Histoire à dormir de boue

Trouver quelqu’un qui quittait la Nouvelle Ohara pour l’Amerzone fut difficile bien que nécessaire. Le changement de climat, météorologique ou intellectuel, serait également très rude, mais là encore, nécessaire.
En effet, après avoir dégoté et décodé le dernier livre de Jodiana Innes, Keith parvint à la localiser puisque l’auteur et archéologue était bel et bien vivante et moins folle a priori que ce qu’elle avait pu laisser entendre. La jeune femme à la peau d’ambre avait donc quitté la grande bibliothèque en toute hâte, ce après quelques péripéties qui auraient pu lui coûter la vie à cause d’un mystérieux jeune homme inconscient qui disparut tout bonnement d’un instant à l’autre. Mais heureusement, Keith s’en sortit saine et sauve, avec quelques dernières énigmes à déchiffrer sous le bras qu’elle avait tiré du-dit ouvrage. Elle savait avec certitude que Jodiana Innes se cachait en Amerzone, il ne lui restait plus qu’à savoir où ... Et accessoirement comment partir de la nouvelle Ohara.

Après quelques heures à la recherche de l’équipage idéal, elle rencontra un petit groupe de scientifiques dont le navigateur était tombé malade. Ils désiraient se rendre à Endaur pour étudier la flore locale.
Ayant entendu cela, Keith leur proposa ses services pour que tout le monde puisse partir plus tôt : elle les mènerait en Amerzone, là où elle devait se rendre. Entre temps, leur navigateur aura très certainement récupéré et sera en état de les conduire à leur destination non loin. Finalement, c’est elle qui naviguerait le plus durant le trajet.
Après quelques minutes d’hésitations, ils acceptèrent, faute de mieux. Et comme elle était la seule fille à bord, elle avait eu le droit à sa propre cabine qu’elle fermait soigneusement à clé pour éviter que l’un de ses hôtes ne jette un oeil à ses écrits.

Elle tenait la barre en solitaire pour la première fois. Elle ne se débrouillait pas si mal, puisqu’elle put prévenir d’un orage soudain et esquiver des vents forts. Les scientifiques étaient rassurés.
Mais à mi-parcours, l’ardeur de Keith en prit un coup. A Sidharta, une cité d’El Jezada, elle avait lu un livre sur l’Amerzone. Un livre de Jodiana Innes précisément, du temps où elle ne prenait pas soin de les coder pour y glisser des informations. Et elle se souvint de la réputation de cette île et de ses habitants. Elle si attachée à son physique et à l’apparat, elle allait prendre un sacré coup à devoir patauger dans la boue nauséabonde, à côtoyer une flore et une faune impitoyable, à mourir de soif et étouffer dans le désert rocheux ... C’était surtout cela le souci : elle ne s’était jamais battue elle-même et là, elle devrait survivre seule dans un milieu hostile et dégoûtant.

Elle, la chienne racée toilettée toute en volume allait devenir une pauvre hère errante, décharnée, fatiguée et galeuse.
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Keith était en pleine réflection intense, assise derrière son bureau plein à craquer de livres et diverses dizaines de feuilles volantes, toutes gribouillées, parfois froissées, plus rarement redéfroissées, mais souvent en boule : elle avait beau se triturer les méninges, elle ne parvenait pas à ses fins. Et c’était sans compter sur l’équipage qui n’arrêtait de l’interrom...

- Keith ?

Un homme frappa à la porte de sa cabine. Encore. Ce qui ne manqua pas de la faire soupirer.

- Quoi encore ?
- Il y a de gros nuages à l’horizon ...
- Eh bien contournez-les !
- De combien de degrés ?

Elle leva les yeux au ciel -ou plutôt au plafond boisé de sa cabine, daigna enfin ouvrir la porte, carte et compas sous le bras, sans adresser un seul regard son interlocuteur avant de gravir les escaliers qui la séparaient du pont. Elle scruta le ciel, puis sa carte qu’elle déplia sur le sol, lui aussi boisé. Elle y apposa le compas et manoeuvra avec quelques instants.

- Quarante. Une fois l’orage contourné, reprenez la route. Vu notre vitesse et le sens du vent, il ne devrait pas progresser dans notre direction. Et si vous pouviez arrêter de me déranger aussi ...
- Désolé, et merci. Mais dois-je vous rappeler que c’est vous qui nous avez proposé cette option ?

