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Marmot et cri de guerre [PV]

Un cri fit écho sur l’île.

Nul n’y prêta attention.

C’était celui d’un enfant dans la cinquième spirale du Monkey D. Luffun !

    Suna Land – 1614


À cette époque, si l’explosive Old Crow n’était pas encore fameuse, elle possédait déjà son caractère qu’on lui connait. Fille de marchands partis trop tôt, elle avait été élevée par une bande de pêcheurs sur sa petite île natale. Le destin avait fait en sorte de la mener à travers différentes épreuves difficiles, desquelles elle était sortie grandie. C’était aujourd’hui une femme fière qui se dressait sur la plage aménagée.

Pipe au bec, bouteille à la ceinture, un marmot pendu à son bras ; montée sur ses getas, elle affichait une apparence robuste. Du moins, jusqu’à ce que Rosianne s’agite et que sa mère perde main.

« Hoy ! T’fais exprès !? » jappa une Crow grognonne.

Rosi s’extirpa du sable, une expression béate sur la figure. Elle tendit les mains à nouveau, mais Maman refusa de la prendre.

« Baaaaka ! »

Old Crow s’avança sur la plage, Rosi sur les talons. Le sable n’était pas un terrain aisé pour la gamine, qui trébucha à plusieurs reprises. Épuisée, elle lança son cri de détresse.

« Maaaaaaaamaaaaaaaan ! »

Sarah claqua sa langue.

Elle revint vers sa fille et l’empoigna par la jambe, pour la jeter sur son épaule comme un vulgaire sac. Les vacanciers furent surpris de voir la gamine rigoler.

La petite famille s’installa près de la mer, là où la mer jetait ses rouleaux d’écume. Rosi, à nouveau dans les bras de maman, tâtonnait l’énorme poitrine. Sarah sourcilla.

« T’as faim ? »

D’un sourire vorace, Rosi exprima son approbation.

« M’ok… »

D’un air désinvolte, la belle sortie son sein lourd et sa fille ne se fit pas prier pour y porter ses lèvres. Old Crow lança un regard las vers la mer et se remémora son premier môme, Junior. Brûlé vif dans leur demeure familiale, lors d’un raid de truands sur son île natale, elle avait ensuite été violée par leur chef. Lorsqu’Old Crow laissait son regard se perdre dans la vague, elle pour encore revoir le sourire de son fils et l’hideuse face de son tortionnaire.

Sarah porta à ses lèvres sa gourde de saké mais en recracha sa gorgée lorsqu’une vive douleur lui prit au mamelon. D’un coup de poing, elle frappa sa fille sur la tête pour la faire décrocher.

« SALE MIOCHE !! J’T’AI D’JÀ DIT PAS D’DENTS !! »

Rosi avait cet air hébété du morveux rassasié, ses petites dents pointues bien en évidence. Une vraie beauté sauvage. Soudain, la petite ouvrit ses grands yeux verts et pointa de son doigt un monsieur derrière Crow.

« Madame, cela ne se fait pas de frapper un enfant ainsi ! » fit l’homme en posant la main sur l’épaule de Sarah.

Celle-ci se retourna, le sein galbe toujours à l’air.

« Quoi ? »
« Je… Je… » Il se força à fixer les yeux. « Ça ne se fait pas de frapper un enfant ! Elle… »

L’homme fut décontenancé par l’apparence de Rosi.

« Elle quoi ? »

Rosianne X. Crow était la bâtarde du pirate dénommé Thunder F. Elle n’avait hérité de lui que son sang de poiscaille. Apparence de requin, elle avait les cheveux rose bonbon et les yeux émeraudes de sa mère.

« Elle quoi ? » répéta une Crow énervée.
« Je m’excuse profondément, je pensais qu’elle était… »
« Elle quoi ? »
« Rien… Rien ! J’ai cru un instant que… Je suis désolé madame ! »
« Quoi ? »
« Rien ! Rien ! Je n’avais pas vu qu’un de ces monstres avaient tentés de vous voler votre… hum… soutif ? »
« Maman ? »
« *Glurps* »

Sarah venait de le soulever de terre. Des têtes s’étaient retournées.

