comme la tienne, ça se voit à cent mètres.

- Va te faire foutre.

- Fermez la les gars, elle a l'air clean. vient soudainement conclure une voix plus féminine.

- Ouais non, je m'en fous de vos histoires. Je viens chercher une amie qui s'est perdue dans le coin. fais-je tout en me rapprochant de la bâtisse.

- C'est quoi cette excuse à la con ! Jamais rien entendu d'aussi bidon. Personne vient sur cette île. Et comment elle fait pour nous entendre putain, c'est un alien ?

- Abrège avec tes aliens, crétin. Moi je vais lui ouvrir.

- Ouais, moi aussi.

- 'Pourrez pas dire que je vous aurais pas prévenu si elle vous tranche la tête.

- Non mais j'ai autre chose à foutre que trancher la tête de tous les habitants de cette foutue île. expliquè-je tout en me postant devant la porte, prête à lever les mains au-dessus de ma tête si nécessaire.

Observant les décorations singulières de la maison, recouverte de curieux grafitis et d'autres trucs un peu plus louches comme des poutres apparentes sortant des murs ou bien des planches en bois fixant les volets, je patiente donc tranquillement en attendant que l'on vienne m'ouvrir. Je tire même la chevillette à disposition pour que la bobinette cherre. Sans effet, mais ça valait le coup d'essayer. Enfin, j'entends des bruits de pas mesurés derrière la porte, avant que celle-ci ne s'ouvre spontanément pour afficher deux visages ahuris derrières, surmontés de coupes punks. Pas surprise cependant, celles-ci sont légions dans le coin. Contre toute attente, ce n'est finalement pas la femme et l'homme qui m'ont ouvert qui sont mes interlocuteurs, mais le troisième larron qui apparaît brusquement devant eux.

- Euh, bonjour, je suppose.

- Non, c'est bonsoir.

- Ouais, comme vous dites. abdiquè-je inconsciemment tout en fouillant à l'arrache dans l'une des poches avant de ma veste pour venir en retirer ma photographie de la demoiselle recherchée. Juste pour savoir, vous auriez vu cette femme ?

- Non.

- Oui.

- Oui.

Je fronce les sourcils. Le chef a l'air un peu con, mais ses subalternes le sont aussi. Dans le sens honnête du terme, l'honnêteté de la connerie. Heureusement que les raisons qui me poussent à rechercher l'agente sont bienveillantes, je voudrais pas imaginer un assassin garni de tels imbéciles. Bref, autant se réjouir de cette réponse de groupe.

- C'est une amie à moi, comme je disais. Cela va faire plusieurs mois que j'ai plus de nouvelles d'elle, peu après être venue sur cette île en fait.

Mes explications ne semblent pas satisfaire le mec au masque, celui qui parle pour les autres. Non, il se contente juste de me balancer un regard mauvais plutôt. Mais pas pour les raisons que je m'imagine, car les intentions que je peux capter de lui sont en réalité loin d'être mauvaises. Le type est fiable, il faut juste que je gagne sa confiance.

- Toi aussi t'es une farfouilleuse ? finit-il par lâcher.

- Une quoi ?

- Fais-la entrer Haven. intervient le dénommé Manu, appuyé par la jeune femme qui succède sa proposition d'un "ouais" consensuel.

- Ça marche. Elle a l'air safe.

Et sans que je comprenne quoi que ce soit : ni le retournement de veste du chef, ni la raison pour laquelle je suis désormais invitée à pénétrer dans leur maison, me voilà soudain tirée en direction du vestibule sans même avoir mon mot à dire.

- Bienvenue chez les Contristes. On va t'aider à retrouver ta copine, si tu nous aides en retour. ponctue finalement Haven tout en appuyant une main lourde et épaisse sur l'une de mes épaules.

Ouais... bien sûr...


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Mar 02 Aoû 2016, 16:46, édité 1 fois
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C'est incroyable cette habitude qu'ont les bonnes nouvelles à toujours venir accompagnées d'une mauvaise. Les trois gaillards, et fille, qui m'avaient recueillie étaient en fait des opposants politiques à un groupe de types qui faisaient la loi dans le coin à quatre. Quatre frères que l'on appelait les "frères Ist" et qui avaient motivé la rébellion de leur cinquième de frère fondateur du mouvement "Contriste". C'était plutôt simple à expliquer : les Ist abusaient de leur autorité libertaire, donc les Contristes voulaient arrêter ça. Sauf que les Contristes étaient trois.

- Rappelle moi le rapport que tout ça a avec mon amie ?

- C'est les Ist qui l'ont.

- Ouais, ces cons ont cru qu'elle était avec nous.

- Nous tout ce qu'on a fait, c'est lui raconter ce qu'on savait sur les îles au-dessus.

Ouais, nul doute qu'ils doivent savoir des trucs. Mon côté indépendantiste et curieux me pousserait même à leur demander plus de détails là-dessus, mais c'est pas urgent. Ce qui est urgent, c'est que depuis plus d'un mois ma collègue est entre les mains d'anarchistes totalement frappés du ciboulot et que c'est donc pour ça qu'elle ne nous a plus donné de nouvelles. La pauvre. Déjà qu'être bloquée sur cette île, c'est une sacrée plaie, mais si en plus tu dois te taper des gusses pires que ceux que j'ai devant moi ou bien les consanguins des rues, elle doit vraiment passer un mauvais séjour en enfer.

- En taule, pas en enfer. C'est une prison. Elle se trouve sous leur QG, dans le plus gros immeuble de la ville. rajoute Haven.

Haven "Garde" Ist, le cinquième frère. Lui il est pas comme les autres et visiblement les liens familiaux semblent pas trop les retenir entre eux. Non, les autres veulent même plutôt lui faire la peau. Ici, être contre ceux qui sont pour la liberté absolue, c'est être une sorte de criminel. Heureusement que j'ai fermé ma gueule alors, c'est une bonne leçon tiens. Et je vais continuer à ma gueule fermer pour la suite, ça m'évitera des problèmes. Enfin, les problèmes j'ai pas vraiment besoin d'aller vers eux, c'est plutôt eux qui vont vers moi pour le coup.

- Le seul moyen de sauver ta copine c'est de nous aider à leur bousiller la gueule et à prendre le QG ! Les Ist abusent vraiment, ils méritent une bonne leçon.

- Ouais, ils ont tué mon chien. Freddy.

- Tout le monde s'en fout de ton chien, Manu.

- Non tout le monde ne s'en fout pas.

- Si, honnêtement, je m'en fous. Je suis pas là pour venger vos chiens, je suis là pour sauver Hayley.

Désolé miss, je connais pas ton nom de couverture, mais je suppose qu'ici ça fera pas grande différence. En tout cas je vais bien leur cacher que je suis Marine, on sait jamais, ça pourrait les faire tilter et j'ai pas non plus envie de finir en taule.

- Bah ouais, le marché. On t'aide et tu nous aides. C'est pas comme ça que ça marche, en dehors d'ici ?

