- Oh... Ooh... Oooooh !
- Allez Amanda, arrête tes bêtises et enjambe la cette dernière planche, qu'on en finisse.
C'est haut, bon dieu c'est haut. On est dans les nuages, j'y crois pas. Raison de plus pour m'appliquer à ne pas tomber vers la fin, ça serait bête : il me reste plus qu'un pas à faire. Mais au moins, j'ai perdu cette habitude de m'accrocher au vide avec mes mains. Ou presque.
- Attends, je me concentre.
- Te concentrer ? Tu as fait la moitié du chemin les yeux fermés !
- Bah ouais, j'avais la frousse. Là ils sont ouverts et c'est pire.
Allez, je lève la jambe et je fais un grand saut. Paf, me voilà de l'autre côté. C'est où le prochain pont, je suis prête pour le marathon désormais. Après l'épreuve que je viens de... oh...
- Ah mais on est arrivées !
La dernière île de cette longue série, plus grosse, plus verte, plus vivante. Pas un ridicule monticule flottant mais une véritable île cette fois-ci, un coin de plusieurs hectares au moins, auquel succèdent de nombreux autres derrière. Vu d'ici, l'archipel semble contenir une vingtaine d'îles au bas mot, voire plus. Toutes très en couleurs, comme sorties d'un monde imaginaire, certaines baignent même encore dans des plans d'eau qui semblent ne jamais s'écouler dans le vide sous-jacent. Le paysage est vraiment incroyable de ce fait, car chaque île possède sa propre biodiversité et son propre climat. Par chance, celle sur laquelle nous venons de tomber est une île printanière, principalement constituée de cerisiers en fleurs qui viennent libérer leurs pétales sur le sol au point de le recouvrir de rose. Je ne peux que profiter du spectacle et observer attentivement chaque élément du tableau. Même le crâne d’œuf qui surgit brusquement de buissons à proximité. Et qui parle.
- Oui, bienvenue.
- C'est qui lui ? lâchè-je tout en jaugeant de haut en bas le petit homme chauve à lunette qui vient de poindre dans le décors.
- Sais pas, sûrement un habitant du village plus loin.
Un village ? Ah, en effet, on peut bel et bien voir de la fumée qui s'échappe par delà un rang de curieux arbres verts un peu plus loin. Et comme il n'y a pas de fumée sans feu. Et qu'il n'y a pas de feu sans... et bien... cheminée. Non, mieux vaut s'arrêter là.
- Aloha.
- Non, moi c'est Amanda. rectifiè-je.
- Je suis le maire de Htrufhphle, je viens vous souhaiter la bienvenue sur Strong World. Vous avez fait preuve de bravoure et...
- Vous pouvez le redire ?
- De quoi ?
- Le nom de votre village.
- Anna, on a pas que ça à faire...
- Htrufhphle.
- Encore ? demandè-je tout en affichant un sourire malicieux, d'une oreille à l'autre.
- Htrufhphle... répète l'homme, perplexe.
Non, il ne m'en faut pas plus. Pas plus pour m'écrouler de rire devant le visage blafard de notre interlocuteur. Besoin d'écouler le stress et le moins qu'on puisse dire, c'est que l'accueil est réussi. Efficace. Je rigole à pleins poumons, malgré les regards qui se veulent de plus en plus incompréhensifs de notre hôte et de ma coéquipière, transie.
- Excusez-la, ce fut difficile pour elle. Elle est un peu à crans.
- Hohoho, ce nom... Oui... Oui à crans c'est ça... Hahaha. Hprhtuhphle, où c'est que j'ai encore foutu les pieds moi ?
- Non, c'est pas Hprhtuhphle mais Htrufhphle.
Et il en rajoute une couche. Et je suis repartie pour une crise de rire interminable qui m'oblige à m'écarter pour ne pas créer d'interférences dans la discussion que ma coéquipière engage poliment avec le bonhomme pour lui faire oublier mon manque de savoir-vivre. Elle ne me blâme pas, pourtant. Après ce que je viens de subir, rire fait vraiment du bien au moral et elle le sait. Alors quand je juge enfin que la crise est passée et qu'il n'y aura plus de rechutes, je reviens enfin dans la conversation.
- Ah, te revoilà. Le monsieur allait justement nous proposer de le suivre jusqu'à son village. Par contre il y a un petit souci à régler avant.