Elle ne répondit pas, parce qu’elle savait qu’il avait raison. Et puis il ignorait complètement ce qu’elle pouvait bien faire et l’importance que cela pouvait avoir pour elle. Alors elle replia consciencieusement sa carte.

- Exact. D’ailleurs, comment se porte votre navigateur ?
- Toujours alité. Mais il est en bonne voie.
- J’espère bien. Il ne lui reste que petits jours pour se remettre sur pieds.

Et en disant cela, elle avait fixé le marin droit dans les yeux, histoire de s’assurer d’être bien comprise. Puis elle reprit son chemin jusqu’à sa cabine, mais elle s’arrêta un instant.

- Je m’excuse d’être aussi froide, aussi je ne saurais jamais assez vous remercier pour ce petit détour mais comprenez bien que je suis penchée sur un petit quelque chose qui a beaucoup d’importance à mes yeux et que je n’arrive pas à mettre la main dessus pour le moment.

Il s’inclina légèrement comme pour accepter ses explications, mais il reprit :

- Je comprends bien. Et nous, tout ce que nous voulons, c’est arriver sans trop d’encombres à nos ports respectifs.

Elle ferma les yeux un instant.

- J’entends, j’entends.

Elle marqua un silence, puis continua :

- N’hésitez pas à me demander s’il y a le moindre souci.

Il s’inclina à nouveau, lui aussi ne montrait que la politesse formelle. Elle, elle savait qu’elle le regretterait et que de toute façon, l’équipage ne s’était jamais posé la question de savoir s’il la dérangeait ou non, donc il ne se gênerait pas l'interpeller à nouveau. Alors elle reprit ses recherches comme avant, vu que rien ne changeait. Elle avait évité la casse, tout au plus.

- Bon, à nous Jodiana ! Donne-moi le secret de ta tarte à la boue ! S’il te plait ...

Elle ouvrit le dernier ouvrage de l’auteur à l’endroit marqué par son marque-page puis rabattit une mèche de cheveu qui s’était mise à se suspendre au dessus du livre. La tête entre les mains, il ne lui fallut qu’un instant pour retrouver toute sa concentration. Juste à côté d’elle, la flamme d’une bougie dansait joyeusement, lui éclairant le visage sérieux d’une douce lueur. On aurait pu croire qu’elle ne supportait guère cette ambiance studieuse et qu’elle s’acharnait vainement comme un diable à essayer de la distraire, faute de pouvoir faire du bruit pour la déranger.

Keith se mit à penser à voix haute, comme si cela allait l’aider à trouver la solution.

- “Etalez 208 vieux gravillons sur une feuille de palétuvier” ...

Qu’est ce que cela pouvait bien signifier ? Et est-ce que cela signifiait quelque chose ? “Etalez” ... Elle ne voyait rien qui pouvait l’aider. “208”. Ce nombre était précis, mais à quoi renvoyait-il ? Et “vieux gravillons” alors ? Pourquoi une feuille de palétuvier spécifiquement ? Plus important encore, deux cent huit gravillons ne tiendront jamais sur une si petite feuille !
Elle en était certaine, “208” et “palétuvier” était les mots-clés. Alors elle poursuivit sa réflexion.

On trouvait les palétuviers dans les mangroves principalement. Et l’Amerzone était cernée de mangroves, donc la direction était la bonne mais prendre le temps de tout quadriller au peigne fin prendrait un temps fou et demanderait des efforts considérables !
Elle se pencha donc sur le nombre et sur l’ingrédient étrange. Pourquoi ces gravillons devaient-ils être “vieux” ? Est ce que ça veut dire qu’il existe des nouveaux gravillons ? Ou des gravillons jeunes ? Elle chercha dans ses connaissances archéologiques et géographiques de l’île mais elle ne trouva rien de concluant. Elle finit par s’enfoncer dans sa chaise, découragée, les bras ballants de chaque côté des accoudoirs. Ses yeux avaient dévalé toutes les lignes de la page son livre jusqu’à tomber sur son numéro et le bord du bureau.

Un ange passa.