« T’as dit quoi là ? »
« C’est… c’est… Votre fille ?!! »

Il resta suspendu aux bras de Crow. Sarah tira une longue latte de fumée. Une veine pompait à sa tempe.
L’homme eut tout juste le temps de fermer les yeux avant que le poing de la mère ne vienne étamper sa tête contre le sable.

    Suna Land, South Blue, 1614

    C'est un peu la panique à bord. Il est rare que des médecins soient appelés directement sur le terrain. Et en général, ce n'est vraiment pas bon signe. Ca veut dire que les blessés ont besoin de soins de toute urgence et ne peuvent pas être déplacés. Très peu d'informations ont filtré sur les raisons de notre intervention et le peu que l'on a reçu est assez incompréhensible. Nous nous regardons tous, moi, Anna ma bien aimée et les autres membres de l'escouade. Le chef nous a parlé d'une bagarre  qui aurait dégénéré sur Suna Land, une île pourtant réputée pour le calme et la relaxation. En effet, cette île n'a presque aucune activité. Elle ne sert qu'à passer de super vacances au soleil. Mais il arrive régulièrement que les vacanciers soient attaqués par des pirates car la sécurité laisse franchement à désirer. Cependant, il semblerait que ce coup-ci ce soit autre chose. On a pas bien compris. Tout serait parti d'une histoire de sein à l'air et de petits poissons carnivores mangeurs de mamelon. Quand ils nous ont dit ça, on a tous explosé de rire mais étant donné qu'on est désormais dans le bateau, il faut bien reconnaître que c'est pas une blague.

    La main d'Anna serrée dans la nôtre, on se concentre. Ca peut paraître un peu idiot mais on ne sait pas à quoi s'attendre. On a déjà donné dans la scène de guerre et on tient vraiment pas à ce que cela se reproduise. Lorsque les blessés s'accumulent, il faut faire preuve de sang-froid et être rapide et efficace. Si notre main tremble, on prends plus de temps à refermer une plaie et pendant ce temps, quelqu'un peut mourir d'une hémorragie non traitée à temps. Nous autres les médecins de la Marine, nous sommes le corps totalement oublié mais c'est sur nos épaules que reposent le plus de pression la plupart du temps. Et l'appréhension face à l'inconnu rend le tout encore pire. Notre navire fonce à vive allure vers notre objectif, précédé par trois barges de marins classiques. Ils sont chargés de dégager le terrain pour que l'on puisse travailler dans de bonnes conditions. Nous sommes également entraînés au combat, bien entendu, mais on n'aura vraisemblablement pas que ça à foutre.  On se penche vers Anna.


    -Quoi qu'il arrive sur cette île, pense à te protéger tes mamelons.

    Elle nous sourit et nous donne une tape derrière la tête en riant. Ca détend un peu l'atmosphère et ça fait du bien. Le chef d'équipe se lève et regarde à l'horizon. C'est un grand homme avec une barbe qui rejoint ses cheveux sans aucune discontinuité. La mâchoire carrée et les épaules larges, personne ne pourrait soupçonner qu'il est médecin. Il a un physique à causer des dommages plutôt qu'à en réparer. Il se tourne vers nous et nous préviens que l'accostage va être imminent. Et en effet, il l'est. A peine a-t-il finit sa phrase que le navire s'immobilise, nous projetant tous en avant. La plupart d'entre nous tombe au sol tandis que le pont se déploie pour nous permettre de rejoindre l'île. Des cris émanent du centre du parc d'attraction. Ca semble en effet être un bien beau bordel. Nous embrassons notre femme avant de nous retrouver séparés. Les marins ont déjà fait un peu de ménage, on voit des hommes plaqués au sol et contre le mur, en maillot de bain et en tong. On ne voit pas ça tous les jours.

    La situation n'est pas aussi catastrophique qu'on aurait pu le croire. Ce n'est pas un bain de sang, loin de là. Par contre, c'est du grand n'importe quoi. Des gens se battent dans tous les coins en s'insultant de tous les noms. La garnison de marins locale est totalement débordée par le nombre d'altercations qui ne cessent de se multiplier de façon tout à fait spontanée. Un homme reçoit un coup de poing en plein visage et fait plusieurs mètres en arrière en titubant. Ce faisant, il va bousculer une vieille femme déjà en proie à une crise d'hystérie. Elle se retourne et donne un violent coup de sac à main mais manque l'homme et va briser le nez d'un garde qui passait là, à la poursuite d'une jeune femme qui court les seins nus, une drôle de créature aux cheveux roses vifs pendus à son sein. Le pauvre gardien se retourne et reprend ses esprits mais se trompe et plaque au sol un homme d'une vingtaine d'année qui n'avait rien demandé à personne. Les amis du malchanceux vacanciers veulent prendre sa défense et se font attaquer par d'autres marins. Un bordel sans nom...