Bof, si à la limite il suffit de péter quelques murs et tabasser quatre types, je vois pas où est le mal. Puis ces gens-là ont l'air plutôt droits dans leurs bottes, malgré leur unique neurone en commun. Oups, vaut mieux que je le pense pas trop fort, on sait jamais si l'un d'eux avait le Haki. Mais je pense pas. Non, puis peut-être que ça me permettra de démolir deux ou trois trucs avec mon Fruit du Démon. Mmh, je connais cette théorie, oui.

- Allez vas y, ça marche, balance les infos sur ces fameux Ist.

***

Petite protégée de mes hôtes, je dois m'avouer chanceuse d'avoir écopé du canapé pour pioncer dans ce fatras total qu'est la baraque qui leur sert de quartier général. Au grand damne de Manu d'ailleurs, qui doit du coup pioncer par terre. Désolé grand, je t'ai piqué ta place, mais étrangement les chambres en haut sont pas occupées. Un rapide aller-retour dans les escaliers me fait rapidement comprendre pourquoi : pas de toit de ce côté là.

- Pourquoi c'est moi qui dois donner mon pieu ? gémit la victime en se contorsionnant sur un matelas visiblement inconfortable posé à même le sol, dans le couloir qui tranche la baraque.

- Tu vas pas demander à une femme de dormir par terre à ta place ?

- Ben tiens, je vais me gêner ?

- Je parlais de moi, abruti.

- Toi ? T'es pas une femme !

Discrète, je fais pas de cas aux ébats des deux tourtereaux qui ont commencé à se mettre sur la tronche. Ouais, ça peut être faisable. Une centaine de larbins sous le commandement des Ist, il suffit juste de botter le cul à leur chef pour les faire fuir. La stratégie proposée est la bonne, mais mes partenaires supposent juste que je suis de taille à me mesurer aux Ist. Enfin, Haven y croit pas trop, mais il espère. Et comme les choses vont vite, l'assaut est reporté à demain. Sauf s'il est déjà minuit passé, dans ce cas l'assaut est pour aujourd'hui. Par habitude, j'ai du mal à dormir et donc je ne ferme pas l'oeil de la nuit ou seulement un, pas de surprise donc lorsque la main d'un visiteur nocturne vient soudainement me secouer le bras.

- Psst. T'es de la Marine ?

Hein ? Et puis quoi encore ? La jeune Petra qui s'est levée et me chuchote ça en plein milieu de la nuit, glissée furtivement à côté du canapé. Les autres dorment, ronflent même, mais pas elle. Drôle de question, elle a quelque chose à cacher ? Bon, je vais faire gaffe et étudier le terrain : donner une réponse négative pourrait être aussi piégeux que le contraire.

- Pourquoi cette question ?

- Comme ça. T'es de la Marine ?

- Pourquoi, j'ai l'air d'être de la Marine ?

- Ouais, plutôt la Marine d'élite que la Marine régulière même.

Mmh, elle a l'air d'en savoir pas mal sur le fonctionnement de la Marine. Un soldat infiltré ? Elle ferait mieux de pas me le dire alors. Enfin, si elle me le dit, ça fera toujours un allié potentiel pour GMiser le coin. Chose plutôt difficile à réaliser vu comment les anciennes habitudes sont ancrées sur cette foutue île anarchicommunistodystopique.

- Bon, dans ce cas t'as qu'à te dire que je suis de la Marine d'élite alors.

- Héhé, je le savais. Moi aussi je suis de la Marine, mais le dis pas aux autres. Allez, bonne nuit. abroge-t-elle finalement.

Et bah, ça a pas raté. Je me demande vraiment comment elle a fait pour survivre jusque là. Outre cela, je vois pas l'intérêt de cette discussion et je la verrai peut-être jamais. C'est bon de se savoir en compagnie d'un confrère, je suppose. Mais pour moi, le seul réel confrère à des kilomètres à la ronde, c'est Hayley et elle croupit actuellement dans un endroit sombre et lugubre. Faut que je la sorte de là. Aussi rapidement qu'elle est apparue, la punk disparaît donc pour retourner se vautrer sur son lit. Faut croire que l'on arrive facilement à se monter la tête ici et avec n'importe quoi.

***

- Midi trente.

- Midi et demi.

- Non midi trente. Ta gueule, c'est Third District. Donc je reprends : midi trente, on quitte le coin, direction le Centre-La-Ville.

- Centre-ville ?

- Non, Centre-La-Ville. C'est le centre de La Ville, c'est pas le centre de Ville, donc on dit le Centre-La-Ville. Bref, Midi trente, direction le Centre-La-Ville. On arrive vers quatorze heures et quart.

- Quatorze heure quinze.

- Tu ferais mieux d'arrêter de le reprendre. On fait ce qu'on veut ici, c'est les règles. Alors on dit l'heure comme on veut. Simple conseil, collègue.

Bon sang, elle va la fermer celle-là. Elle va bousiller ma double-couverture avec ses âneries. Passablement énervée, je ferme à la fois ma bouche et mes poings, crispés par la frustration de cette fichue île et de ses habitants bas de plafond.

- Ahem. Quatorze heure et quart, Manu, Petra et moi on se cale devant le QG et là logiquement y'a les Ist qui sortent pour nous faire la peau. On tient le temps que...

- Amanda.

- Que Amara s'infiltre et libère les prisonniers pour que ceux-ci viennent nous filer un coup de main. Puis on bastonne les Ist avec...

- Amanda. Amanda Holmes.

- Avec Panda Rose.

- Pffff...

- Moi j'ai une question : on fait quoi si les Ist ils sortent pas ?

Moment de suspension. Gros silence bien gênant. Qui dit quoi ? Une réponse, un plan B ? Finalement Haven prend la parole.

- Et bien Panda Rose devra les taper à notre place toute seule, je suppose. Mais bon je vois pas pourquoi ils sortiraient pas, hein ?
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Midi trente, Centre-La-Ville, du côté des Contristes.

- T'avais pas dit que tu voyais pas pourquoi ils sortiraient pas ?

- La ferme, je le vois toujours pas. On tire sur leur putain de QG et leurs putains d'hommes. Tiens aligne moi celui-là là-bas.

Bam.

- T'as envoyé Amanda à la mort avec ton plan de merde, abruti !

- Qui ça ?

- Panda Rose.

- Ah... mais non, je suis sûr qu'elle arrivera à se débrouiller.

Les balles continuent de pleuvoir dans tous les sens tandis que les trois compères restent bien cachés derrière un talus. Un talus qui les protège de pas grand chose, mais qui les protège. Et devant eux, une centaine de gars armés jusqu'au dent qui, eux, ont l'air étrangement moins rigolos.


Quartier général des Ist, du côté d'Anna.

- Bordel, ils foutent quoi ? C'est pas en restant planqués comme ça à faire les francs tireurs que les Ist vont se montrer.

Coup d’œil rapide à travers une fenêtre brisée pour me tenir au courant de leur évolution. Et le moins qu'on puisse dire c'est que ça va pas trop dans le sens du plan.

