J'regarde avec une certaine force de questionnement le plafond de la petite cabine. C'est un plafond comme tous les autres plafonds, et pourtant... Première fois que j'vois un plafond comme ça. Pas particulièrement en bon état, non, un bois à la surface légèrement humide, comme le sont la plupart des bois qu'on trouve sur un navire, surtout quand celui-ci vient de traverser une petite tempête. Et c'est justement cette petite tempête qui rend ce plafond particulièrement intéressant. Parce que c'est la première fois d'ma vie que j'passe une traversée de ce genre cloîtré dans une putain de cabine. Et il faut bien le dire, ça m'fait chier.
J'regarde un coup vers la porte. Personne semble vouloir m'ouvrir et c'est bien dommage. Saleté de fruit du démon. La seule et unique raison qui fait que j'ai été coffré ici. Parce que le commandant de bord voulait pas que je risque de tomber dans « l'abîme mouvementé de la mer bleu azur et de ses trépidants paysages ». Des conneries. La mer, c'est rien qu'un gros bassin tout plein qui demande juste à ce qu'on la chevauche avec précaution. Moi j'ai toujours fait ça. Mais maintenant, si j'tombe à la baille, faut qu'on vienne me chercher. Ce monde est une grosse blague.
La serrure vient cliqueter et j'tourne directement la tête dans la direction de la porte, un large sourire sur le visage. C'est un costaud aux cheveux rouges et aux tâches de rousseur, la barbe fournie et à l'habit plus qu'étrange, une sorte de jupette à carreaux qui vient me libérer. J'saute aussitôt sur mes pieds et j'avance pour lui serrer la main.
« Je ne t'avais pas vu à l'embarquement, enchanté, lieutenant...
-D'lite K'sma. M'dit. Chanté, Wen Mcoul.
-...
-P'rdon. 'rtic'le mal.
-E-o-i-n Mc-Kool, que j'parviens à lire sur son papelard d'identité.
-S'pron'nce O-W-E-N, qu'il articule avec ce qu'on pourrait appeler des efforts surhumains. »
Pour terminer ce premier échange un peu crypté, il pose sur moi ses yeux bleus pétillants de bonne humeur et affiche à travers sa barbe broussailleuse un sourire grand comme le mien. J'sens qu'on va bien s'entendre. Suffirait que j'comprenne les mots qui sortent de son camembert et tout rentrera dans l'ordre. Bon. J'analyse un instant sa sympathique trogne puis j'zyeute rapidement sa jupe.
« 'trgué p'r l'kilt, li't'nant ?
-Ah ? Euh... Oui, première fois que j'vois ça, forcément, l'inconnu, ça déboussole.
-Haha, v'z'êt's m'rrant vous. J'fais un t'po d'la s'tuation ?
-Ouaip, ça serait pas mal, histoire que je me remette dans l'bain. Une traversée enfermée dans une cage à moineaux, ça fait pas que du bien.
-V'z'avez r'son.
-Déjà, on est à combien de Bliss ?
-V'z'tes d'jà sur Bliss li'tnant. L'b'teau v'ent d'rriver a c'port et m'a env'yé v'z'acc'illir.
-Déjà sur Bliss ? Décidemment, ils m'ont tenu au secret longtemps, va falloir que ça cesse immédiatement cette affaire, j'veux pas rester en cale à chaque fois qu'une tempête menace de m'faire tomber par dessus bord, j'ai le pied marin à l'origine quand même. »
Après avoir éclaté d'un rire sonore, Eoin me décrit les divers éléments de l'affaire. Plus le récit avance et moins j'ai besoin de le reprendre pour saisir les mots qu'il emploie. Finalement, avec un peu de concentration le dialogue passe plutôt bien. Le topo général, de toute façon, je l'avais déjà, me manquait l'avancement du bouzin pendant la traversée depuis Inari. J'comprends pas pourquoi on m'met aux commandes d'un tel merdier, surtout après le fiasco d'Inari. Je les entends d'ici ; « mais non, Inari n'est pas un fiasco, vous vous en êtes très bien tiré lieutenant Kosma », très bien tiré mon cul, plus d'une centaine de cadavres, t'appelles ça bien t'en tirer. Ils ont surtout voulu camoufler le tout et me faire aller voir ailleurs s'ils y étaient.
Et ils y sont pas.
Par contre, selon toute vraisemblance, l'équipage des Dents de ta mer y est lui. Quelque part dans le coin en tout cas. Et mon rôle à moi, c'est de mener la petite troupe d'hommes qu'on vient de m'assigner pour les arrêter pour de bon.
J'suis pas un meneur d'hommes, c'est bien connu, mais les ordres viennent du haut alors pas trop l'choix. Si ça tenait qu'à moi je ferais ça en solitaire. Si tous mes gars sont comme Eoin cela dit, ça devrait s'annoncer pas trop mal. J'me roule une clope, et j'sors enfin de ma petite cabine, le grand rouquin sur mes talons. Le paysage marin est magnifique et l'air est doux. J'aspire tranquillement la fumée de la cigarette tandis que j'vois mon partenaire se placer juste à côté de moi, la bouffarde à la bouche, crapoter quelques feuilles de tabac. Décidément, on va bien s'entendre.