    -Mais où est-ce qu'on est tombé là?

    Pas le temps de chercher à comprendre le pourquoi du comment. On s'approche rapidement de l'homme s'étant fait casser le nez et on le force à s'allonger et à mettre la tête en arrière de façon à ce que le sang s'écoule moins fort. Par un réflexe d'inspiration divine, on se baisse juste à temps pour éviter de recevoir une femme obèse en plein sur le râble. Difficile de dire d'où elle était partie mais l’atterrissage n'est pas beau à voir. Déjà une femme obèse en maillot de bain, ça fait pas plaisir mais alors là... On enfonce deux compresses dans les narines du patient et d'un geste sûr et précis, on lui redresse l'arête nasale en lui arrachant un grand cri au passage. Terminé. Au suivant. On s'avance vers la dame et on la retourne comme on peut. Deux cents kilos de viande à retourner, c'est pas évident pour un jeune de dix-neuf ans. Deux gifles suffisent à lui faire reprendre ses esprits.

    -Madame ! Vous m'entendez? Vous pouvez me dire ce qu'il s'est passé?
    -C'est... C'est horrible. Tout le monde est devenu fou!
    -Vous ne savez pas ce qui a déclenché tout ça?
    -C'est la harpie ! Une femme démoniaque ! Elle a mis une raclée aux touristes avant de faire voler en éclat toute l'équipe de sécurité. Et puis ça à dégénéré quand la Marine s'en est mêlée.
    -Je vois. Donnez moi votre main votre épaule est démise.

    Un mouvement vers le haut, un autre vers le bas et l'épaule reprend sa position normale. La femme se remet de la douleur, se relève et s'enfuit à toute jambe. Bon, on commence à y voir plus clair. Une femme aux seins nus, une créature qui mange son mamelon... C'est sûrement la femme que l'on vient de voir passer quelques minutes auparavant. Enfin il va falloir remettre un peu tout ça dans l'ordre quand même...
      « Joseph Snake, vous êtes demandé chez le Vice Amiral. »

      Alors que le jeune marin vaquait à ses occupations, plus précisement alors qu’il était en train de nettoyer son arme de service, il fut interpellé par ces quelques paroles, prononcées par l’un de ses camarades de bataillon. Un entonnement non feint vint orner le visage espiègle du jeune homme. Qu’avait-il bien pu faire pour être convoqué ? L’un de ses camarades vint le lui demander et il n’eut pas d’autre réponse qu’un haussement d’épaules aussi long que possible. C’était peut-être parce qu’il était rentré en retard de sa dernière permission ? C’était peut-être un peu trop pour un retard de dix minutes. Il concevait qu’on puisse chipoter, mais, quand même, pas à ce point là.

      Quelques minutes plus tard, il claqua des talons et se mit au garde à vous devant son supérieur hiérarchique, arborant comme toujours avec fierté l’uniforme bleu et blanc. Il avait poussé la porte du bureau de son supérieur en s’annonçant, et c’était tout juste si ce dernier avait levé les yeux de son bureau. Il lisait un rapport qui avait moins de deux heures. Une demande d’aide, apparemment, provenant de l’île parc d’attraction de Suna Land. Une sombre histoire de mamelons mordus, aussi.

      « Snake, vous vous y connaissez en torture ? »
      « C'est-à-dire, mon Vice Amiral ? »
      « Et en mamelons ? »

      Le jeune marin ouvrit la bouche pour répondre, mais ne sut apparemment pas quoi dire, puisqu’il la referma presque aussitôt. C’était sans aucun doute un test, il ne voyait pas d’autre explication. Après tout, ces derniers temps on parlait souvent de son hypothétique promotion, en catimini, et il devait s’agir là d’une plus que probable épreuve. Joseph se passa la main sur le menton.


