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Rivaux éternels ~ Partie II

- Vindiou de vindiou de vindiou ! Enfin arrivés ! Terminus ma p'tite dame et mon p'tit monsieur !

Qassim le fermier venait de déposer Myosotis, Scarlett et Ramsès à l'entrée de Verminia. Il avait accepté de les déposer là. Il leur avait gardé le voyage jusqu'à l'usine à laquelle il devait se rendre, dans les tréfonds de la ville. Une véritable géhenne de tuyaux, chaleur et fumée. Là où le Vizirat de Rosetta était singulier d'apparence avec ses bâtiments construits à même la végétation à l'intérieur des gigantesques champignons de la forêt, le Vizirat de Verminia ressemblait à un immense complexe de conteneurs de métal qui s'entassaient les uns sur les autres, formant une véritable forteresse d'acier qui s'élançait vers les nuages. Ni les deux agents ni le petit poulpe n'avaient vu des constructions pareilles. Le Sultanat de Pétales regorgeait de surprises et de curiosités, et ils n'étaient pas au bout de leurs émotions. Tout était perpétuellement en mouvement à Verminia. Les usines n'arrêtaient jamais de fonctionner, les ouvriers effectuant des tours et des roulements pour permettre aux machines d'être actives. De même, les constructions s'entassaient encore et encore dans cette colossale tour de fer, il fallait qu'elle grandisse, qu'elle soit toujours plus grande, toujours plus performante et efficace.

Ici, les riches et favorisés habitaient bien évidemment dans les hauteurs tandis que les plus pauvres habitaient dans les bas-quartiers. Plus sombres, plus insalubres, moins éclairés et moins sécurisés également. Qassim n'avait pas vraiment voulu aller plus loin parce qu'il avait quand même peur d'aller dans ces ghettos défavorisés. Il avait entendu plusieurs histoires, qui s'avèrent plus être des ragots qu'autre chose, au sujet de disparitions ou d'agressions mais jamais rien a été prouvé. Pauvre naïf qu'il était il ne voulait même pas essayer de s'aventurer là bas....Myo et Scarlett s'en fichaient, ça n'était pas une brochette de traîne-patins qui allaient avoir raison d'eux. Ils étaient capable de les rosser d'un revers de la main s'ils le voulaient !

- C'est parfait, merci beaucoup. Nous allons nous débrouiller à présent !

- Polooooop ! Fit Ramsès en sautant de la charrette, agitant une de ses huit tentacules pour dire au revoir à Qassim.

Ils laissèrent le fermier pour s'engouffrer dans la ville de métal. Deux gardes surveillaient les allées et venues à l'entrée et contrôlaient les individus qui avaient l'air les plus suspects. Ils étaient armurés, intégralement couverts d'une cuirasse hérissée de picots aussi tranchants que des rasoirs. Leurs armes, leurs cottes, leurs jambières, casques et même boucliers, toute leur tenue était criblée de ces pics menaçants et effrayants. Leur aspect si imposant leur avait valu le surnom de Garde des Ronces. La Garde des Ronces et ses chevaliers avait été placée spécialement à Verminia par le Sultan lui même afin de garder la ville. Tout était en perpétuelle expansion dans ce vizirat, en mouvement constant vers les hauteurs. Les tours d'acier poussaient aussi rapidement que les plantes-maisons de Rosetta, de ce fait les chevaliers des ronces avaient pour principale mission d'encadrer ce développement et, bien tendu, qu'il y ait le moins d'esclandres et d'infractions possibles.

Un membre de la Garde des Ronces:

Ils passèrent sous la grande porte, passant doucement entre les deux vigiles aux épines et rentrèrent enfin dans la première rue de Verminia. Les deux agents ne s'attendaient pas vraiment à voir ça, l'intérieur était aussi étrange que l'extérieur. La rue était verticale et semblait s'étendre à perte de vue, éclairée par de petites loupiotes qui pendaient au plafond. Plusieurs Den Den haut-parleurs semblaient disposés un peu partout également, des annonces diverses devaient sûrement être diffusées via ces escargots. Cette rue était commerçante, plutôt logique quand on savait que c'était par ici qu'entrait la plupart des visiteurs. S'alignaient d’innombrables boutiques qui avaient des allures de baraques, encastrées et encadrées d'acier. Il y avait également quelques étals montés ça et là par les commerçants qui ne pouvaient se payer une bicoque ou qui étaient tout simplement ambulants.

- Regarde tout ce monde...Il faut qu'on trouve un moyen de se frayer un chemin vers les districts pauvres.

- Effectivement, il y a une cantina là-bas. On peut se renseigner !

- Oui, allons-y. Ne traîne pas Ramsès, reste près de nous.

- Polop polo !

Le poulpe s'empressa de se faufiler près des pieds de Myosotis pour le coller à la trace. Le pauvre ne voulait en aucun cas se perdre au milieu de cette marrée humaine. C'est vrai que le monde affluait, c'était jour de marché après tout. Ce jour où tout les maraîchers sortaient leurs plus beaux fruits et légumes, le jour où les quincailliers exposaient leurs plus belles camelotes et où tout les sujets du vizirat sortaient pour faire leurs emplettes. Le poulpe se focalisait sur sa route mais il ne pouvait s'empêcher de donner des coups d’œil à droite et à gauche. Son attention fut longuement captée par un un stand roulant de nourriture, le cuisinier vendait de la soupe à la tomate qu'il versait dans des gobelets, avec un petit supplément il agrémentait ces bols de soupe de brochettes de poulet qui s'imbibaient du breuvage au fur et à mesure qu'elles marinaient.

- Je n'ai aucune envie de rentrer là-dedans...Enfin, allons-y...