- Ils sont où les Ist ?

Quatre mecs, logiquement un peu plus forts, un peu plus grands et un peu plus baraqués que la moyenne. Pas sur le champ de bataille alors qu'ils devraient y être. Ouais, tu m'étonnes vu que les autres veulent pas se mettre à découvert et préfèrent taper dans le tas à distance. Bon, reste plus qu'à prier pour pas tomber sur les quatre zigotos toute seule, sinon ça va être un peu chiant. Enfin, je me fais pas de mouron, je connais bien la Loi de Murphy. Je tomberai dessus, forcément. Mais avant ça, c'est sur la prison que je tombe.

Dans la prison que je tombe.

- Bordel, personne a entendu parler des escaliers dans ce foutu bled ? me plains-je tout en dévalant une pente résultant de l'inclinaison du sol.

Le sol qui s'est effondré et dont le plancher vient tout bonnement permettre d'accéder à l'étage inférieur, dans un nouveau couloir. Ici, il fait plus sombre, c'est plus humide, il y a bien deux ou trois torches qui traînent par terre et avec mon Haki je peux percevoir une ou deux lamentations. Peut-être un appel à l'aide dans le tas.

- Pas de doute, c'est bien la prison.

Bon, j'ai connu plus glauque. Ici c'est juste délabré et mal entretenu. Par mesure de sûreté, j'étends mon Haki pour pas être amenée à faire des rencontres impromptues. Une sorte de cran de sûreté après mon expérience sur Bulgemore et l'espèce de monstre tapi dans l'ombre, dans le vieux laboratoire. Ouais, ça me tente plus trop ce genre de conneries. Puis on sait pas, si il y a des gardes mieux vaut s'en assurer pour les prendre à revers. Dans le dos. De fait, j'évolue lentement dans les ténèbres un couteau à la main, la vision parfaitement adaptée à l'obscurité grâce à mes capacités surhumaines. J'approche finalement d'une unique porte au bout d'un couloir. Au vu de la décoration en vieilles pierres du coin et de l'odeur de renfermé associé à un relent de vinasse, je parierais pour un cellier. Ou quelque chose du genre.

Allez, pas plus de suspens, je pousse l'immense porte en bois qui bloque le passage. Celle-ci grince affreusement sous ma pression, mieux que n'importe quelle alarme. Et mes "chuuut" épars n'y changent rien, bien que j'arrive finalement à déplacer assez le bloc aux gonds rouillés pour enfin pénétrer par l’entrebâillement dans une nouvelle pièce sans lumière ou presque. Juste quelques fins rayons de lumière qui s'échappent d'une lucarne colmatée par trois planches en bois vermoulues. Le top du chic. Si l'agente se trouve ici, je plains vraiment son court séjour dans le coin. Puis autre chose de frappant d'ailleurs : l'odeur. Celle-ci semble s'échapper des cellules sur les côtés. Ma main à couper qu'il y a un cadavre dans l'une de celles-ci, pourvu que ça soit pas celui de la jeune femme. Non, bon, allez je fouille.

- Erk.

- Je... suis... vivant...

- Non tu ne l'es pas.

- Si...

Je referme la porte derrière moi. Oublions cette vision d'horreur et laissons le se faire bouffer par les vers tranquillement. Même s'il est encore vivant. Non, on va dire qu'il est mort. Allez, prochaine cellule. Cette fois-ci c'est sur un groupe de dix gars entassés dans un trois mètre carrés que je tombe.

- Oh putain, de la place. hurle un premier, trébuchant sous mes pieds pour venir ramper sur le sol.

- La ferme, je l'ai vue en premier ! rétorque un second.

- Vos gueules, elle a pas l'air d'être avec les autres. Regardez sa tronche, c'est la première fois qu'elle vient dans le coin. boucle un troisième qui semble encore avoir ses facultés mentales.

- Vous êtes de Contristes ?

- Ouais. Et toi ?

- Par association d'idées. Allez, sortez, bougez vous le cul. les pressè-je tout en donnant un coup de pied dans la larve en train de me baiser les pieds.

Ah non, il essaye de bouffer mes bottes le salaud. Bon, prochaine porte. Encore une dizaine de mecs, un peu en plus piteux état que les dix derniers.

- On a faim...

- J'ai... mangé... Jacky...

- Oh mon dieu.

Des cannibales, bordel de merde. Je fais quoi, je les libère ? Ils pourraient toujours s'avérer utile et servir de chair à canon pour les cons en train de se canarder dehors. Allez, feu.

- Cassez-vous et plus vite que ça. Et emportez votre copain Jacky là, donnez lui des funérailles convenables bande de dégueulasses !

Bon, dernière cellule, après il va falloir que je fouille les immenses tonneaux de l'autre côté de la pièce, en espérant qu'elle soit pas en train de mariner dans du vin depuis deux mois. J'imagine pas l'état de son corps. J'ouvre donc la dernière porte et découvre une mince silhouette, seule, recroquevillée dans un coin de la pièce. Malgré la saleté qui la recouvre intégralement et son visage noiraud qui ne me laisse entrevoir que ses yeux, même dans le noir, je reconnais tout de même la teinte de ses cheveux ternis par la crasse.

- Hayley. Viens avec moi, je te sors de ce trou à rat. m'avancè-je tout en venant chercher le bras de la jeune femme pour l'aider à supporter son poids en se relevant.

- Je... Qui...

- Une collègue du CP9 envoyée pour t'aider. Pose pas de questions, conserve tes forces et marche.

- Oui... merci... répond simplement la jeune femme avec un visage inexpressif et un regard absent.

Allez, il reste plus qu'à casser la gueule aux quatre frères et décamper d'ici. Le boulot est à moitié fait, espérons que les trois zigs ont aussi réussi à tenir de leur côté.


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Mar 02 Aoû 2016, 16:50, édité 5 fois
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Du côté des Contristes.

- 'Sont trop nombreux, vont nous tomber dessus si on continue. Les gars ! Les gars ?

- T'aimes les chips Petra ? J'ai un sachet sur moi, regarde.

- Goût quoi ?

- Poire.

- Berk.


- Vous êtes sérieux là ? Y'a que moi qui tire depuis tout à l'heure !

- Roh c'est bon, si on a plus le droit de manger des chips !

Saisissant brutalement le paquet à son collègue, Haven le balance au loin. Par chance, celui-ci vient heurter un ennemi au visage, ce qui permet au chef de le descendre dans la foulée.

- Eh, mes chips !

- Voilà ce que j'en fais de tes chips. On est sur un champs de bataille, on est pas en train de pique-niquer bordel !

- Sont où les Ist ? Et Amanda ?

- Sont où mes chips ?

- Comment veux-tu que je le sache ? A l'intérieur, encore, sans doute.

BROOM !!

- ...

- ...

- Bah voilà, ils sont encore à l'intérieur.

Regards entendus entre les trois larrons, serait peut-être temps de se bouger et venir m'aider non ? Les nouilles, je te jure.

- Allez on va l'aider.

- Ouais.

