Parfois, être contrebandier avait son lot de satisfactions, comme le fait de gagner énormément d’argent sans rien faire de vraiment dangereux, ce qui était le cas pour cette mission que son patron lui avait attribué. Accompagné de quelques hommes, Moka débarquait enfin sur l’île de Tanuki, au terme d’un long voyage de deux semaines depuis Hat Island. Renommée pour la qualité de ses laines et le pedigree de ses moutons, Tanuki n’était que tranquillité et plaines verdoyantes. La présence de la Marine ne se résumait qu’à quelques centaines d’hommes et les habitants, joviaux et ouverts aux autres, étaient plutôt pacifiques. Partout sur les blues, les habits en laine d’Angora se vendaient à des prix élevés et cela n’avait pas échappé aux supérieurs de Moka qui lui avaient alors ordonné de ramener une centaine de moutons au quartier général de l’organisation dans le but d’en faire l’élevage. Sur place, Moka disposait d’un contact, un certain Jake qui, selon certaines rumeurs, était lié au plus gros conglomérat d’éleveurs de l’île, affilié au lord Althias de Mistoltin. Une fois les bateaux amarrés à l’ombre d’une petite crique, Moka et ses hommes vinrent à la rencontre de Jake qui, escorté de brutes à l’allure peu amicale, leur adressa un sourire sournois.
- Bienvenue à Tanuki messieurs, vous avez passé un bon voyage ? Je peux vous proposer une très bonne auberge près d’ici dans laquelle vous serez bien servis.
Moka n’aimait pas traiter avec des escrocs, ni même se lancer dans des opérations crapuleuses, mais la situation précaire dans laquelle il était en permanence le poussait vers le monde la pègre. Avec un haussement d’épaule las, il consulta ses hommes du regard et, se sentant isolé, se rembrunit face à son interlocuteur :
- Je pense qu’un peu de repos nous fera du bien, nous réglerons les clauses de notre contrat demain matin.
- Très bien ! Si vous voulez bien me suivre, dit Jake, en s’inclinant légèrement dans une révérence assez gauche.
Laissant quelques hommes pour s’occuper des bateaux et les garder, Moka et sa petite suite suivirent leur contact et, au bout de quelques temps se dessinèrent devant eux les lumières d’un petit village. Le crépuscule donnait un aspect singulier au paysage et accentuait le côté paisible des lieux. Au centre de la petite bourgade trônait une grande auberge bâtie sur deux étages et dont les fondations de pierre soutenant d’immenses poutres de bois indiquait une ancienneté peu commune. Emboîtant le pas de Jake, ils pénétrèrent dans la taverne et Moka fut stupéfié par le calme des lieux, ce qui tranchait avec les établissements que le jeune noble avait l’habitude de fréquenter. Il y avait peu de clients et, hormis trois bougres jouant aux cartes en s’esclaffant de temps à autre, tous buvaient silencieusement. Ne voulant pas se faire remarquer, Moka s’avança tranquillement jusqu’au comptoir tandis que ses hommes s’attablaient en fond de salle. Une serveuse au regard aguicheur lui offrit un sourire des plus aguicheurs et s’approcha de lui :
- Je peux vous aider, Monsieur ? Nos chambres sont très confortables, et notre cuisine n’a pas son pareil sur l’île, dit-elle, d’une voix suave comme un baiser.
- Ma foi, vous me tentez Mademoiselle. Offrez à mes compagnons de route, ainsi qu’à moi-même, un bon repas et un lit douillet. Je vous en serai gré, dit Moka, le regard pétillant, tandis qu’il prenait place sur le comptoir.
Un dernier sourire et la serveuse alla aussitôt donner des instructions aux cuisine et, depuis l’endroit où il était assis, Moka pouvait entendre le ton plein d’autorité avec lequel cette jeune femme s’adressait au chef. Un tempérament de feu pensa Moka alors qu’un vieil homme trapu et encore costaud, sans doute l’aubergiste, déposait un pichet de bière près de lui. Exténué par la longue traversée en bateau qu’il avait dû essuyer pour arriver là, il se servit généreusement avant de boire à petites gorgées cette boisson qu’il exécrait plus que tout, lui qui préférait le thé et le café qu’on avait l’habitude lui servir sur Totland. Comme une ombre, Jake vint s’installer à côté de lui et, un verre à la main, considéra Moka d’un air moqueur.
- Vous buvez votre bière comme s’il s’agissait de la pisse de chat, ricana-t-il.
- Du tout, je ne suis juste pas familier avec ce genre de breuvages, répliqua sèchement Moka.