Mais oui ! Et si c’était ça ? Et si “208” représentait le numéro d’une page ! “Ancien gravillons” ... “Ancien” ... Dans l’élan de son éclair de génie, elle se dit que ce mot devait sûrement renvoyer au premier livre de Jodiana Innes sur l’Amerzone ! “L’ancien” !
Elle retourna sa besace pour le trouver et l’ouvrit à la page 208. Il n’y avait rien si ce n’est un croquis. L’esquisse d’une statuette que la vieille exploratrice officiellement décédée dans sa folie avait trouvé sur l’île. Sans valeur puisque sculptée par les premiers colons. Elle avait beau tourner l’ouvrage dans tous les sens, les formes de la statue gardaient jalousement ses secrets. Peut être qu’en réalité Jodiana résidait à l’endroit où était posée cette statue ...
Mais “Etalez” impliquait indirectement d’autres pages. On pouvait pas étaler davantage une feuille. Alors elle arracha celle-ci et feuilleta le bouquin à la recherche des autres esquisses de statue de l’île en espérant ne pas se tromper.

Ainsi cela fait, au bout de quelques minutes intenses de furetage et d’arrachage, elle fit place nette sur son bureau d’un grand mouvement du bras. Tout était tombé par terre dans un joyeux fracas sourd. Elle avait en tête de former un puzzle avec les soit-disant croquis de ces statuettes mais visiblement, elles étaient trop abstraite pour qu’elles soit le chef d’oeuvre d’un bouseux local. Après tout, il n’y avait que les ignares pour aimer et reproduire du figuratif. Mais cela ne donnait rien, alors elle découpa aux ciseaux au plus près des bords de ces croquis pour ne pas être gênée par les espaces blancs et vides des pages ... mais toujours rien et du fait, elle envoya voler de colère ces morceaux de papier.

Elle était si proche du but ! Elle ne pouvait pas abandonner ! Alors elle relut la phrase dans sa tête. “Etalez 208 vieux gravillons sur une feuille de palétuvier”. Elle n’avait plus rien à soutirer de cette phrase en réalité, alors elle passa à la suivante : “Recouvrir de boue et déguster aussitôt”.
Pour elle, c’était limpide. “Déguster aussitôt” signifiait la réussite du décodage, donc il fallait donc se pencher sur “Recouvrir de boue”. Des idées fusaient dans sa tête, elles traversaient son esprit et partaient aussi qu’elles étaient venus car la jeune femme à la peau délicieusement ambrée les jugeait mauvaises.
Enfin, elle imagina qu’il fallait recouvrir les pages d’encre (en comparaison avec la boue) pour faire apparaître un message écrit avec la pointe d’un mine sans encre, mais elle se ravisa bien vite. En effet, Jodiana ne pouvait pas se permettre d’appliquer ce procédé à tous les exemplaires. Et puis cela pouvait complètement gâcher tout son travail.

Ou alors il fallait prendre cette indication au pied de la lettre ! Mais oui ! Peut être que les feuilles étaient recouvertes d’une encre dite invisible ! Avec du jus de citron ou de l’amidon de pomme de terre ! Ce serait typiquement une idée farfelue sortie de la tête de l’ancienne exploratrice ! Et puis comme elle avait été aidée par la Révolution, cet ouvrage aurait très pu être modifié par Jodiana elle même !
Ni une ni deux, elle se leva pour ramasser tous les croquis qu’elle venait d’envoyer valdinguer et imbriqua les bords des esquisses les uns dans les autres quand ils semblaient correspondre et porta le tout au dessus de la flamme qui avait enfin capté son attention. Comme si cette dernière l’avait compris, elle redoubla de frénésie dans sa danse.

Et enfin, la révélation !

Si les traits se chevauchaient parfois en recouvrant un autre morceau de papier, tout devint clair quand ils gagnèrent en transparence grâce à la source de lumière ! Les soit-disant statuettes n’en étaient pas au final, elles ne servaient qu’à être assemblées pour former une carte de l’Amerzone quelques peux détaillée, suffisamment pour qu’elles forment une croix en pleine mangrove au nord !

