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L'enlèvement des mutines

Sur Armada, la présence de femmes n’est pas si importante que cela. Certes on n’y trouve une prostitution nécessaire et désirée et quelques femmes pirates au caractère fortement indépendantiste ; mais en dehors de ces deux catégories : peu ou prou. C’est un sujet de discussions incessantes chez certains pirates qui sont à la recherche d’une compagne pour s’installer sur Armada. Car les forbans qui ne sont pas venus avec leur femme ont toutes les peines du monde à trouver cette perle rare tant convoitée. C’est dans ce contexte sombre qu’un groupe de pirates décida tout bonnement de se lancer à l’attaquer d’un navire pour y « recueillir » toutes les femmes.

L’entreprise fut rondement menée, la rumeur veut que ce soit un navire de la translinéenne qui bénéficia de cet honneur. Le groupe pirate parvint à ravir une quantité non négligeable de femmes. John Henry Holliday n’avait pas entendu d’une très bonne oreille ces propositions d’enlèvements, il avait donc refusé tout net de participer à l’attaque. Mais en homme intelligent, il avait tout de même désiré assurer la protection du groupe jusqu’au retour sur Armada. Par ce petit subterfuge, il parvenait à conserver un œil sur les femmes et leur éviter tout désagréments trop importants…

Le bateau pirate rentra bien vite sur le navire-île Armada, chargé de femmes comme l’on est habituellement chargé d’or, de pierreries et de berrys. Il faut dire que ces femmes représentaient beaucoup plus, elles pesaient le poids d’un désir ardent.

Seul bémol, le capitaine red avait des principes. John avait bien conscience de cette réalité même s’il n’en avait pipé mots à ses « partenaires » du moment. Une fois arrivé sur Aramada, il leur rappela tout de même cette réalité qui sonnait comme un châtiment.

- Au fait.
- Ouais, John’ ?
- Vous savez bien que Red n’accepte aucunement l’esclavagisme sur Armada ?
- Si bien sûr ! Mais elles sont pas esclaves !
- C’est à dire que…
- Et bien ?
- Elles sont captives non ?
- Ouais.
- Elles veulent se marier ?
- Non, je ne crois pas… Y’a bien une ou deux drôlesses qui sont pas contre, mais c’est la minorité.
- Elles sont libres d’aller et venir ?
- Mordiou je ne crois pas ! Elles fileraient à la première occasion !
- Donc elles sont captives, pas libres de leurs mouvements, et contraintes au mariage ?
- Précisément.
- Ça a un peu la couleur de l’esclavagisme tout ça…
- Boah, si peu…
- C’est à dire que le capitaine Red ne sera pas forcément de cet avis.
- Si bien que ?
- Si bien qu’il y aura sûrement du tire la treize dans l’air.
- Oh ? … C’est ennuyeux ça…
- Certes…
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La conversation se tenait à proximité du groupe de femmes qui écoutaient avec attention. Il faut dire que l’on parlait de leur avenir qui, à ce moment présent, apparaissait on ne peut plus incertain. John apparaissait pour un sauveur miraculeux. Mais une femme, plus belle et plus intelligente que les autres, s’avança aux devants des deux hommes. Le pirate fit un mouvement pour la remettre dans le rang, mais elle était réellement la plus belle du navire, aussi espérait-il par quelques faveurs, s’attirer ses bonnes grâces. Il écouta donc ce qu’elle avait à dire.

C’était une jeune femme d’une vingtaine d’année, des cheveux noirs-rouges lui encadrant le visage qu’elle avait constellé de tâches de rousseurs. Elle avait le regard or, un regard assuré et quelque peu hautain. Malgré son jeune âge, elle portait déjà quelques cicatrices sur le visage, signe d’une vie quelque peu tourmentée. Son petit nez retroussé, ses lèvres pulpeuses, toute sa personne semblait faite pour damner les hommes qui la rencontreraient. Sa voix claire fit aussitôt chavirer le pirate qui était le capitaine du navire.

Parlons de cet homme qui joua également un rôle majeur dans cet enlèvement et dans le futur des femmes. C’était un quarantenaire musculeux, l’œil plus vif que l’esprit, le bras plus vigoureux qu’agile. Mais il était reconnu pour être en mesure d’abattre un bœuf d’un coup de poing, exploit qui l’avait dressé au rang de capitaine sans difficulté. Il faut dire que les autres hommes n’avaient pas nécessairement l’envie de tester leur supériorité sur le bœuf. Cet homme ce nommait Macnair, il était sur Armada depuis peu mais avait déjà décidé de s’en faire un logis. C’est donc dans cet espoir qu’il avait ravi ces femmes et qu’il se fit tout miel devant la plus belle d’entre elles.

