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Contes et Légendes


Rollo Tomasi



Minuit l’heure du crime.  Les pavés ont été délaissés par la populace active et docile pour se voir piétinés par la racaille et la fripouille une fois la nuit venue. La racaille, la fripouille et moi pour être exacte. Le menton rentré dans mon veston, la tête en avant et les mains dans les poches de ma gabardine, j’avance face à Zéphyr. Ce maudit vent a quelque chose de… Moi à dire vrai. Il chuchote, s’insinue partout et porte avec lui cette petite touche lugubre et glacé, un vrai délice en somme. Tachons toutefois de ne pas trop trainer dans les parages, j’ai rendez-vous à la périphérie de la ville dans les Everglades et je déteste arriver en retard. Oui, je rencontre le crime ce soir ou tout du moins l’un de ses nombreux représentants. Après être passé par des venelles mal fréquentées et des chemins détournés, j’arrive finalement dans le quartier où mon futur employeur m’attend. ‘Abandonne tout espoir toi qui entre ici’. C’est ce que je peux lire gravé dans le mur de ce qui était autrefois un atelier, enfin je crois. Des rues sales, des gens aux regards méfiants et à l’air louche, un quartier désœuvré et délaissé par les autorités, pas de doute, je suis bien au district 3.

C’est ici qu’habite mon prochain employeur. Paris truqués, deal de dope, racket, corruption et mon préféré : vol et recel de biens… Ce dernier trempait dans tellement d’activités illégales que son petit empire ne suffisait plus à assurer la bonne conduite de ses revenus frauduleux. De fait, comme tout bon business man qui se respecte, il sous-traite. C’est là que j’entre en scène ou plutôt mon alias, ma légende comme il était coutume de dire dans le milieu : Rollo Tomasi. Expert en œuvre d’art, calme, réservé, timide et parlant d’une voie faible et monotone, Rollo avait grandi dans la petite bourgeoisie. La morale pétrie dans le respect des classes et des lois, il avait toujours étudié très dur afin d’accéder à un métier respectable. C’est ainsi qu’il s’intéressa très tôt à l’art, à ce mélange de pensés et de sentiments qui bouleversaient les gens de divers horizons et de cultures différentes, Lui qui n’avait jamais été très loquace s’exprimait alors à travers les tableaux et les sculptures. Rollo avait troqué le langage des mots pour l’émerveillement qui se dégageait des visages de ceux avec qui il partageait sa passion.

Le bras plaqué contre ma gabardine, les sens en alerte et le pas peu assuré, je m’enfonce toujours plus loin dans ce lieu de perdition. L’air hagard et crédule, regardant chaque chose avec étonnement, se mettre dans la peau de Rollo le craintif était pour moi un jeu d’enfant. Ainsi, jamais pareil personnage n’aurait pu percevoir la présence de cette silhouette qui me suit déjà depuis plusieurs minutes. Depuis même mon arrivée dans ce district. Mon hôte semble méfiant, gageons qu’on ne fait pas de vieux os dans ce milieu si on ne l’est pas un tant soit peu. Ajoutons à cela que je fais partie du gouvernement, que j’agis sous couverture pour mettre à mal son monde idyllique, alors oui, il avait toutes les raisons du monde d’être plus que prudent. Je prends à droite, je tourne au coin et c’est une petite nuée de gosse des rues qui fonce dans ma direction. Ils me bousculent, se chamaillent entre eux pour me distraire tandis qu’un tout dernier me fait les poches. Instinctivement, mon bras file vers sa direction. J’ai toute les peines du monde à freiner ce geste inconsidéré, car jamais Rollo n’en aurait été capable. Geste qui n’échappe surement pas à mon poursuivant. Alors, pour maquiller ce faux pas, je tombe. Je tombe ridiculement et voit les garnements se sauver avec ma bourse en s’esclaffant. Ce que je pense à ce moment ? C’est qu’ils ont probablement dû être payer pour l’occasion. Toutefois, ce que je pense ici et maintenant est sans importance. Rien ne peut me dévier de ma mission et rien ne doit me faire quitter le rôle de Rollo Tomasi.