La cantina n'était pas bien grande, elle ressemblait d'ailleurs plus à une alcôve avec un comptoir et quelques tables avec banquettes. Là-bas, on pouvait s'asseoir, siroter son verre, et repartir aussi vite qu'on était venu. C'était plus un endroit pour faire une petite pause que pour se détendre ou se saouler. De toute façon, personne ne se risquerait à se saouler et à régurgiter ce qu'il avait absorbé avec tout les chevaliers de ronces qui patrouillaient régulièrement. Le patron était un bonhomme moustachu avec un gros nez rond et une calvitie frontale. Il était en train de nettoyer et astiquer tout son service à verre en jetant quelques coup d’œil à sa clientèle continuellement changeante.

Myo' abhorrait ce genre de lieux, là où tout les ivrognes passaient leur temps, où ils venaient méditer sur le sens d'une existence qui les dépassait totalement, où ils oubliaient leurs tracas et l'insignifiance de leur place au milieu de ce micmac qui se dessinait chaque jours autour d'eux. Le jeune homme était néanmoins plutôt satisfait de voir que cet établissement semblait propre et avec une clientèle tournante qui n'avait pas le temps de biberonner leurs pintes ou verres de rhum. Ils s'approchèrent du tenancier tout doucement.

- Bonjour, qu'est ce que je vous sers ?

- Rien du tout, on est un peu perdus. Nous sommes détectives, nous enquêtons au sujet de l'affaire Robin Dubois. Est-ce que vous pouvez nous indiquer comment descendre dans les bas districts les moins favorisés ?

- Hm...Écoutez, je veux pas de problème avec la Garde des Ronces. Au bout de la rue, il y a plusieurs réseaux d'escaliers et d'ascenseurs à poids. Nous sommes au niveau 0, descendez au niveau – 7. C'est un vaste quartier relativement pauvre, de même que tout les autres niveaux jusqu'au – 10. Je peux pas vous aider davantage, désolé.

- Bien merci à vous. Fit Scarlett en lui glissant discrètement une compensation pécuniaire pour son info.

Ils s'en allèrent discrètement en faisant un bref signe de tête au barman, s'engouffrant à nouveau dans la foule. Des escaliers et des ascenseurs, Myo n'aimait déjà pas la tournure que leurs recherches allaient prendre. Ils risquaient de se perdre avec tout ces accès, ces couloirs qui se ressemblaient tous et ces rues parallèles toutes identiques. Cette ville était complètement différente de Rosetta, elle était sinistre, oppressante, plutôt étouffante et n'avait certainement pas un cadre touristique idyllique. Elle n'était qu'un immense amas de conteneurs d'aciers où la moindre place était prise d'assaut et agencée afin qu'elle soit le plus utile possible. Rien était laissé au hasard, et si les habitations des plus fortunées s'avéraient somptueuses et paradisiaques, les autres classes sociales avaient à peine droit à un aménagement standard. Quant aux pauvres, ils avaient agencé leurs propres bidonvilles dans les niveaux inférieurs. C'était là où ils étaient censés se rendre, la Garde des Ronces ne devait pas y mettre les pieds bien souvent...

- Une fois arrivés en bas, on se sépare et on cherche de notre côté. Tu viens avec moi Ramsès ?

- Po polo polop !! Fit l'intéressé en guise de réponse. Il avait visiblement envie de marcher un peu avec Myosotis.

- Et, au sujet de Circé ?

- Il faut qu'on la trouve également. Je refuse de voir cette fille nous voler dans les plumes une seconde fois. Donc on se concentre à la fois sur l'enquête, mais aussi sur elle.

Circé, Myosotis était bel et bien décidé à se venger de cette femme. Ils l'avaient rencontré à Rosetta lorsqu'ils enquêtaient sur les vols de Robin Dubois. Elle s'était présentée comme une détective également et les avait roulé en prenant de l'avance en partant vers Verminia, les laissant seuls à Rosetta. L'androgyne était déterminé à lui faire payer cet affront, il ne supportait pas d'avoir été traité de la sorte. Ils arrivèrent vers l'escalier mais se dirigèrent vite vers l'ascenseur afin de descendre plus vite les niveaux inférieurs.

*Aller....C'est parti. *


Dernière édition par Myosotis De Ville le Sam 20 Aoû 2016 - 23:34, édité 1 fois
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- Nan che vous chure, che ne sais rien ! Ne me faîtes pas de mal s'il vous plaich !

Un vieillard enturbanné à qui il manquait plusieurs dents articulait du mieux qu'il pouvait face à un Myosotis assez remonté. Perché sur ses vertigineux talons aiguilles, il toisait le miséreux grelottant d'un regard noir et perçant. Le jeune homme était d'ailleurs soulagé d'être bien emmitouflé dans son manteau de fourrure, la case de ce type était située sous une bouche d'aération qui laissait se déverser de l'air frais. Les genoux du vieux claquaient, et ses dents en auraient certainement fait autant s'il n'avait pas perdu la moitié supérieure de son dentier. Il n'avait quasiment pas de mobilier, un matelas mou et rapiécé qui lui servait de paillasse pour dormir, une commode simple sur laquelle traînaient plusieurs écuelles et des cuillères en bois et une lanterne posée à ses côtés dans laquelle finissait de brûler une bougie. En grand joueur compulsif, ce type avait tout perdu il y a une vingtaine d'années en perdant son argent aux cartes et de Rosetta s'est retrouvé dans les quartiers insalubres de Verminia. Depuis, il rumine son malheur tout les jours en se maudissant d'avoir été aussi aveugle et stupide. Il avait son argent, ses cheveux, sa dignité et maintenant il commençait à perdre ses dents. Ça n'était plus qu'une question d'années avant qu'il ne contracte une quelconque maladie foudroyante et ne tombe...

