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Cocooning

Assis sur un tabouret vermoulu, Joseph Snake dit Serpiente grinçait des dents, et maugréait dans sa barbe. De toutes les îles de South Blue, il avait du échouer sur celle-ci. Un trou paumé des moins accueillants, qui dépassait de peu le fond des océans en termes de confort. Entre les couillons du coin, la faune dégueulasse et le whisky immonde qu’on servait dans les rares rades de la capitale, il était servi. De ce qu’il avait entendu dire de ce rocher maudit, il avait encore de la chance. En atterrissant à Freetown, il avait esquivé les mangroves et le désert.

« Plus arriéré qu’ici ? Ils doivent encore en être à inventer la roue, sinon j’vois pas… » Marmona-t-il alors qu’il faisait lentement tourner le liquide brunâtre qui se trouvait au fond de son verre légèrement fendu. Du whisky, lui avait dit le patron. Ca aurait bien pu être de l’huile de moteur qu’il n’en aurait pas vu la différence… « Pff… »

Les derniers mois s’étaient pourtant bien déroulés depuis qu’il avait quitté Endaur, l’île forestière, à bord d’un cargo. Un premier arrêt à Torino lui avait permis de faire connaissance des autochtones de l’île, des savants aux allures rudimentaires. Puis, la malchance l’avait mené jusqu’à Rokade. Dans ce coupe-gorge, le déserteur avait du mettre en exergue ses qualités de bagarreur, pour s’éviter de se faire dépouiller par le premier malfrat venu. Enfin, le Serpent avait réussi à négocier un voyage jusqu’à l’archipel suivant. Pour ce faire, il avait du rendre un petit service au capitaine du rafiot, ce dernier cherchant quelques paires de bras supplémentaires pour défendre ses marchandises. Après quelques jours de voyage en mer, il s’était donc fait débarquer sur cette île pourrie, et n’avait pas encore réussi à s’en extraire.

« Cette pisse… J’regrette presque Rokade, c’est dire. » Ajouta-t-il en reposant le verre sans discrétion. Sans s’en rendre compte il parlait légèrement trop fort. Assez pour que certains n’en viennent à le dévisager. Il se félicita d’avoir choisi la table du fond. Au moins l’un de ces trous du cul n’allait pas lui planter un couteau entre les omoplates et c’était toujours ça de pris.

Cela faisait maintenant presque une semaine qu’il était bloqué sur l’Amerzone, et il commençait lentement à perdre l’espoir de pouvoir s’en échapper. Les bateaux qui se pointaient au port étaient fort peu nombreux, ce qui limitait fortement les chances du Serpent de trouver chaussure à son pied. Il devait tomber sur un capitaine assez ouvert pour prendre à bord un homme dont il ne connaissait rien, et assez intelligent pour comprendre qu’il n’y avait pas que l’argent qui comptait. Parce que de l’argent, pour être honnête, l’ancien marin n’en avait pas des masses…

« Person’ t’force à restoyer dans mon zinc, salaupiaud, t’a qu’à t’boirer de la bibine ailleurs ! » Quelqu’un venait de prononcer ces paroles d’un ton tout juste perceptible. Assez pour qu’on l’entende, mais pas assez pour qu’on sache d’où il pouvait provenir. Lorsque ces paroles vinrent jusqu’à lui, le Serpent esquissa un sourire. Peut-être qu’au final, la soirée ne serait pas si chiante que ça. Cela faisait quelques semaines qu’il ne s’était pas battu dans un bar, et ça le démangeait un peu…

Alors que son sourire s’estompait, le Serpent laissa divaguer son regard sur le reste de la salle jusqu’à l’arrêter sur un écriteau, qui manqua de le faire éclater de rire. « Le client est roi. » S’il était le roi à cet instant là, c’était de la ribambelle de cons qui étaient assis autour de lui. En parlant de ses sujets, d’ailleurs, Snake se rendit facilement compte que l’attitude générale de ces derniers avait changé. Si jusqu’alors ils s’étaient contentés de l’ignorer, il remarqua qu’il était devenu le centre d’attention du zinc. Certains de ces péons portaient machinalement la main à la ceinture, alors que d’autres se lançaient dans des messes basses. Cela risquait fort de dégénérer. Il faut dire que les habitants de l’île ne semblaient pas aimer les étrangers.