      « Pas vraiment. Enfin, je connais la fameuse torture de tordre les mamelons, mais … »
      « C’est plus compliqué que ça, pour être honnête. »
      « Et vous monsieur ? Et les autres Lieutenants Colonels ?»
      « J’ai horreur des parcs d’attraction. Il est hors de question que je mette le pied sur cette île de malheur. Rien que l’image d’une montagne russe me donne la nausée. Quand aux autres Lieutenants… Roberts se trouve au Nord à enquêter sur une affaire d’île de célébrités où toutes ont été retrouvées mortes, Jake a du aller à Alabasta pour affaires personnelles, enfin Johnson a la diarrhée. »
      « J’espère que ce n’est pas grave. Pour Jake, pas Johnson. Enfin pour Johnson aussi, mais bon, c’est surtout qu’on n’a pas foule de toilettes ici. »

      Sur le pont du Queen’s Hand, à peine une heure plus tard, Joseph était désormais convaincu qu’il s’agissait de sa dernière épreuve. S’il réussissait haut la main cette mission, alors il aurait une place garantie en tant que Lieutenant Colonel, probablement à la place de Johnson. Tant pis pour lui, il n’avait qu’à faire attention à son flore intestinale plus souvent. A la tête, par intérim, du premier bâteau, il comptait tout de même bien se reposer sur les trois autres Lieutenants pour ne pas se planter. Après tout le briefing avait été assez succinct. Des poissons mangeurs de tétons semblaient avoir attaqué l’île de Suna land, ce qui avait causé une panique sans précédent. Et c’était peu de le dire. A peine avait-il eu le temps de poser le pied sur l’île qu’il comprit l’étendue du bordel.

      Ca se castagnait dur de partout, des corps sanglants courraient à vive allure le long des rues, des pécores du coin se battaient avec des marins, des vacanciers qui pleuraient comme des enfants, un enfant requin rose, et une gonzesse qui semblait mettre des coups dans tous les sens les seins à l’air. Irrémédiablement, Joseph se passa la main sur le visage, et donna quelques ordres. Il demanda aux quelques hommes qu’il avait sous ses ordres d’éviter de cogner sur les passants, déjà parce que ça ne se faisait pas, mais de surcroit parce qu’ils risquaient de filer encore plus de boulot aux médecins qui les avaient accompagné. Et s’il y avait bien quelqu’un qu’il n’avait pas envie de se mettre à dos, le Joseph, c’était bien les médecins.

      Joseph demanda aussi à deux pécores pas très malins d’aller demander à la bonne femme en topless de se rhabiller, parce que tout de même, ce n’était pas très pudique tout ça, et enfin il chargea le reste de son escouade d’aller calmer la foule, mais sans sortir leurs armes. On leur avait chargé de ramener le calme, pas de passer par la lame tous les témoins.

      Le jeune Snake s’approcha du médecin le plus proche de lui. Il avait besoin d’un état des lieux assez général du nombre et de l’état de santé des blessés, ou au pire, de savoir qui pourrait le renseigner. « Excusez-moi, vous pourriez me faire un topo de … » commença-t-il avant de voir s’écraser à ses pieds deux hommes en uniforme de la marine. Il s’agissait des deux glandus qu’il avait envoyés pour calmer la jeune femme un peu trop démonstrative. La bouche ouverte, il se retourna pour tomber nez à nez sur elle. Elle était plutôt jolie, mais n’avait pas l’air d’avoir envie de sympathiser. Pas du tout même. Il avala sa salive.

      « Dites ... » tenta Snake « Vous pourriez arrêter de cogner sur tout ce qui bouge ? Non parce qu’on voudrait bien comprendre ce qui se passe, nous et … Pourquoi vous me fixez comme ça ? C'est super flippant. »
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      Pif.

      Le poing qui s'écrase sur la joue.

      Paf.

      Le pied entre les jambes.

      Pouf.

      Projection brutale.

      Sur la petite île de Suna Land, une tempête se déchainait.  Old Crow, furibonde, traversait la plage à la course.  Dans son sillon de sable, on rampait, on demandait de l'aide, on priait pour que ce soit le dernier round.

      Le premier gus qu'elle avait assommé en avait attiré un autre, tout aussi faible, qui avait rameuté la clique de sécurité.  Bien que leurs matraques électrifiés auraient pu venir à bout de la belle, ils avaient fait l'erreur de tenter de la raisonner.  Bang, la femme forte n'en avait fait qu'une bouchée.