Myosotis n'arriverait à rien tirer de lui, il avait même fouillé sa commode pour ne retrouver que quelques cafards bien planqués sous des vieux journaux et des couvertures dévorées par des mites et autres charançons. Il délaissa le pauvre homme dans sa tourmente et repartit dans la rue, refermant la porte de la case construite de fortune avec quelques planches de bois. Myo était arrivé dans les niveaux inférieurs de Verminia et avait choisi de s'occuper du niveau – 7 pendant que Scarlett était partie directement à l'étage situé juste en dessous. L'endroit était insalubre et morbide, la plupart des gens qu'il croisait encerclaient des braseros ou des poêlons usagés, ils faisaient ce qu'ils pouvaient afin de se chauffer. Cet endroit était du même acabit que les Everglades de Bliss, et ça donnait clairement des frissons à Myosotis. Il détestait cette atmosphère de pauvreté, de maladie. Il trouvait que les habitants miséreux ressemblaient tous à des fantômes, des coquilles sans âme qui passaient leur journée à fouiller les poubelles en quête d'un quignon ou d'un trognon et qui restaient le reste du temps à se lamenter et à geindre seuls dans la pénombre.

Ici, ils ne geignaient pas, ils se contentaient de regarder le jeune homme passer, le dévisageant de leurs yeux sans expression. Leur face osseuse les faisaient ressembler tous à des goules, même les enfants n'étaient que des sacs d'os qui nageaient dans les haillons qui leur servaient de vêtements. Contrairement aux quartiers supérieurs, l'éclairage était bien plus faible et par endroits on ne distinguait pratiquement rien. Sans parler de l'odeur prononcée de sueur et de renfermé qui agressait les narines dès qu'on rentrait dans le district. Les gens parqués ici étaient méprisés par le reste de Verminia, ils étaient leur honte, ceux qui n'avaient pas réussi, ceux dont il fallait se débarrasser et cacher à tout prix. La Garde des Ronces venait rarement dans ces bas-fonds non plus, ne faisait que prouver le fait que les habitants des bas-quartiers n'étaient que des rebuts, des pestiférés.

- Poooo polop !

- On va aller chercher plus loin...On a rien trouvé pour le moment.

- Polo !

Ramsès était effectivement venu avec lui mais n'était pas aussi excité que lors de son arrivée ou lorsqu'ils enquêtaient à Rosetta. Il avait conscience qu'ici il n'était qu'un petit animal, pour tout ces misérables il n'était qu'un potentiel repas à passer au grill s'il avait le malheur de se laisser attraper. Ainsi, il restait près de Myosotis, n'hésitant pas à changer instantanément de couleur pour se camoufler et continuer de progresser sans avoir l'impression d'être un met sur tentacules. Les deux compères avaient déjà passé au peigne fin cinq « maisons » de ce bidonville sans rien trouver de satisfaisant. Ils avaient défilé tout les deux face à un ancien proxénète, un père qui travaillait dans une des usines du vizirat, un cul-de-jatte qui roulait dans un caisson de bois pour se déplacer, une cabane vide où le propriétaire était parti en laissant la porte grande ouverte et cet ancien fanatique des jeux de hasard.

*Comment est-ce que je suis censé... ?! Rah ça me gave... *

Myosotis était passablement agacé de l'absence de résultats de son enquête. C'est vrai, il avait pensé que les recherches à Verminia se feraient bien plus rapidement et seraient plus prolifiques que celles qu'ils avaient mené à Rosetta. Mais pourtant non, c'était tout aussi longuet, voir même plus laborieux puisqu'il devait fouler le sol de ces quartiers infâmes, nauséabonds et au milieu de tout ces similis zombis horribles qu'il haïssait tant. Le jeune homme passa doucement à côté d'un baraquement dont la porte était ouverte. À l'intérieur, il pouvait voir une femme agenouillée face à une casserole posée sur un feu entre trois rocailles et qui avait l'air de fumer légèrement. Un fumet de soupe de poireaux venait chatouiller les narines de Myo', sûrement la seule odeur agréable de cet endroit sombre. En face de la femme couverte dans de grands châles aux couleurs ternes se tenaient deux enfants maigrelets cafetans gris. Leurs petites mains près du feu, ils montaient leur tête au dessus de la marmite pour sentir la bonne soupe que leur préparait leur mère mais aussi pour se réchauffer. Il faisait assez frisquet dans ces bas-fonds, ces marmots risquaient de contracter une maladie à tout instants...

Le jeune homme et le poulpe emboîtèrent le pas et décidèrent néanmoins de se diriger vers cette maisonnette, il fallait bien que l'enquête continue. Et quand bien même toutes ces interrogatoires qui n'aboutissaient à rien l'agaçaient prodigieusement, il était forcé de les mener. Myosotis s'avança dans l'encadrement de la porte, les deux enfants le remarquèrent immédiatement et avertirent leur mère qui se retourna, à la fois surprise et craintive.

- O...Oui ? Que voulez-vous ?

- Je suis détective, vous avez sûrement entendu parler des exploits de Robin Dubois. N'est-ce pas ?

- Je...Non, je n'ai jamais entendu ce nom, je suis vraiment désolée...

Elle mentait, Myo en était persuadé ! Elle était en train de lui mentir ! Depuis le début de ses recherches dans le bidonville du septième sous-sol de Verminia, chaque personne qu'il avait rencontré savaient de quelle affaire il s'agissait. Son mensonge pouvait se renifler à des kilomètres tellement il était gros...

- Ah vraiment ? Un voleur qui arrive à piller tout les musées et toutes les bijouteries du vizirat voisin et qui s'en tire toujours et fait tourner en bourrique les autorités depuis facilement un mois, et vous n'en avez jamais entendu parler ?

- Je...je viens de Luvneel. Mon mari est luvneelois également. Il travaille à l'usine, nous ne savons rien !

- Vous savez, toutes les personnes que j'ai pu rencontrer jusque ici, vos voisins...ils connaissaient le nom du voleur.

- Alors je suppose que c'est eux qu'il faut interroger à nouveau, pas moi...Excusez moi, mes enfants ont faim et je...

- POLOP !

