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Moonshiners


Voilà plus d'un an que je suis à Boréa et c'est la première fois que je mets les pieds dans la capitale royale. Trop d'opulence visible, trop de gens hauts perchés, trop de manoirs, trop de vitraux, trop de fontaines dorées. Bref, je n'ai pas envie de m'éterniser ici. J'aime la richesse, j'aime mon train de vie et ma suite royale à l'hôtel Greenwich mais quelque chose dans cette capitale emmurée m’écœure. Je n'ai jamais été à l'aise avec la haute bourgeoisie de toute manière, ceux-là même qui sont convaincus que leurs pets sont lavandes et leurs phrasées d'essence divine. Assis dans ce canapé aux accoudoirs incrustés de rubis aux éclats fanés, j''attends. Depuis quatre heures. Rien de tel pour vous rappeler où est votre place dans ce monde. Mais la patience est une vertu qui m'a très tôt été inculquée et de la plus rude des manières. Cinq ans en tant qu'esclave à attendre que vienne un sauveur providentiel.

Une heure plus tard, il est enfin là, mon sauveur du jour. Le premier Boréalin, Maximilian Nordin. Il a l'air lessivé, des cernes sous les yeux, tant mieux il ne sera que plus réceptif à mes doléances. Sans broncher mot, il me fait signe de le suivre très rapidement. Derrière lui, déboulent de la salle du Conseil Général, les comtes, marquis et autres pairs du royaume. Je n'ai pas non plus envie de les voir. Escortés par deux gardes royaux, nous nous rendons dans les appartements personnels du Maximilian sis dans château royal où il s'effondre dans un sofa, face contre coussins. «... Te le dis mec. Gouverne jamais un royaume... Pourquoi je suis pas né paysan ou ostréiculteur... Vendrai des huitres à Lavallière... Gagnerai 300 000 Berry par mois... Toi, par exemple, serais mon client... »

- J'en doute. Je suis allergique à certains fruits de mers dont les huitres.
- Allergie ?
- Pas mortelle. Juste de l'urticaire qui pousse sur mon corps quand j'en mange.
- Ah. Donc tu sais pas apprécier les vraies saveurs de la vie alors.
- La réunion ça a été ?
- Nan, t'as pas envie que je t'ennuie avec les querelles territoriales du Baron Strömstad qui prétend soudainement avoir retrouvé des documents d'il y a deux cents ans prouvant que l'actuel domaine de chasse de l'archiduc Greysnow appartenait à sa famille. Maintenant les Strömstad et les Greysnow sont à couteau tiré.
- Une guerre ? Dans ton royaume ?
- Ça tu l'as dit. Dans mon royaume. Greysnow est belliqueux, il en a profité pour envoyer ses hommes occuper des fermes de son rival à la lisière de son archiduché qu'il convoitait depuis. Ce con de Strömstad lui a juste donné une raison en or pour le faire.
- Comment tu comptes arbitrer ça ?
- J'ai enjoint les deux camps à retourner à leurs positions antérieures et à ne pas me les casser ou je fais intervenir la Marine d’Élite avant de les déchoir de tous leurs titres et rangs pour les couvrir d’opprobre.
- Ah, toujours direct.
- Alors, tu veux quoi ? Ça fait une semaine qu'on doit se voir mais mes impératifs... Woh ! C'est quoi ces dossiers ?! Sérieux, tu veux pas me donner du travail toi aussi ? Je pensais que tu venais me parler d'une petite dont le père demandait une dote trop élevée pour tes moyens et tu voulais de l'aide...
- C'est ça... Je n'ai pas besoin de ton argent, je ne t'en ai jamais demandé. Cent dossiers. C'est mon armée privée.
- T'AS UNE ARMÉE PRIVÉE ?
- Dans la forme oui, c'est une armée privée. Dans les faits, je compte plus tard les constituer en une société de sécurité. Je suis détective privé, je dois bien rentabiliser quelque part. Pour l'instant, je n'ai pas les fonds pour constituer une société, nous travaillons tous en freelance. Comme moi, ils sont tous irréprochables et les 25 premiers ont joué un rôle décisif dans ton maintien au pouvoir en déjouant 3 coups d'états prévu par Ashura. Tu n'en as jamais entendu parler parce que je ne cherche pas la gloire auprès de toi. Vrai que tu m'as engagé au début mais après le génocide de Marie-Curie, j'ai vu ta réaction, j'ai entendu ton discours et je me suis dit que tu es l'homme qu'il faut à ce pays. Que je ferai mon impossible pour te maintenir au pouvoir sans rien avoir en retour. Ce que je fais.
- Et tu le fais bien.
- Ces cents hommes, j'ai besoin que tu les valides. La moitié est Boréaline, il te sera facile d'enquêter sur eux. L'autre, j'ai fait mes propres enquêtes, tu te doutes que je ne m'accoquinerais pas avec des gens pas nets. Mais j'ai donné des références, tu peux les faire vérifier. Je désirerai que tu les accrédites du même statut que moi.
- Des agents royaux ?
- Des agents qui ensemble forment un Groupement d'Intérêt National. Ils travaillent avec moi, ils méritent d'être protégés. Que personne ne les confondent avec des mercenaires.
- Hmmm, d'accord, ça devrait pouvoir se faire. Mais si c'est de l'argent dont t'as besoin pour monter ta société...
- Je me débrouillerais. Je me suis promis de ne jamais accepter le moindre sou venant de toi.
- Quoi ? Pourquoi ?
- Parce que je suis un fan de Maximilian Nordin, je t'ai dit non ?
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En voilà une belle journée aujourd'hui dans la cité universitaire de Jalabert. C'est l'été Indien en cette saison, adieu la neige -plus ou moins-, bonjour le renouveau, le soleil -vitreux mais c'est mieux que rien-, les arbres qui fleurissent et le parfum entêtant des fleurs dans l'atmosphère. Les quadruples lainages de pull sont pour la première fois de l'année laissés dans l'armoire. Il souffle comme un air de bonheur sur le campus et pour cause, les vacances de printemps sont proches. Ils vont pouvoir délaisser les bouquins et passer leurs temps à paresser dans les prés verdoyants avec leurs copains et copines. D'ailleurs, je ne vois que des couples partout. Tout le monde semble marcher de pair, sauf moi. Bien que je sois un visage connu maintenant à l'université, les têtes se tournent toujours autant sur mon passage et depuis que je suis devenu un professeur saisonnier, ma classe s'est remplie à ras bord. Peu sont intéressés par la criminologie et le profilage que j'enseigne. Mais tous semble fascinés par le personnage Loth Reich. Le héros de ces gens...

- M'sieur !
- Qui êtes-vous ?
- Rivaldo Conceiçao, répondit-il avec l’accent typique de la zone méridionale de South Blue. Ye pé vous parler en privé ?
- Vous n'êtes pas un étudiant d'ici, même si vous vous êtes habillé pareil.
- On pé sé parler ? Hein ? Por favor !
- D'accord... acquiescé-je en notant des signes évidents de nervosité chez lui.

Il sue à grosse goutte, se tortille les mains et regarde par-dessus son épaule fréquemment. Je le conduis dans une salle de classe vide que je referme soigneusement derrière moi. Il sort de sa poche une montre qu'il me donne. Un message que comprennent tous ceux qui ont un jour travaillé pour le Gila. Moi, j'ai plus qu'été un simple sbire, le Reptile m'a formé, montré les bases du métier. Je scrute la montre, dans le cadran est incrusté un blason que je ne connais que trop bien.

