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Anno Domini

Trois heures. Le temps donné au train pour s'arrêter, renouveler son transport de marchandises et de voyageurs. Trois heures pour circuler librement en ville et badiner sans but réel. Découvrir Sekan, cette première île du Nouveau Monde, avec sa ville impeccable, ses belles rues, ses belles maisons et son fonctionnement parfait. Lampadaires, tout à l'égout, traitement des ordures. C'est comme si l'on avait cherché à contredire le proverbe disant que l'herbe n'est pas plus verte ailleurs. Car ici, l'herbe semble bien plus verte. Et les briques plus rouges. Et le ciel plus bleu.

L'agente déambule. Passant d'une boutique à l'autre, elle ne fait que regarder sans acheter. Compulsive, on ne peut pas dire que c'est l'envie qui la démange. Mais davantage la possibilité de ramener des affaires avec elles. Comment faire alors que là elle se rend, elle ne pourra même pas embarquer sa valise. Laisser ses achats dans le train ? Les porter une heure pour en faire don à un clochard ensuite ? On aura tout vu. Non, Anna ne fait que passer. Elle s'efface derrière chaque porte pour ressurgir quelques minutes après, les bras aussi vides à l'aller qu'au retour. Ce qui change de ses habitudes. Quoi que...

- Encore une heure. murmure-t-elle.

Désormais assise sur un banc, ses papiers dans ses mains. A lire et lire encore pour se construire un plan, pour se mettre dans la peau de sa couverture, elle attend. Face au train à l'arrêt, sur les quais de la station. Car Sekan est une belle ville, mais lorsque l'on ne peut rien y faire, lorsque l'on est juste là pour passer le temps, alors on s'y retrouve coincé. Comme dans une prison dorée. C'est l'impression qu'a l'agente. Puis les embruns secouent sa tignasse blanche et la laissent idiote, avec ses feuilles volant dans tous les sens. Certaines finissant dans l'eau. Bon, au moins, elle arrêtera de se prendre la tête. Avec un papier qu'elle a déjà lu une bonne dizaine de fois et mémorisé par cœur.

- Excusez-moi... C'est à vous ?

Qui, quoi ? Un homme avec un haut de forme, sorti de nulle part, tenant l'une de ses feuilles volantes. Elle la lui arrache sans même le remercier. Peut-être voulait-il sympathiser, mais avec l'agente du CP9 c'est peine perdue. Hautaine, celle-ci se fend ridiculement d'un simple :

- Au revoir.

Le temps de regrouper ses derniers détritus et de s'envoler avec eux. Direction l'intérieur du train. Sauf que, manque de bol, l'homme est aussi un voyageur. Et comble du comble, celui-ci la suit jusqu'à se trouver devant sa loge. N'appréciant pas ce genre de farces. Aussi bien qu'être suivie. La jeune femme finit donc par faire volte-face pour lui jeter son venin à la figure.

- Vous allez arrêter de me suivre, bon sang ?

Non, ça n'est pas aussi simple. Elle qui espérait avoir la paix, elle qui pensait pouvoir continuer à cogiter à haute voix, elle comprend que tout cela est fichu. Quand le bonhomme répond :

- Excusez-moi mais mon ticket indique que je me trouve dans cette cabine. Vous aussi ?

Elle grommelle, prise par surprise. Avant de dégager la voie en récupérant ses affaires qu'elle a éparpillé un peu partout. Fini de se mettre à l'aise, elle doit faire attention à ce qu'elle dit. Et à comment elle agit. Qui sait, le gentleman barbu est peut-être un révolutionnaire. Ou pire, un autre agent. Alors elle s'isole dans son monde, avec son bouquin. Et tout se passe bien, pendant quelques minutes au moins. Jusqu'à ce que le train redémarre et que l'homme devienne bavard. Qu'en voyant son livre, il s'interroge :

- Vous comptez vous rendre à Arcadia ?

Merde...
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  • https://www.onepiece-requiem.net/t10652-a-sweetsong-ou-l-effet-papillon-100-fini