- Ah bon, lequel ? fais-je tout en perdant instantanément mon sourire à l'orée des mauvaises nouvelles.
- Le Daft Green. Vous voyez ces arbres là-bas ? Un contact à long terme avec eux finira par empoisonner votre sang et vous paralysera jusqu'à ce que vous en mourriez. Car vous êtes pas d'ici.
- Ouch, pas envie d'être empoisonnée moi. Il y a un remède ou un vaccin ?
Le binoclard hoche la tête, baissant le regard en direction de son horrible sac-banane qui lui trône sous le ventre et qu'il ouvre pour en faire sortir deux petites fioles vertes. Instinctivement, je tends la main pour en saisir une, mais le gusse se ravise soudain.
- Pas gratuit. Un million de Berries chacune.
Quoi ? Encore ?! J'ai déjà déboursé deux millions pour cette traversée merdique et maintenant je dois en débourser deux autres pour pas m'intoxiquer sur cette île à la con ? Purée, il s'agirait vraiment de revoir les normes de sécurité dans le coin, ou au moins de faire un pack de bienvenue avec tous les frais à payer dès le départ. Et de vrais ponts, sacrebleu, pas des tas de planches fixées sur des cordes merdiques. Évidemment, Hayley ne peut pas payer alors elle affiche un regard embarrassé avec sa bouille d'enfant. Un classique, ça.
- C'est bon, je vais payer. abdiquè-je en portant la main à l'une de mes poches pour en ressortir une liasse de billets, que je compte un par un jusqu'à avoir la somme exacte. J'espère que ça servira à réparer les ponts, toutes ces conneries.
- Non, à acheter de la nourriture pour le village aux chasseurs. Merci bien.
- Foutredieu.
- Voilà c'est fait, on peut y aller maintenant ? s'impatiente ma comparse, l'air étrangement troublé.
J'avais pu remarquer ça à mesure que nous avions progressé d'îlot en îlot sur le Chemin des Fidèles pour finalement débarquer ici. C'était pas l'anxiété ou la peur du vide, mais il y avait bien quelque chose qui le torturait. Je lui avais même posé la question à plusieurs reprises, mais elle l'avait tout bonnement éludée ou bien répondu à côté systématiquement pour pouvoir changer de sujet. J'avais donc fini par comprendre que la jeune femme me cachait quelque chose qui la tracassait au sujet de cette île. Mais pas grave, je le découvrirai en temps voulu. Faisant mine de rien, j'emboite le pas au guide et à ma partenaire, déjà partis en direction dudit village que l'on doit sensément traverser. D'ailleurs, ça serait pas trop mal de connaître le chemin.
- Cool, une carte. m'émerveillè-je tout en dépliant le bout de papier offert par le guide, avant d'afficher une mine suspicieuse à son égard. C'est combien cette fois-ci ?
- Offert par la maison.
Mmh, tant mieux. Voyant d'ailleurs l'occasion de pouvoir me soustraire à l'emprise du guide et de ma coéquipière pour aller faire le tour du propriétaire, je quitte donc furtivement l'office de tourisme pour aller me balader avec la carte entre les doigts. Htruc apparaît rapidement comme un petit village sympathique, avec des maisons cylindriques blanches surmontées de toits en chaume. Pas de rues pavées mais des petits chemins de terre et un étang pittoresque à proximité. Tout ici aspire à la tranquillité et au pacifisme : dommage que le roi soit un parfait connard. Enfin peut-être, ce ne sont que des suppositions. Peut-être que Balgor Viskeu agit de par sa propre initiative, mais Hayley en doute. Il faudrait en avoir des couilles pour squatter le coin et balancer librement ses expériences sur Third District sans autorisation. Déroulant donc mon parchemin, je cherche des yeux ce qui pourrait s'apparenter à la capitale, le coin où l'on pourra probablement rencontrer le roi et lui faire sa fête. Et détruire le laboratoire du salopard de scientifique. Alors, voyons voir, où sommes nous déjà...
Euh, ouais... C'est quoi la ligne verte pour le coup ? Et pourquoi tous les trous paumés de l'île ont des noms bizarres ? Bref, retour devant la demeure du maire, toujours en train de discuter avec ma collègue, pour lui demander ça. Et ça tombe bien, le bonhomme semble déjà en train d'aborder le sujet avec ma camarade.
- La "Voie Royale", bordée de Daft Green pour repousser les bêtes sauvages.