- Qu'est-ce qui coule dans tes veines ? dis-je pour le tester.
- Du Whisky.
- Lequel ?
- Seigle.
- Bon, tu as passé la première étape. Qui es-tu ? Et je ne demande pas ton nom.
- Ye suis fabricant, comme Don Pierro. Yai tout appris dé lui.
- Et tu es fabricant où ça ?
- Ici. Mais à Bocande.
- Dans ce pays, sérieux ? De South Blue à Boréa pour fabriquer du whisky ?
- T'es bien là toi non ? T'es dé South, comme moi. On est tous à la récherche d'un marché.
- Touché. Mais le whisky comme le fabrique Don Pierro est illégal à Boréa. Les politiques de Maximilian font la guerre à tout ce qui n'est pas générateur d’impôts. Tu comptes ouvrir une société ?
- Yamais ! Lé whisky comme on lé prépare est artisanal, c'est un héritage et yé compte pas lé polluer en ouvrant une distillerie officielle.
- Hmmm. Okey. A chacun sa voie, je suppose. Bon ciao alors.
- Hé, hombré, y ai pas fini !
- Pour moi si. Tu es dans l'illégal, je n'ai rien à te dire.
- Quoi ? Cé sérié ? Ye voulais pas y croire.
- Croire quoi ? fis-je d'une voix froide en faisant volteface. L'effectivité de mon sobriquet tu veux dire ? Le Chien de Givre ? C'est ça que tu veux dire ? Bien sûr que je suis le chien-chien de Maximilian Nordin. Je sers un bon roi et j'en suis fier. Les trafics, les petites magouilles, c'est du passé.
- Ye n'y crois pas ! T'y m'as demandé lé mot dé passe. T'as toujours les réflexes du milieu. Ah, y ai compris, t'y penses qué yé suis compromis, que yé veux té piéger ?
- Ça c'est toi qui le dis.
- Attends, attends. Yé t'explique et t'y comprendras. Ça té coute rien de m'écouter, si ?
- Rien du tout, en effet.
- Alors voilà. Yé fait di whisky à Bocande dépuis trois ans. On pé dire que yé contrôle lé marché. Contrôlais, en fait. Juste qu'à l'arrivée l'an passé d'un concurrent. Il a noyé lé marché avec dé l'alcool moins cher et m'a coulé.
- Si c'est moins cher sans que la qualité y soit, tu n'aurais pas dû perdre tes parts de marché. Normalement, les gens préfèrent toujours la qualité.
- Bah, yé lé réconnais, son produit est bon. Yé vends ma gnôle à 500 Berry le litre, lui lé fait à 100 Berrys.
- Ouch, dur.
- Ouais. Cé pour ça qué yé mé suis dit que tu pouvais aider. Qué t'y saurais y faire.
- Faire quoi ?
- Mé débarasser dé mes concurrents. Yé vé reprendre mon dû ! Bien sûr, ton prix sera lé mien.

Je souffle, passe une main dans mes cheveux et me perds dans un moment de nostalgie. Je me souviens de Don Pierro comme du meilleur fabricant d'alcool qu'il me fût donné de rencontrer et Dieu sait que j'en avais rencontré beaucoup entre 1622 et 1625. Tout comme à Boréa, de nombreuses nations interdisent l'alcool fabriqué clandestinement pour des soucis d'imposition mais également de criminalité. Effectivement, Don Pierro, plus qu'un simple fabricant était le meilleur fournisseur de la pègre mais aussi des pirates. Il était célèbre pour son rhum, son hydromel vieilli en fût et plus que tout, son whisky de seigle qui faisait fureur. C'était un truand, un vieux de la vieille qui comptait aussi bien des nobles pas très regardants que de puissants pirates comme amis. Il fut d'ailleurs le premier à me surnommer "Binocle".

A tous les égards, c'était un homme bien, avec une grande âme. Fin 1625, il abandonna sa distillerie et prit une retraite méritée loin de l'agitation de l'underground. Des élèves, il en eut beaucoup et peu survécurent à la guerre entre fabricants. J'ai une bonne raison de me méfier de ce Rivaldo, il pourrait très bien être un Marine ou un Cipher Pol infiltré. J'en connais beaucoup qui vendraient père et mère pour me voir tomber. Loth le Héros, Loth le Ripou, Loth le Zéro. Ils aimeraient bien le chanter, à commencer par Midnight Bee Santana, la Commandante de la garnison de Boréa. Entre elle et moi, une vieille histoire qui remonte à encore plus loin puisque sa sœur cadette est ma meilleure ennemie et Némésis autoproclamée. Bref, ils sont nombreux à fantasmer sur ma chute et ce type pourrait bien être un cheval de Troie. Mais il connait le mot de passe, donc possible que ce soit un frère du milieu.

- Tu as encore des contacts avec Don Pierro ?
- Euh, nan.
- Dommage alors. Je dois parler à Pierro, pour qu'il me confirme que tu es réglo. Sans ça, tu oublies mon existence.
- Mais... Il s'est retiré dé la civilisation. Y vit en rase campagne. Ça va être compliqué dé lé retrouver.
- Appelle tes anciens compagnons, fait secouer ta toile. Si moi je veux retrouver mon maitre, je saurais où. Je veux parler à Don Pierro, c'est la condition sine qua none pour que je t’adresse la parole.
- T'y té méfies dé moi, et yé comprends. Mais qu'est-ce qui té faire dire que yé pé pas trafiquer ? Prendre quelqu'un et parler à la place de Pierro ? Lui dire tous nos codes pour qu'il réponde à tes questions ?
- Durant quelle période as-tu été son élève ?
- Dé 1615 à 19.
- Moi je l'ai connu trois ans après la fin de ta formation. Tu penses que tu connaitrais des détails, les conversations, les petits sobriquets qu'on se donnait ? Et puis, ne te fatigue pas si c'est sa voix que tu veux imiter, j'ai une mémoire eidétique. Je reconnaitrais sa voix entre mille, je sais quel timbre elle a dans les moments de stress, de panique, ou de joie. Si on le force à parler ou si quelqu'un l'imite, je le saurais. Quand tu auras son contact, tu me trouveras à l'hôtel Greenwich de Lavallière. Suite Royale 13.
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- Bon, il m'a appelé, il vient à 13h.
- Ça lui a pris seulement deux jours pour retrouver la trace de son vieux maitre apparemment, constata Émeline Reus, ma chargée de clientèle. Si tu penses que c'est un indic, pourquoi ne pas le zapper ?
- Indic, c'est ma paranoïa quoi. Rien n'est moins sûr et si nous pouvons le taxer un maximum pour le service qu'il requiert, s'en priverait-on ?
- Non, mais si le jeu n'en vaut pas la chandelle, autant se retirer.
- Si on évite le combat par peur de perdre, c'est sûr qu'on ne gagnera pas. Du coup, toi tu vas t'éclipser, comme tu ne tiens pas à ce qu'on te lie à moi. Voyons... Raven sera mon second dans cette affaire.
- D'accord. Comme d'hab, je te couvrirais dans l'ombre. Soit prudent.

Elle dépose un baiser sur ma joue puis s'en va. Pas loin, juste dans la suite d'à côté en disparaissant derrière une porte dérobée sous une tapisserie. J'occupe ce palace depuis mon arrivée et le patron de l'hôtel est un excellent ami pour lequel j'ai rendu beaucoup de services. Quelques minutes plus tard, mon invité arrive et se fait conduire dans la suite. Il prend place et quand je propose de lui servir de la vodka de première issue du mini bar, il décline l'offre en riant. De son sac en bandoulière, il extirpe deux bocaux contenant des liquides de différentes couleurs. Un clair comme de l'eau, l'autre a une texture boueuse. « Yé vai té faire goûter la récette légentaire dé Don Pierro. Son famé whisky dé seigle. T'y m'en dira des nouvelles ! » Le whisky Climax, l'original, celui qui a fait la richesse de Don Pierro. Je veux le goûter, ça fait trois ans que je ne me suis pas rincé avec.

- Aaaaah ! clamai-je en déposant avec force le verre sur la table. Bon sang ! Ça fait du bien là ou ça passe ! Climax toujours !
- Climax encore ! Héhéhé. Cé la formule originale.
- Je sais, ça se sent ! commentai-je en regardant la peau de son avant bras se couvrir de petites tâches de rousseur. Ça déclenche mon allergie, ce qui m'ôte tout doute. C'est l'original.
Mais ça ne veut rien dire, ajoutai-je. Le vieux a eu plusieurs élèves.
- Toi t'es dur à convaincre ! Mais tant mié. Après t'avoir prouvé ma bonne foi, on s'mettra au boulot. Attends, yé l'appelle.

PULUPULUPULUPULUPULUPULUPULUPULU !!!