- Ah oui ? Mon petit doigt me dit que vous n’êtes pas quelqu’un de normal.
Moka n’aimait pas parler de lui aux étrangers, et encore moins à ceux qu’il jugeait comme étant peu dignes de confiance. Aussi décida-t-il de répondre évasivement à cette question à peine voilée de son associé.
- Qui est normal en ce monde ?
- Moi ! Je suis un type normal, enfin je crois. J’essaye de gagner ma vie comme tout le monde et de donner un sens à mon existence. J’ai une femme et deux filles vous savez…
- Voilà qui m’enchante, veuillez-m’excuser.
Moka se leva et, sans un regard pour Jake, alla rejoindre ses hommes.
- Bienvenue à Tanuki messieurs, vous avez passé un bon voyage ? Je peux vous proposer une très bonne auberge près d’ici dans laquelle vous serez bien servis.
Moka n’aimait pas traiter avec des escrocs, ni même se lancer dans des opérations crapuleuses, mais la situation précaire dans laquelle il était en permanence le poussait vers le monde la pègre. Avec un haussement d’épaule las, il consulta ses hommes du regard et, se sentant isolé, se rembrunit face à son interlocuteur :
- Je pense qu’un peu de repos nous fera du bien, nous réglerons les clauses de notre contrat demain matin.
- Très bien ! Si vous voulez bien me suivre, dit Jake, en s’inclinant légèrement dans une révérence assez gauche.
Laissant quelques hommes pour s’occuper des bateaux et les garder, Moka et sa petite suite suivirent leur contact et, au bout de quelques temps se dessinèrent devant eux les lumières d’un petit village. Le crépuscule donnait un aspect singulier au paysage et accentuait le côté paisible des lieux. Au centre de la petite bourgade trônait une grande auberge bâtie sur deux étages et dont les fondations de pierre soutenant d’immenses poutres de bois indiquait une ancienneté peu commune. Emboîtant le pas de Jake, ils pénétrèrent dans la taverne et Moka fut stupéfié par le calme des lieux, ce qui tranchait avec les établissements que le jeune noble avait l’habitude de fréquenter. Il y avait peu de clients et, hormis trois bougres jouant aux cartes en s’esclaffant de temps à autre, tous buvaient silencieusement. Ne voulant pas se faire remarquer, Moka s’avança tranquillement jusqu’au comptoir tandis que ses hommes s’attablaient en fond de salle. Une serveuse au regard aguicheur lui offrit un sourire des plus aguicheurs et s’approcha de lui :
- Je peux vous aider, Monsieur ? Nos chambres sont très confortables, et notre cuisine n’a pas son pareil sur l’île, dit-elle, d’une voix suave comme un baiser.
- Ma foi, vous me tentez Mademoiselle. Offrez à mes compagnons de route, ainsi qu’à moi-même, un bon repas et un lit douillet. Je vous en serai gré, dit Moka, le regard pétillant, tandis qu’il prenait place sur le comptoir.
Un dernier sourire et la serveuse alla aussitôt donner des instructions aux cuisine et, depuis l’endroit où il était assis, Moka pouvait entendre le ton plein d’autorité avec lequel cette jeune femme s’adressait au chef. Un tempérament de feu pensa Moka alors qu’un vieil homme trapu et encore costaud, sans doute l’aubergiste, déposait un pichet de bière près de lui. Exténué par la longue traversée en bateau qu’il avait dû essuyer pour arriver là, il se servit généreusement avant de boire à petites gorgées cette boisson qu’il exécrait plus que tout, lui qui préférait le thé et le café qu’on avait l’habitude lui servir sur Totland. Comme une ombre, Jake vint s’installer à côté de lui et, un verre à la main, considéra Moka d’un air moqueur.
- Vous buvez votre bière comme s’il s’agissait de la pisse de chat, ricana-t-il.
- Du tout, je ne suis juste pas familier avec ce genre de breuvages, répliqua sèchement Moka.
- Ah oui ? Mon petit doigt me dit que vous n’êtes pas quelqu’un de normal.
Moka n’aimait pas parler de lui aux étrangers, et encore moins à ceux qu’il jugeait comme étant peu dignes de confiance. Aussi décida-t-il de répondre évasivement à cette question à peine voilée de son associé.
- Qui est normal en ce monde ?
- Moi ! Je suis un type normal, enfin je crois. J’essaye de gagner ma vie comme tout le monde et de donner un sens à mon existence. J’ai une femme et deux filles vous savez…
- Voilà qui m’enchante, veuillez-m’excuser.
Moka se leva et, sans un regard pour Jake, alla rejoindre ses hommes.