- Et on reste groupés ! Manu, si je te vois essayer de récupérer ton paquet de chips, je te dégomme.


Du côté d'Anna.

- Zut.

Ouais, pas de bol, mais c'était à prévoir. Sacrée loi de Murphy hein, sacré manque de bol. Les choses dégénèrent car elles peuvent dégénérer, c'est universel. On fait pas d'omelette sans casser les oeufs, ou quelque chose du genre.

- Toi, repose cette prisonnière. Elle est à nous. entonne l'un des frères qui me font face.

- Ouais. surenchérissent les trois autres en parfaite harmonie.

Bon, la bonne nouvelle, c'est que j'ai trouvé les frères Ist. La mauvaise, c'est que mes alliés sont encore dehors à faucher des têtes. Au moins, ils se sont mis à bouger en direction du QG... mais d'ici là, j'ai tout le loisir de taper et me faire taper dessus par mes quatre adversaires.

- Ou sinon...

Sourcils qui se lèvent face à une alternative, les quatre zigs tirent une drôle de tronche, j'en profite. Pas de plan B, mais un sacré toupet. Tant qu'à faire, autant les échauffer un peu avant la baston, hein.

- Ou sinon vous me laissez partir sans faire d'histoire et je reviens vous botter le cul après. ricanè-je donc, l'air goguenarde.

- Crève, salope. reprend l'un des Ist, visiblement piqué à vif.

- Ouais. appuient ses frères.

Je dois avouer que c'est plutôt emmerdant comme conversation, surtout quand mes ennemis semblent partager un seul cerveau pour quatre têtes. Justement d'ailleurs, il s'agirait de se méfier, car à eux quatre ils égalisent visiblement un être humain normalement constitué. Mentalement parlant. Physiquement, c'est des grosses brutes épaisses, encapuchonnées avec un masque à gaz comme leur autre frère Haven. Pourquoi des masques, tiens ? Pas le temps de me le demander que j'ai déjà la réponse : un étrange objet sphérique qui roule à mes pieds.

- Merde, Soru !

BROOOM !!

Explosion minime mais suffisante pour blesser l'adversaire, je suppose. Ce n'est finalement pas le produit le plus létal de la grenade. Non, c'est plutôt le gaz qui s'en échappe à gros bouillons et vient envahir le coin. Merde, piégée comme une conne. Hayley sur le dos, tombée inconsciente depuis plusieurs bonnes minutes à cause de la fatigue, je regarde autour de moi pour une éventuelle fenêtre ou porte de sortie, mais la seule échappatoire possible est bloquée par l'un des Ist. Fait chier.

- Allez petite, arrête de te cacher et viens jouer avec notre bon gaz moutarde.

- J'aime pas la moutarde. fais-je tout en jaillissant de mon perchoir sur une poutre apparente du plafond pour décrocher un puissant mawashi dans la mâchoire de l'orateur.

Un foulard plaqué sur la bouche, prestement retrouvé dans l'une des poches de ma veste, j'essaye d'évoluer dans la fumée en respirant le moins possible. Instinctivement je ferme les yeux, persuadée que le gaz m'attaquera aussi bien les globes oculaires si je les ouvre. Pas besoin de voir de toute façon, je peux les sentir et prévoir même une nouvelle détonation à ma droite. Une nouvelle grenade, explosive cette fois-ci. Parallèlement, le type que je viens de frapper se redresse et essaye de me prendre à revers, c'est pourtant ma lame jaillissant de nul part que rencontre son bras. Shtack, un membre en moins. Mais ses frères ne sont pas en reste. Un troisième arrive à me fondre dessus et à me balancer un poing clouté au visage. Pas le temps d'esquiver ni de prévoir le coup, je pare rien et me mange le coup de poing qui m'envoie valdinguer plus loin. Perdant mon foulard dans la mêlée, je respire inconsciemment un peu du gaz qui vient me vriller les poumons au passage, obligée de me rétracter dans le plafond du hall, sur l'une des planches en bois où j'ai déposé le corps endormi de Hayley, pour reprendre une bouffée d'air frais.

- Sale chienne, elle m'a tranché le bras. rugit l'homme mutilé plus bas.

- Je la tiens frérot ! intervient un autre gaillard qui a réussi à se hisser sur l'une des poutres.

Je me redresse pour faire face à l'ennemi. C'est ensemble qu'ils sont dangereux, mais un par un ils sont loin de faire le poids. Tant mieux si celui-ci me sous-estime au point de faire front seul. Le plafond de la salle est un enchevêtrement d'épais blocs de bois qui maintiennent toute une partie de l'immeuble, on peut donc facilement évoluer dessus si on sait faire preuve d'un poil d'équilibre. Il veut danser ? On va danser.

D'un bond j'enjambe le vide pour venir le rejoindre sur le pont improvisé. J'ai l'ascendant et de loin, mais l'homme a des ressources. Ce qui ressemble à un pistolet à fléchettes, dont l'une fuse à une vitesse prodigieuse à quelques centimètres de mon visage. Je peux presque sentir le poison qui les imbibe : pas question de me faire toucher par ça. A mon tour de passer à l'offensive. Je fuse, j'attaque d'estoc, je tranche et accule l'ennemi. D'en bas, ses frères essayent de me bombarder de projectiles en tout genre et plus de la moitié des balles m'atteignent mais ricochent lamentablement sur ma peau en acier. Tekkai.

- Bien essayé, mais non. fais-je tout en parant une nouvelle fléchette avec le plat de ma lame.

Saisissant l'ouverture laissée par le Ist qui me fait face, je me glisse à quelques centimètres de lui avec mon sabre en hallebarde devant moi qui vient instantanément s'enfoncer dans son thorax. Une rapide contorsion de Clair de Lune avant qu'elle ne s'arrache à la chair et voilà que la lueur de vie dans les yeux de la brute disparaît, avant que son corps sans vie ne vienne brutalement s'effondrer sur le sol en contrebas. Et comme la fumée jaune semble s'amenuiser à vitesse grand v désormais, je ne perds pas de temps pour venir le rejoindre. Et inviter ses frangins à suivre son exemple.

- A qui le tour ?
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- Bordel ! Elle a buté Lenin, la pétasse ! s'exclame l'un des frères qui me font face, toutes crocs sorties.

- Votre mère vous a pas appris la politesse ? fais-je tout en portant mon sabre à l'épaule, prête à charger une nouvelle fois.

- Ta gueule, bouffe ma Sulfat'Ist ! glisse l'un des encapuchonnés tout en s'armant d'une arme aussi étrange que dangereuse visuellement parlant.