- Mademoiselle, puis-je vous aidez ?


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- Pirate, toi et les tiens nous avez ravies à notre patrie et à nos familles. Nous sommes à votre merci, et vous pourriez faire de nous ce que bon vous semble. Mais à quoi servirait de nous brutaliser, de faire de nous vos esclaves ? Ne serions-nous pas de meilleures épouses si nous étions bien traitées, et si nous choisissions librement nos futurs maris ? Déclara la jeune femme dans un pur accent de franchise.

- Ma foi, je n’ai rien à redire à cela !
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Il faut dire que Macnair n’avait pas quitté des yeux la jeune femme qui en retour lui adressait des œillades à faire chavirer cœur plus solide. A côté, John, amusé, regardait la scène et semblait comprendre la volonté de la jeune femme. Il faut dire que, quitte à être captive, autant tirer bon parti de tout cela.

- Ainsi, nous pourrons choisir la personne qui nous conviendra ?
- Oui, tant que celui-ci était sur le navire qui a participé à l’attaque évidemment.
- Et vous ne contesterez pas nos choix ? Lança-t-elle presque implorante.
- Je donnerai du poing sur toute personne contestant votre choix !
- A la bonne heure ! Ainsi qui de nous choisira la première son homme ?
- Mais vous qui prenez la parole, vous me semblez en droit d’avoir la primeur pour avoir défendu toutes les autres.
- Alors je le choisi lui. Et elle pointa du doigt John.
- Moi !? Clama John étonné.
- Lui !? S’exclama Macnair rouge de colère.
- Pouvons nous partir mon époux ?
- Allons bon, cette jeune femme est plus intelligente qu’il n’y paraît. Murmura John.
- Vous ne partirez nulle part. Hurla Macnair de manière à dominer la scène.
- Mais je croyais pouvoir choisir !
- Il n’a pas participé à l’attaque ! Il n’était même pas pour cet enlèvement !
- Mais vous avez dit, tous ceux qui sont sur le bateau !
- J’ai été imprécis.
- Vous avez été malhonnête vous voulez dire !
- Holà drôlesse ! Je te rappelle que tu es encore ma prisonnière !

Et il attrapa les chaînes de la jeune femme qui répondait au doux nom de Claire.
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De son bras puissant, il la ramena contre lui mais en un instant il fut repoussé. Se tournant pour voir celui qui avait l’audace de le rudoyer, il découvrit John calme mais menaçant. Son visage n’exprimait rien mais sa large balafre faisait toujours son effet dans ce genre de situation.

- Et bien ! Tu ne voulais pas de femme mais tu m’empêches d’en avoir une maintenant ?
- C’est à dire que je n’étais pas pour l’enlèvement, que je trouve barbare et idiot. Mais la jeune femme a soulevé un point important, la liberté. Celle-ci lui fut accordée sous condition, y renoncer maintenant c’est perdre son honneur. Je suis trop gentilhomme pour vous voir perdre votre honneur, cher Macnair.
- Et que m’importe l’honneur ! Cette femme sera a moi !
- Impossible.
- Et pourquoi cela ?
- En me choisissant, elle s’est réclamée de ma protection. Je ne peux pas tourner le dos à une femme comme cela.
- Hypocrite.
- Maraud. Arrivé sur Armada, je savais avoir la loi du capitaine Red avec moi. Elles ne quitteront pas Armada captive, puisque l’esclavage n’existe pas ici et que l’on n’enlève pas des habitants d’Armada comme on enlève des femmes sur la mer.
- Tu nous as roulé !
- Qu’importe, tu es un niais et un couard, cette femme est mienne dorénavant, tu ne l’auras pas. Et comme elles sont toutes libres de choisir, imbécile, je te parie qu’aucune ne te choisira tant qu’il restera un de ces braves marins derrière toi !

Et effectivement, le petit groupe de femmes captives semblaient plutôt pencher pour les pirates plus réservés, voire presque apeurés par cette soudaine réalité : ils allaient peut-être enfin se marier. Macnair n’emportait pas la faveur des femmes et pour cause, il allait de mal en pis. Conscient de son infortune, le capitaine pirate attrapa son sabre d’un air menaçant.