Déjà le premier jour, on avait manqué de le renverser. C’était un bonhomme monté sur un gigantesque chien, presque de la taille d’un poney. En passant il l’avait insulté sans même s’arrêter. Si le Serpent avait été tenté de fourbir son sabre et de lui ouvrir le crâne, il n’en avait rien fait. Après tout, il n’était pas en position de se mettre à dos toute la populace de Freetown, aussi crasseuse soit-elle. Le lendemain, on avait manqué de lui ouvrir le crane de nouveau - décidemment - avec une pierre, jetée depuis une fenêtre dont les volets avaient claqué si vite qu’il lui avait été impossible de la localiser. Enfin, une semaine après son arrivée, il avait toujours autant de mal à comprendre le langage que ces rustres employaient. Cela avait donné notamment une scène assez cocasse où un boute-en-train d’un mètre cinquante avait essayé de lui expliquer qu’il fallait qu’il lui file sa veste, tout en le pointant d’un minuscule pistolet. Le Serpent sourit en se rappelant de la correction qu’il lui avait infligée alors que ce dernier tentait de communiquer. « C’est d’akodak, j’la veuille plus ta jaquette ! Pas superfluité d’en faire toute une péripétie ! » Joseph avait rien bité, et l’avait chassé à coups de savate, tout en s’appropriant la minuscule arme de poing. Elle pourrait toujours être revendue à l’un de ces décérébrés…

Joseph se passa la main sur le menton pour s’éviter de sourire, sentant qu’à la prochaine provocation, il mettrait le feu aux poudres. Alors qu’il comptait se lever pour quitter le bar en attendant de voir si tous ces bons à rien osaient passer à l’action, le double battant de la porte –imitation médiocre d’une porte de saloon – s’ouvrit, de manière quelque peu cavalière. L’attention de l’assistance se porta sur cette arrivée, de manière compréhensible…
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J'pousse amicalement le gonze déchiré que j'ai récupéré sur le bord du rade dégueulasse dans lequel j'viens d'entrer. Ça fait silence. J'cherche du regard un panneau quelconque qui m'interdirait de m'en griller une là, tout de suite, maintenant. Pas d'foutue interdiction en vue, j'farfouille rapidement dans mes poches avant de tirer mécaniquement une blonde à moitié défoncée de son paquet. J'tire quelques taffes assassines avant de m'présenter au comptoir pour accompagner ma solitude et ma cigarette d'un bon verre de scotch.

Plusieurs jours que j'farfouille en Amerzone. Envoyé ici pour trouver je ne sais quel truand. Et l'exfiltrer. Mais l'a pas l'air d'être là le gonze. Alors autant s'pinter la gueule un coup avant de repartir à la chasse aux fantômes. Si demain, j'trouve toujours aucune trace de c'type, j'file d'ici sans demander mon reste. M'file un poil les jetons cette île. Pour tout dire, y a rien que des poivrots et des zonards. La gars que j'ai ramené à l'intérieur est en train de vomir je n'sais quoi de vert et bileux sur le sol du boui-boui terreux.

« Hé, vous c'tez pas l'sser vot'ami là m'ssire, l'est en train d'gueulasser l'sol. »

J'regarde le patron avec un sourire amusé. Même si son sol est sans doute bien plus crade qu'il ne devrait l'être, j'peux pas bazarder un type à moitié crevé sur le sol sans demander mon reste. J'vois l'unique œil de mon partenaire de comptoir me r'garder attentivement. Pas d'ici. Cherche sans doute un peu d'animation et un moyen rapide de quitter l'coin.

« C'est pas mon ami vois tu, mais j'me suis dit qu'il serait mieux à l'intérieur que sur le sol humide. J'me suis ptêt trompé.
-Oué, t'es m'rrant, mais qu'cé qu'va n'ttoyer après ?
-Vrai, tu marques un point. Bon, j'te commande un whisky et j'te payes le nettoyage l'ami, ça t'irait ? »

Voyant que j'peux allonger suffisamment la monnaie pour lui rembourser plus que de raison les dégradations, le type ferme sa bouche et m'apporte un truc couleur caramel qu'il sort de derrière son comptoir. J'préfère pas en connaître la provenance. J'tire un brin sur ma clope avant de m'enfiler une première gorgée de cet infâme tord-boyaux.

J'regarde autour de moi, les crasseux assis aux diverses tables avoisinantes ont tous repris leurs conversations dans leur langage peu châtié et surtout difficilement compréhensible. Le seul à pas prononcer un mot, c'est mon voisin au cache-œil, qui s'efforce de boire un verre identique au mien. Amateur de danger, m'a l'air sympathique le bonhomme.