Ah ouais, Hayley avait précisé que les machins étaient plus gros ici. Les bêtes sauvages comprises. Est-ce qu'il s'agissait d'animaux mutants comme dans les forêts de Third District ? J'espérais ne pas avoir à le découvrir, le chemin vers Strong Town semblait tout tracé.
- Les îles marquées en vert sont celles sur lesquelles vous pourrez emménager si jamais vous ne voulez pas résider sur Strong Town. Regardez, Htrufhphle est juste là. Et c'est de là que vous venez.
- Oh euh... On ne veut pas s'installer directement, pour le moment. On a entendu tellement de choses sur le roi de Strong World. On aimerait le rencontrer avant, vous comprenez. Un Dragon Céleste qui œuvre pour son peuple, ça relève du miracle divin.
Le bonhomme hoche la tête, compréhensif de notre mensonge. Pour ma part je reste coi, laissant ma collègue faire ce qu'elle fait de mieux : justifier l'injustifiable.
- Oh mais le roi Orfald Caldaerys est un Dieu vivant, mademoiselle, je vous l'accorde. Je comprends tout à fait votre besoin de voir notre souverain. Mais la mauvaise nouvelle, c'est que vous ne le trouverez pas à son palais à Strong Town ces temps-ci. Pour la saison hivernale, le roi se rend dans sa forteresse à Strong Castle. 'Voyez, c'est ici.
Mince, dommage pour la Voie Royale, mais pour le coup il n'y a aucune route de dessinée sur le plan qui permet de rejoindre directement l'île. Enfin si, en faisant un détour par la capitale éventuellement, mais j'imagine bien que l'accès à l'île par la voie normale doit être strictement surveillé. Hors de question qu'on laisse passer deux étrangères suspectes, surtout que cela ne s'inscrit absolument pas dans notre mission d'infiltration. Non, il va falloir faire un petit détour. Potentiellement par deux ou trois îles dangereuses d'ailleurs, histoire de ne pas tomber sur un second village, ce qui pourrait faire échouer notre plan. Comprenant mon désarroi, ma complice décide donc de faire comprendre à notre guide qu'il est temps de nous mettre en route.
- Merci encore pour toutes vos indications, M. Biuthgyk, ce fut un plaisir.
- De même mesdemoiselles, j'espère que vous apprécierez votre séjour sur Strong World. termine le bonhomme tout en nous saluant d'un bref geste de la main.
L'air évasive, je hoche la tête de concert avec Hayley avant de prendre les devants, la carte entre les mains, en direction de la grande route qui découpe le paysage devant nous. Si à un moment ou à un autre il sera nécessaire de bifurquer et de nous aventurer dans la nature sauvage, au moins pour le moment le trajet se fait sans accrocs. Je remarque d'ailleurs, au sortir du village, l'étrange barrière d'arbres verts et blancs, m'offrant ainsi l'opportunité de regarder de plus près pour distinguer une étrange sève verte en découlant. Et une odeur presque imperceptible mais très forte, qui m'agresse brutalement le nez lorsque j'en viens à aiguiser mes sens grâce au Haki pour en savoir plus.
- Bordel, c'est quoi cette infection ?! Tu m'étonnes que les animaux n'approchent pas ! Ça pue plus qu'un cadavre, on dirait un durian trop mûr.
- Moi je ne sens rien. ajoute la jeune femme après avoir retroussé ses narines pour essayer de partager mon ressenti.
Et elle a bien de la chance. Je lui explique donc que cela est dû à ma maîtrise du Haki de l'Observation, chose dont elle a déjà entendu parler mais ne s'est jamais réellement penchée dessus. Comme la plupart des gens au final, j'ai envie de dire. Rapidement nous nous trouvons donc à court de sujet de discussion, ce qui m'amène à considérer une question qui me trotte dans l'esprit depuis déjà un bout de temps.
- Tiens au fait, vous parliez de quoi avec le guide ?
- Oh de tout et de rien. Du roi, du royaume, des petits villages. élude à nouveau la jeune femme, comme pour dissimuler quelque chose de honteux, un secret inavouable.
Gardant le regard rivé sur elle pendant une inconfortable minute, je finis par abdiquer pour reprendre ma lecture du plan. Elle s'imagine peut-être pouvoir me tromper. Mais je sens son odeur. Plus forte que celle du Daft Green, presque.
L'odeur de la peur et je me demande bien pourquoi.