- Mes respects, Don.
- Lothio ? C'est toi. Oh Binocle, ça fé longtemps ! Rivaldo m'a parlé dé son histoire. T'as raison, c'est un pétit farfélu, un énergumène dé prémière mais il est propo.
- Vous habitez où ces derniers temps ?
- Dans les belles plaines de Vegan. Pas du tout une île dé dingues comme Uréa.
- En tout cas, je suis content de vous entendre, votre voix n'a pas faibli, preuve que l'âge n'a aucun effet sur vous. Pardonnez-moi mais vous souvenez vous de l'hiver 1623 ? Dans la cave du vieil Armando Alexandro, vous m'avez donné un conseil de vie qui sert toujours. Lequel ?
- Lé Réptile t'a formé à la prudence, y'aime ça. Nan, yé t'ai pas donné un conseil, yé t'ai chambré. T'étais trop sérieux, trop coincé. Y'était dit : "Bois, baise et quand t'as fini dé baiser, bois encore, parce qué notre vie est trop courte pour pas profiter".
- Et qu'ai-je répondu ?
- T'y vé vraiment qué y'en parle ?
- S'il vous plait.
- Bon, si t'y vé. Tu t'es tourné et m'a montré ton cou. La marque dans ton cou. Lé Conclave. L'esclavage, les tortures, les humiliations. T'y m'as dit qué faire cé boulot, c'est ta manière dé profiter de la vie car tu sais mieux qué personne à quel point elle est vile et courte.
- Et je vous ai aussi donné un nom. Lequel ?
- Shawn.
- Parfait. Ça suffira alors. Encore mes respects Don. Cœur et Nombril, ne changeons pas.
- Nombril et Cœur, né changeons pas.

Gatchan.

- C'est bon Rivaldo. Tu m'as convaincu que tu es pur. Les gars, sortez ! fis-je en claquant des mains. Trois personnes émergent des différentes chambres.
Ce sont mes hommes, précisai-je. Lui c'est leur chef, Raven. L'autre barbu là-bas c'est Albuquerque. Cette femme qui aime jongler avec ses couteaux c'est Prisca.
- Salut les gars.
- Maintenant explique Rivaldo, qu'attends-tu de moi ?
- Qué t'y té débarrasse dé la concurrence.
- Comment ?
- A notre manière.
- En l'éliminant ? Ce n'est pas un peu radical ?
- Bah yé sai pas. Yé vé juste qu'il né gangrène plus mon territoire.
- Parle-nous d'eux, fit Raven.

Avec son crâne rasé, sa consistance famélique, limite anorexique, on en craindrait presque qu'un coup de vent l'achève. Raven a le teint basané des peuplades nomades d'Hinu Town. A ses côtés, se tient le régional de l'étape, Albuquerque. Cent pour cent Boréalin, ancien chasseur-trappeur de son état. Avec sa barbe hirsute et ses deux mètres de haut, on jurerait que l’abominable homme des neiges des légendes, c'est lui. Nonchalamment adossé contre une armoire murale, Prisca continue de jongler avec ses couteaux. C'est son passe-temps favori et depuis que je la connais, je ne l'ai jamais vue aligner plus de deux phrases en une journée. Comme moi, elle a grandi dans un monastère, chez les Mères Muettes avant d'en être bannie pour sa grande violence.  

- Bah yé il n'y a qu'un seul concurrent.Cé type appelé Tickle qui sé surnomme le "Roi du Beurre" parcé qu'il fait un genre dé bierraubeurre alcoolisée.
- Qu'est-ce donc la bierraubeurre ? demandai-je ?
- L'meilleur breuvage au monde contre l'froid, Boss, répondit Albuquerque.
- Je croyais que c'était la vodka ?
- Nan, la bierraubeurre n'est pas alcoolisée en temps normal mais quand t'en bois... Bordel, c'est l'feux des dieux qui réchauffe tes entrailles ! Y a eu beaucoup d'tentatives pour en faire un alcool mais aucun n'a perduré, trop dégueux.
- Bah, cé roi Roi du Beurre a réussi à faire une version alcoolisée dé la bierrabeurre. Tiens, y en ai acheté, bois, t'y verras.
- Oooh ! Pas dégueux du tout, trop bon même ! Ça fouette ! clame-t-il en reprenant une autre gorgée de la liqueur à la couleur de boue.
Croyez-moi Boss, c'lui qu'a fait ça est un bon ! Tous les Boréalins vous diront que c't'impossible d'alcooliser la bierraubeurre sans tuer son goût. Ça, ça, c'est parfait !
- Woh woh ! Yé démande pas qu'on glorifie son travail ! Yé vé lé voir mort ! Ruiné !
- Comme j'ai dit, nous allons éviter le bain de sang inutile. Il y a différents moyens de ruiner le marché de quelqu'un de manière irrémédiable. Mais parlons d'abord rémunération.
- Combien t'y veux ?
- Ça dépend, combien engrangeais-tu dans l'année quand tu avais le monopole ?
- Mon année la plus faste a été 1625, yé mé suis fait cent millions.
- Sans dec ? fit Raven. Cent millions de Berry pour de la contrebande d'alcool à Bocande ?
- Pas seulément à Bocande. Je livrais aussi les peuples nomades et les tribus des fleuves gelées.
- Bon, mon tarif habituel est de 30%.
- D'accord mais avec garantie d'un an.
- Pardon ?
- Si vous mé débarrassez dé mon concurrent mais qu'un autre s'ramène l'année suivante, vous referez lé même coup, mais gratis. C'est ça la garantie.
- Pour 30% ? J'appelle ça d'l'abus moi.
- Ce n'est pas grave Albuquerque. Marché conclu Rivaldo. Prisca, rassemble l'équipe tactique, nous allons à Bocande.
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Partis en train de la gare de Lavallière, nous arrivons à Bocande à l'orée du jour après une heure de route. C'est la ville des fermes animales, des plantations, "la ville du printemps" comme on la surnomme. Toute l'année, il semble régner ici un climat moins froid que dans le reste du pays, un climat favorable à toutes sortes de culture. L'industrie sylvicole demeure malgré tout la première ressource de la ville. Ici, pas d’hôtels mais des chambres d'hôtes. Déclinant l'invitation insistante de Rivaldo, je loge mon équipe chez Nino Colona, propriétaire d'une ferme cuniculicole. Il vit du très rentable commerce des fourrures de lapins mais aussi d'autres choses. Et c'est cette part d'ombre qui fait que je peux trouver abri chez lui et dormir sur mes deux oreilles. Dans ce métier, pour peu que tu aies des tentacules longs, tu trouveras toujours des amis. Basés sur des intérêts mutuels naturellement, mais des amis tout de même. L'erreur aurait été de loger tous mes gens chez Rivaldo. Il est peut-être sous surveillance de la Marine.

Pour cette opération, mon équipe tactique se compose de quinze de mes Fumiers répartis en trois équipes tactiques de cinq éléments chacune commandées par Raven, Albuquerque et Prisca. Chez Nino, nous disposons d'une grande salle qui nous sert de dortoir commun. Il nous livre aussi le couvert et les sanitaires. A part cela, ses employés ont ordre de ne pas nous adresser la parole, ce qu'il évite lui-même, d'ailleurs. Nous sortons, mangeons, dormons et sortons. D'après Rivaldo, la bierraubeurre a fait son apparition et se vend le plus dans les quartiers sud. Mais ses ouï-dire sont trop sommaires pour être exploitables. Il nous faut aller à la pèche aux informations qui se recentre autour de trois grands impératifs : Percer l'identité du dénommé "Tickle", trouver sa distillerie, et mettre la main sur son réseau de distribution. La seconde tâche échoit à mon groupe, celui d'Albuquerque.