      Le dernier garde avait revolé sur le château de sable d'un gamin, ce qui avait énervé son père.  Lui-même avait tenté de s'en prendre à la sécurité, qui l'avait tout de suite fait taire.  Mais les autres touristes ne se laissèrent pas intimider et débarquèrent pour soutenir leur homologue.  Bien vite, la situation s'était envenimée et nul ne savait réellement d'où elle partait.

      Même Crow, qui courrait les seins nus, sa petite sous le bras qui tentait de ne laisser aucune goutte s'échapper, ne se souvenait plus exactement de la première altercation.  Comme elle n'était désormais plus la seule source à problème, elle rencontrait décidemment moins d'adversaires.  Du moins, jusqu'à ce que les marines ne débarquent.

      Deux tentèrent de l'arrêter, en se plaçant dans sa trajectoire.  Aussitôt, Old Crow baissa les épaules, assura sa prise sur Rosianne et se propulsa grâce à ses hanches.  Elle traversa la petite ligne de défense sans mal et arriva nez à nez avec ce qui semblait être un officier.  Elle l'invectiva du regard.

      « Gné ?  Rien fais moi...  C'vous qui m'chercher d'la mouise.  Comme si c'tait pas normal pour une mère d'nourrir son bébé...  Rosi ? »

      Crow regarda sous son bras et remarqua que sa fille n'était plus là.  D'un bref regard dans le chaos dans lequel était plongée la plage, elle ne put la retrouver.  Aussitôt, l'émotion monta et elle empoigna par le col l'officier Snake.  Les larmes coulaient sur ses joues.

      « Mon bébé....  OOOOUUU EST MON BEBEEEEEE !!!!! »
        Dans tout ce bazar, une personne semble sortir du lot. La femme aux seins nus. Déjà, parce qu'elle a
        une superbe paire de loche et qu'elle détourne l'attention de la plupart des hommes aux alentours, nous y compris. Mais surtout parce qu'elle fait valdinguer ses poings avec tellement de force qu'elle envoie valser tout ce qui se trouve sur son chemin. Si on parvient à l'arrêter, on va peut-être être en mesure de ramener un peu de calme sur cette île. En théorie bien entendu parce que pas mal de personnes ici sont en train de se taper dessus sans même savoir pourquoi. C'est l'effet mouton. Etre au milieu d'une situation sans en prendre part est frustrant pour un esprit humain. Ca fait se sentir à l'écart. Alors il faut participer pour s'intégrer.

        Malheureusement, les marins de terrains sont occupés à canaliser la foule et les rares à tenter de s'approcher d'elle finissent au tapis. On pourrait y aller, mais les blessés affluent plus rapidement qu'on ne peut les soigner. Un officier s'approche de nous et nous demande un topo mais est interrompu par la chute du corps de deux de ses hommes à nos pieds.


        -Ben, pour faire bref, faut voir avec elle.

        La femme arrive à notre hauteur quelques secondes plus tard. Effectivement, très jolie poitrine. On ne peut pas décrocher notre regard des deux sphères rosées alors l'officier tente de prendre les choses en main. Mais la demoiselle n'ait pas encline à se calmer. Elle cherche juste à nourrir son efnant. Aussi etonnant que ça puise paraître, la petite créature carnassière qui a semé le trouble à l'origine serait en réalité sa fille. Surement un hybride entre plusieurs espèces car aucun humain ne pourrait avoir la morphologie de la chose que l'on a vu passer tout à l'heure.

        Mais l'officier ne comprend pas. Et pour cause, l'enfant dont elle parle n'ait plus là. Sa poitrine est entièrement libre, pour notre plus grand bonheur. Après quelques secondes de silence, elle finit par le remarquer et se met à hurler. On s'approche des deux protagoniste en nous efforcant de lever le regard vers ses yeux. En vain.


        -C'est seulement maintenant que vous remarquez que votre fille n'est plus là ? Bon, officier, apparemment, on va pas pouvoir ramener le calme ici tant que cette petite créature carnivore se balladera entre les touristes. Et elle, elle ne va pas non plus se calmer tant qu'elle ne l'aura pas retrouvé.