Tout les regards se tournèrent vers un coin de la pièce. Myosotis et les enfants ne purent cacher leur surprise tandis que le visage de la mère se crispa d'effroi. Ramsès était rentré dans la gargote complètement camouflé derrière son ami et venait de se révéler aux yeux de tous. Il avait profité de leur inattention pour se faufiler discrètement au fond de la maison pour inspecter lui-même les meubles. Il s'était donc attardé sur une table de chevet en bois verni et nacré endroits, un meuble de manufacture luvneeloise et étrangement bien conservé. Le mollusque, d'un air triomphal, tenait dans une de ses tentacules un bracelet entièrement fait de corail orangé entièrement hérissé, comme s'il était composé et orné de multiple aiguilles. Un des bijoux volés au musée d'arts modernes !

- Tiens tiens tiens...Mais qu'est ce qu'on a là ? Ne serait-ce pas un bracelet volé dans un des musées de Rosetta... ?

- Je....je peux....Je ne sais pas ce que ça fait là... !

- Ah vraiment ? Parce que, au cas où vous ne le sauriez pas, vous risquez d'avoir de sérieux ennuis avec la garde si l'on apprend que vous avez aidé un criminel en fuite. Si vous.

Effrayée, son affolement et sa panique ne faisaient que croître au fur et à mesure que Myosotis pressait ses déclarations et la poussait dans ses retranchements. L'androgyne avait clairement deviné ce qu'elle cachait, elle faisait partie des pauvres à qui Dubois avait donné des bijoux suite à ses casses. Elle conservait visiblement ce bracelet importable mais surtout hors-de-prix pour le vendre et quitter définitivement ce bourbier dans lequel elle vivait. Les deux mômes s'étaient recroquevillés aux côtés de leur mère. Cette dernière s'était mise à trembler puis finit par déglutir en regardant cet agent qui affichait à un fin rictus sur son beau visage.

- Alors ? On a donné sa langue au chat... ? Meow !
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- Donc, je récapitule, vous avez entendu Sally qui a dit à John que sa voisine Bertha faisait reluire un ras-de-cou doré avec un chiffon. Et que le lendemain, cette dite Bertha est partie en direction d'un entrepôt c'est ça ?

- Oh oui oui madame ! Je l'ai suivi pour voir si j'arriverai à mettre la main sur le collier...Je l'ai vu rentrer dans l’entrepôt avec le chiffon dans lequel elle cachait le bijou. Mais en ressortant, elle l'avait plus...Il y avait aucune ouverture, j'ai pas pu voir ce qu'elle en avait fait...

- Et ensuite ? Vous êtes rentré pour voir ?

- Non...Je sais qu'elle a vendu le bijou à quelqu'un. C'te Bertha a rapidement filé de Verminia avec son jackpot...le lendemain matin elle était partie ! J'avais pas vraiment enfin de prendre un gnon en pleine poire pour avoir fouiné là où j'étais pas censé...

- Je vois, je vois...Je vais aller enquêter dans ce coin là, où est votre entrepôt exactement ?

- Par là-bas, prenez la première à gauche et continuer tout droit en descendant la rue, vous pourrez pas le rater !

- Merci à vous. Au revoir.

Ça faisait environ deux heures que Myosotis et Scarlett s'étaient séparés et que la tireuse experte de la gâchette avait commencé son enquête au huitième sous-sol. Une femme aussi belle et bien habillée qu'elle était immédiatement repérée dans ce décor sombre et aussi pauvre, tout le monde la zyeutait à chaque fois qu'elle apparaissait au détour d'une rue. Il fallait dire que la discrétion n'était pas vraiment de mise avec sa tenue écarlate, ce rouge carmin éclatant qu'elle portait en vêtement, comme couleur de cheveux et de pupilles. Elle était assez visible et dénotait totalement de tout les autres êtres déambulant dans les rues, rachitiques comme des mantes religieuses et pâle comme des fantômes.

Il y avait longtemps que Scarlett ne s'était plus retrouvée seule de cette manière. Elle avait rencontré Myosotis à Suna Land il y a quand même bien longtemps, et depuis ne l'avait plus quitté. Elle y repensait assez souvent et ça la faisait sourire à chaque fois. La belle avait suivi Myo' dans l'espoir de se faire de l'argent en usant des dons de son Fruit du Démon et s'était retrouvée embrigadée au Cipher Pol et était devenue une agent meurtrière. Myosotis lui ressemblait, il était ce petit frère qu'elle n'avait pas vraiment eu, cet équipier idéal avec lequel elle avait une synergie parfaite. Il lui avait certes donné l'argent et le revenue qu'elle désirait tant, il était certes extrêmement doué pour manipuler, séduire et abattre, mais il avait néanmoins réussi à imposer sa place dans son cœur. Ils étaient à présent ce duo de dandys qui fondaient sur leur proie tels des oiseaux de proie et l'enserraient pour le grignoter petit à petit et finalement le vaincre. Scarlett avait gagné un ami qu'elle ne pensait pas pouvoir gagner.

Sans parler de ceux qu'ils avaient rencontré tout les deux lors de leur arrivée au Cipher Pol. D'abord Hélios, sans doute le plus posé et sage de leur groupe. Plutôt surprenant d'ailleurs qu'il se soit autant attaché à eux, et particulièrement à Myosotis. Hélios était altruiste, bon, apaisé et toujours dans la tempérance. Tout le contraire de Myosotis en somme, mais pourtant il les avait rejoint. Venait ensuite Made, ce cuisinier qui était entré dans leur vie comme une météorite qui s'écrase sur le sol. Amoureux transi de Myosotis, ce charmant blondin ne voulait plus le quitter, et finalement Scarlett en venait à l'apprécier et trouver ce type relativement amusant. Le dernier venu, Ramsès, était le plus adorable du monde et Scarlett le chouchoutait souvent en lui offrant plusieurs bonbons et sucreries qu'il dégustait toujours nonchalamment en les attrapant avec ses huit tentacules agiles. Le poulpe les suivait tout le temps et n'avait pas envie de les quitter, il se plaisait avec ces agents. Il menait désormais une vie mouvementée et n'avait pas l'air de vouloir l'abandonner.