- Les fabricants préfèrent opérer dans la jungle, détaille Albu'. D'ailleurs, ta distillerie est où Rivaldo ?
- Dans mon incinérateur.
- Quoi ?
- Bah, yé vous l'ai pas dit ? Yé possède lé seul incinérateur dé Bocande.
- Un crématorium ou un incinérateur ? demandai-je.
- Y a une différence ?
- On fait crémer un corps, on incinère des ordures.
- Aaah, non, c'est les déchets moi. On m'amène les ordures ménagères, des cadavres d'animaux que yé crame. Y'ai emménagé ma distillerie dans la cave, sous mon incinérateur. La fumée qui se dégage est confondue avec celle de l'incinérateur. Yé suis pépère.
- Donc, tu disais, Albuquerque ?
- Qu'les moonshiners traditionnels Boréalins préparent leurs alcools d'contrebande dans la forêt. Rivaldo a des procédés v'nant d'South Blue où l'alcool est une mafia à part nan ? C'pour ça qu'il s'créé une couverture et tout. Ici, c'est la tradition, les bois, l'système D. Si on cherche la distillerie d'ce Tickle, on doit ratisser c'te zone, fit-il en indexant une forêt au sud des quartiers sud.
S'il livre plus les quartiers sud, c'est qu'il s'sent à l'aise, c'est son territoire, donc sa distillerie doit être là.
- J'approuve. Profilage géographique élémentaire. Si on ajoute à ça le fait que nous avons à faire à un système quasi individuel de contrebande et pas à une mafia organisée, alors nous avons toutes les chances de le trouver dans ces bois. Mais ils sont immenses, nous devons pouvoir affiner et réduire l'aire non ? On ne construit pas une distillerie dans le premier sous-bois venu, il faut des conditions sine qua none.
- Yep Boss. D'abord, assez éloigné des sentiers pour pas s'faire r'pérer par la patrouille ; ensuite, ça doit être au bord d'un cours d'eau. Un fleuve, ou un ruisseau. Faut obligatoirement d'l'eau et potable pour fabriquer le moût et bien sûr refroidir l'conduit pou'que la vapeur d'alcool s'condense, s'rafraichisse et s'transforme en alcool.
- Hmmm, ce qui éloigne donc toute cette zone. Il y a un grand fleuve ici, mais il est gelé non ?
- Sous la banquise, ça doit couler mais non, Boss ; c'est un endroit fréquenté surtout pour la pèche sous la banquise. J'pense qu'on doit l'chercher d'ce côté-là. Y a deux petits ruisseaux qui serpentent, c'est en plein cœur des bois, c'est parfait.
- Deux ruisseaux qui coulent sur près de cinq kilomètres, nous avons du travail.

La forêt boréale est aussi inhospitalière que les jungles tropicales que j'ai déjà eu à explorer. L'avantage ici étant que les petites bébêtes genre moustiques sont inexistantes. A la place, de gros monstres rodent. Bon, herbivores pour la plupart. Après juste quelques cinq cents mètres dans les bois, nous croisons un troupeau d'orignaux dont le mal dominant nous charge. Il a dû prendre Albuquerque pour un rival parce que de nous, il est le seul qui ressemble un tant soit peu à un animal. « Ha ! Ha ! Ha ! Très drôle Boss ! » fit-il, haletant après le sprint qu'on a dû piquer pour échapper à la bête en furie. « C'la saison des amours. Sont blindés d'testostéronne. Ils chargent tout c'qui bouge. » A trois, nous continuons notre recherche, le reste de l'équipe étant divisé en deux unités de deux pour explorer les rives de l'autre ruisseau. Dans la taïga, pas de lianes à élaguer pour éclaircir le passage. On se bat plutôt avec la neige dans laquelle on patauge et qui nous arrive à genou. Malgré le printemps, elle n'a pas encore fondu et vu sa taille, je doute qu'elle le soit jamais.

Rivaldo n'est pas à l'aide dans cet environnement. Je comprends pourquoi, la remarque d'Albu' était très juste. Sur notre South Blue natal, la vente d'alcool de contrebande est une mafia tout aussi puissante que celles des narcos. Personne n'en fabrique dissimulé dans les bois, nous voyons plutôt en terme d'industries déguisées. Il sursaute à chaque bruit bizarre, à chaque envolée d'oiseaux dont la forêt pullule. Nul ne saurait être plus dans son mode qu'Albuquerque. En tant qu'ancien trappeur, la taïga et la toundra sont ses éléments, il connait toutes les forêts de Boréa comme sa poche. Et comme l'a prouvée notre mission en Endaur, les forêts équatoriales ne lui sont pas inconnues non plus. Il se baisse vers l'eau ruisselante, en prend une poignée dans sa paume et la renifle. La couleur arc-en-ciel de la surface du liquide prévient déjà que l'eau est surement impropre à la consommation. Albu' grogne.

- 'tain, c'est quoi c'travail ?! Putain ! Ils vont tuer les animaux avec une eau aussi polluée !
- A quoi c'est dû ? On dirait de l'huile à la surface.
- Parc'que c'est d'l'huile, Boss. D'la graisse animale. Mais pas que, y a une odeur d'produit chimique dedans.
- Donc Tickle n'est pas ici ?
- Sûr'ment pas. R'gardez c'sapin, l'est en train d'mourir lent'ment. Ses racines pourrissent.
- Ouais bah, si Tickle n'est pas là, on va réjoindre l'autre équipe non ?
- Vous allez-y. Moi, j'vais régler ça. Il y n'y a pas qu'une distillerie illégale dans ces bois, il y a non seulement des braconniers mais une fabrique illégale d'parfums ou d'savons qu'ils font à base d'graisses d'bisons ou d'baleine. Et chasser l'bison est interdit dans c'te période.
- Et ? On est là pour mon problèmo !
- Boss ? J'dois solutionner ça, c'plus fort qu'moi.
- Je te suis Albu', répondis-je, calmement. Rivaldo, attend-nous ici, c'est plus sûr. Les braconniers sont armés par définition, ça peut être dangereux.
- Quoi ? Toi aussi ? Mais yé vous paye pour...

Ma main droite fuse et se referme sur sa gorge qu'elle enserre. Je ne supporte pas les petites frappes qui ignorent où est leur place, celles qui pensent qu'une minable liasse de billets permet d'acheter le beurre et le cul de la crémière. Deux organisations criminelles, une implantée dans tout North Blue et l'autre dans les quatre Blues à mon actif. Une troisième bientôt puis si la guerre je mène parallèlement à mes activités annexes me réussit, je serai le nouveau patron de la pègre de North Blue. Si je fais ce boulot, ce n'est pas réellement pour choper trente misérables millions de Berry que je gagne de toute façon en croisant les bras chaque mois. Mais ça, il ne l'ignore, aussi, il veut prendre ses aises. Autant lui montrer donc ce qu'est le respect. Albuquerque intervient pour le libérer de mon emprise. Il suffoque, tombe à quatre pattes dans le sol enneigé.

- Mon gars veut régler un problème qui lui tient à cœur, je le suis. Le tien passe d'office en seconde position parce qu'il donnerait sa vie pour moi. Toi, tu n'es qu'un parvenu de première, me suis-je bien fait comprendre ? Ne pense pas qu'avoir été l'élève d'un homme que j'apprécie fait de nous des amis. Et n'oublie surtout pas le respect. Je ne suis pas ta putain. Reste-là, ne bouge pas. Nous allons empêcher ces gens de nuire à la nature et ensuite, nous irons voir cette distillerie.

[...]

Un quart d'heure plus tard, nous avons remonté la rivière et sommes à l'affut derrière des épicéas. Nichée au cœur des arbres, nous apercevons la fabrique qui finalement n'a rien d'artisanale. On dirait plutôt une usine. Très bien gardée de surcroit. Je compte dix hommes armés en faction. « L'amnésique ? » que je lui demande. Albu' acquiesce. Il extrait une pochette de sang -le mien- de sa poche et en verse sur mon front. J'avance vers l'usine, en titubant, le regard hagard. Trois miliciens me mettent en joue et m'interdisent de m'avancer plus. Je titube de plus belle puis m'écroule avant d'arriver à eux. Les autres viennent comme des cons, tous s'attrouper autour de moi. L'un prend mon pouls et confirme que je suis juste évanoui. Ils discutent quant à mon sort, hypothéthisent sur ce qui a causé cette lacération sanglante sur mon front. Ils en conviennent que la cause est futile mais qu'il est primordial de se débarrasser de moi. Ils ignorent juste qu'ils n'ont commis qu'une seule erreur.

S'ameuter.

- Primate, Danse de Borée !