        Et surtout, on ne vas pas pouvoir se concentrer sur les blessés tant que ces nibards seront à l'air... Donc il n'y a pas trente-six solutions. Il faut partir à la recherche de l'enfant, le capturer et le ramener à sa mère. Et vu le bordel qui règnent autour de nous, ça va pas être simple. Il va falloir que tout le monde soit sur le coup. On se tourne vers l'officier.

        -Monsieur. Marin médecin Dan Ki Qong pour vous servir. Il va falloir que vous fassiez passer le mot à tous vos hommes. On recherche un être d'une soixantaine de centimètres avec des cheveux roses d'après ce que j'ai pu voir. Moi je vais mettre mon équipe sur le coup mais soigner les blessés reste notre priorité. Mademoiselle, il va...

        Notre regard retombe sur les seins de la créature et nous perdons le fil de notre discussion.

        -Il va... il va falloir... Ahem! Il va falloir que vous coopériez et que vous arrêtiez de taper sur tous les agents que vous croisez. Ca me donne du boulot et ca ralentit tout le monde. Ne nous obligez pas à utiliser la manière forte. Et remontez votre maillot pour l'amour du ciel !

          Il avait suffit d’invectiver la nudiste pour avoir toute son attention. Un peu trop d’ailleurs, comme Joseph le réaliserait quelques secondes plus tard. Elle s’était dirigée directement vers lui, et avait manqué de l’injurier. Elle racontait qu’elle était en train de nourrir sa progéniture et qu’elle n’avait pas compris ce qui avait suivi. Ce fut à cet instant que le jeune Snake bloqua mentalement. C’était une femme. Et elle parlait de son enfant. Parce qu’en plus, dans ce remue ménage, elle avait perdu son gosse. Elle s’était fait attaquer par une créature saugrenue, avait collé des gnons à toute l’assistance, tout en alimentant son gamin ? Cela n’avait ni queue ni tête.

          « De nourrir votre… J’ai rien compris mais vous pourriez vous rhabiller parce que … » Tenta-t-il de négocier avec la fauteuse de trouble, avant que cette dernière n’éclate en sanglots. Elle venait de perdre le gamin, apparemment, et cela l’affectait au plus haut point. Elle se jeta presque sur Snake qui se figea d’effroi. C’était donc son heure de mourir, massacré par les poings vengeurs d’une mère désespérée ? Apparemment non. C’était plutôt l’heure de se faire secouer.

          « Non mais dites-donc, relâchez-moi ! Je ne suis pas un pommier ! »

          A cet instant, un médecin eut la bonne idée de les interrompre. Faisant le point sur la situation, il avait proposé un plan qui avait l’air d’être cohérent ce qui était plus que bon à prendre, dans le marasme actuel. Trouver le gamin. C’était concis, mais quelque part c’était surtout concret !

          « Non mais je ne suis pas officier, enfin pas encore, et ce ne sont pas mes hommes et … » commença-t-il avant d’avoir un flash, et de mieux comprendre la situation. Bon, c’était presque exclusivement grâce à l’intervention du médecin qu’il avait pu comprendre de quoi il s’agissait, mais tout de même, ce n’était pas évident de prime abord. Les hybrides ne courraient pas les rues, après tout. « Attendez, sa gamine et le machin qui mordille tout le monde c’est la même personne ? J’avais rien compris. Bon, ma p’tite dame, on va vous la retrouver votre gamine. Par contre il faut lâcher mon col maintenant, s’il vous plaît. Si vous le déchirez, ça sera retenu sur ma paie, et je ne roule pas sur l’or. »

          Toujours agrippé, le marin se tourna vers un groupe d’hommes qu’il connaissait au moins de vue. Ils avaient pris à parti un pauvre hère en maillot de bain et lui donnaient des vilains coups de pied dans les jambes en éructant quelques quolibets, ce qui fit froncer le sourcil du superviseur intérimaire. Il les pointa du doigt du mieux qu’il le pouvait, l’autre bonne femme toujours accrochée à son cou.