« D'où tu viens mon gars ? Que j'lance avec mon habituelle bonhomie. »

Le type est surpris que j'lui adresse la parole. Rigolo,j'espère qu'il va pas croire à une agression de ma part et s'enfuir en courant ou pire, tenter de m'filer un coup d'poinçon à la gorge. Ce serait tout à fait l'genre du coin. Sergent d'élite, Alexandre Kosma, mort con alors qu'il tentait d'faire la conversation au type le moins bizarre du bar. La pire épitaphe qui pourrait m'arriver. J'rigole un coup en y pensant. Le type émet un rapide grognement. J'reprends une gorgée, peut-être qu'il va me répondre. Avant qu'il ait pu dire quoi que ce soit, j'désigne mon verre encore trop plein.

« J'y trouve un goût de pomme... »
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Le pauvre homme avait l’air de passer un sale quart d’heure. A quatre pattes, il donnait tout ce qu’il avait, sinon plus. Un vrai geyser. Le Serpent opina du chef, et leva les pieds pour les poser sur le rebord du bar. Il n’avait pas particulièrement envie de les laisser trainer dans une rigole de bile. Ramenant son attention sur son nouveau voisin de comptoir, l’ancien marin sourit en l’entendant commander un scotch. Après tout, il avait fait la même erreur quelques minutes plus tôt et se demandait encore comment il allait bien pouvoir finir cette horreur. Déviant son regard sur le liquide brun au fond de son godet, il attrapa le verre, et le finit. "Il n'est point de bonheur sans liberté, ni de liberté sans courage."

Serrant les dents, il reposa le verre avec force sur la barre. C’était vraiment infect, il n’y avait pas à tortiller du cul. Mais au moins ça avait le mérite de décaper l’œsophage, et c’était déjà pas mal. Depuis sa position, au bout du comptoir, il avait une vue d’ensemble sur le reste des convives et il décida de les compter. Il y avait une table de trois lourdauds mal fagotés, et une autre avec ce qui semblaient être deux paysans. Sans doute pas de la ville, mais du coin tout de même, c’était presque écrit sur leurs visages. Enfin, il y avait deux personnes qui avaient un air à la fois louche et dangereux. Habillés chacun d’un par-dessus beige, ils avaient finalement un peu de la copie – totalement ratée – du dernier arrivé. C’en était presque troublant.

Serpiente écouta le nouveau venu l’interpeler, et attendit quelques secondes avant de lui répondre. Principalement à sa deuxième réplique qui avait tout d’ironique. Ce mec était le premier étranger qu’il avait aperçu depuis qu’il avait mis pied à terre. Si dans un premier temps il s’était étonné de ne croiser que des natifs de l’Amerzone, cela tombait sous le sens maintenant : cette île était une plaie sur laquelle les étrangers n’étaient clairement pas les bienvenus. Dans tous les cas, c’était le premier bonhomme qu’il croisait qui n’avait pas l’air d’être à moitié consanguin, et c’était à souligner.

« Un goût de chiottes, ouais. J’viens de Rokade. Je ne pensais pas que je pouvais tomber sur pire, mais je me plantais. Cette île est un dépotoir. » Lui lança-t-il alors qu’il le regardait de son seul œil visible. Cette dernière réplique était la provocation de trop. L’un des trois lourdauds se leva, et le pointa du doigt d’un air menaçant, tout en l’interpelant : « T’vas trop loin, cradingue ! Tu dis d’la merde sur not’ patrie qu’elle est bien. On va t’trouer l’veston. » Quelques « Ouais » timides montèrent du reste des invités. Ce n’était à priori pas l’avis du gérant, qui pouvait presque discerner son bar démoli à cause de l’hypothétique bagarre. « Tu t’arrêtes de suite l’Johnny, on a dit plus de baston dans mon zinc ! C’est un établissement qu’il est respectable tout plein ! Frappez-vous dehors. » Le ton autoritaire du barman sembla être suffisant pour que le jeune homme vociferant se rassoie. Dommage.

Un peu déçu, Joseph fixa d’abord l’homme qui avait reposé son postérieur sur la chaise, avant de revenir sur le serveur et de lui demander, étonnamment, de le resservir.
« Sers m’en un autre. »
« Je… pardon ? » Le barman ne semblait pas avoir compris la question. Il faut dire que la logique aurait voulu que l’homme à la veste en cuir quitte le bar, mais … ce n’était pas dans ses habitudes de refuser un petit combat, surtout dans un bar. Après tout, c’était devenu presque sa spécialité depuis le temps.
« Un verre. Sers m’en un autre. Et à lui aussi, c’est moi qui régale. » Reprit le Serpent avant de se retourner vers Alexandre. « Et toi, tu viens d’où, l’inconnu ? Et surtout, tu vas où ? »

Le Serpent avait toujours été des plus directs...
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