Mon flair m'informe d'ailleurs que je ferais mieux de détaler, ce que je fais lorsque la mitrailleuse se met à faire pleuvoir des balles sur la position que j'occupais auparavant. Merde, c'est quoi ce truc. C'est du gros calibre et ça sort à la chaîne, une ceinture de munition dilapidée à une vitesse incroyable par l'arme à feu qui trace une ligne horizontale sur ma trajectoire avec ses impacts de balles. Bordel. Tout en évitant cette machine de mort, j'esquive de justesse une nouvelle grenade qui vient rouler sous mes pieds. Non, il y a bien mieux que l'esquiver. Autant profiter de l'explosion pour conserver l'effet de surprise et tenter le tout pour le tout sur l'homme à la sulfateuse. Comme prévu, celle-ci s'arrête donc au moment où je reste volontairement immobile à deux pas de la grenade qui détonne bruyamment. Si le Tekkai m'a sauvegardé d'une mort certaine, mes tympans n'ont pour leur part pas trop apprécié. Fait chier, j'entends plus que d'une oreille, ce qui me déséquilibre légèrement. Allez, pas le temps de niaiser, le nuage de fumée est toujours là et l'autre blaireau s'est arrêté de tirer. Je visualise sa présence à quelques mètres et m'exécute.

- Tobu Shigan.

Précipité par la pichenette de l'index, le projectile d'air comprimé traverse la masse nuageuse et vient prendre mon ennemi par surprise, comme prévu. Celui-ci n'a d'ailleurs pas le temps de faire un seul geste pour l'éviter qu'il se retrouvé déjà avec un trou dans le front.

- Ageugeugeu... conclut-il avant de se vautrer sur le sol.

Plus que deux : le fada des grenades et l'autre avec son gaz.

- Anarch ! Salope... ! rugit d'ailleurs le grenadier en fonçant sur moi.

La rage, j'aime ça. La haine, l'énervement qui pousse généralement à conduire les pires erreurs possibles. A ne pas faire attention à où on met les pieds. A attaquer seul. Grossière erreur, c'est justement perdre l'avantage qui leur a permis de me tenir tête jusqu'à là. Les Tobu Shigan se multiplient donc sur le voltigeur que je mitraille abusivement jusqu'à ce que je le juge assez à portée. Un bref regard à ma gauche m'informe d'ailleurs d'un mauvais coup du dernier frère, prêt à balancer un nouveau gaz dans la mêlée. En parallèle, trois grenades roulent cette fois-ci sous mes pieds simultanément, symbolisant la distance stratégique qui me sépare désormais de ma prochaine cible. Celle-ci a arrêté d'avancer, parfait. Esquivant la triple explosion à la dernière seconde, je me fends finalement d'un Soru tout en projetant mon sabre dans le même mouvement en direction de l'ennemi, lui donnant ainsi plus d'élan et rendant le coup aussi net et précis que rapide. Fichée dans le mur, la lame semble n'avoir rien touché à mon arrivée. L'homme ricane. Puis une longue ligne rouge transparaît soudain au niveau de son coup, précédent la décapitation aussi nette que subite du bonhomme.

- Plus qu... commencè-je tout en me tournant vers le dernier larron, le manchot, étrangement stoïque depuis tout à l'heure.

Et je commence à comprendre pourquoi. Un gaz inodore et transparent qui me paralyse, me bloque les muscles et me laisse soudain immobile, à la portée du gaillard qui jouit de sa victoire mais déplore le cadavre de son dernier frère décapité. Je m'effondre et il me toise, goguenard.

- Tu vas payer pour ce que t'as fait à mes frères, salope. Je vais éplucher chaque partie de ton corps de putain et te laisser te faire becter par les rats. Une mort longue et doulou-

[b]Bakam ![b]

Pas le temps de finir sa phrase, le dernier lascar termine avec une balle dans le crâne à la place. L’œuvre de Haven, je suppose : les trois glands viennent d'enfoncer la porte, Petra et Manu déjà en train de me transporter dans un coin à l'air libre. Mes poumons bloqués apprécient l'air frais et renouvellent donc l'oxygène dans mes muscles qui les délie progressivement. Deux minutes et je peux à nouveau parler, trois et je peux me relever. La quatrième, je parviens difficilement à récupérer le corps endormi de Hayley sur l'une des poutres, aidée à la réception par Manu qui tire une sale gueule.

- Sont en miettes, sale spectacle. Tu tiens le coup Haven ?

- Ouais, c'étaient des connards, même si c'étaient mes frères. Ils ont eu ce qu'ils méritaient. Allez, on va nettoyer ce foutoir. termine le dernier frère en saisissant l'un des corps pour le traîner à l'extérieur de la bâtisse.

Je devine sa volonté de faire comprendre aux gars à l'extérieur que c'est futile de continuer de se battre. Et vu comment les gens ont le sang chaud dans le coin, c'est que en leur montrant les cadavres de leurs leaders qu'ils vont arrêter leurs conneries. Dardant un oeil sur ma collègue encore en train de pioncer, j'essaye de trouver un coin un peu plus sympa pour me poser et récupérer de mon combat. Poussant une porte menant sur un véritable escalier cette fois-ci, suivie de Manu et Petra, je découvre enfin la piaule des Ist.

- C'est grand.

- Ouaw, tu as vu ces canapés !

- Tu crois que y'a des chips dans les placards ?

- Petra, tu peux me trouver une salle de bain ? Mon amie aimera sûrement se nettoyer un peu la figure quand elle se réveillera.

- Ouais, pas de souci.

- Hohoho, j'ai trouvé la cuisine ! C'est décidé, j'emménage ici.

Ouais, ça a l'air confortable et je devine bien deux ou trois autres étages comme ça. Peut-être un peu moins spacieux et luxueux, mais ça a l'air plutôt vaste. Et haut surtout, je parie que il y a moyen de faire tenir une garnison dans le coin. A ce sujet, faudra que je discute avec Petra. Bon de la savoir Marine, ça fait un pied à terre au gouvernement sur l'île, c'est pas négligeable. Mais discrétion, toujours, on pourra pas officiellement débarquer des tuniques bleues dans le coin. Des civils pour réaménager les tours, probablement. Des soldats en civil, héhé. Poursuivant donc ma visite des lieux ,je finis par tomber sur une chambre sympathique avec un vrai lit cette fois-ci. Après m'y être installée en vitesse, il ne m'en faut pas plus pour retrouver enfin le sommeil. Dans ce décors surréaliste, le soleil se couche à nouveau, signalant la fin d'une dure journée.

Et l'absence de fenêtre ou même de mur dans ma chambre me permet de profiter pleinement de ce superbe crépuscule.
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- C'est le moment où je suis censé te remercier, je crois bien. Enfin, au nom de la population de Third District.

- Ouais, jusqu'aux prochains Ist. Vous pourrez jamais réussir à tenir l'endroit sans gouvernement.

- On va y songer. Faudrait un moyen d'endiguer la criminalité sans nuire à l'anarchie. C'est utopiste mais bon, on a déjà quelques volontaires sous le bras.

- Ouais, je vais être chef des armées ! Trop chouette. intervient Manu avec un grand sourire décérébré.

- N'importe quoi. "Milice", pas armée, c'est pas pareil. reprend la jeune Marine infiltrée, qui m'adresse tout spécifiquement un sourire en coin. Je ferai un malheur en tant que garde-côtes, tu penses pas, Amanda ?