Keith sauta de joie, une liesse sans pareil déferlait dans ses veines et l’irradiait complètement ! Qu’est ce qu’elle aimait ce sentiment que lui procurait un mystère fraîchement percé !
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La fin du voyage s’était déroulée relativement sans encombre si ce n’était que la brune à la peau d’ambre se faisait de plus en plus pressante. Elle était même prête à prendre quelques risques pour arriver le plus tôt possible en Amerzone. Plus d’une fois elle avait osé privilégier la vitesse à la facilité de manoeuvre, malgré les bougonnements entre deux quintes de toux du navigateur fiévreux attitré du navire.
Mais le grand jour était enfin arrivé et Keith avait déjà choisi ses vêtements, les plus aptes pour la survie en territoires hostiles. Ou du moins, les moins pires, puisqu’elle n’avait que des habits d’apparats. La Princesse de Pacotille n’était plus, mais les vieilles habitudes avaient la vie dure ... Du coup, elle était habillée de petites chausses de feutre fauve qui finissaient en une petite courbe pointue aux orteils, d’un pantalon crème bouffant en lin, d’un top de la matière et de la même couleur, ainsi qu’une longue veste en laine aux mailles fines. Et bien sûr, elle ne s’était pas débarrassée de ses énormes bijoux dorés mais factices. Enfin, l’odeur d’encens qu’elle laissait flotter délicieusement dans les vents iodés bientôt fétides se dissipait bien vite.

D’abord, l’île naissait à l’horizon. Ensuite, elle laissait porter ses émanations malodorantes. Enfin, elle se faisait entendre de par les cris de la faune sauvage et monstrueuse qu’elle abritait. Keith avait lu énormément d’ouvrages sur Amerzone, notamment ceux de celle qu’elle avait nommée comme mentor, l’exploratrice Jodiana Innes. Mais elle n’avait pas bien estimé les choses : à mesure qu’elle s’approchait de l’île, elle déchantait. Elle n’était plus très décidée à vouloir poser le pied sur cette enfer reculé et nauséabond mais la seule chose qui la motivait, c’était la rencontre avec l’exploratrice présumée morte. C’est à moment là qu’elle comprit que non seulement elle n’était pas prête vestimentairement parlant, mais surtout mentalement.

Et le coup allait être plus dur encore. Surtout que le navire venait d’accoster au port de Freetown, non loin du Fort Plud branlant. Le tableau n’était pas très rassurant, d’autant plus que la nuit dressait lentement mais inexorablement son voile bleu profond. Les deux seules animations désormais n’étaient que les lumières vacillantes de la pauvre capitale ainsi qu’une cacophonie qui hurlait tellement faux que les tympans auraient pu se percer tout seul.
Keith, bagage en mains, les deux pieds sur le ponton, regardait l’île avec inquiétude avant de se retourner vers l’équipage qui l’avait amenée jusqu’ici sur sa demande.

- Vous ne voulez pas venir avec moi ?

Le capitaine barbu rit grassement.

- Bwahahaha ! Ah non, j’suis pas assez fou pour ça. C’est vous qu’avez voulu y aller, nous on s’tire d’ici fissa, bwahahaha ! Bonne chance ! Bwahahaha !

La brune fit la moue.

- Vous ne voulez pas au moins attendre ici que je revienne ?
- Ca va pas la tête ?! On va s’faire dépouiller en moins d’temps qu’il faut pour l’dire ! Nan nan nan, nous, on met les voiles. J’ai même pas envie d’nous ravitailler sur c’te île, c’est dire. Allez les gars, on ouvre grand !

Keith était au pied du mur. Elle resta immobile un instant, comme si elle prenait sur elle, comme si elle cherchait son courage pour s’en armer. Elle inspira profondément, les yeux fermés et se mit en marche avec une première entrée en matière : trouver la source de ce bruit pénible et l’identifier. Malgré tout, elle pouvait déjà déduire qu’il s’agissait de paroles et qu’elles étaient retransmises par Den Den. Et le chanteur avait une voix de chèvre trop abîmée par l’alcool.


RoCk’N’gRoG bAbY ! yEaH !



L’artiste -si tant est que l’on pouvait le nommer ainsi- finit de ponctuer ses acclamations par un rot sonore et dégoûtant, lui aussi retransmis. Bien vite, Keith comprit qu’elle devait se rendre au centre de la capitale amerzonienne, là où devait se situer la place principale, en espérant que les locaux furent assez intelligents pour en développer une.

Et c’était le cas, mais elle était aussi pauvre que le reste de Freetown. Au centre de celle-ci, une estrade miteuse sur laquelle se tenait un petit homme bedonnant, boudiné dans son costume blanc. Enfin presque. S’il n’était pas autant tâché. Tout comme il aurait presque pu rutilé, ailleurs, ou dans d’autres circonstances ... Toujours est-il que c’était lui qui chantait comme une chèvre à beugler dans son Den Den dans une main -main dans laquelle il avait également coincé une cigarette entre l’index et le majeur et dont la cigarette prenait à la gorge le pauvre animal- et dans l’autre une bouteille à moitié pleine -ou à moitié vide pour lui. Et tout autour de la scène ... personne.


