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Les prémices du changement

Je fonçais avec délice sur les nuages, poussant mon waver à fond. Il allait bien plus vite qu’il ne l’aurait dû, probablement grâce aux modifications que j’avais réalisées. La sensation de glisse était merveilleuse, et me procurait un immense sentiment de bien-être. Je laissais enfin s’exprimer ma frustration en criant de toutes mes forces. Des battements d’ailes s’élevèrent au-dessus de ma tête. La forêt était si belle et calme, quand rien ne s’y passait. Elle était majestueuse, ses arbres millénaires s’étirant à l’infini. Çà et là, quelques pans de ciel obscur, parsemé de paillettes, perçaient à travers les frondaisons.

Il me semblait que cela faisait des heures que je naviguais ainsi, en ne ressentant aucune fatigue ou lassitude. La milky road se sépara et je tournai instinctivement vers la gauche, savourant le vent qui joua avec mes cheveux alors que j’amorçais une grande descente, suivant toujours la voie de nuages. Arrivée près du sol, je ralentis et me baissa, gardant toujours une main sur le guidon de mon embarcation, afin de toucher la terre sacrée de Skypiea. Entendant un bruissement de feuilles, je relevais la tête et pris une flèche dans mon carquois, que je n’avais même pas eu conscience d’avoir emporté avec moi avant de bander mon arc. Un large bec doré et mauve sortit de l’ombre et avança encore, faisant apparaitre le corps massif d’un South Bird.

Evidemment, j’en avais déjà vu. Cependant celui-ci semblait diffèrent, plus grand peut être ? Et puis il la regardait, elle, une toute petite shandienne, avec intérêt. Je frissonnais et rangeais mon arc et ma flèche. Les South Birds n’étaient pas des oiseaux agressifs, tant qu’on ne leur cherchait pas des noises. Ils étaient cependant très farceurs, et ne se rendaient pas toujours compte que, pour un fragile ange, leurs blagues pouvaient avoir des conséquences funestes. Néanmoins, en général, ils ne se montraient qu’après avoir accompli leurs forfaits. On pouvait alors entendre leur drôle de rire, alors qu’ils se moquaient ouvertement de leur victime.

J’avais donc du mal à comprendre ce que venait faire ce très gros South Bird ici. Peut-être était-ce simplement une coïncidence ? Oui, ce ne pouvait être que cela. Je savais pourtant que ces créatures étaient très intelligentes, et ne se montraient uniquement lorsqu’elles voulaient être bien vues. En apercevoir un était assez rare, il n’y en avait pas beaucoup sur l’ile, et ils avaient établis leurs nids dans des hauteurs inexploitées par les peuples de Skypiea. On ne savait pas combien il pouvait y en avoir au total, ni réellement comment ils vivaient, ou se nourrissait. A priori ils mangeaient des jeunes pousses de feuilles, dans les arbres mais tout à coup, je n’en fus plus aussi certaine. Un filet de sueur froide coula dans mon dos alors que l’oiseau me détaillait, longuement, de son immense prunelle noire.

Cet animal devait être aussi vieux que la mère des quatre serpents à plumes qui gardaient le ponéglyphe… Dont Blue… J’adorais vraiment ce serpent. Il était taquin et joueur, et était un vrai enfant. Sans être réellement capricieux, il était tout de même exigeant. Et protecteur… Oui, très protecteur. Il n’aimait pas quand je m’éloignais de lui, lançant des sifflements courroucés à chaque fois. Je retrouvais un peu de ce sentiment lorsque je détaillais plus précisément l’immense oiseau mauve. Ce que j’avais pris au début pour une menace m’intriguait maintenant plus qu’autre chose. Penser a Blue m’avait apaisée, comme souvent.

Certaines des plumes du South Bird étaient argentées, de la couleur des nuages, avec un ton plus profond néanmoins, plus merveilleux et définitivement moins réel. C’était la raison pour laquelle je pensais qu’il était très vieux, en plus du bon indice que me donnait sa taille, évidemment. Il pencha son énorme tête vers moi, rapprochant son immense œil de mon visage. Figée, je n’osais même plus respirer. Il émanait de lui quelque chose de sacre, et d’ancestral. La crête sur le dessus de sa tête était tout aussi gigantesque que son corps, et semblait avoir été coulée dans de l’or pur, car elle reflétait le paysage alentour. Les arbres gargantuesques, la très longue milky road qui serpentait entre eux. Le ciel, que l’on apercevait par endroit, semblait se trouver à des milliards de kilomètres.