- Allez Amanda, arrête tes bêtises et enjambe la cette dernière planche, qu'on en finisse.
C'est haut, bon dieu c'est haut. On est dans les nuages, j'y crois pas. Raison de plus pour m'appliquer à ne pas tomber vers la fin, ça serait bête : il me reste plus qu'un pas à faire. Mais au moins, j'ai perdu cette habitude de m'accrocher au vide avec mes mains. Ou presque.
- Attends, je me concentre.
- Te concentrer ? Tu as fait la moitié du chemin les yeux fermés !
- Bah ouais, j'avais la frousse. Là ils sont ouverts et c'est pire.
Allez, je lève la jambe et je fais un grand saut. Paf, me voilà de l'autre côté. C'est où le prochain pont, je suis prête pour le marathon désormais. Après l'épreuve que je viens de... oh...
- Ah mais on est arrivées !
La dernière île de cette longue série, plus grosse, plus verte, plus vivante. Pas un ridicule monticule flottant mais une véritable île cette fois-ci, un coin de plusieurs hectares au moins, auquel succèdent de nombreux autres derrière. Vu d'ici, l'archipel semble contenir une vingtaine d'îles au bas mot, voire plus. Toutes très en couleurs, comme sorties d'un monde imaginaire, certaines baignent même encore dans des plans d'eau qui semblent ne jamais s'écouler dans le vide sous-jacent. Le paysage est vraiment incroyable de ce fait, car chaque île possède sa propre biodiversité et son propre climat. Par chance, celle sur laquelle nous venons de tomber est une île printanière, principalement constituée de cerisiers en fleurs qui viennent libérer leurs pétales sur le sol au point de le recouvrir de rose. Je ne peux que profiter du spectacle et observer attentivement chaque élément du tableau. Même le crâne d’œuf qui surgit brusquement de buissons à proximité. Et qui parle.
- Oui, bienvenue.
- C'est qui lui ? lâchè-je tout en jaugeant de haut en bas le petit homme chauve à lunette qui vient de poindre dans le décors.
- Sais pas, sûrement un habitant du village plus loin.
Un village ? Ah, en effet, on peut bel et bien voir de la fumée qui s'échappe par delà un rang de curieux arbres verts un peu plus loin. Et comme il n'y a pas de fumée sans feu. Et qu'il n'y a pas de feu sans... et bien... cheminée. Non, mieux vaut s'arrêter là.
- Aloha.
- Non, moi c'est Amanda. rectifiè-je.
- Je suis le maire de Htrufhphle, je viens vous souhaiter la bienvenue sur Strong World. Vous avez fait preuve de bravoure et...
- Vous pouvez le redire ?
- De quoi ?
- Le nom de votre village.
- Anna, on a pas que ça à faire...
- Htrufhphle.
- Encore ? demandè-je tout en affichant un sourire malicieux, d'une oreille à l'autre.
- Htrufhphle... répète l'homme, perplexe.
Non, il ne m'en faut pas plus. Pas plus pour m'écrouler de rire devant le visage blafard de notre interlocuteur. Besoin d'écouler le stress et le moins qu'on puisse dire, c'est que l'accueil est réussi. Efficace. Je rigole à pleins poumons, malgré les regards qui se veulent de plus en plus incompréhensifs de notre hôte et de ma coéquipière, transie.
- Excusez-la, ce fut difficile pour elle. Elle est un peu à crans.
- Hohoho, ce nom... Oui... Oui à crans c'est ça... Hahaha. Hprhtuhphle, où c'est que j'ai encore foutu les pieds moi ?
- Non, c'est pas Hprhtuhphle mais Htrufhphle.
Et il en rajoute une couche. Et je suis repartie pour une crise de rire interminable qui m'oblige à m'écarter pour ne pas créer d'interférences dans la discussion que ma coéquipière engage poliment avec le bonhomme pour lui faire oublier mon manque de savoir-vivre. Elle ne me blâme pas, pourtant. Après ce que je viens de subir, rire fait vraiment du bien au moral et elle le sait. Alors quand je juge enfin que la crise est passée et qu'il n'y aura plus de rechutes, je reviens enfin dans la conversation.
- Ah, te revoilà. Le monsieur allait justement nous proposer de le suivre jusqu'à son village. Par contre il y a un petit souci à régler avant.