*Bon...Allons par ici. *

Scarlett déboula sur une cette nouvelle grande rue en tournant sur sa gauche comme lui avait conseillé le type qu'elle avait interrogé. C'était un type d'âge mur aux yeux fuyants et visible tout aussi désireux de prendre ses bagages pour filer loin de cette fange primaire où évoluait les rebuts et les rejetés. Qui ne voudrait pas quitter cet endroit après tout ? Si les niveaux inférieurs de Verminia étaient tous de cet acabit, alors vouloir y rester clairement suicidaire. Attraper une infection où une maladie à cause de l'insalubrité des habitations et des quartiers était certainement monnaie courante par ces coins là. Qui sait comment toutes ces pauvres âmes en perdition avaient échoué ici, contraints de travailler dans les usines du vizirat pour en plus toucher un salaire de misère qu'ils perdaient presque immédiatement en le dépensant pour acheter de quoi survivre. Quelques légumes, un quignon de pain, assez pour une tranche de viande. Et pour l'eau ils allaient en prendre à l'unique puits qui se trouvait dans leur étage.

- Maman ! Je vais jouer avec Zoé !

- Ne rentre pas trop tard s'il te plaît ma chérie. Et n'oublie pas ta capeline.

- Oui mamaaaaan !

La petite coiffée de couettes sortit immédiatement de sa petite maison et dévala un escalier, dépassant Scarlett par la droite. L'entrepôt n'était plus très loin, elle pouvait le voir de là où elle était. Elle ne le remarquait que maintenant, mais tout le monde dans ce quartier portait de grandes capes ou des châles rabattus sur leurs têtes, certains était cachés au milieu de plusieurs écharpes de laine autour d'autres braseros, assis sur des bancs et faisant des allées et venues sans réel but.

*Je me demande si c'est pour rester incognito... *

Il y avait de ça, certains avaient honte d'être descendu de caste et d'avoir dégringolé des étages supérieurs pour arriver ici. Verminia était cruelle, très cruelle, et rares étaient ceux qui ne risquaient pas de vaciller de leur place pour tomber bien bas. Les autres avaient tout simplement froid à cause de la mauvaise aération de ces bas-quartiers. Ces courants d'airs ne dérangeait absolument pas la tireuse d'élite, elle restait stoïque et ne remarquait pas vraiment la baisse de température. Les passants se refusaient de la troubler également, sans doute la vue de ses pistolets qui les dissuadaient. Il fallait dire qu'elle n'aurait laissé à personne l'occasion de lui faire du tort, elle aurait rossé ces potentiels faquins d'un revers de la main !

*Et voilà, enfin arrivée. On va commencer à avoir des résultats ! *

L'entrepôt devant lequel elle venait d'arriver était un grand bâtiment plutôt massif, dénotant complètement du reste de ceux se trouvant dans cette rue là. Il était gris, poussiéreux et la façade était évidemment sale comme toutes les battisses de l'étage et personne n'avait l'air de zoner devant. Une porte permettait d'accéder à l'intérieur était étrangement ouverte, Scarlett s'était mise sur ses gardes attrapant ses armes fermement entre ses mains, prête à parer une potentielle attaque puis à répliquer immédiatement. Elle rentra dans l'entrepôt sans trop se presser mais ne s'attendait pas vraiment à se retrouver face à face à une figure bien familière.

- Ooh. Bonsoir Mrs.Watson.

Une jeune fille d'une intense beauté à la chevelure aussi rouge que la sienne, habillée de blanc et tenant une ombrelle l'attendait visiblement, un sourire provocateur dessiné sur son visage. Scarlett la reconnu tout de suite...

- Circé.
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Circé. C'était une somptueuse demoiselle à la peau blanche, délicate et douce comme de la porcelaine. Toute habillée de blanc, elle portait une longue robe qui lui arrivait jusqu'au genoux et si l'on descendait son regard le long de ses jambes fuselées on pouvait constater qu'elle portait de petits escarpins à talons hauts. Entre ses mains, elle tenait une ombrelle autour de laquelle voletaient élégamment trois papillons argentés donc les ailes pailletées irisaient quand un rayon de lumière parvenait à toucher leurs écailles. Qui sait pourquoi ces coléoptères la suivaient constamment ? Sûrement à cause de sa beauté, son charme dégageait quelque chose d'étrange, de puissamment attractif, quelque chose auquel personne ne pouvait rester indifférent. Quand on regardait cette princesse à la figure angélique, on ne pouvait qu'être attiré et attendri. Elle possédait ce splendeur, une vénusté qui consumerait une sirène de jalousie, une grâce de sylphide, une beauté céleste.

Scarlett la connaissait bien, Myosotis aussi d'ailleurs, cette vile damoiselle les avait roulé à Rosetta en leur faisant prendre du retard sur leur enquête pendant qu'elle était partie tranquillement jusqu'à Verminia pour continuer la sienne. À l'heure qu'il était, elle devait certainement connaître l'emplacement de la planque de Dubois... La tireuse écarlate la toisait d'un regard dédaigneux, s'il y avait bien quelque chose qu'elle ne pouvait pas supporter c'était qu'on la fasse tourner en bourrique et surtout qu'on lui fasse rater une bonne affaire. Cette Circé était pour elle un obstacle dans ses affaires, et une vraie plaie à effacer.

- Comment se déroule votre enquête ? Hm ?

- Moins bien que la votre visiblement. Répliqua Scarlett, incisive.

- Ha ha ! Que voulez-vous chère collègue ? Je n'aime pas vraiment travailler en équipe lors de mes enquêtes...