Pour la première fois de ma vie, je ne me sentis pas à ma place sur cette terre sacrée. Bien sûr, je m’étais déjà été mal à l’aise parmi ses habitants, mais jamais encore je n’avais eu ce sentiment-là. C’était bien plus absolu cette fois.
    Je crois que j’aurais pu réagir différemment. C’est vrai, après tout, j’aurais dû noter un certain nombre de détails qui auraient pu me mettre sur la bonne voie. Je ne l’ai pas fait, et, après tout, ce n’est pas non plus si grave.

    L’oiseau, bien qu’étant un South Bird, tourna vers moi son énorme tête, se détournant de son cap éternel. Il me fixait de ses yeux intelligents, comme s’il s’attendait à ce que je fasse quelque chose. Mais quoi au juste ? Que je me mette à courir, que je m’enfuis? Ou que je le tape? Ce ne fut pas ce que je fis. Je levai la tête, arrêtant de fixer le riche sol de Skypiea pour regarder ses grandes pupilles.

    Tu es vraiment, vraiment étrange.

    L’oiseau émit un drôle de bruit, qui aurait pu passer pour un rire. Au lieu de d’être effrayée par la situation et par le son, je me sentis étrangement à l’aise, ce qui n’était en aucun cas logique. Me sentir à l’aise alors que je parlais a un piaf et, qui, apparemment, se foutait de moi? Oh oui, il fallait aussi ajouter le fait que, en théorie, un South Bird ne pouvait pas se détourner du sud, ce qui ne semblait néanmoins pas poser de problèmes à cet oiseau-là. Mon ange de grand-mère m’aurait probablement dit que je m’enfonçais dans la folie et que je devrais prendre un long bain, avec des huiles parfumées et me relaxer avant de revêtir ma plus belle robe. Et que là je me sentirais bien mieux, et arrêterais d’avoir des hallucinations. Voila. Remède trouvé.

    Je grimaçais à cette idée. Une robe… Non, ce n’était pas confortable. Et puis il y avait tellement de choses plus intéressantes à faire que de se prélasser dans une baignoire. La forêt était riche, et pleine de mystères, notais-je en continuant à observer le South Bird qui se tordait toujours de rire. Et cela n’avait rien à voir avec mon imagination débordante. L’oiseau retrouva progressivement son calme, et la forêt se remplit à nouveau d’un silence apaisant, jusqu’à ce qu’il ouvre son bec.

    J’aurais commencé par dire bonjour, ou bonsoir, tel était ton choix. Ce n’est pas très poli de m’aborder ainsi. Tu es chanceuse cependant car je suis de bonne humeur.

    Je me retournai pour voir qui venait de parler. La voix était ronde et suave, emplie de pouvoirs, de mystères et de bonnes intentions. Je n’avais pas plus peur que cela, j’étais intriguée. Je ne voyais personne autour de moi et pourtant, cette voix riche résonnait encore dans les oraisons des arbres millénaires.

    Tu ne devrais pas chercher aussi loin, petite. Je suis juste devant toi.

    Je tournai lentement la tête vers la source des sons que j’entendais, porte par le bruissement des feuilles et par le vent. Le South Bird la regardait et l’étudiait encore avec ses grands yeux malicieux. Je reculai d’un pas, non pas parce que je voulais m’enfuir, malgré l’incongruité de la situation ce n’était toujours pas le cas, mais parce que j’avais besoin de prendre du recul. Mentalement et physiquement. L’immense ovipare se tenait devant moi, toujours plante sur ses espèces de pates de poulet dorées. Il était différent de ses congénères c’est vrai. Je n’avais cependant jamais entendu parle d’un oiseau qui parle. Je hochais donc la tête avec conviction.

    Tout ça n’est qu’un rêve. Un rêve invraisemblable mais un rêve…

    Tu sais, ce n’est pas parce que ça se passe dans ta tête que ce n’en est pas moins réel. La réalité est un concept un peu désuet, si tu veux mon avis. Elle englobe bien plus de choses que l’on voudrait bien te faire croire.

    Dans ce cas, si tu es réel, qu’es-tu censé être ?

    On me donne beaucoup de noms, répondit-il d’un air énigmatique. Cependant je crois que celui de totem est assez agréable. Je suis donc ton totem.
      J'écarquillais les yeux, incrédule. Mon totem ? Ce gros South Bird grassouillet et doré ? Certes, il ne ressemblait pas à ses congénères, il était gros, puissant, et de toute évidence il parlait, mais tout de même... Un oiseau ne pouvait pas être plus éloigné de son véritable totem à elle. A vrai dire les deux animaux étaient joueurs, mais je crois que là s'arrêtaient les ressemblances : une loutre était un mammifère marin, très éloigné d'un ovipare dodue. Circonspecte, je continuais à détailler le piaf, jusqu'à ce qu'il me lance un regard appuyé.