Une fois ce moment de détente terminé, j'me mets en route, y a du boulot.
J'regarde un coup vers la porte. Personne semble vouloir m'ouvrir et c'est bien dommage. Saleté de fruit du démon. La seule et unique raison qui fait que j'ai été coffré ici. Parce que le commandant de bord voulait pas que je risque de tomber dans « l'abîme mouvementé de la mer bleu azur et de ses trépidants paysages ». Des conneries. La mer, c'est rien qu'un gros bassin tout plein qui demande juste à ce qu'on la chevauche avec précaution. Moi j'ai toujours fait ça. Mais maintenant, si j'tombe à la baille, faut qu'on vienne me chercher. Ce monde est une grosse blague.
La serrure vient cliqueter et j'tourne directement la tête dans la direction de la porte, un large sourire sur le visage. C'est un costaud aux cheveux rouges et aux tâches de rousseur, la barbe fournie et à l'habit plus qu'étrange, une sorte de jupette à carreaux qui vient me libérer. J'saute aussitôt sur mes pieds et j'avance pour lui serrer la main.
« Je ne t'avais pas vu à l'embarquement, enchanté, lieutenant...
-D'lite K'sma. M'dit. Chanté, Wen Mcoul.
-...
-P'rdon. 'rtic'le mal.
-E-o-i-n Mc-Kool, que j'parviens à lire sur son papelard d'identité.
-S'pron'nce O-W-E-N, qu'il articule avec ce qu'on pourrait appeler des efforts surhumains. »
Pour terminer ce premier échange un peu crypté, il pose sur moi ses yeux bleus pétillants de bonne humeur et affiche à travers sa barbe broussailleuse un sourire grand comme le mien. J'sens qu'on va bien s'entendre. Suffirait que j'comprenne les mots qui sortent de son camembert et tout rentrera dans l'ordre. Bon. J'analyse un instant sa sympathique trogne puis j'zyeute rapidement sa jupe.
« 'trgué p'r l'kilt, li't'nant ?
-Ah ? Euh... Oui, première fois que j'vois ça, forcément, l'inconnu, ça déboussole.
-Haha, v'z'êt's m'rrant vous. J'fais un t'po d'la s'tuation ?
-Ouaip, ça serait pas mal, histoire que je me remette dans l'bain. Une traversée enfermée dans une cage à moineaux, ça fait pas que du bien.
-V'z'avez r'son.
-Déjà, on est à combien de Bliss ?
-V'z'tes d'jà sur Bliss li'tnant. L'b'teau v'ent d'rriver a c'port et m'a env'yé v'z'acc'illir.
-Déjà sur Bliss ? Décidemment, ils m'ont tenu au secret longtemps, va falloir que ça cesse immédiatement cette affaire, j'veux pas rester en cale à chaque fois qu'une tempête menace de m'faire tomber par dessus bord, j'ai le pied marin à l'origine quand même. »
Après avoir éclaté d'un rire sonore, Eoin me décrit les divers éléments de l'affaire. Plus le récit avance et moins j'ai besoin de le reprendre pour saisir les mots qu'il emploie. Finalement, avec un peu de concentration le dialogue passe plutôt bien. Le topo général, de toute façon, je l'avais déjà, me manquait l'avancement du bouzin pendant la traversée depuis Inari. J'comprends pas pourquoi on m'met aux commandes d'un tel merdier, surtout après le fiasco d'Inari. Je les entends d'ici ; « mais non, Inari n'est pas un fiasco, vous vous en êtes très bien tiré lieutenant Kosma », très bien tiré mon cul, plus d'une centaine de cadavres, t'appelles ça bien t'en tirer. Ils ont surtout voulu camoufler le tout et me faire aller voir ailleurs s'ils y étaient.
Et ils y sont pas.
Par contre, selon toute vraisemblance, l'équipage des Dents de ta mer y est lui. Quelque part dans le coin en tout cas. Et mon rôle à moi, c'est de mener la petite troupe d'hommes qu'on vient de m'assigner pour les arrêter pour de bon.
J'suis pas un meneur d'hommes, c'est bien connu, mais les ordres viennent du haut alors pas trop l'choix. Si ça tenait qu'à moi je ferais ça en solitaire. Si tous mes gars sont comme Eoin cela dit, ça devrait s'annoncer pas trop mal. J'me roule une clope, et j'sors enfin de ma petite cabine, le grand rouquin sur mes talons. Le paysage marin est magnifique et l'air est doux. J'aspire tranquillement la fumée de la cigarette tandis que j'vois mon partenaire se placer juste à côté de moi, la bouffarde à la bouche, crapoter quelques feuilles de tabac. Décidément, on va bien s'entendre.
Une fois ce moment de détente terminé, j'me mets en route, y a du boulot.