- Ah bon, lequel ? fais-je tout en perdant instantanément mon sourire à l'orée des mauvaises nouvelles.
- Le Daft Green. Vous voyez ces arbres là-bas ? Un contact à long terme avec eux finira par empoisonner votre sang et vous paralysera jusqu'à ce que vous en mourriez. Car vous êtes pas d'ici.
- Ouch, pas envie d'être empoisonnée moi. Il y a un remède ou un vaccin ?
Le binoclard hoche la tête, baissant le regard en direction de son horrible sac-banane qui lui trône sous le ventre et qu'il ouvre pour en faire sortir deux petites fioles vertes. Instinctivement, je tends la main pour en saisir une, mais le gusse se ravise soudain.
- Pas gratuit. Un million de Berries chacune.
Quoi ? Encore ?! J'ai déjà déboursé deux millions pour cette traversée merdique et maintenant je dois en débourser deux autres pour pas m'intoxiquer sur cette île à la con ? Purée, il s'agirait vraiment de revoir les normes de sécurité dans le coin, ou au moins de faire un pack de bienvenue avec tous les frais à payer dès le départ. Et de vrais ponts, sacrebleu, pas des tas de planches fixées sur des cordes merdiques. Évidemment, Hayley ne peut pas payer alors elle affiche un regard embarrassé avec sa bouille d'enfant. Un classique, ça.
- C'est bon, je vais payer. abdiquè-je en portant la main à l'une de mes poches pour en ressortir une liasse de billets, que je compte un par un jusqu'à avoir la somme exacte. J'espère que ça servira à réparer les ponts, toutes ces conneries.
- Non, à acheter de la nourriture pour le village aux chasseurs. Merci bien.
- Foutredieu.
- Voilà c'est fait, on peut y aller maintenant ? s'impatiente ma comparse, l'air étrangement troublé.
J'avais pu remarquer ça à mesure que nous avions progressé d'îlot en îlot sur le Chemin des Fidèles pour finalement débarquer ici. C'était pas l'anxiété ou la peur du vide, mais il y avait bien quelque chose qui le torturait. Je lui avais même posé la question à plusieurs reprises, mais elle l'avait tout bonnement éludée ou bien répondu à côté systématiquement pour pouvoir changer de sujet. J'avais donc fini par comprendre que la jeune femme me cachait quelque chose qui la tracassait au sujet de cette île. Mais pas grave, je le découvrirai en temps voulu. Faisant mine de rien, j'emboite le pas au guide et à ma partenaire, déjà partis en direction dudit village que l'on doit sensément traverser. D'ailleurs, ça serait pas trop mal de connaître le chemin.
***
- Cool, une carte. m'émerveillè-je tout en dépliant le bout de papier offert par le guide, avant d'afficher une mine suspicieuse à son égard. C'est combien cette fois-ci ?
- Offert par la maison.
Mmh, tant mieux. Voyant d'ailleurs l'occasion de pouvoir me soustraire à l'emprise du guide et de ma coéquipière pour aller faire le tour du propriétaire, je quitte donc furtivement l'office de tourisme pour aller me balader avec la carte entre les doigts. Htruc apparaît rapidement comme un petit village sympathique, avec des maisons cylindriques blanches surmontées de toits en chaume. Pas de rues pavées mais des petits chemins de terre et un étang pittoresque à proximité. Tout ici aspire à la tranquillité et au pacifisme : dommage que le roi soit un parfait connard. Enfin peut-être, ce ne sont que des suppositions. Peut-être que Balgor Viskeu agit de par sa propre initiative, mais Hayley en doute. Il faudrait en avoir des couilles pour squatter le coin et balancer librement ses expériences sur Third District sans autorisation. Déroulant donc mon parchemin, je cherche des yeux ce qui pourrait s'apparenter à la capitale, le coin où l'on pourra probablement rencontrer le roi et lui faire sa fête. Et détruire le laboratoire du salopard de scientifique. Alors, voyons voir, où sommes nous déjà...
Euh, ouais... C'est quoi la ligne verte pour le coup ? Et pourquoi tous les trous paumés de l'île ont des noms bizarres ? Bref, retour devant la demeure du maire, toujours en train de discuter avec ma collègue, pour lui demander ça. Et ça tombe bien, le bonhomme semble déjà en train d'aborder le sujet avec ma camarade.
- La "Voie Royale", bordée de Daft Green pour repousser les bêtes sauvages.