      Tu n'as pas l'air de me croire, jeune enfant.

      Je mis quelques secondes à lui répondre, ne sachant que lui dire exactement. L'air était sans aucun doute un élément puissant et fort, mais il ne me ressemblait pas. J'étais plus tiraillée entre la terre et la mer. C'était pour ça que je ne voulais pas rester éternellement sur cette île de nuage. C'était ma maison, ma patrie, mais ce que j'appréciais le plus ici c'était la Vearth. Ce bout de terre sacré, qui n'était qu'un échantillon bien pitoyable comparé à toutes les îles que l'on pouvait trouver sur les Mers Bleues, si je me fiais à tous les récits que j'avais pu amasser.

      Je... Mon totem est censée être une loutre...

      Cet animal pouvait aussi être un esprit malin et jouer avec moi. Je devais être prudente, et surtout ne pas l'offenser. Néanmoins, quelque chose dans son regard me donnait l'impression qu'il ne mentait pas. Je ne me sentais pas en danger. L'instinct était quelque chose de très important, et il fallait le suivre. C'était la meilleure façon de ne pas se tromper dans la vie, mon arrière grand mère, la très sage Aisa me l'avait enseigné. Je me rassurai en me disant que si le South Bird avait l'air malicieux, ce devait être là une ressemblance qui s'exprimait, avec mon totem.

      Et que penses-tu du fait que je sois un oiseau ?

      Je baissais la tête. Je n'avais pas envie de lui mentir. Et je ne sais pas pourquoi, mais dans mon cœur je sentais que je n'avais pas à le faire. Suivant le petit fil qui se déroulait dans mon esprit, je lui répondit.

      Ça me trouble. Et je ne suis pas entièrement persuadée de pouvoir vous faire confiance.

      Savais-tu que les totems étaient parfois incapables pas prendre leur forme originelle ? me demanda-t'il d'une voix sage, et profonde.

      Non... Je n'en ai jamais entendu parler...

      A vrai dire je ne connaissais pas grand monde qui avait eu la chance de rencontrer son totem, si le South Bird était bien le mien. Et, en général, c'était des histoires que l'on gardait pour soi. C'était bien trop intime pour être partagé avec n'importe qui. On pouvait ça et là glaner quelques informations mais ce n'était jamais bien concret. Peut être les gens ne rappelait-ils pas véritablement ce qu'ils avaient vu ? Ma mère m'avait confié que c'était son totem qui l'avait influencé dans le choix de mon prénom, qui était celui d'une ancienne déesse de la mer. Elle ne m'en avait jamais dit plus. Je ne savais pas comment il s'était manifesté, si c'était dans ses pensées, dans ses gestes ou encore dans ses rêves, comme c'était actuellement le cas pour moi.

      Si je ne peux pas me révéler à toi comme il le faudrait, c'est parce que tu ne fais pas ce qu'il faut. Tu te mens à toi même.

      Pardon ? lâchais-je très étonnée.
        Oh oui, tu es très loin d'être aussi intéressante que ce que je prévoyais à ta naissance. Tu es à vrai dire décevante, répondit l'oiseau avec un petit air hautain.

        Alors ça c'était fort. Très fort. Dans mon rêve, le mien, ce piaf venait et me disait que je n'étais pas à la hauteur ? Que j'avais raté ma vie ? Quoi d'autre ? Il me faisait la moral ? Hé ! Il fallait pas abuser non plus, j'étais sympa, certes, mais de là à m'insulter et me traiter avec dédain... J'attrapais mon arc et en quelques secondes la flèche était encochée. Je regardais le South Bird avec des yeux rageurs.

        Je pourrais te blesser en un instant, n'en doute pas sale oiseau. Même si tu étais mon totem, je n'aurais aucun scrupule. Or je ne crois pas que tu le sois. Tu m'insultes. Vas t'en, et laisse moi à mon rêve, tranquille.


        Le South Bird me dévisagea, comme si il tentait de saisir mes sentiments, ou de voir si j'aurais le cran de l'attaquer, lui, un esprit.

        Ne me sous-estime pas. Je ne suis pas d'humeur.

        Je le vois, tu es aussi changeante qu'un cours d'eau. Je n'ai cependant pas envie de m'en aller. Passes ton chemin si cela ne te convient pas.