Quand ils entendent ce cri de guerre, il est déjà trop tard. Je me lève et en un battement de cœur, tournoie violemment. Telle une hélice à haut régime. L'essence du Karaté Aérien me permet de brasser de l'air. De le transformer en lame. En rafale cinglante. Ils sont pris dans la tornade lacérante que je crée puis expulsés par la force centrifuge. Technique mortelle normalement, que j'applique de manière chirurgicale. Aucun point vital n'est touché. Pendant que je les rassemble en les tirant, Albu' explore les lieux. Il n'y a personne d'autres que ces dix-là. Nous éteignons les machines et constatons qu'elles déversent les déchets de leurs traitements directement dans le ruisseau. « Ils doivent squatter là d'puis maxi un mois j'pense. N'ont pas encore eu l'temps d'faire de vrais dégâts. »

- Du coup, que faisons-nous d'eux ?
- Les r'mettre à la Marine, Boss.
- Comment ? Nous sommes au milieu de nulle part.
- Par pour moi. Et puis, s'ils sont venus à pied, c'pas l'cas d'ça, fit-il en montrant la machine qui fabriquait les savons en cube. C'truc doit peser une tonne minimum. Pièces détachées, ouais, mais doit y avoir un sentier pour les voitures. J'vais les trouver et les livrer à la garnison. Dés'lé Boss, mais faut que j'règle ça.
- Je sais, c'est le trappeur en toi qui parle. Retrouve-nous à la ferme alors.

[...]

Après avoir rebroussé chemin, je retrouve un Rivaldo mécontent, boudant mais plus respectueux là où on l'a laissé. Au même moment, un coup de fil de l'autre équipe nous signale que la distillerie de Tickle a été repérée. Nous coupons droit dans la forêt en direction de l'ouest où nous retrouvons les quatre Fumiers restant de notre équipe. A quoi ressemble une distillerie illégale ? A la légale, sauf que l'une est sise dans les bois. On a d'abord la cuve, grande celle-ci, de quoi tirer six cent litres d'alcool en une seule fois. Son sommet qu'on dirait chapeauté est agrémenté d'une tuyauterie qu'emprunte l'éthanol quand le moût dans la cuve est surchauffé. La vapeur d'alcool est refroidie dans un conduit trempé dans une autre cuve remplie d'eau. Le bout du conduit débouche sous forme de robinet d'où coule la vapeur transformée en liquide. En whisky. Ou dans ce cas-ci, en bierraubeurre alcoolisée. Tout autour de la distillerie, nous trouvons des tas de nécessaires à contrebandiers. Un gigot faisandé, des latrines et abris de fortunes, de quoi préparer des repas, une tente. Et bien sûr, des bidons pour recueillir le précieux liquide.

- Quand on est arrivé, y avait personne, Boss. Mais la cuve est tiède. Donc ils ont tiré d'l'alcool y a pas longtemps. Une ou deux heures, j'dirais.
- Ils doivent déjà être en ville. Si on l'attrape avec une telle quantité d'alcool de contrebande, son cul est bon pour l'asile, dit un autre Fumier.  
- Très bien, il faut appeler l'équipe de Raven alors. C'est lui qui s'occupe de localiser le réseau de distribution de Tickle. Notre mission à nous est accomplie. Assurons-nous qu'il ne puisse pas reprendre la production de sitôt. Ça te va ?
- Détruire la distillerie, oué. Mais s'il écoule tout avant et qu'on lé prenne pas avec l'alcool ?
- Il y a une chose que je ne comprends pas, Rivaldo. Tu ne fais pas ton commerce seul ?
- Non, j'ai trois hombres.
- Trois hommes. Et toi qui as été formé à la dure, dans la pure tradition des moonshiners mafieux de South Blue, tu es incapable de te débarrasser de quelques paysans qui font de l'alcool dans les bois ? Mais tu insistes pour les voir morts. J'ai du mal à croire que tu n'aies jamais été amené à tuer pour Don Pierro.
- Yé suis un chimiste moi. Yé testais les recettes, en inventait dé nouvelles. Y'étais pas un sbire, pas un porte-flingues, comme cé qué t'étais pour lé Gila.
- Soit. Les gars, double charge d'explosifs partout. Grillez-moi ça.
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Maintenant que nous savons que Tickle a en sa possession une grande quantité de bierraubeure illégale, c'est une course contre la montre avant qu'il n'écoule tout son stock. Nous ignorons à quel train six cent litres peuvent se vendre. Quand nous étions dans les bois, l'équipe de Raven était occupée à se renseigner sur le réseau de distribution de Tickle à commencer par surveiller la vieille fermière chez qui Rivaldo a acheté un litre de la bierraubeure. Un membre de l'équipe se déguisa en alcoolo et alla mendier un peu de boisson chez elle en contrepartie de cash. Il se fit chasser à coup de fourche. Après cet échec, ils essayèrent une technique que cette veille n'a pas dû trop tester en soixante-dix ans de vie à la ferme. L'intimidation musclée. Ligotée, les pieds dans une bassine d'eau, Raven lui fit d'abord la démonstration de l'effet d'un haut voltage de courant électrique sur une volaille. Carbonisée, cuite à point. Après, ça, elle défaillit quand le Fumier approcha le fil dénudé de sa peau. Quand elle reprit conscience, elle se mit vite à table.  

- Elle dit avoir un numéro en fait. L'voici. Elle appelle l'gars, il lui fixe un rendez-vous dans une boite aux lettres noires, il dépose l'alcool, après elle passe déposer l'argent en retirant la bouteille. Ils n's'croisent pas.
- Pas mal pour un patelin paumé. C'est un système copié à la mafia. Elle peut appeler ?
- Nan, trop choquée.
- Tu lui en as trop montré, Raven.
- Juste la joie qu'procurent les arcs électriques. Euh... où est Albuquerque ?
- Empêtré dans une histoire de savons illégaux.
- Quoi ?
- Oublie, il se débrouillera. Je vais appeler le numéro. Donne.

PULUPULUPULUPULUPULUPULUPULUPULU !!!

- Ouais ?
- Salut. J'en veux.
- Quoi ?
- Ce que tu vends.
- Je vends rien, tu t'es trompé d'num.
- Tu dis ça à tous tes clients ?
- J'ai dit que tu t'es trompé ducon.
- Vraiment, le client qui est roi, ça se perd. Écoute trouduc, je suis un ingénieur agronome de Jalabert en mission dans ce bourg paumé, d'ailleurs tu l'as remarqué à mon phrasé. Pas de filles dignes de ce nom, pas de bars, pas d'amusement. Mais on m'a dit que tu avais la meilleure gnôle du coin, si ça veut dire quelque chose pour un trou perdu dans la steppe. Donc ne me fait pas chier, je veux dix litres, je reste ici pendant longtemps. On m'a aussi dit que tu n'étais pas seul sur le marché. Alors, tu veux l'argent ou pas ?
- L'cimétière d'Gorgorian, sous l'chêne blanc. A 11h.

Gatchan.

- C'est dans vingt minutes ! Tu connais l'endroit ?
- Ya, cé à deux kilomètres au nord. Un vieux cimetière.
- Bon, les gars, go go go ! Il faut y être avant lui.

Après un plan sommairement dressé par Rivaldo, nous nous ruons au cimetière, en unités éparpillées. Ces gens ont beau être des fermiers, la modernisation de la mafia est arrivée jusqu'à eux. Le cimetière compte trois entrées que chaque équipe prend avec la consigne de ne laisser aucune empreinte traitre dans la neige. Nous sommes ainsi obligés de marcher les uns dans les pas de l'autre tandis que le dernier de la file recouvre le tout avec de la neige accumulée dans un sac. Ajoutez à ça l'impératif du temps et vous obtenez une drôle d'infiltration à la sauvette. Une partie de moi n'arrive pas à y croire. C'est juste des paysans... Le chêne blanc est en vue mais après une inspection furtive, aucun bidon n'a été déposé, normal. Il reste dix minutes avant l'heure H et nous avons un autre problème.

- C'trop dégagé chef, on trouv'ra pas abri. Faut partir. Les pierres tombales sont basses, y a pas d'mausolée ou d'statue pour s'cacher.
- Vous tous, partez. Moi j'reste.
- Monsieur ?
- Regarde à tes pieds, Raven.
- Nooon. Vous plaisantez ?