Oh oui, un malheur. Voilà bien trois jours que les Ist avaient été destitués et nous avions eu tout le loisir de peaufiner discrètement quelques plans pour l'installation d'une base de la Marine sur l'île. Par chance, il existait un coin désert assez loin de La Ville, une sorte de crique, sur laquelle nous avions prévu l'installation d'un fort. Un truc pour occuper le coin, pour avoir la main mise au cas où. Puis malgré son aspect rustre et sauvage, Third District n'est pas pauvre en matières premières : s'agirait pas de laisser l'île au contrôle d'anarchistes sans foi ni loi perpétuellement. D'abord on occupe la côte, puis on envahit le reste et on instaure des règles. Et ceux qui s'y plient pas finiront comme les Ist. Évidemment, le chef actuel, Haven, n'est pas dans le coup, ni Manu son second, mais quand la Marine débarquera avec ses gros souliers ils n'auront plus vraiment le choix. Ça sera lutter ou se soumettre. En attendant je suis tout sourire devant les deux lascars, figurant bien mon enthousiasme hypocrite à voir leur organisation délétère prospérer.

Non, au fond, seule Petra peut aspirer à un avenir radieux et probablement au rang de Colonel de la future base du coin.

- Bon, ce fut un plaisir de vous aider. Moi aussi je vous remercie, mais maintenant que j'ai retrouvé mon amie il est temps de la rejoindre. Aucune raison de faire de vieux os ici.

Ouais, j'ai laissé trois jours à l'agent pour récupérer, maintenant il est plus que temps d'aborder notre mission. Enfin la sienne, celle pour laquelle je suis venue l'assister. Strong World, c'est ça, les îles au-dessus et leurs mystérieux secrets. Un rapide signe de main en guise de salut avant de chopper mon baluchon et de fiche le camp. Hors de la tour, là où m'attend Hayley, un escargophone en main. On fait quelques mètres durant lesquels je zieute rapidement autour de moi, mais ouais, personne. On peut aborder les trucs importants.

- C'est bon pour le rapport, je l'ai fait hier à Alvaro. lui signalè-je, plaquant ma main sur son moyen de communication avant qu'elle ne s'en serve.

- Ah... Ouais, je suppose que c'est mieux. Je pense pas avoir eu l'occasion de te remercier d'ailleurs...

- Annabella, Annabella Sweetsong. Mais je suis sous couverture Marine pour le coup, alors appelle moi Amanda Holmes. expliquè-je.

- Merci Annabella.

- Pas de quoi. Prochaine destination, les îles au-dessus c'est ça ?

Je sais pas si elle m'a bien entendu ou bien compris. Elle a encore un peu le regard perdu dans le vide, mais je crois pas que ça soit un traumatisme. Jamais eu l'occasion de faire connaissance avec cette demoiselle, mais je parie que c'est une rêveuse. Qu'elle fait partie de ces gens avec beaucoup d'imagination qui parlent pas beaucoup, qui font leur trajet d'un point A à un point B avec le regard fixé sur le vide, le cerveau plein d'idées et les yeux embrumés de réflexions. Enfin, elle marche en direction de quelque chose mais je sais pas trop ce que c'est ; elle a l'air de savoir mais moi non alors je lui demande. Une deuxième fois.

- Oh, excuse-moi. J'avais la tête ailleurs.

Ça je l'ai bien vu cocotte, mais c'est pas grave, déroule.

- Euh oui. Oui il faut à tout prix se rendre sur Strong World, il y a de mauvaises choses qui s'y trament.

- Mauvaises pour qui ? Un roi fou à ce que j'ai cru comprendre, mais tant qu'il reste sur son île on s'en fout un peu non ? Enfin, moi ça me gêne pas que le gusse se prenne pour un Dragon Céleste au final.

- Oh mais ça va beaucoup plus loin que ça ! Et oui, des mauvaises choses pour nous, pour le Gouvernement Mondial. On a bien fait de m'envoyer dans le coin, même si j'étais déjà volontaire à la base.

Ah ouais ? Volontaire pour venir dans ce trou et grimper sur ces fichues îles flottantes ? Faut être maboule ou bien sacrément téméraire pour vouloir monter sur des trucs en l'air sans véritable explication. M'enfin bon, c'est ma prochaine destination, vaudrait mieux pas que je me fasse des frayeurs toute seule comme ça. Allez Anna, imagine toi plutôt que ces îles vont rester en l'air quand tu seras dessus. Voilà, pas de stress.

Crac.

- Qu'est-ce que... La terre vient de bouger non ? commence à s'interroger ma camarade en remarquant l'apparition soudaine d'une fissure dans la terre, à quelques mètres devant nous.

- Ah bon ? J'ai rien remarqué moi. Sûrement un coup de fatigue ou une illusion. Ça peut arriver après une malnutrition. Des trucs comme ça. tachè-je d'expliquer pour camoufler la raison du léger tremblement de terre qui vient de nous secouer. Bref, tu ne m'as toujours pas dit. Enfin, tu ne m'as rien dit en fait. Mais où on va comme ça ?

Dix minutes que je la suis, on a presque quitté La Ville et on arrive à la lisière de la forêt. C'est pas que j'ai les pétoches de me fritter à des bêtes sauvages de deux mètres, mais j'aimerais bien éviter quand même.

- Au Temple des Cieux, à l'autre bout de l'île. C'est le seul moyen d'accéder à Strong World, sauf si tu sais voler.

Ah, bon. Bah alors on y va. Elle semble pas trop se soucier de si je lui emboite le pas ou non, l'insouciante s'engouffre dans la forêt sans même y prêter attention, les yeux rivés sur l'horizon, muette. C'est paisible, on continue comme ça une borne, deux, trois... Ouais mais c'est chiant en fait, surtout au vu de tous les éléments qu'il me manque pour parfaire le tableau. Genre, l'objet de la mission ? Non car ça me revient en tête tout d'un coup :

- Et euh, c'est quoi ce fameux danger avec l'autre barjot qui se prend pour un Dragon Céleste ? Non car j'ai pas trop capté le lien, pour le coup. Faudrait m'expliquer.

La jeune femme me regarde soudain avec un air désemparé, avec ces grands yeux de biche qui trahiraient presque ses émotions. Son visage est étrange, ses airs sont étranges, on dirait qu'elle va se mettre à pleurer, mais en fait non. Non, elle est naturellement émouvante je suppose, une espèce de capacité spéciale pour séduire les gens. Bon, ça a pas très bien marché contre les Ist mais je suppose qu'elle s'en rend pas compte, ça doit être inconscient.

- Désolée, j'avais oublié. s'excuse-t-elle comme une gamine, décidément. Oui, c'est une longue histoire. J'ai dû aller questionner pas mal de monde y compris les Contristes, bizarre qu'ils t'aient rien dit à ce sujet d'ailleurs.

Bordel, j'ai oublié de leur demander. Suis-je conne.

- Mais bon, c'est important que tu sois au courant. Maintenant que tu es dedans jusqu'au cou.