        Un énervement croissant m’emparait. Comme je ne cessais de me le répéter en boucle, c'était mon rêve. Ce n'était pas à moi de m'en aller. Ma fierté me l'empêchait de toute façon. Je bandai mon arc et relâchais le trait qui fila comme l'éclair. Un petit sourire narquois se dessina sur mon visage. Il ne fallait pas me mettre en rogne. Je n'étais pas une gentille petite fille. Je ne l'avais à vrai dire jamais été. Mon entourage me considérait comme une teigne, et même si j'avais beaucoup d'amis, ils avaient tendance à mettre toujours un peu de distance entre eux et moi, me considérant parfois un peu instable. Je n'étais pas dupe de tout cela, mais ça ne me dérangeait pas. Si j'aimais vivre en communauté, j'adorais également me retrouver seule de temps en temps.

        Ma flèche siffla avant de ricocher sur une grosse plume du South Bird. Je le regardais, éberluée. Il était blindé ou quoi ?!

        Tu ne pourras pas me faire du mal. Tes flèches n'ont pas d'emprises sur moi, et encore moins dans un rêve.

        FOUT MOI LA PAIX ET CASSE TOI ! hurlais-je à pleins poumons.

        L'oiseau émit un ricanement amusé.

        Tu n'es peux être pas aussi décevante que ce que je pensais. Tu as un bon tempérament.

        Je le fixai, bouillonnante. Je ne partirai pas. Il partirait. Et je me vengerai sur la première bestiole que je croiserai dans la foret. Ou alors je défoncerai autre chose. Ou j'irai faire un jogging. Surprise, je vis l'oiseau déployer ses ailes. Ainsi il allait bien s'en aller. Un sourire triomphant commença à s'esquisser sur mon visage. La seconde d'après, je sentis mes pieds décoller du sol, lorsqu'une des serres du South Bird s'empara de moi. Nous nous envolâmes vers les cimes des arbres, la nuit étouffant mes cris et mes vociférations.
          En quelques secondes la nuit nous entoura, nous survolions la grande forêt. Les étoiles brillaient haut dans le ciel, et la lune était presque absente. Une nouvelle lune pensais-je... Symbole de renouveau ? Je n'avais jamais vu mon île d'en haut. Les milky way ne montaient jamais au dessus des arbres, ce qui était bien dommage maintenant que je pouvais me rendre compte de ce qu'on perdait... La vue était dégagée, et même si les arbres paraissaient plus petits, ils ne perdaient rien de leur majesté, au contraire. Du ciel ils étaient encore plus puissants, puisant leur force dans leur nombre et dans leur unité. Ils étaient touffus et en bonne santé, resplendissant de mystères. Au loin on pouvait apercevoir Maselfush Island et les portes du paradis.

          Je me rendis soudain compte que j'avais cessé de parler, toute à l'émerveillement que me procurait le paysage. Le vol m'avait calmée, je ne me sentais plus énervée contre l'oiseau, qui m'avait fait un merveilleux cadeau. Mes humeurs, changeantes, faisaient souvent fuir les gens. Je n'avais pas beaucoup de vrais amis, mais cela ne me dérangeait pas plus que cela. Je crois que vivre dans la communauté me suffisait. Je ne comptais de toute façon pas passer ma vie ici, alors à quoi bon nouer de véritables liens, qui me rendrait inévitablement triste une fois que je partirai ? Il y a allait tout de même y avoir des gens qui me manqueraient, pensais-je en regardant le ciel, de la même couleur bleue profonde que le losange et les plumes qui s'étalaient sur Blue. Ses frères et sa sœur allaient aussi me manquer, mais nous n'avions pas noué les mêmes relations. Ils étaient plus proche de Grand Mère Mangrove, et protégeaient le ponéglyphe sacré de l'île avec ferveur.

          Le South Bird vira à l'est, me tirant de mes rêveries.

          Où m'emènes-tu ?

          Je crois qu'il est temps que tu vois quelque chose, répondit-il énigmatique.

          Accélérant, il amorça une descente bien plus à pic que je ne l'en aurait cru capable, et nous rasâmes la cime des arbres. Je me penchai pour caresser les hautes feuilles, jeunes et éclatantes de soleil. On n'en voyait pas des comme ça sous les frondaisons. Elles étaient charnues, vertes et étincelantes, sublimées par la lumière de la lune. Le spectacle aurait sans doute été tout aussi beau sous la lumière du soleil, et différent, mais j'aimais être entourée par cette obscurité familière, qui m'entourait quand j'évoluais sur l'île de Skipiea.