Alors que je m’apprête à me relever, une ombre sort des ténèbres. Lentement les traits de cette vision se dessinent et c’est finalement un vieil homme qui m’apparait. Sa main frêle tendue vers moi, je la saisi avec précaution. Mon visage exprime la gratitude la plus certaine lorsqu’il m’aide à me redresser. Je tapote mon veston, je ramasse mes quelques effets puis je le remercie excessivement. Là il m’invite à le suivre. Je marche quelques mètres derrière lui et tandis qu’il ouvre la voie, je m’attarde sur le moindre de ses gestes. Le pas sûr, la mécanique de ses épaules et de ses jambes trahissent des muscles déliés. Sous ce corps d’un âge respectable je devine aisément les années entrainement. Ce n’est pas un simple civil, mais un homme de main à la solde de mon employeur très certainement. Le hic dans tout ça, c’est que je ne me souviens pas avoir vu son visage lorsque j’avais épluché le dossier concernant cette organisation… Passons pour cette fois. Après quelques minutes, nous arrivons finalement à l’entrée d’une gargote. Mon regard s’attarde sur le malabar à l’entrée, lui je le reconnais. Un certain Kesn. Originaire d’East Blue, son physique et son penchant excessif pour la violence ont tôt fait de lui faire rejoindre les rangs de cette armée innombrable que représente le crime organisé.

L’armoire ouvre la porte qui grince et si la devanture ne paye pas de mine, il en était autrement de ce qui s’y déroule derrière une fois le pas de la porte franchi. L’entrée donne sur une pièce gigantesque. Des fresques peintes à même le mur attire mon attention. Ces dernières représentent des moments clés de l’Histoire. Je m’arrête pour observer une peinture qui retient particulièrement mon attention ou toutefois, celle de ma légende du jour. Sur un coin de plage, alors que les vagues reviennent sans cesse sur le rivage, un enfant se voit poser sur sa tête un chapeau. Un chapeau de paille sur les épaules d’un petit enfant. Un héritage intemporel et ô combien significatif. Et bien entendu, un symbole de disgrâce et d’affront pour moi.


Dernière édition par Terry J. Donnelly le Dim 7 Aoû 2016 - 21:40, édité 1 fois
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BB.Borsalino




Je reviens à la réalité, mon chaperon pour la nuit a eu la courtoisie d’attendre et c’est par un petit mot que je l’en remercie. Nous avançons pour nous retrouver au centre de la pièce. Ce lieu sert actuellement de cache. Il n’y a qu’à voir les innombrables caisses de diverses marchandises entreposées ici et là pour s’en rendre compte. Pas de provenances apparentes, pas d’étiquetages particuliers, rien d’autres si ce n’est un code couleur. Définitivement, la paranoïa de mon employeur avait quelque chose de presque respectable. Les murs avaient été peints à la va vite, l’endroit est particulièrement sobre et sombre et ô combien mal éclairé. Seuls des torches disséminés ici et là apportent un semblant de clarté. Cependant, ça ne semble pas perturber les quelques petites frappes qui s’offrent à ma vue.

Contre le mur là-bas, près des toilettes, assis à une table se trouve un comptable. A l’aide de sa machine et de sa manie à toujours lever le nez en gigotant son petit doigt, on peut dire qu’il n’est ne passe franchement pas inaperçu. Dick quelque chose… Je me souviens de sa trogne sur nos archives. Dick comptait juste et ce pour un peu tout le monde, lui excepté. C’était ou plutôt c’est un parieur invétéré. Le genre à miser sans compter et sans bornes. Jouer était devenu maladif chez lui et sans son talent pour les chiffres, il ne serait probablement plus du monde des vivants aujourd’hui. Il doit certainement rembourser une partie de ses dettes en ce moment même. A côté de lui se trouve Gary, un ancien soldat de la marine. J’ai lu les rapports sur lui et ils étaient plutôt encourageant. Enfin, jusqu’au jour où il crut bon de soustraire plusieurs caisses et cargaisons aux taxes du gouvernement. Il a été radié et enfermé plusieurs années. Aujourd’hui il passe de la contrebande et est donc une ressource précieuse pour cette organisation.