Ah ouais, Hayley avait précisé que les machins étaient plus gros ici. Les bêtes sauvages comprises. Est-ce qu'il s'agissait d'animaux mutants comme dans les forêts de Third District ? J'espérais ne pas avoir à le découvrir, le chemin vers Strong Town semblait tout tracé.
- Les îles marquées en vert sont celles sur lesquelles vous pourrez emménager si jamais vous ne voulez pas résider sur Strong Town. Regardez, Htrufhphle est juste là. Et c'est de là que vous venez.
- Oh euh... On ne veut pas s'installer directement, pour le moment. On a entendu tellement de choses sur le roi de Strong World. On aimerait le rencontrer avant, vous comprenez. Un Dragon Céleste qui œuvre pour son peuple, ça relève du miracle divin.
Le bonhomme hoche la tête, compréhensif de notre mensonge. Pour ma part je reste coi, laissant ma collègue faire ce qu'elle fait de mieux : justifier l'injustifiable.
- Oh mais le roi Orfald Caldaerys est un Dieu vivant, mademoiselle, je vous l'accorde. Je comprends tout à fait votre besoin de voir notre souverain. Mais la mauvaise nouvelle, c'est que vous ne le trouverez pas à son palais à Strong Town ces temps-ci. Pour la saison hivernale, le roi se rend dans sa forteresse à Strong Castle. 'Voyez, c'est ici.
Mince, dommage pour la Voie Royale, mais pour le coup il n'y a aucune route de dessinée sur le plan qui permet de rejoindre directement l'île. Enfin si, en faisant un détour par la capitale éventuellement, mais j'imagine bien que l'accès à l'île par la voie normale doit être strictement surveillé. Hors de question qu'on laisse passer deux étrangères suspectes, surtout que cela ne s'inscrit absolument pas dans notre mission d'infiltration. Non, il va falloir faire un petit détour. Potentiellement par deux ou trois îles dangereuses d'ailleurs, histoire de ne pas tomber sur un second village, ce qui pourrait faire échouer notre plan. Comprenant mon désarroi, ma complice décide donc de faire comprendre à notre guide qu'il est temps de nous mettre en route.
- Merci encore pour toutes vos indications, M. Biuthgyk, ce fut un plaisir.
- De même mesdemoiselles, j'espère que vous apprécierez votre séjour sur Strong World. termine le bonhomme tout en nous saluant d'un bref geste de la main.
L'air évasive, je hoche la tête de concert avec Hayley avant de prendre les devants, la carte entre les mains, en direction de la grande route qui découpe le paysage devant nous. Si à un moment ou à un autre il sera nécessaire de bifurquer et de nous aventurer dans la nature sauvage, au moins pour le moment le trajet se fait sans accrocs. Je remarque d'ailleurs, au sortir du village, l'étrange barrière d'arbres verts et blancs, m'offrant ainsi l'opportunité de regarder de plus près pour distinguer une étrange sève verte en découlant. Et une odeur presque imperceptible mais très forte, qui m'agresse brutalement le nez lorsque j'en viens à aiguiser mes sens grâce au Haki pour en savoir plus.
- Bordel, c'est quoi cette infection ?! Tu m'étonnes que les animaux n'approchent pas ! Ça pue plus qu'un cadavre, on dirait un durian trop mûr.
- Moi je ne sens rien. ajoute la jeune femme après avoir retroussé ses narines pour essayer de partager mon ressenti.
Et elle a bien de la chance. Je lui explique donc que cela est dû à ma maîtrise du Haki de l'Observation, chose dont elle a déjà entendu parler mais ne s'est jamais réellement penchée dessus. Comme la plupart des gens au final, j'ai envie de dire. Rapidement nous nous trouvons donc à court de sujet de discussion, ce qui m'amène à considérer une question qui me trotte dans l'esprit depuis déjà un bout de temps.
- Tiens au fait, vous parliez de quoi avec le guide ?
- Oh de tout et de rien. Du roi, du royaume, des petits villages. élude à nouveau la jeune femme, comme pour dissimuler quelque chose de honteux, un secret inavouable.
Gardant le regard rivé sur elle pendant une inconfortable minute, je finis par abdiquer pour reprendre ma lecture du plan. Elle s'imagine peut-être pouvoir me tromper. Mais je sens son odeur. Plus forte que celle du Daft Green, presque.
L'odeur de la peur et je me demande bien pourquoi.