Ouais, enfin j'ai encore la possibilité de me tirer si ça me chante. Même si je le ferai pas, allez abrège princesse. Littéralement, princesse, avec sa façon de parler et son engouement, c'est le mot qui convient. Mais je diverge.

- Bon, je sais pas trop si tu sais comment le coin fonctionne. A la base, Strong World était une île. Enfin depuis plus d'un siècle, après la défaite du Lion Doré contre les Mugiwara et la disparition de Merveille, donnant donc naissance à une terre fertile sans nom que Lone Down utilisera pour implanter sa Colonie.

- Ouais, la Colonie c'est les vestiges de Third District, c'est ça ?

- Exactement, mais pas entièrement en fait. Third District, c'est en quelques sortes le rebut de la Colonie, de Strong World. Des îles célestes. Car dix ans après avoir annexé le coin, la Colonie a été sujette à de multiples invasions pirates qui s'y sont librement installés et ont commencé à piller les villes et villages du coin. Enfin, tout ça ça a duré une éternité... jusqu'en 1620 très exactement.

- Ouais, quand une bonne partie de l'île s'est retrouvée dispatchée dans le ciel, façon glaçons dans un verre de whisky. Puis qu'ensuite on s'est retrouvés avec un royaume sortant de nulle part. Et la disparition de Lone Down, même si tout le monde s'en fout. Étrange coïncidence, ouais.

Petite pensée pour toi, Larson, foutu alcoolique. Tu me manquerais presque, mais je dois supporter ma nouvelle copine et son attitude princière. Hop, petit enjambement de racines, histoire de se rappeler qu'on évolue dans la nature la plus pure. S'agirait pas de se casser la gueule à cause des belles paroles envoutantes de la princesse. Bon, bientôt finie la leçon d'histoire et de ce que je sais déjà ?

- Probablement car c'en est pas une. Et Lone Down n'a pas disparu, elle a juste été déplacée. Mais ça c'est une autre histoire...

- Genre, quelqu'un a précipité la levée des îles célestes et en a profité pour créer son propre royaume ?

- Comment t'as deviné ? demande naïvement la gamine avec son air crédule de pauvre gosse.

- J'ai un ami capable de détruire à peu près n'importe quoi dès qu'il a un coup dans le nez.

Ou bien après avoir bouffé un fruit pas frais, ma doué.

- Mais il s'agit pas d'alcool pour le coup. Tu as déjà entendu parler des Fruits du Démon ?

- Ouais.

- Et bien je suspecte le roi actuel de Strong World d'en posséder un. Et d'être à la fois responsable de la création de Strong World< mais aussi de l'apparition des îles célestes qui constituent le royaume au-dessus de nos têtes. C'est même certain, vu comment les gens le considèrent comme un Dieu là-haut. Et des centaines de personnes l'ont vu élever les îles comme par magie, ça c'est certain, c'est lui. En bref, il s'est créé sa petite secte et menace désormais pas mal de choses, à commencer par la faune de Third District.

- Qu'est-ce que la faune de Third District vient foutre là ?

- Des cobayes. Third District est presque une déchetterie pour Strong World, alors c'est pas étonnant qu'on s'en serve aussi pour faire des expériences illégales. Ah, ça t'intéresse là ? Je vais y venir, mais avant... est-ce que tu connais la plante nommée IQ ?

Bon sang, juste au moment où ça commençait à devenir intéressant. En l'espace de quelques secondes, mon visage est passé par trois expressions différentes : la surprise, la joie, la déception. Des expérience. Des expériences illégales ! Avec comme sujets la population animale d'une île entière, on tient le bon bout, je me dis que ça commence à devenir intéressant. Mais non, la revoilà partie dans ses questions rhétoriques. L'IQ, c'est quoi ça ? Allez, je lui balance la réponse qu'elle attend, elle en meurt d'envie, ça se voit à son visage de sale mioche je-sais-tout.

- Non, mais je mettrais ma main à couper que tu vas me l'expliquer dans les minutes qui vont suivre ?

Retour au collège, section Sciences de la Vie et de la Terre. Chapitre douze, paragraphe quatre.

L'IQ.
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- Donc si je comprends bien, ta venue a été motivée par ces espèces de nuages verts que des mecs ont affirmé avoir vu au-dessus de l'île ?

- Ouip.

- Et ces nuages verts sont en réalité des traînées de gaz lâchées depuis Strong World sur Third District. Enfin, particulièrement sur les forêts comme celle dans laquelle on se trouve, pour transformer les animaux en bêtes féroces mutantes assoiffées de sang ?

- C'est ça.

- Et cela coïncide avec les témoignages comme quoi il y aurait eu un scientifique fou qui se serait échoué dans le coin. Un type pas fréquentable qu'on a envie de frapper très fort car il fait des expériences sur les humains et crée des putains de monstres ?

- Balgor Viskeu, primé à soixante millions de Berries.

- Et donc l'idée c'est de retrouver ce type, de lui casser la margoulette, de casser celle du roi aussi car tu penses qu'il est dans le coup et de se barrer ?

- J'aurais pas dit ça comme ça, mais c'est l'idée oui.

D'accord, bon alors je pense avoir plutôt bien résumé le danger et la mission. Pour la première fois depuis que j'ai débarqué dans le coin, je comprends enfin quelque chose. Alléluia !

- Mais alors, s'il y a des espèces de montagnes de muscles dégueulasses à six yeux, cinq pattes et trois rangées de dents qui traînent dans les parages, pourquoi on est tranquillement en train de marcher dans la boue sans s'en préoccuper ?

- Sais pas.

Paranoïa, paranoïa, everybody's trying to get me. Le refrain de la chanson résonne dans ma tête tandis que mon Haki détecte des présences suspectes à quelques dizaines de mètres. Bon, on a traversé une bonne partie de la verdure, la côte est visible et si on cherche bien avec la rétine, on arrive même à discerner une espèce de tour qui s'élève à flanc de falaise, plus loin.

- On court ?

- Oui.

Allez, un petit sprint ça peut pas faire de mal. Ça fait du sport. Malgré son air délicat, l'autre demoiselle a l'air de tenir le choc et arrive à se hisser à mes côtés sans montrer un seul signe de fatigue. En même temps on court pas non plus très vite, étant donné qu'il faut soigneusement éviter de se prendre les pieds dans la végétation. Mais quand même assez pour distancer les prédateurs qui se sont mis à nous chasser aussitôt. Distancer de peu, mais distancer.

***

- Ha... ha... Jamais aussi... contente de voir... une plage...

Et quelle plage. Bon, le temps est moche, vachement nuageux. Orageux, pluvieux, enfin ça arrive sur notre trombine donc s'agirait de se mettre à l'abri. Mais l'endroit est paradisiaque, le sable est blanc, fin, la mer est transparente avec de beaux reflets verts et le roc des falaises bordant la baie étrangement gris. On pourrait se dire que l'endroit a été conservé à l'état naturel et que c'est vraiment un coin pour entrer en communion avec la nature, mais c'est pas vraiment le cas. Gâchant pas non plus le paysage car c'est un beau monument. Un beau et grand, fier, gros, rouge monument. Le Temple des Cieux se dresse, là, comme prévu, comme indiqué sur la boussole mentale de ma comparse qui nous a menées à bon port et continue de me guider entre les rochers en direction de l'espèce de port aménagé sur la côte et du village aux alentours du temple.