- Vous n'êtes pas plus enquêtrice que je suis professeure. Arrêtez de jouer à votre petit jeu, bas les masques Circé !

L'autre éclata d'un rire cristallin et pencha la tête sur le côté. Scarlett en avait assez de ce jeu de théâtre, ils avaient assez joué. Leur comédie durait depuis trop longtemps, tous à se tourner autour et à prétendre être des détectives. Ils avaient été mis en difficulté à cause d'une ennemie, à présent plus la peine de prendre des pincettes. Il fallait jouer franc jeu, et foncer.

Circé:

- Ooh ma belle...ne m'en voulez pas pour mon petit écart. Après tout, est-ce de ma faute si vous êtes aussi crédules que ça vous et l'autre monoïque en fourrure ? Ne me jetez pas la pierre pour votre naïveté.

- Je vais me faire la joie de prendre vos paroles puis de vous forcer à les ravaler à grand coups de calibre mousquet directement sur votre exaspérante face d'elfette.

- Bonne chance la courtisane. Parce que quand j'en aurai fini avec vous, j'irai me farcir Dubois et je rigolerai en repensant à ce que vous venez de me dire tout en sirotant un mojito et en me prélassant au soleil.

- Salope...

- Connasse...

Crêpage de chignon en perspective, les deux femmes s'envoyaient déjà des quolibets en pleine figure. Une querelle entre deux nymphes pouvait être férocement dévastatrice, même une catastrophe naturelle  ferait moins de dégâts qu'une prise de becs féminine.

*Je vais pas la rater l'angelette... *

S'armant de ses deux pistolets, Scarlett les pointa d'emblée sur Circé pour tirer deux coups de feu. D'un geste prompt, la cible avait replié son parapluie et, tournant le manche avait fait sortir une petite lame du sommet de l’ustensile. Tout se passa en une fraction de seconde, mais Circé avait réussi à parer les deux balles tirées et les faire mourir dans deux caissons posés au fond de l'entrepôt. Une étrange poudre blanche se déversa sur le sol, attirant cafard et autre rats, ça avait l'air de narcotiques stockés là par un malfrat des bas-fonds... Scarlett avait été surprise de la rapidité de son adversaire, jamais elle n'aurait pensé qu'une jeune fille aussi frêle pouvait bouger avec autant de vélocité.

*C'est pas vrai... *

Un éclair traversa les pensées de Scarlett...Elle avait déjà vu quelqu'un agir de la même façon, le petit Myosotis. Il était exactement comme elle, il avait cette même carrure fine et élancée qui paraissait faible et chétif. Mais rien en était, derrière cette silhouette et physionomie qui semblait fragile comme du verre se cachait un véritable fantôme. Un spectre agile, mobile et rapide, qui arrivait à danser avec les assauts de ses ennemis, qui arrivait à esquiver tout avec grâce et élégance, faisant complètement fi de ce qui pouvait le toucher ou non. Il y arrivait, tout simplement. Et cette Circé était exactement pareille. Scarlett devrait redoubler de prudence....et de vitesse, elle en prenait conscience.

PAN ! PAN ! PAN !

Une nouvelle série de balle fusa vers la jeune fille qui ne se lassait pas d'esquiver, virevoltant et tourbillonnant gracieusement comme une danseuse étoile. Aucune des balles de Scarlett n'arrivaient à ne serait-ce que frôler leur cible qui riait presque des attaques de la tireuse qui lui semblaient tellement ridicules...Suite à cette dernière salve, Circé s'arrêta un instant, plongeant son regard perçant dans celui de Scarlett. Cette dernière était sur ses gardes, depuis le début de ce duel Circé n'avait rien entrepris et s'était contenté d'éviter ses coups. Elle attendait toujours qu'elle tente quelque chose...

- C'est tout ce que vous savez faire ? Je m'attendais à mieux de la part d'une femme de votre trempe...

- Cessez donc de jouer avec moi, gamine, et montrez moi ce que vous savez faire...à part jouer aux ballerines et tourner comme une toupie.

- Ha ha ha ! Fit l'autre en penchant sa tête une nouvelle fois, vous l'aurez cherché...

Entendant cela, Scarlett s'était immédiatement positionnée de telle sorte qu'elle était préparée à répliquer. La jeune femme attendait le coup venir, elle s'attendait à voir Circé foncer droit sur elle tenter une estoc avec la lame de son parapluie. Il n'en fut rien, pour la plus grande surprise de Scarlett, son opposante s'était mise à marcher tout doucement, le son de ses talons raisonnant dans l'entrepôt. Elle souriait encore et toujours, ne se pressant pas le moins du monde.

*A quoi est-ce qu'elle joue encore ?! *

- Vous voulez que je devienne sérieuse ? Vous êtes sûre ?

Rabattant son ombrelle au dessus de sa tête, la belle s'amusait désormais la faire tourner tout doucement. Un long frisson parcourut l'échine de Scarlett, quelque chose d'étrange était en train de se passer. L'air ambiant commençait à prendre une étrange odeur de lavande et de lys. Quelques secondes auparavant l'air nauséabond et putride de l'entrepôt embaumait encore ses narines...

- Pfff...Vous n'avez aucune idée de quoi je suis capable...

*Qu...Qu'est ce que ?! *

Circé se tenait à présent à environ un mètre de Scarlett, elle s'était arrêtée et continuait de la fixer de ses intenses prunelles d'onyx. Elle attrapa Scarlett par le poignet qui, frissonnant de plus belle, n'eut même pas le temps de l'en empêcher. Tout autour de Circé, la tireuse constata avec stupeur que d'imposantes effluves rosées étaient en train de l'enserrer...Languissantes et voluptueuses, le émanations glissaient et serpentaient nonchalamment et encerclaient à présent les deux femmes.

- Si je vous montrais vraiment de quoi je suis capable, vous ne seriez déjà plus en vie....