Et maintenaAaAaAaAnt ... hic ! Je vaish voush chanteEeEeEr ... le Shaké de BiIiIiIiInksheuh ... hips !



Le pauvre se tentait de se déhancher comme un pauvre diable en fin de vie. Pour toute réponse, il reçut un tonitruant “Eh ta gueule hein ! Rentre chez toi, tocard !” dont il ne tint pas rigueur et continua son show qui irritait davantage la population locale qu’elle ne l’égayait.
A deux pas, Keith croisa une autre personne, de dos. Une femme, a priori, occupée à balayer ce qui ne pouvait jamais vraiment l’être. Elle s’avança dans sa direction, avec la ferme intention de lui tapoter l’épaule pour lui demander son chemin mais arrivée sur place, elle se demanda où est ce qu’elle devait poser son doigt sans trop risquer d’être tâchée d’une salissure irrécupérable. Du fait, elle préféra lui adresser directement la parole.

- Ahem, excusez-moi ?

La bonnefemme vêtue d’une blouse rapiécée de ménage se retourna, l’air ahuri.

- Hein ? Keksé ?
- Bonjour madame, je viens d’arriver en v...
- Oh mais c’est qu’elle a des beaux bijoux qui brillent la fumelle ! Kahaha, c’est qu’elle est pas d’ici hein ?

Keith se sentit vexée et dégoutée. Mais elle parvint à surmonter ce sentiment, puisqu’elle devait s’attendre à ce genre de choses voir pire ici.

- Hum hum, on ne peut rien vous cacher ... Je vous disais donc que je viens d’arriver en ville et j’aimerai trouver un hôtel ... ou ... un endroit où je pourrais dormir et entreposer mes valises.

Elle avait défini le mot “hôtel” en admirant le regard d’incompréhension de la mégère.

- Euh bah ... Ouais, si, y’a ben la vieille paillote en tôle du vieux Béber là ... L’est pas si con l’gazier, j’y avais ri au nez quand il m’a dit qu’il voulait s’monter des chambres pour les galeux d’vot’ genre. J’y avais dit qu’personne voudrait s’enterrer ici. Mais j’crois qu’vous, z’êtes pas bien fut-fut hein ? Kahaha !

La noble brune se retint pour ne pas l’insulter copieusement et lui faire comprendre combien elle lui était bien supérieure, à elle, à tout le monde ici présent et à toute cette île. Mais une seule idée la réconforta et la fit se raviser : il n’y avait rien besoin de prouver, c’était flagrant.

- M... Merci madame, bonne soirée.
- Ouais, c’est ça. Hé, faites gaffe d’pas perd’ vot’ bras quand on voudra voler vos trucs de sale riche hein, kahaha !
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Keith déambula donc gracilement dans les rues de Freetown en direction de l’hôtel miteux. Si l’île empestait naturellement à cause de ses divers milieux hostiles, les locaux ne faisaient rien pour empêcher cela. Au contraire même. La brune pensait qu’ils étaient fiers d’apporter leur petite touche de puanteur à l’édifice du mauvais goût et de l’enfer olfactif. La donzelle n’est pas hautaine, elle avait connu la misère et la galère, même actuellement elle était fauchée, mais s’en tenait à un minimum de propreté. Mais chez elle, sauver était une importance presque vitale.

Toujours est-il qu’elle n’avait pas le choix. C’était un bien pour un mal, le prix à payer pour s’ouvrir à davantage de connaissances, à un monde spirituel défendu qui n’attendait secrètement qu’à être exploré. Et puis de toute façon, ce n’était qu’un début, elle verrait bien pire. Elle se mettrait dans des situations peu enviables, entre le marteau et l’enclume, ou plutôt le billot et le bourreau. Si elle l’envisageait et le savait, peut être le prenait-elle à la légère. Ou peut être que sa soif de vérité et de connaissance l’animait jusqu’à lui faire dépasser ses propres limites ... Mais le moment venu, elle se heurtait à la dure réalité.

Parce que l'hôtel qu’elle avait imaginé n’était en réalité qu’un rassemblement de quatre murs délabrés qui avaient eu la bonne idée de tenir debout ensemble. Keith n’osait pas frapper à la porte de peur de faire s’écrouler le bâtiment.