- Cette femme est à moi John ! Retire toi !
- Non seulement je ne me retirerai pas, mais tu vas partir avant que je ne te crible de balles, faquin.
- Même si je suis vaincu, je viendrai rechercher cette jeune femme quand tu auras le dos tourné !
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Et sans attendre de réponse, il s’élança vers John avec une fureur démesurée. Le sabre brilla dans les airs avant de s’abattre sur John. Claire comme toute l’assistance ferma les yeux de crainte. Mais lorsque les yeux se rouvrirent, ce fut pour découvrir un colt placé en opposition de la lame. La seconde main de John, libre, pointait une autre arme sur le ventre de Macnair.

- Si tu menaces indéfiniment la vie de cette femme, je vais être contraint de te tuer.

Et un éclair formidable traversa le regard du mercenaire. C’était de ces regards qui annoncent le pire, de ces œillades terribles qui avertissent du danger. Mais c’était déjà trop tard, la résolution du pistolero était prise. Pour sauver cette femme, il faudrait tuer. Le chien fut lâché, la poudre s’enflamma et une balle rugissante pénétra le torse nu du capitaine pirate. Dès lors, le canon du pistolet déversa un flot continu de balles, contraignant le pirate à la retraite. Il titubait sous l’effet des nombreuses attaques, le sang se déversait par flot sur le sol. Les femmes hurlaient d’épouvantes, seule Claire semblait satisfaite de ce spectacle. Elle se pinçait les lèvres pour ne pas sourire et apparaître grave. John croisa ce demi-sourire.

- Ne riez pas madame. Il n’y a rien d’heureux dans la mort d’un homme, fusse-t-il aussi peu que celui-ci.
- Je ne ris pas monsieur. D’ailleurs, votre homme semble loin d’être mort.

Pendant cet intermède, Macnair avait attrapé une massive ancre en réfection. Il se rejeta dans la bataille avec l’énergie du désespoir, conscient qu’il fallait en finir avant que ses forces ne l’abandonnent. En homme de sang-froid, John se déplaça légèrement de la ligne d’attaque, comme l’eut fait un épéiste. Il tira une balle dans le genou de Macnair qui vacilla, une autre balle tirée sur le sol souleva une lame de bois qui fit apparaître un trou. Macnair donna directement du pied dans le trou et se retrouva bloqué jusqu’à la cuisse. Il allait se mouvoir lorsque le canon froid du pistolet vint se placer avec vigueur sur sa tempe.

- Et maintenant ? Susurra le pirate d’un air goguenard. Tu vas me tuer peut-

BANG !
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Une balle traversa la tempe du pirate. Un silence lourd s’imposa. John avait déjà rengainé et jouait frénétiquement avec la bague d’or en forme de crâne qu’il avait au doigt.

- Je n’ai qu’une parole Macnair…

Claire vint rejoindre John, presqu’implorante. Elle lui toucha la main du bout des doigts, cette même main qui portait la bague dorée. Le cow-boy se retira aussitôt, comme s’il avait été touché par le feu. Il posa un regard bienveillant et mélancolique sur la jeune et jolie Claire.

- Enfant, je ne suis pas venu te ravir, je suis venu te libérer. Tu es libre alors vole et ne reste pas appuyée sur ce pauvre perchoir.
- A quoi bon être libre si je ne peux me percher où je le souhaite ?
- Que la jeunesse est naïve…

Et il quitta la scène, laissant les pirates sur place, quelque peu interdits. Finalement, Macnair fut vite oublié. Les femmes ont cet effet sur les hommes semble-t-il. Les pirates furent tous mariés et trouvèrent en leurs femmes un caractère ferme qui dénotait de leurs anciennes positions de captives. Wilson, un jour qu’il passait près d’elles, fut frappé par la ressemblance d’avec sa femme. L’histoire se souvient que ce soir là, Wilson fut fort songeur et assez fébrile.

Claire est toujours sur Armada, elle reçoit régulièrement la visite de John qui subvient à tous ses besoins sans jamais accepter ses avances. La jeune femme se réclame pourtant épouse de John même si peu semblent s’en soucier. John quant à lui se sent comme lié par une dette d’honneur envers cette femme.

Mais lorsqu’il jette un regard sur son passé, lorsque sa main vient rencontrer cette vieille bague d’or ; il lui semble que les femmes sont le cadeau le plus empoisonné de la terre…
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