- Qu...Qu'est-ce que vous faites ?! Vous...Kof...Kof....kof... !!

Scarlett s'était mise à tousser à plein poumons, les puissantes effluences lui étant rentrés à l'intérieur du nez et de la bouche. Le fort parfum de la lavande et de l'iris commençant à lui monter à la tête et à lui provoquer une douleur des plus insupportables.

- Hhh...Aaaah... !!!

- Hu hu ! Ria Circé en la regardant se contorsionner. J'ai mangé le Fruit du Parfum ma jolie. Ce que je suis en train de vous faire n'est qu'un ersatz de mon potentiel. La lavande et l'iris ont des fragrances extrêmement fortes, elles montent facilement à la tête n'est-ce pas ?

- Hhhh...h....A...arrêtez.. !!

- Pardon ? Je ne vous comprends pas bien ? Est-ce que vous êtes en train de me supplier ? J'ai du mal à vous comprendre avec votre toux...

En plus d'avoir plus d'un atout dans sa manche, Circé était une créature relativement sadique qui prenait un malin plaisir à la voir souffrir. Scarlett se maudissait d'être tombée dans son piège et de l'avoir sous-estimé. Elle se voyait déjà remporter la victoire contre ce petit brin de femme, qu'elle n'avait aucune compétence de combat et qu'elle n'était certainement pas aussi forte. Et voilà qu'elle se trouvait face à un utilisateur de Fruit du Démon....la dernière fois qu'elle avait fait face à un adversaire de ce type ça avait été contre Myosotis, et elle n'avait pas non plus connu un dénouement  en sa faveur. Se tordant une nouvelle fois de douleur, elle lâche ses mousquets qui tombèrent au sol. Elle s'écroula sur ses genoux, s'attrapant le crâne antre ses mains. La douleur provoquée par le parfum que Circé diffusait était de plus en plus intense, elle n'arrivait ni à lutter ni à supporter...

- Hhhh...Aaaah !!

- Mais ne vous inquiétez pas, je ne vais pas vous tuer. Vous me serez bien plus utile en vie ma belle.

*N...Non... *

Sa torpeur était beaucoup trop forte, s'y opposer était impossible. Un voile noir vint à tomber face à ses yeux et la lumière fit place aux ténèbres. Au moins, la douleur était partie...Toujours debout face à une Scarlett comateuse et dans les vapes, Circé affichait un rictus malicieux sur sa figure d'ange. Elle s'abaissa pour farfouiller dans les poches de son ennemie vaincue, elle savait ce qu'elle voulait. Tout ceci n'était que la partie facile de son plan. Après tout, elle avait un bien plus gros poisson à ferrer...
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- Polo polop pop !

- Et encore un ! On s'est plutôt pas mal débrouillés.

- Polo !

Plutôt satisfait de lui, le petit mollusque frétillait en sautillant aux côtés de Myosotis. Les deux compères se trouvaient dans une autre maisonnée du septième sous-sol. Un petit vieux les regardait complètement désemparé lorsqu'ils finirent par trouver l'endroit où lui et son épouse cachaient un petit pendentif doré supposé se trouver dans l'une des vitrines de la bijouterie des deux frères jumeaux. Ramsès devenait un véritable limier, c'était lui qui flairait la piste des bijoux en farfouillant tout les endroits possibles et imaginables à l'aide de ses huit tentacules agiles. Cette fois, il avait retourné un pot de terre cuite posé bien en hauteur sur une étagère de bois craquelé , faisant tomber le collier au sol. Les deux aïeuls avaient beau plaider que ça n'étaient pas de leur faute, de supplier Myosotis de lui laisser ce collier, celui-ci leur répliqua avec un sourire satisfait que la justice du plus grand nombre primait sur celle de l'intérêt privé et qu'il fallait arrêter ce cambrioleur bandit plutôt que de s'attarder avec leurs sottises.

*Bingo ! Bingo !! *

- Scarlett va être supeeeer contente de nous. Regarde un peu le butin que l'on ramène !

- Polo polop ! Répondit Ramsès tout content également.

Le sac en bandoulière de Myosotis était rempli de joyaux, de parures et de bijoux ! Il avait retrouvé presque tout les objets volés dans les bijouteries de la Place de la Tulipe ainsi qu'une partie de la collection de corail du musée d'Arts modernes. Leur pêche avait été fructueuse, tout un quartier du niveau – 7 avait eu l'extrême honneur d'avoir bénéficié des grâces de Robin Dubois et reçu tout ces petits présents un matin sur le pas de leur porte. C'était ce dernier couple âgé qui leur avait raconté...Ils s'étaient levés et avaient trouvé un petit paquet emballé dans du linge, et que tout leurs voisins avaient eu la même surprise. Chacun avait rentré son petit présent pour le cacher et, après une brève réunion, ils avaient tous décidé de ne jamais en parler à qui que ce soit pour préserver le secret. C'était leur ticket de sortie, leur seul moyen de partir définitivement des bas-quartiers de Verminia et de quitter cette immonde fange dans laquelle ils vivaient, piégés au fond de cette immense édifice de fer qu'était ce vizirat.

Déambulant dans une nouvelle rue, Myosotis et Ramsès se mettaient désormais en quête de l'ascenseur qu'ils avaient emprunté pour descendre afin de rejoindre Scarlett à l'étage inférieur. La marche à suivre à présent était relativement simple : continuer d'inspecter les neuvièmes et dixièmes sous-sols afin de passer au crible toutes les habitations afin de retrouver le reste des collections. Tout en marchant, le jeune homme s’amusait à calculer combien il pourrait gagner avec cette petite fortune. Après tout, pourquoi s'embêter à rendre ces bijoux à leurs véritables propriétaires quand on pouvait les conserver et se faire un joli paquet de berrys ? D'après ses estimations, il pourrait en tirer pour environ une quinzaine de millions de berrys. Il jubilait déjà à l'idée de pouvoir récolter encore plus en ratissant minutieusement tout les autres sous niveaux.