- B-Bonjour ?
- Ouais ! lui répondit une voix grasse vers laquelle elle se dirigea.
- C’est vous le vieux Béber ?
- Ouais !

Keith se pencha par dessus le comptoir miteux et n’eut qu’un sourire du plombier à s’offrir en spectacle. Autant dire que l’accueil n’était pas le fort de la maison. Enfin, le tenancier se redressa dans son costume tâché et lâcha un :

- Keske j’peux faire pour vous ?
- J’aimerais réserver une chambre s’il vous plait.
- Une chambre ? Bwahahaha ! L’est bien bonne celle-là !

Elle craignait le pire.

- Eh bien, qu’est ce que j’ai dit de si drôle ?
- Bah quoi ? Z’avez pas vu toutes les paillasses ?

Et le pire se réalisa ! Aucun lit, aucune chambre, que des tas de paille réunis dans une seule pièce, aucune intimité.

- Quoi ? Vous prenez ce foin pour des lits ?
- Bah ouais ... Keskya d’si gênant ? Eh, j’ai toujours dormi là d’sus, j’ai jamais eu à m’en plaindre, okay ? R’gardez plutôt !

Il tenta de faire quelques mouvements ... sportifs ? Mais à peine se baissa-t-il que sa colonne craquait dans un fracas de miette aussi croustillant que le meilleur des pains.

- Oh bordel ! J’ai p’t être un peu trop dormi d’dans ouaip. M’enfin, c’est ça ou dehors alors bon ...

Keith déglutit et décida quand même de louer une paillasse.

- Et j’imagine que vous avez des coffres, pour entreposer nos biens personnels ?
- Bah ouais, vous me prenez pour quoi ?
- Ah non, je n’oserais pas mais j...
- L’est au milieu d’la pièce, comme pour tout l’monde.

S’ajoutaient à cela, aucune sécurité donc, et un sens du partage bien ... poussé.

- Merci, je ... présume ?
- Y’a pas d’quoi ! Par contre, ça va vous coûter bonbon ...
- Vous plaisantez ?
- Bah nan, ça fera au moins la valeur de votre bracelet, là, celui-là, le gros, en or.

Ses bijoux n’étaient que de la fantaisie sans aucune valeur mais ...

- JAMAIS !

Elle y tenait trop pour cela. Aucune valeur sentimentale mal placée, juste de l'apparat. Alors qu’elle aurait largement été gagnante ... sûrement.

- Ou ... bah ... vot’ broche alors ?
- Si je la détache, c’est pour vous crever l’oeil avec, espèce de vendeur malhonnête ! J’ai quelques berries, prenez les moi tous si vous voulez ?
- Tch ! Qu’est ce que vous voulez qu’j’en foute moi, hein ?
- Mais comme tout le monde ! Achetez des trucs ! Des trucs comme des lits, par exemple !
- Des ? Oh et pis vous m’emmerdez à la fin ! Si vous êtes pas contente, z’avez qu’à dormir dehors !

La brune était consternée, un ange passa. Silence durant lequel elle réfléchit.

- Non, mais vous avez raison. Je vais plutôt dormir dehors. Etant donné que je vais déjà traîner dans la boue malodorante, m’y coucher ça ne changera pas quand chose ...
- Quoi ? Nan mais revenez, j’déconnais ...
- Eh bien pas moi ! Au final, je ne compte même pas fermer ne serait-ce qu’un oeil dans ce guano géant !

Elle partit d’un pas ferme.

- Ouais bah, “géant” vous même d’abord ! Moi j’suis très bien ici ! En plus j’sais même pas c’que ça veut dire “guano” ! Ha !

Keith quitta l’hôtel à grande enjambée, vexée, et dévala les ruelles sans trop savoir où aller.

- Vous voyez cette fumelle ? C’est une étrangère, c’est très dangereux !

Une voix avait retenti de nul part. Keith balaya les alentours du regard, frénétiquement, en vain.

- Malgré que je...
- Ca ne se dit pas !

Un blanc.

- Malgré que je ne la connaisse p...
- Je vous entends ! On dit “Malgré le fait que” !

Autre blanc.

- Malgré qu...


PAYS DE MALAAAAAADES ! ÎLE D’ATTARDES ! J’EN AI MA CLAQUE ! QUE QUELQU’UN ME SORTE D’ICI ! JODIANA ! SOYEZ MAUDITE DE VOUS ÊTRE RETRAITE ICI !