[...]

Depuis dix minutes, j'attends.
J'aurais aimé dire que c'est la première fois que je me retrouve dans cette position mais non.

Il y a eu cette mission pour le Gila où... Non, je préfère oublier, mais je ne le peux. J'ai une mémoire eidétique. Un fardeau des fois. Depuis dix minutes, je fais attention de respirer un minimum, je ne veux choper aucune germe. Gunnjona Sigurveig, comment es-tu morte ? Pourquoi je ressens de vagues effluves d'huile de baleine dans ce tombeau ? Aurais-tu été une chasseuse de baleine dans ta vie ? Mais, non, ridicule, tu es enterrée de cent dix ans. L'odeur doit venir de moi, je viens juste de trancher dix types qui tenaient une fabrique de savons à base de graisse animale.

Hum ? Arrachant mon regard au squelette, je me concentre sur les bruits de pas étouffés par la neige molle. Ça se rapproche. Mes yeux levés au ciel sont fixés sur les branchages de ce majestueux chêne blanc. Bel endroit pour se reposer, mais je suppose que ça doit t'être égal, Gunnjona. Un homme transportant un sac en bandoulière passe. Sans regarder. Sans cure pour ce tombeau au revêtement affaissé et troué. Inconscient qu'il n'y dans le caveau, un vivant de chair. Je l'entends s'affairer. Je le laisse déposer la marchandise. Il refait le chemin inverse.

J'aurais aimé dire que c'est la première fois que je me retrouve dans cette position mais non. La dernière, fois, j'ai été surnommé "le Moine Hérétique". Alors qu'il passe à côté d'un pas léger, je me redresse. Nonchalamment. Tel un zombie. La tête penchée d'un côté. Il me regarde, je le regarde. Je crie. Il crie. Et s'évanouit.

Petite nature.
Des paysans, finalement.

[...]

- Dix litres d'alcool non imposé, ça vaut au moins un an de prison dont six fermes pour le consommateur. Mais pour le vendeur, compter jusqu'à deux ans.
- Tsé, tu m'auras pas par des m'naces, crache celui que nous avons capturé.
- Tu n'es pas Tickle, n'est-ce pas ? Tu n'es qu'un de ses livreurs. C'est ton chef que nous voulons, livre-le nous et nous te libérerons.
- Tsé, chui pas une balance. Parle à mon jonc.
- Faudrait savoir, ils oscillent entre paysans et mini-mafieux. Tu ne veux pas nous dire qui est ton boss ?
- Chai que vous êtes pas des Marines.
- Donc, tu en conclues quoi ?
- Que je risque aucune prison, tsé, dit-il suffisant.
- J'hallucine.
- J'opte pour le paysan, chef, fit Raven en pouffant de rire.
- J'dirais rien et vous allez m'relachez !
- Donc à un aucun moment tu ne t'es pas dit qu'on pouvait se débarrasser de toi ?
- Dé-barrasser ?
- Oh, c'est chou chef, il blêmit. Donc il pense qu'on est des curés, ou des paysans, susurre-t-il en sortant son canif. Tends ta main, j'suppose que t'utilises pas ton petit doigt gauche hein ?

Il se débat quand Raven pose sa main sur l'accoudoir et tente de sectionner son auriculaire. Soudain, un souvenir m'assaille et je comprends tout à coup pour quoi j'avais supposé que Gunnjona était une baleinière de son vivant. Bien sûr que l'effluve ne venait pas du squelette. Pas plus de moi. Mais du livreur qui venait dans notre direction. Le vent l'aura annoncé sous forme d'odeur avant qu'il ne passe à côté du tombeau. Depuis, le nombre de personne -onze- dans la pièce aura noyé ses fragrances. L'évidence me scotche quand je scrute les ongles du prisonnier. Maculées d'une substance blanche, huileuse. De la graisse animale. La même odeur que celle de la fabrique. Machinalement, je décroche mon escargophone. « Dis-moi que tu n'es pas encore chez les Mouettes, Albuquerque ! Pouufff. Sauvé. Attends-nous là-bas. »

- C'est inutile de nous dire où est Tickle. Je l'ai trouvé.

[...]

A ma surprise, j'aperçois l'équipe de Prisca quand nous arrivons à l'orée de la forêt. Son équipe était censée trouver l'identité de Tickle après tout et depuis le matin, je n'en avais aucune nouvelle. Elle est assise sur le chariot qui transporte les braconniers, jonglant avec ses couteaux. Les prisonniers sont réveillés mais mis à mal par leurs blessures encore saignantes. Prisca me regarde puis me désigne de la main un blondinet aux yeux bouffis. « C'est lui Tickle » dit-elle de sa voix monocorde. Les autres Fumiers sont toujours autant surpris de l'entendre parler. A parier qu'elle ne dira plus un mot pendant des mois.

Heureusement que la fait toujours seconder pour qu'il y ait quelqu'un pour m'expliquer. J'apprends alors que j'ai raté un moment d'anthologie où Prisca s'est promenée de ferme en ferme depuis le matin, en pleurant, cherchant l'homme qui la mise enceinte après seulement une nuit. Elle se serait tellement lamentée qu'après deux fermes de visitées, une cohorte de fermières lui fit une garde d'honneur, l'escortant de fermes en fermes pour chercher le dénommé Tickle. Quelqu'un finit par reconnaitre le surnom d'un ancien copain de lycée mort depuis longtemps. Mais il se souvint que ce dernier avait un fils, qui s'était peut-être approprié le surnom de feu son père.  

- Il nous a donc filé son identité en précisant au capitaine Prisca qu'elle ferait mieux d'oublier la possibilité qu'il prenne ses responsabilités parce que c'était un vaurien, dit Brooks, la seule autre femme dans l'équipe tactique que j'ai constituée.
Boss, je vous présente Robert Ushovd Junior. On a trouvé chez lui des signes indiquant qu'il fait aussi de la contrebande de savon et de parfum. On a aussi trouvé une carte cachée de la forêt avec des lieux marqués de croix. On a trouvé la fabrique et le capitaine Albuquerque.
- Sérieux ?
- Euh, oui, monsieur.
- Sérieux Prisca ? Tu as parlé et joué la comédie ? Hahaa !
- C'est vraiment l'seul point qui vous parle ?
- Haha, désolé, revenons à nos affaires. Donc tu es Tickle.
- Oui... J'vais... mourir.
- Non, tu as juste le torse balafré. Ça te fera des souvenirs. J'aime beaucoup ton esprit expansionniste, tu combines deux contrebandes. Malheureusement pour toi, tu as été sur mon chemin.
- Alors ? Alors ? pressa Rivaldo.
- Alors quoi, Rivaldo ? Il est là, il va nous dire où se trouve l'alcool.
- Et cherai libre ? Mes gars aussi ?
- Toi tu seras libre. Tes gars, oublie. Il nous faut les remettre à la Marine.
- D'accord, dit-il avec un visage rayonnant alors que ses compères bâillonnés et attachés manifestent à coup de borborygmes et d'yeux écarquillés.
- La ferme ! Vous ferez pareil à sa place, vous n'êtes que des paysans qui jouent aux mafieux !

[...]

- Voilà, tout mon stock est là !
- Sérieux, tu caches ton alcool dans une citerne, au fond d'un puits ?
- Génial hein ? Comme ça, l'robinet coule en plein air, chui qu'un paysan qui prend d'l'eau. Alors que c'pas l'même clair. Bon, chui libre ?
- Si cet hombre est libre, y va recommencer à fabriquer !
- Bon, tiens, fis-je en lui remettant mon semi-automatique. Les gars, dégagez de son champ d'action.
- Quoi ?
- Tu nous martèles depuis que tu désires sa mort non ? Tu as l'arme, il est devant toi. Tue-le.
- Quoi ? Héhéhé ! Dé-déconnez pas les gars ! On avait un accord !
- Libre. Je n'ai pas précisé libre où. Libre d'aller à Marijoa, ou en enfer. Allez tire, Rivaldo !
- Non, pitié. Pitié !
- Pourquoi tu trembles comme une feuille d'automne ?
- Yé t'ai dit, yé suis chimiste ! Cé à toi d'te salir la main !
- D'accord.
- Noooon !

