"Tu sais que ta mère est une battante..."
"..."
"Je... Je ne vais pas te mentir, je..."
"Je sais papa."
Je le prends tant bien que mal contre moi, ce n'est pas mon rôle en principe d'être dans les bras de l'autre à éponger ma tristesse sur mon parent proche ? Par principe et pour montrer que l'effort de la marine est appréciable, je vais quand même ouvrir le courrier, il m'apprend que Freya Konshō est hospitalisé, qu'elle a combattu avec honneur et tout ce qui va bien comme mots grandiloquents. Après un temps de silence, il m'avouera ne pas avoir su comment me l'apprendre surtout dans mon état, je ne lui en veux pas, je n'aurais pas eu plus d'idée sur comment présenter la question. Dans le meilleur des cas, ma mère sera incapable de faire un travail éprouvant, mais elle risque surtout de ne plus pouvoir marcher de sa vie et quand on parle en ces termes pour un géant c'est particulièrement long. Contrairement aux humains, nous n'avons pas le droit aux prothèses et autres bidules technologiques pour sauver notre carrière, surtout quand celle-ci n'est pas si haute que cela. Le soir même, je l'ai laissé et après avoir fini de purger son chagrin, il semblait avoir une idée en tête, j'espère qu'il ne ressasse pas dans sa tête une sombre histoire de vengeance ou l'idée d'aller boire plus que de raison. En tout cas, il ne s'approchera pas de mes réserves.
-*-
L'homme qui approche les vingt mètres s'affale sur un siège à sa taille. Il résiste tant bien que mal à l'idée d'aller sortir ce grand... Ce petit tonneau à son échelle caché sous son lit. Il a promis, il a promis à Freya qu'il contrôlerait sa consommation, l'alcool présent dans sa chambre aux airs de cellule c'est uniquement parce que c'est sa fille qui le lui a offert. Il tourne en rond, pas physiquement, mais dans sa tête c'est le cas. Cette pièce ressemblerait à une pièce normale, un lit, un bureau qui fait un peu meuble pour enfant devant lui et une penderie. À ceci pré qu'il y a une ouverture dans le mur sur le petit meuble qui accueille les rares écrits qu'il couche sur le papier, a une échelle normale on croirait presque l'entrer d'une maison de poupée ou pour rongeur.
D'abord, sa femme qui est mise dans le coma par ce vaurien de révolutionnaire et maintenant sa fille qui revient dans un état pas possible suite à des batailles qui ont bien failli l'amener devant les portes du royaume des morts. Il ne peut plus rien faire pour son âme soeur si ce n'est la soutenir et être à ses côtés, mais il ne peut pas laisser sa tendre progéniture aller toujours plus loin vers un chemin sans retour. Il ne supporterait pas plus de perdre l'une ou l'autre des femmes de sa vie, a cette allure il se demande même s'il ne va pas avoir des nouvelles funestes de Cocoyashi, cela ne serait qu'un pas de plus vers un gouffre sans fond. Il repense à sa petite dans un état déplorable et même s'il s'était toujours promis, depuis le premier jour où il a servi dans la marine, de ne jamais faire ce genre de chose... Il y a parfois plus important que son ego à défendre. Il prend alors un énorme escargophone, qui ne l'est pas tant que cela comparé à l'immense main qui vient de l'attraper et appelle une vieille connaissance.
"Vice-Amiral ? Désolé Keegan, les vieilles habitudes. Oui je vais bien... J'ai toujours ce tonneau d'Erbaff qui est en cale et qui n'attend que toi pour être vidé de son contenue... Évidemment que c'est rempli avec le meilleur alcool de ma fille, pour le peu que ma femme me permet de boire, je ne vais pas me rincer la gorge avec de la pisse d'âne. "
La discussion tourne, toujours sur un ton amical et avec un certain air de nostalgie. Jusqu'au moment où le Destructeur met sur la table ce qu'il a appris depuis peu sous forme de rumeurs, mais dont il est maintenant sûr au ton de son ami qui est décidément aussi peu doué que sa femme ou sa fille pour cacher ses émotions dans l'intimité.
"Oui c'est vrai... Justement, à ce sujet... Ton fils ? Tu as raison, il est bien plus à même que quiconque de la protéger, plus que je ne le pourrais jamais. Oui, je demanderai à me faire muter avec ma femme, j'ai besoin de me poser et elle de se reposer. J'ai déjà eu peur de la perdre, je ne vais pas jouer avec le feu, si elle n'était pas là, j'irais moi-même faucher ses révolutionnaires... Oui, merci pour tout."
Il lui a même épargné le besoin de lui demander un service, même si ça n'en est pas moins un. Le père raccroche le combiné de l'appareil et prend une feuille de papier, il va avoir beaucoup de papiers à remplir d'ici le lendemain.