- Vous avez entendu ? Ceci est le cri de détresse de l’étrangère ! Elle est encore plus dangereuse parce qu’elle est poussée dans ses retranchements, et si ça continue, elle dépassera ses propres limites ! Je n’aimerai pas être là à ce moment là !
- MAIS JE VOUS ENTENDS ! MONTREZ-VOUS !

Un glaiseux en costume cliché d’explorateur apparut enfin, sortant timidement de la poubelle dans laquelle il s’était caché.

- Vous êtes plusieurs là dedans ? Et qui êtes-vous ?

Il regarda fixement Keith durant quelques secondes, sans expression, sans bouger.

- Et voilà ! C’était Manver Suswild, à la semaine prochaine !

Il fit un clin d’oeil derrière lui, à ... personne ... puis il retourna se cacher dans sa poubelle avant d’en ressortir un instant plus tard. Il s’avance vers Keith en lui tendant la main, qu’elle prend bien soin de ne pas serrer.

- Bonsoir jeune fumelle étrangère, j’ai entendu dire que vous comptiez explorer l’Amerzone ? Je me présente, Manver Suswild.
- J’ai entendu vous savez ...
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Mais aussitôt, elle se reprit :

- Quoi ? Vraiment ?!

Manver ne comprenait pas sa surprise. Pas tant parce qu’il venait de le répéter mais parce que pour lui, c’était sa petite routine.

- Ben ... ouais.
- Très bien ! Vous êtes mon homme ! Quel est votre prix ?

Le cliché rapiécé de l’explorateur se gratta les quelques poils disgracieux qui formaient sa barbe.

- Hmm ...
- J’ai des berries si vous voulez ?
- Des quoi ?
- Des berries ! De l’or ! De l’argent !
- C’est de l’or ou de l’argent ? Ils ne sont ni sur les mêmes filons, ni dans les mêmes terrains ...
- Eh bien quoi ? De la monnaie enfin !
- Ah ! Bah, pas intéressé.

Keith était vraiment prête à tout pour ne pas s’enfoncer seule dans la mangrove.

- Et mes bracelets ? Ils vous plaisent mes bracelets ? Ils sont en or ! Ils sont gros !
- Nan. C’est pas des bracelets qui me sauveront dans la nature sauvage.
- Alors quoi à la fin ?
- Hmm ... vos cheveux.
- QUOI ?
- Bah ouais. Ils sont long, et je pourrais me fouetter le dos pour me gratter les morsures de maringouins !
- Vous n’avez qu’à laisser pousser les vôtres et les couper !
- Nan mais les vôtres ils sentent bon et ils sont l’air tout fin ... si soyeux ...
- Jamais de la vie ! Vous n’avez qu’à les laver et vous aurez le même effet !
- Les quoi ? Bon, oubliez. Je pourrais au moins les lécher ?
- MAIS NON !
- Allez ! Les sentir alors ?
- Hors de question ! Vous ne vous approchez pas à moins de cinquante centimètres de moi ! Vous êtes flippant !

A nouveau, il se grattait la barbe.

- Bon, bah alors partons. Je trouverai bien en chemin ...
- Quoi ? Vous acceptez si facilement ?

Il eut un rictus, forcé, tellement chargé de sens et de sous-entendu !

- En dehors de Freetown, vous serez chez moi.

Une angoisse terrible se lisait sur le visage de la jeune femme à la peau ambrée. Dans la seconde qui suivait, Manver fut aussi inexpressif qu’à son habitude, ce qui n’était pas rassurant pour autant.

- Vous voulez aller par où ?

Keith fouilla dans ses poches la reproduction personnelle de la carte que Jodiana Innes, l’exploratrice qu’elle admirait. Du bout de l’index, elle désigna la mangrove septentrionale.

- Là !

L’explorateur de pacotille plissa des yeux.

- Ah. Ouais.
- Vous connaissez ?
- Sûrement.
- Comment ça, “sûrement” ?!
- Bah ... c’est que j’arrive pas trop à reconnaître ... Vous êtes sûr que c’est la bonne carte ? Ou qu’elle est pas à l’envers ?
- Et vous ? Vous êtes sûr que vous êtes un explorateur ?

Pour toute réponse, il haussa simplement des épaules, le visage presque déconfit.

- Bon, j’imagine que Freetown se trouve ici, donc on aura un peu de mangrove à traverser, avant de couper par le désert et reprendre par la mangrove.
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