- C'est pas un village : c'est un bidonville. Ici résident tous ceux qui n'ont pas le droit d'immigrer dans le royaume.

- Ouais, sale histoire. fais-je tout en donnant inconsciemment un coup de pied dans un piquet de tente, qui vient écrouler la maison d'un pauvre vagabond au passage ; oups.

Puis la demoiselle m'explique que les navires qui squattent le coin ne sont pas non plus là pour faire joli. Principalement des bateaux de commerce qui attendent que des cormorans viennent réceptionner les marchandises.

- Des cormorans ? questionnè-je avant de remarquer soudain l'un des spécimens voler dans le ciel, au-dessus d'un navire, avec plusieurs bagages dans une sorte de compartiment placé sous son ventre. Ah je comprends mieux. Tu as oublié de me préciser qu'il s'agissait de cormorans géants.

- Toutes les bestioles sont plus grosses là-haut.

- Rassurant. lâchè-je tout en continuant d'avancer sur le chemin de sable qui sinue entre les abris de fortune des pauvres gémissant leur misère.

***

- Salut, on peut entrer ?

- ...

Arf, bien tenté pourtant. Le garde est patibulaire, il veut pas vraiment nous laisser passer. Étrangement, je pense pas qu'il prenne ma demande au sérieux, ce qui motive ma partenaire à expliquer notre situation en long et en large à la place. Elle s'y connait bien, elle sait les critères d'accès. Elle pipote proprement et arrive à nous obtenir des pass VIP au final. Chouette mais...

- Ça fera un million chacune.

- Un million de quoi ? Un million de grains de sables ? déconnè-je, malgré le regard sévère du moine qui me prouve qu'il apprécie pas trop mes conneries. Tenez, les voilà vos deux millions de Berries, bande de moines radins.

Heureusement que j'ai fait de la place dans mon porte monnaie. Dans mes portes-monnaies. Dans mes poches, bon sang, je suis garnie de billets, faudrait pas qu'on me vole ma veste sinon j'ai plus un rond. Mais bon c'est ça d'être itinérante et de pas avoir de banque attitrée. Avoir de la tune ça fait partie des prérequis pour une bonne mission.

- Vous pouvez passer.

Chouette. Une fois à l'intérieur donc, je questionne ma partenaire quant à la suite. Ici aussi il y a pas mal de monde. Comment qu'on fait, on prend les cormorans ? On y va à pieds ?

- On y va à pieds.

- Non mais... hihi... haha... je déconnais.

Elle non, elle déconne pas. Et tous ceux qui se sont installés dans les multiples chambres du temple-hôtel non plus, ils déconnent pas. Elle m'explique la raison de la présence de tous ces fidèles. Une minorité c'est la garde du roi, les moines soldats comme celui qu'on vient de passer. Des types farouches et apparemment pas aimables. Pour le reste, c'est des gens qui jugent ne pas avoir assez la foi pour emprunter le "Chemin des Fidèles". Et par cela elle désigne un pont à travers la fenêtre la plus proche : une infrastructure qui s'élève à partir du sommet de la tour jusqu'à l'îlot céleste le plus proche.

- Ils ont les pétoches pour un escalier ?

- Non, regarde mieux.

C'est ce que je fais et... oh... je comprends...

- C'est légal ça ? Ça m'a pas l'air très homologué comme ponts. Il manque des planches ou c'est moi ?

Non c'est pas moi. Mais de toute façon on va pas rester glander ici. Déjà on grimpe les dernières marches pour nous rendre au sommet de la tour. L'escalier aussi a un nom au passage. "Les Degrés Célestes" cette fois-ci. La folie des grandeurs je te jure. Un vrai péteux ce roi. Sans regarder en bas, je m'aventure sur les premières marches, suivie de Hayley qui semble davantage préoccupée par ma tronche d'ahurie.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Tu as la frousse, non ?

- N'importe quoi, c'est juste qu'on s'apprête à franchir plusieurs ponts en bois délabrés qui tiennent plus que grâce à deux pauvres cordes d'un côté et de l'autre. Pas de quoi en faire tout un plat, je me suis jamais sentie aussi bien. Les violettes sont roses, les roses sont bleues... merde !

Oui bon il se pourrait que je perde les pédales. Et encore, on est juste sur les escaliers là, c'est relativement stable. Va savoir pourquoi d'ailleurs,des foutus escaliers fixés à du rien pour atteindre une motte de terre qui flotte grâce à on-sait-pas-trop-quoi. Tout va bien, je vais bien.

- Si tu veux, je passe devant.

- Bon sang, je te dis que ça va aller !

Ouais, suffit de pas regarder en bas. Enfin, désormais rendue devant le premier pont, regarder les planches ça équivaut presque à regarder le vide en-dessous. J'aurais jamais pensé que le bois puisse être transparent. Sacré effet d'optique au passage.

- Il manque pas une planche sur deux ? fais-je tout en m'esquivant le rôle de précurseur pour le coup.

Je laisse finalement le soin à Hayley de passer devant et m'avance à sa suite. Le bois grince, tangue, craque légèrement parfois et il n'y a rien pour s'accrocher. J'imagine soudain toutes les pauvres âmes qui ont déboursé des millions pour finir crevées en bas. Tu m'étonnes que les gens restent dans le temple, c'est pas une épreuve pour les femmelettes.

***

- Enfin ! J'ai cru qu'on y arriverait jamais. C'était horrible. A un moment j'ai senti une planche faillir sous mon pied, j'ai cru que j'allais passer au travers. L'angoisse totale. Hahahaha. ris-je nerveusement.

- Anna...

- Attends deux secondes, il faut que je me repose. C'est dangereux pour la santé mentale, ce coin.

- Non mais Anna.

- Chuuuut. Zen. J'inspire, j'expire et tu peux me parler.

- Anna, il en reste encore quatre des comme ça à traverser. Regarde plus loin que le bout de ton nez.

Vrai, celui-ci est fixé de façon permanente sur mes pieds. A la terre qu'il y a en-dessous et que j'embrasserais bien. Mais en relevant le regard, je me rends finalement compte que c'est rien. Que nous ne sommes pas arrivées, loin de là. En fait, nous venons juste de commencer. En fait, ce pont-là était même celui en meilleur état et le plus petit.

- Non. Nonononononon.

Pas le choix, j'y vais quasiment à reculons, je freine des quatre fers mais je m'y aventure finalement. En pleurs presque. Une nouvelle fois je pose le pied sur une planche et mets ma vie en jeu. Et je continue de dire non. Encore, toujours, sur tout le restant de la traversée.

- Nononon. Non ? Nooooooooooon. Oh non. Ah ! Non.

Je te déteste déjà Strong World.
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