Ces noms et ces visages, je les reconnais. Faire mes devoirs, étudier un dossier en vue de réussir ma mission était primordial. Alors pourquoi ? Pourquoi est-ce que j’ignore tout du vieil homme à deux pas devant moi ? Les mains jointes dans le dos, le port altier et droit, il attend. N’ayant pas eu de consignes particulières, j’attends donc aussi ce qui me permet de laisser mon regard vagabonder. Cet endroit a tout d’une ruche. Dans un ballet presque parfait les marchandises transitent entre les abeilles. Gary joue le rôle de chef d’orchestre et rien ne semble échapper aux doigts crochus du comptable qui ne cessent de compter, un sourire aiguisé sur son faciès de fourbe. Là, en plein cœur de ce brouhaha ambiant, j’entends un claquement de doigt et puis plus rien. Le silence le plus complet frappe de son sceau les lieux. La peur s’inscrit sur les visages blêmes et pales des bandits. Tout à coup, chacun d’eux s’arrête pour finalement déguerpir, car il arrive.

Il arrive dans un grincement de métal. Le maître des lieux arrive dans un silence de cathédrale. Il arrive dans… Dans une petite chaise pour bébé ?! Qu’est que c’est que ça ? Une chaise haute pour bébé, je ne rêve pas. Et le pire, c’est qu’il a toute la panoplie ! L’homme est d’une taille ridicule. Sa barbe et ses grosses lèvres contrastent énormément avec sa tétine d’un rose flashy. Un borsalino sur la tête, une bavette autour du cou avec un ours dessus, je… Non ça ne peut pas être lui ? Dans le dossier, aucunes photos ne paraissaient sur lui, mais de là à imaginer ça ? Des bruits de couloir et des rumeurs entendus ici et là se contredisaient à son sujet, je comprends mieux, personne ou très peu de monde avait dû le voir réellement. Le vieil homme s’agenouille devant le …’boss’ et voilà que ces petits yeux mesquins me fixent. Un hochet dans une main, un gun dans l’autre, il me regarde sans dire un mot. Mon hôte se retourne et me lance un regard, c’est alors que je percute en m’agenouillant à mon tour.

Dans la pièce, en rang parmi ses lieutenants, je baisse la tête et ferme les yeux pour chercher au fond de moi un endroit sûr. Un endroit caché derrière les verrous psychiques que j’ai créé pour garder intact ma réelle identité. Jamais Rollo ne se serait permis de rire d’un client, quel qu’il soit. Et pourtant, ne pas laisser échapper un éclat relève de l’exploit. On ne nous prépare pas à ce genre de cas lors des entrainements. Je tente à peine de lever le menton et la première personne que je fixe est le vieil homme. Fidèle à lui-même, calme et immobile. Près de lui nous a rejoint Gary accompagné de Kesn. Et pour finir, le comptable est à mes côtés.

Tous nous attendons, pas un bruit ne règne ici si ce n’est celui que fait la bouche du chef en malmenant sa tétine. Soudain Gary commence à gigoter. Les yeux exorbités, je vois les autres tirés des tronches pas possible et s’éloigner du contrebandier. Sans demander mon reste, je fais la même chose. Personne ne parle, personne ne dit mots, mais tous nous voyons. Nous sommes les témoins de sa lutte interne. Une lutte qui l’oppose à un fou rire aux bords des lèvres. Nos suppliques lui sont alors envoyées. Le voilà qui se tord de douleur, son visage vire au bleu et l’impensable se produit alors, Gary éclate de rire. Il fond en larme en se roulant par terre tout en montrant le chef du doigt. Son discours est incompréhensible, jamais encore il n’avait dû rire de la sorte. Arrive alors ce qui devait arriver. Le bruit d’une balle fait écho à celui d’un dernier cri. Une âme s’éteint, Gary n’est plus et c’est un corps fumant qui repose inanimé sur le sol. La sentence prononcée est définitive et derrière la fumée du canon je distingue la fureur sur le visage grimaçant du parrain du coin, B.B.Borsalino.

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