          Nous nous éloignâmes de la forêt et plongèrent dans la Highest Way, à travers les nuages. J'avais déjà vu la Mer Blanche, mais cette fois ci c'était différent car j'avais l'impression que j'allais aller encore plus loin. Ce sentiment me grisait et je riais à gorge déployée, laissant éclater ma joie et lâchant l'oiseau auquel je me cramponnais. Je ne m'étais même pas rendue compte que j'étais passée de ses serres à son dos. Sans un regard pour la Mer Blanche Blanche, nous fonçâmes vers la couche de nuages inférieure. Il n'y avait personne aux alentours, pas un bateau, rien. Je n'avais jamais vu cette mer vide. Sans être un carrefour couru ou d'une animation débordante, il y avait tout de même d'habitude les bateaux qui restaient à quais, leurs passagers s'étant rendus au complexe hôtelier de Maselfush, et les gardiens. Mais là c'était vraiment vide... Enfin... Il ne fallait pas que j'oublie que j'étais dans un rêve... Malheureusement.

          Tu es prête?

          Je serrais les dents et inspirais lentement, sachant très bien ce que le South Bird ferait.

          Oui, vas-y. Il est temps.

          L'oiseau hocha la tête et s'enfonça dans les nuages de la Mer Blanche. Nous volâmes ainsi un moment. Je ne m'étais jamais rendue compte que cette mer était si profonde. Puis nous perçâmes les nuages...
            J'ouvrai grand les yeux, m'apprêtant à voir pour la toute première fois la Mer Bleue. J'en avais rêvé tellement de fois, et voilà qu'enfin elle allait se découvrir et se révéler à moi. J'allais pouvoir admirer son étendue et ses reflets, j'allais me plonger toute entière à sa contemplation. Un ricanement retenti, coupant court à mes rêveries. Le South Bird était le seul à avoir pu émettre ce bruit... Mais pourquoi ? Que se passait-il ? Je ne comprenais pas mais mon instinct me souffla que c'était bien de moi qu'il se moquait. Je lui lançais un regard interrogateur, qu'il vit puisqu'il venait de tourner son énorme tête vers moi.

            Alors, il est beau cet océan ?

            Je le fixais sans comprendre puis tournais la tête vers le grand bleu... Qui n'existait en fait pas... J'étais entouré d'un grand blanc, comme si je me retrouvais sur une feuille de papier immaculée, et que cette dernière se muait en un univers en trois dimensions...

            Je... Je ne comprends pas, on a franchis la couche des nuages non ?

            C'était certain, mais je voulais une confirmation. Après tout, les nuages n'étaient pas aussi lisses ni uniformes, lorsqu'on passait dedans il y avait toujours des milliers de nuances et de couleurs cachées, mais aussi des textures, même si elles n'étaient pas palpables.

            Évidemment. Mais tu crois vraiment que je t'aurais montré la Mer Bleue que tu rêves tant de voir ? Ne te fait pas d'illusions. Tu ne la verras qu'en descendant. Je ne vais pas te gâcher le plaisir. Tu vois où je veux en venir maintenant ?


            Je hochais la tête en le regardant fixement.

            Je crois oui... Mais dis moi, alors, si tu ne peux pas m'apparaître comme une loutre, ta vraie apparence, c'est parce que je renie mes vraies ambitions depuis que je suis petite ?


            Plus ou moins. Disons que plus tu essayes de t'attacher à ta vie sur la Mer Blanche Blanche et moins je peux t'aider. Le South Bird est un animal symbolique d'ici, c'est donc uniquement sous cette forme que j'ai pu me révéler à toi. Penses bien à ça quand tu te réveilleras ?

            Quand je me réveillerais ?

            Oui, tu vas bientôt passer à un autre rêve. Et je ne le perturberai pas cette fois.



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            Driiiiiiing... Driiiiiiing.... Driiiiiiing...

            Sedna cogna son réveil-dial, l'envoyant valser à l'autre bout de la pièce, comme tous les matins. Elle se frotta le visage en grognant puis s'assit sur son moelleux lit de nuages. Elle avait fait des rêves très étranges cette nuit. La jeune fille s'étira et allait se lever lorsqu'elle aperçue une forme étrange qui dépassait de son oreiller. Elle tira dessus, et se rendit compte qu'il s'agissait d'une longue plume magenta. Un rêve en particulier lui revint tout de suite en tête et la shandienne comprit le message. Elle se rappelait avoir vu son totem, et elle se rappelait aussi ce dont ils avaient discuté ensemble. Il était temps de bouger.