BANG !
Les projections de sang nous criblent. Junior s'écroule, les mains en croix. Rivaldo était tremblant à la perspective de tirer, quelques secondes plus tôt. Là, son regard est pur extase, un client en moins. Curieux, tous ces gens qui signent des arrêts de morts sans pouvoir la donner. Mes hommes savent ce qu'ils ont à faire. Peu importe le lieu, nous avons une procédure standard du "comment se débarrasser d'un cadavre gênant." J'ai besoin d'une douche, tout le monde en a besoin. Rivaldo nous propose chez lui, plus proche.

[...]

- Merci pour les rafraichissements.
- Por favor.
- Bon il est dix-sept heures là. Plus d'une demi-journée pour se débarrasser d'une bande de fermiers fabriquant de l'alcool, c'est médiocre les enfants ! Il faut se ressaisir, dis-je autour de la table à manger en claquant des mains. Bon, maintenant que le concurrent n'est plus, il faut remettre les autres à la Marine en disant que Tickle s'en est enfui.
- Ça n'a aucune importance mainténant.
- Pardon ?  
- Cé que yé vé dire c'est qué yé vous arrête tous. Pour meurtre et associations dé malfaiteurs.

Et là, une cinquantaine de Marines d’Élites émergent des trois portes de la salle et nous tiennent en joue.
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La nuit fut courte.
Le train nous attendait spécialement pour nous ramener à Lavallière. Les wagons sont surchargés d’Élites, j'ai l'impression que je vis un remake de l'escorte de Nico Robin vers Enies Lobby il y a un siècle. Nous sommes ferrés avec un granit marin. Ils nous narguent, chantent ma chute. Et moi, je ne pipe mot. Mes souvenirs vont et viennent. Tous ce que j'ai accompli pour bâtir ma réputation, tous les plans alambiqués dont je me suis extirpé. Tout ça réduit à néant par un jeune arriviste de Lieutenant d’Élite. Nous nous murons tous dans le silence mais il ne peut s'empêcher de fanfaronner. Après tout, il a fait tomber le voile sur le Grand Loth Reich. Il nous apprend qu'il s'appelle Hijo Fiston, inconnu au bataillon parce que spécialisé dans le renseignement militaire.

Tout ça entre par une oreille et ressort par une autre. Je pense à ma vie, à ma chute, à ce nom que je compte inscrire au firmament. Au début de ma carrière, peu m'importait qu'on parle de moi en bien ou en mal. Mais dès que je gouttai à la bonne célébrité, j'en demandai encore plus. C'était devenu ma principale raison de bâtir deux empires. Loth le Héros et Loth le mafieux. Dans un état second, je sens que le train s'arrête, je suis tiré par les deux bras vers un carrosse. Qui s'arrête un temps indéfinissable après. On me jette dans une cellule. Puis la voix de mon hôte me fait revenir à la réalité de ma situation.
 
- Flagrant délit de meurtre, d'association avec un présumé contrebandier. Sincèrement, je ne pensais pas que ce serait aussi facile, dit Midnight Bee, commandante de la garnison de Boréa.  
- Vous n'avez pas l'air contente. Vous m'avez enfin capturé. Et pourtant, vous aviez beaucoup de coups de retard sur votre sœur. Ombeline va en pâtir de jalousie.
- En effet, tu étais son jouet. Mais je crois qu'elle a fini par trop s'attacher à toi.
- Ne parlez pas de malheur, elle essaie de me tuer à chaque fois.
- Ouais, essaie. M'enfin, on va parler d'Ombeline ?
- Répondez à ma question, vous ne semblez pas vous réjouir.
- Non, en effet. Trop facile.
- Bizarre. Dois-je comprendre que vous n'avez pas donné votre aval à cette opération ?
- Bien sûr qu'elle a donné, répondit Hijo qui entre dans la cellule.
- Ce qui veut dire qu'on vous a forcé la main. Hijo n'est pas un de vos hommes, il a été dépêché par le QG et votre hiérarchie vous a sommé d'autoriser cette opération dans votre juridiction.
- La Commandante opposait dé vives résistances, comme quoi lé plan n'était pas fiable ! Mais y'ai prouvé qu'elle avait tort ! Que pé être, si elle né pouvait pas vous confondre, c'est parce qu'elle né voulait pas ?
- Je ne vous permets pas, Lieutenant Fiston ! Que vous soyez mandaté par le vice-amiral Jared ne change rien, n'oubliez pas votre grade ou je vous fais ravaler votre langue, marmonne Bee avec un regard noir qui fait suer le lieutenant.
- Navré madame, yé voulais pas vous manquer dé respect. Céla dit, reconnaissez que y'ai fait du bon boulot. Suffisait dé convraicre Reich que y'était un élève dé Pierro. Yé travaille cé plan dépuis lé début d'année !
- Sans blague ? Je suis étonné qu'il faille un an pour élaborer un scénario aussi médiocre. Si j'étais vous, je demanderai une réévaluation parce vos aptitudes laissent à désirer.
- Pffff, fanfaron. Cé juste les derniers mots d'un héros déchu.
- Vous m'avez piégé et poussé à tuer. Je ne pense pas que cela sera recevable par un juge.
- Vous aviez l'arme, vous avez tué, y'ai les enregistrements vocaux, y'ai lé corps de Tickle. Bien que vos gars ait essayé dé l'enterrer vite fait dans la forêt.  
- Donc Pierro à l'escargophone, c'était un faux ? Et pourtant, ma mémoire eidétique a reconnu sa voix. Sans timbre de stress en plus.
- Nan, c'était lé vrai. Juste qu'il a pleinement coopéré avec nous.
- C'est un vieux de la vieille, un  mafieux de la pure école. Jamais il ne dirait mot à la Marine.
- Vous entendez, madame ? Il avoue être dé ce monde là !
- Bien sûr que j'avoue, triple idiot ! Mon passé avec le Gila n'est pas un secret de polichinelle. J'ai travaillé pour l'ancien chef de la pègre de Saint Uréa et de South Blue. L'important étant le temps de conjugaison de la phrase. Passé composé. Nous parlons d'une histoire entre 1622 et 1625. Et puis qu’aucun crime n'a jamais été lié à moi durant cette période, j'ai effacé moi-même mon ardoise pour signer un nouveau départ. Le Loth d'aujourd'hui combat ce genre de monde criminel.
- La blague. T'y es désespéré, t'y né sais pas quoi inventer comme sottises ! Y'ai appelé la presse, ils sont déjà plus de cent à s'agglutiner sous les murs.
- Sérieux, Bee, comment pouvez-vous le laisser faire ça ? Je suis un agent royal ! Sous les ordres directs du roi.
- Ça né vous protège pas d'un meurtre dé sang-froid. Sans compter qué vous employez des agents armés violant ainsi lé sous-paragraphe 342 alinea 51 du code civil dé Boréa sur le port des armes en bande organisée.
- Hahahahahahahaha !
- Y'ai dit quelque chose dé marrant ?
- Très. Votre bêtise est marrante. Allez, j'arrête de jouer la comédie. Retirez-moi ces menottes que j'aille dormir chez moi.
- Arrête tes simagrées Loth. Le petit t'as capturé.
- Même vous Bee ? Ne venez pas de dire que c'était trop facile ? Je savais depuis que Rivaldo n'était qu'un personnage. D'ailleurs, je retire ce que j'ai dit, le plan n'était pas médiocre, plutôt bien fignolé à vrai dire, mais il y avait des lacunes que quelqu'un comme moi ne pouvait que repérer.
- Y a pas dé lacune ! Ton Don Pierro, yé l'ai capturé au début d'année, il a une prime dé 30 millions comme tu sais. Jour et nuit, on l'a cuisiné. Suppression dé sommeil, noyade, sérum de vérité, gaz relaxant, hypnose, la totale. A la fin, n'est resté qu'une petite coquille qui m'a dit tout cé que ye savais et cé qué yé voulait savoir c'est comment capturer Reich. Donc il m'a appris la distillation et y'ai monté mon plan. Tous vos petits codes dé mafieux, il mé les a donnés, parce qu'on l'a brisé ! Au téléphone, il t'a dit "cé pas du tout une île de dingues". Quand la phrase est affirmative, c'est un code pour dire qu'on vous retient en otage. Puis y a toutes les pétites choses qu'il t'a dite quand vous étiez ensembles, j'ai tout extrait dé ce vioque ! Cé pour ça que tu es cuit !
- Je n'aime pas me répéter, j'ai deviné tout ce que tu viens de dire.
- Et quoi, t'y vé dire que t'as foncé tête baissée dans mon plan ?
- Je veux dire que mon avocate vient d'arriver. Vous connaissez le droit Boréalin, dis-je avec sourire. Dans la pièce entre Aella Madoff.
- Vous êtes... susurra Bee.
- Enchantée de vous revoir Commandante.
- Vous êtes Directrice du Système d'information à la capitainerie.
- Et avocate admise au barreau à 15 ans. Qui a mené cette opération ?
- Moi. Lieuténant Hijo Fiston.
- J'ai là une lettre manuscrite signée par Maximilian Nordin, Roi de Boréa reconnaissant les cent hommes de mon client comme un groupement d'intérêt national au vu de leur lutte dans la pacification et dans l'éradication du crime. Ce qui les autorise de facto à porter des armes. Ça date du mois passé. Tenez.
- Ouais bon, yé savais pas, maugréa-t-il, de mauvaise humeur. Mais votre client a tué...
- Tué qui ?
- Le trafiquant surnommé Tickle, dé son vrai nom Robert Ushovd Junior.
- Celui qui se tient juste derrière vous ?