*Bon...à gauche puis la troisième à droite et ça devrait être bon... *

Contournant la place sur laquelle se trouvait l'unique puits du sous-sol, le garçon et son compagnon tentaculaire durent batailler pour pour se frayer un chemin entre tout ces exécrables mendiants.L'agent sous couverture les envoya paître en les forçant à se bouger, les insultant et les maudissant. Ils sentaient tellement mauvais...il fallait dire que l'eau de ce puits était glacée, ils ne devaient pas s'immerger bien souvent...

Pulu pulu pulu pulu... ! Pulu pulu pulu... !

S'arrêtant au beau milieu de la rue, pratiquement vide si on faisait fi de la femme qui étendait son linge à plusieurs mètres devant, son escargophone venait de sonner. Ramsès leva des yeux interrogateurs, c'était la première fois qu'il entendait un son pareil...Myosotis s'empressa de sortir l'appareil pour décrocher.

*Certainement Scarlett, je me demande ce qu'elle a trouvé ! *

...Katcha !

- Allô ?

- CHOOOOOOOUPINOU D'AMOOOOOUR !!!

La voix de Made résonna tellement fort depuis l'escargophone que, surpris, Myo manqua d'en tomber à la renverse. Le poulpe, encore plus apeuré partit se terrer dans le sac rempli de bijoux de son ami en rempliant ses tentacules à l'intérieur. Même la dame fit tomber son baquet d'épingle, les faisant toutes dégringoler dans le bac qui contenait le reste du linge à éteindre. Made, tout gentil et prévenant, était un cuisinier pâtissier du Cipher Pol 8. C'était un grand blondin au visage charmant et charmeur....et il était tombé amoureux fou de Myosotis au moment même où ils s'étaient vu. Cette passion n'était pas vraiment partagée pour le moment, mais Myo' faisait néanmoins les frais de cet amour inconditionnel et indestructible...

- Aloooooors ? Comment se passe l'enquête mon sucre au mieeeel ?

- Chut ! Pas si fort Made ! Tu veux qu'on se fasse repérer ?!

- Oooouh. Désolé. Chuuuuuut, je vais pas parler fort. Promis. Alors ? Comment ça se passe ?

- Pas mal, j'ai déjà retrouvé plusieurs joyaux. Scarlett cherche de son côté.

- Des infos sur la piste du voleur ?

- Pas vraiment non. Il a l'air de se cacher quelque part dans les sous-sols d'une grande ville de l'île.

- Oooouh ! Tu vas l'avoir j'en suis sûr. Il a qu'à se tenir ce vilain voleur et...

Puluuuuuuu ! Puluuuuuu ! Puluuuuuu !

*Hm ? *

Le petit escargot-téléphone émettait à présent un bruit incongru, plus aiguë que la sonnerie habituelle. La petite tête de Ramsès sortit tout doucement bien que, toujours effrayé, il restait dans caché dans le sac en s'étant agencé un petit nid entre les bijoux.

- Hm...J'ai du double appel Made. Ça doit être Scarlett, on se rappellera plus tard.

- Pas de souciiiis ! Bisous mon Myo d'amooooour !

Myosotis s'empressa de raccrocher pour changer de conversation et voir qui était son nouvel interlocuteur.

- Allô ?

- Hello sweetie.

Cette voix, il la reconnaîtrait entre milles. Cette voix mielleuse qui cachait des intentions bien plus abjectes. C'était bien évidemment la voix de...

- Circé ! Que...Espèce de...Comment est-ce que tu as réussi à m'appeler ?!

- Hm, ça n'a pas été bien compliqué. Ton amie possède un petit calepin avec une série de numéros. Seul le tien n'était pas barré, alors j'ai essayé. Si tu n'avais pas décroché, je l'aurais tué.

- Qu'est-ce que tu lui as fais ?

- Rien de bien vilain, on s'est juste chamaillé. Elle a fait un petit malaise, mais ne t'inquiète pas. Je ne lui ferai rien...pour l'instant. Hihi !

- Tu....Tu vas regretter ça. Crois moi tu vas le regretter.

Le ventre de Myosotis venait de se nouer, il avait laissé Scarlett seule et ça lui avait fait du tort. Circé l'avait vaincu, et peut être même qu'elle était blessée ! Jamais ils n'auraient dû se séparer, s'il avait été aux côtés de Scarlett au moment de son duel contre Circé jamais tout cela n'aurait pris cette tournure. Elle n'aurait pas été en difficulté, ni blessée. Le jeune homme savait toutefois que tout cela n'était pas de sa faute, que c'était cette vile démone qui était responsable de la situation. Il ne se désempara pas et choisit de tenir tête à sa consœur manipulatrice, il devait l'arrêter.

- Alors dépêche toi mon petit moineau, parce que si tu tiens à la retrouver en vie, tu vas venir sagement jusqu'au grand entrepôt du huitième sous-sol...et me donner tout ce que tu auras trouvé.

- Comment est-ce que tu sais que j'ai des bijoux avec moi ? Comment tu peux en être sûre ?

- Je ne peux pas. Mais il vaut mieux pour toi que tu en aies, parce que sinon ton amie y passe. Je te laisse une trentaine de minutes pour me rejoindre. Si tu es retard d'une minute, je la tue. A plus tard mon poussin.

Katcha.... !

*Merde...merde..MERDE ! *

Myosotis rangea l'escargophone dans son sac. Ramsès voulu sortir mais le bel éphèbe aux joues empourprés par la colère lui intima d'y rester. Il fallait qu'il se dépêche, la vie de Scarlett en dépendait. Réajustant l'imposant col de son manteau en fourrure de woks, Myosotis attrapa fermement la lanière de son sac et serra son poing autour du manche de sa canne avant de se mettre à courir.

*Un peu de patience darling, j'arrive. *
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