-*-
Cela fait une semaine que je reçois des visites régulières de mon père, un mois que je me repose dans le grand quartier général de la marine et cela sonne la fin du plus gros de ma convalescence, même si je garde les plâtres et les attelles au cas où. Même un géant doit ménager son corps pour être en parfait état de servir la marine proprement et de toutes ses forces. J'ai l'impression que mon père me cache quelque chose, mais surtout qu'il attend que je reçoive une nouvelle particulière. Aujourd'hui, je suis allé voir ma mère, la bonne nouvelle, c'est qu'elle sent de nouveau ses jambes, pas comme avant, mais si elle récent la douleur ou le touché à ce niveau, alors cela ne fait qu'augmenter ses chances de pouvoir marcher un jour à nouveau.
"Tu as quelque chose à me dire ?"
"Ce n'est pas mon travail."
"C'est quoi ce petit sourire ? Une bonne nouvelle donc."
Il ne dit rien, mais ce petit sourire paisible annonce tout aussi clairement la couleur et quand finalement je vais avec lui jusqu'au navire qui m'est attribué, qui a été repeins aux couleurs de la marine d'ailleurs et qui en plus est sur le point de partir... Je n'ai pas le temps de me retourner qu'un messager m'alpague. Je soupire puis le prends dans ma main.
"Officière subalterne Konshō, vous êtes officiellement affecté sous le commandement de la flotte du vice-amiral Fenyang. Vous devez prendre la mer à l'aube pour rejoindre votre nouvelle affectation avec le navire sous votre charge : le Rōzen Meiden. Son équipage restera exclusivement féminin, à moins que l'ordre contraire ne soit donné par le vice-amiral. Que les vents vous soit favorables, bonne route."
Je me mets automatiquement au garde-à-vous, en ne faisant pas de geste trop brusque pour ne pas de risquer de blesser le malheureux dans ma main. Je le repose au sol, me tourne vers mon paternel et lui fais un petit sourire. Peu importe ce qu'il a fait, je sais pertinemment qu'il l'a fait pour mon bien et je n'irai pas demander où est son implication. Je me contente de blottir contre lui. Le lendemain à la première heure, je prends la mer vers de nouveaux horizons.
-*-
C'est étrange, cette traversée a été tellement monotone, un peu longue aussi. Il faut dire que même si c'est un sloop, c'est un navire qui n'a pas à rougir face au gabarit des plus grands cuirassés de la marine... Je me demande quelle taille ferait un cuirassé à la taille d'un géant d'ailleurs ? Surement près d'un kilomètre de long, ça serait tellement ridicule et à la fois si imposant. Peut-être qu'un jour je formerai un équipage de géant, mais jamais un assez grand pour mériter un monstre de cet acabit... En même temps, réunir plusieurs centaines de géants cela demanderait au moins... De faire un tour par l'île des géants et de les faire coopérer et même moi je doute qu'un jour cela soit réalisable.
"Mademoiselle Konshō ! Terre en vue, nous arriverons d'ici une demi-journée si les vents sont favorables."
"Bien, merci."
Mademoiselle, c'est une habitude qu'elles ont prise de m'appeler ainsi, pas pour se moquer de moi, bien au contraire. Non, elle essaye de me faire comprendre que je suis l'une des leurs, me donnant ainsi un petit nom qui ne soit pas pour autant un surnom pour le moment. Un petit clin d'œil appréciable, d'où le fait que je ne leur interdis pas de l'utiliser même si ce n'est pas forcement très bien du point de vue du protocole.
Ainsi, au petit matin, on arrive au port. Inutile de vous dire que ça a dû être une petite surprise, voir un sloop au loin qui n'a cessé de grandir dans les longues-vues jusqu'à finalement être aussi grand qu'un cuirassé est certainement étrange. Ainsi soit, maintenant que je suis arrivée, je dois aller présenter mes respects à mon nouveau supérieur. J'imagine la tête du vice-amiral quand il verra l'équipage, si on m'exclut la moyenne d'âge avoisine les dix-huit ans, allant de matelots de quatorze ans à ma seconde qui n'a pas plus de vingt-deux années, un équipage de jouvencelles, la pire plaît pour un homme d'expérience, j'imagine. Devoir se coltiner des bleus , plus bleus que le ciel est loin d'être le plus agréable pour un officier de sa trempe, mais j'imagine qu'il va devoir faire avec.
On m'indique ou trouver l'homme qui déjà à mon respect, pour avoir accepté, enfin j'espère que c'est le cas, d'avoir sous ses ordres une géante qui passe d'une convalescence à l'autre et un équipage de chair fraiche que j'espère ne finira pas en chair à canon. D'ailleurs, je me demande si l'on n'est pas toute là pour être sous le giron et donc la protection du sous-amiral, il y a eu tellement de morts avec la 346ème qu'il faut bien rassurer les pères, les frères, les maris et les frères du personnel féminin de la marine. Je me présente finalement devant lui et me mets au garde-à-vous, dans un uniforme impeccable, même si on voit encore mes attelles, mon plâtre et certains bandages.
"Officière subalterne Konshō prête au service mon vice-amiral."