Le regard épouvanté de Fiston quand il se retourne pour apercevoir le blondinet bien vivant et menotté par des Marines n'a pas de prix. Ce meurtre était le socle de son accusation. Il n'y croit pas parce que son équipe de surveillance qui nous épiait a bien vu mes gars enterrer un corps dans la forêt. Un corps de substitution en fait, juste un homme mort d'une blessure par balle à la tête et dont le corps fut remis au département de criminologie de l'université de Jalabert. Nous l'embarquâmes avec nous en partance pour Bocande. Et comme j'étais censé avoir tué Tickle d’une balle dans la tête...

« Si j'ai accepté de me prêter à ton jeu c'est pour l'arrêter, lui. Parce qu'il me paraissait évident que tu n'as cherché qu'à polir ta propre couverture sans affiner ton emprise sur le scénario global. Tu ignorais qui était ce Tickle, tu voulais juste que je le retrouve et le tue pour te permettre de constituer ton dossier. Si tu avais pris la peine d'enquêter et de savoir, tu aurais compris qu'il trempait dans autre chose, tu aurais sécurisé les lieux et tes hommes auraient compris bien plus tôt que vous aviez affaire à un autre corps. M'enfin, tout est bien, merci d'avoir appelé la presse, je vais aller fanfaronner que j'ai libéré Bocande du joug d'un réseau local de moonshiners. »

- Libérez-le, ordonna Midnight d'une voix d'où pointait la satisfaction que j'ai donné une leçon à ce prétentieux.
- Quoi ? Non ! T'y vé dire qu'il était dans l'complot avec toi ? Qu'il a fait semblant dé mourir quand tu l'as shooté ?
- Rappelle-toi que j'avais déjà deux équipes avec lui quand toi et moi sommes arrivés sur les lieux. Mes gens savaient que nous jouions la comédie, ils avaient déjà tout arrangé avec lui. Il jouait mon jeu et en échange, j'interférerai en sa faveur auprès du roi. Après, la balle explosive et tout, tu n'y a vu que tu veux. Crois-moi, tu as passé trop de temps en infiltration et pas assez au combat. Bee aurait remarqué cette mise en scène grotesque. S'il n'y a plus rien contre moi, je vais m'en aller.
- Comment t'y as su ? Comment Pierro t'a fait passer lé message ?
- Tu as fait plusieurs erreurs durant le montage de l'opération. La première étant de pas avoir arraché des informations d'ordre général au vieux mais spécifique à moi. Tu l'as bien secoué, il a craché tout ce qu'il savait. Sauf une chose, parce que tu ne lui as pas demandé, parce que c'était d'ordre général. Mais les magiciens ne révèlent jamais leurs secrets, tu n'en sauras pas plus. Essaie de gagner en expérience et reviens m'affronter. En attendant, contente-toi de jouer aux infiltrés avec les gens de ton niveau.

[...]

- Hahahaha ! T'es l'meilleur patron ! clame Raven en claquant sa chope contre la mienne.
- La presse fait encore tes éloges, personne ne parle de ton arrestation, ils prennent ça pour une erreur de communication, constate Émeline. C'est quoi le bilan de cette opération ?
- Une bonne leçon donnée à un parvenu et trois cent litres d'une excellente bierraubeurre alcoolisée récupérée, dis-je en désignant la mini-citerne entreposée dans la cave où nous faisons la fête. Vous avez géré les gars, félicitation !
- C'toi qui gère comme d'hab chef ! dit Albuquerque. Suivant tes consignes, dès qu'on a trouvé Tickle, on a passé l'accord avec lui et il nous a montré son puits. On a siphonné la moitié du conteneur et dilué l'reste avec d'l'eau.
- Ensuite, il me restait juste à lui reproposer la même chose. Si Hijo avait réellement prévu tous les coups, il aurait percé l'identité de Tickle, aurait connu la planque de la citerne et l'aurait mise sous surveillance. Il nous aurait aiguillés au lieu de nous laisser mener l'enquête en se contentant de m'inciter à tuer. C'est ce que le Gila appelait "Contrôler le scénario".
- Ça va chercher dans les combien cette bierraubeurre ?
- Le titrage est très fort, c'est du 90° brut là. Tickle nous a montré comment le diluer pour obtenir jusqu'à mille litres pour un titrage de 65°. Bref, à 40 000 Berry le litre, on pourra en tirer 40 millions à peu près. Il s'agit de le vendre dans la jetset. Le gérant du palace Greenwich nous aidera à l'écouler. Tout est bien.
- Tu nous as pas dit comment t'as su depuis l'début que c'tait un poulet.
- Dois-je vous le dire ?
- Oui, dis-le !
- Vous l'avez mérité. Vous savez que je suis allergique aux crustacés ? En 1623, alors que je servais comme sbire du Gila, j'étais emmené à faire la liaison entre lui et Don Pierro. Il savait pour mon allergie et il s'est mis en tête un jour de me faire une blague en ajoutant des crustacés en poudre dans son breuvage pour "me voir gonfler comme un ballon". Mais il s'est avéré que la poudre de crevettes rehaussait spectaculairement la teneur en minéraux de l'alcool décuplant son goût. Pour me prouver qu'il est bel et bien un élève de Don Pierro, Hijo m'a fait boire un whisky de seigle qui m'a donné des éruptions d'urticaire ensuite.
- La même recette qu'celle d'Pierro donc. Il a tell'ment cuisiné l'vieux qu'il lui a donné sa recette. Mais où est c'que ça merde ?
- Pour se mettre hors de portée, Hijo a situé sa collaboration avec Pierro entre 1615 à 19. Bien avant la mise au point de cette formule. A l'époque, comme il a eu presque la réaction qu'il attendait et s'est tué de rire en me voyant me couvrir d'urticaires, Don Pierro a nommé cette nouvelle formule de whisky de seigle, "Le Binocle" et m'a promis de ne jamais la divulguer à quiconque, vu qu'il a failli me tuer avec. Comme ça, je pourrais boire tous les whiskies de seigle sans craindre de m'étouffer. Il m'a aussi dit que si je le revoyais sur le marché, cela signifierait qu'il a été forcé d'en lâcher la formule. Dès que j'ai bu, j'ai su. Levez vos verres, je vous prie.

A Don Pierro. Un spécialiste des farces et attrapes, un moonshiner de génie et un conseiller du mauvais temps.
  • https://www.onepiece-requiem.net/t12978-fiche-technique-de-loth
  • https://www.onepiece-requiem.net/t10961-loth-reich-le-marchand-heretique