          « Hé vous là, non mais arrêtez de frapper sur ce malheureux ! Ca va chauffer en revenant au quartier général, tenez le pour dit. Bon, vous là, je disais, vous n’auriez pas vu un, … heu … un enfant homme poisson ? Non ? Et bien cherchez le. Comment ça pourquoi ? Mais j’vous en donnerai du pourquoi moi ! Cherchez-le et puis c’est tout ! » Ordonna-t-il, en tentant de paraître le plus sérieux possible. C’était évidemment peine perdue, mais la menace sous-entendue de tout raconter au vice-amiral sembla peser dans la balance. Déjà ils cessèrent de frapper le pauvre gars, qui en profita pour décamper, mais de surcroît ils se mirent à la recherche de la petite créature, ou du moins ils firent semblant de le faire… Quoi que. « Qu’est-ce qu’ils branlent ces cons ? Mais revenez ! Mais ne partez pas vers la plage, j’ai dit un homme poisson, pas un poisson tout court ! » Snake posa ses deux mains sur son visage, sombrant dans une stupeur froide.

          Pendant ce temps là, la gamine fuyarde ne se tournait pas les pouces. Loin de là même. Fondant à toute vitesse entre les jambes des passants, mordant de temps en temps certaines d’entre elles – surement pour rigoler – elle renversa un brasero. Ce dernier mit le feu à une chaise, puis à une table pour au final commencer à incendier tout un restaurant. Enervé comme jamais, le patron du respectable établissement fut pris d’une rage incontrôlable, et envoya ses serveurs, pour la plupart des bonhommes bodybuildés attraper la fautive, pendant qu’il essayait d’éteindre l’incendie avec l’aide de ses chefs cuistots.

          Une course poursuite commençait donc, entre la petite, une meute de serveurs, des marins et des médecins. Cela ne pouvait pas bien finir. Oh non. Aucune chance.
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          Une course poursuite venait donc de s’engager, au plus grand désespoir des habitants de l’île qui, peut-être ne le savaient-ils pas encore, allait assister à un évènement rare. Une sorte de fin des temps avant l’heure. Un Ragnarok motorisé. Enfin, motorisé … Le lieutenant colonel par intérim avait tout juste eu le temps d’enfourcher une bicyclette, avant de se lancer à la poursuite du rejeton de la hurlante jeune femme. De ses beuglements, elle semblait appeler son petit le plus fort possible.

          « Ouais enfin perso, vu comme elle gueule comme un putois, j’serais l’gamin que j’en aurais peur, bordel. Tu m’étonnes qu’il s’casse comme un chien dans une fusée… » Maugréa le marin alors qu’il esquivait un touriste en maillot de bain de justesse. Le vélo, avait la vitesse pour avantage, mais le risque pour inconvénient. Ce n’était pas très grave, après tout, il avait signé pour en baver, et poursuivre un gamin homme-poisson lancé à toute vitesse dans une foule effrayée n’était sans doute qu’un des nombreuses dangereuses missions qui l’attendaient.

          Le Serpent ne s’en était pas encore rendu compte, mais il venait de dépasser un groupe de jeunes éphèbes musclés et torse-nus qui poursuivaient la même cible. Ce ne fut que lorsqu’il entendit la voix rauque de celui qui semblait les mener hurler que son attention fut attirée. Il venait de baragouiner quelque chose qui ressemblait étrangement à « A mort le mutant. ». Joseph n’en était cependant pas sur, cependant de nombreux indices semblaient indiquer qu’ils ne voulaient pas que du bien à l’enfant. Déjà certains semblaient plutôt vindicatifs et portaient tous à la main des couteaux de cuisine. Leur leader, surement le maître d’hotel, se baladait carrément une broche à roti à la main. Etonnamment ils n’avaient pas l’air au top de leurs formes respectives, plusieurs d’entre eux arboraient quelques traces de suie sur les habits, quand il ne s’agissait pas de brulures légères au niveau de la peau. Il n’y avait pas de doute, cette bande de go-go-danseurs cherchaient des noises, et pire encore, ils risquaient de blesser quelqu’un avec leurs longues lames. D’un dérapage – presque – contrôlé, il envoya valdinguer la bicyclette sur le peloton, et par la même occasion, en coucha la plupart. Il venait de gagner quelques secondes, voir minutes.

          « Bon les nudistes, on arrête ça tout de suite ! »
          « Putain t’es qui toi ? T’es un vrai danger public t’as failli nous tuer avec ton vélo de m… »
          « J’ai dit qu’on arrêtait ça, bon sang d’bonsoir. Respectez un peu l’uniforme, même s’il est un peu froissé au niveau du col, ça j’y peux rien c’est l’autre folle qui m’a secoué comme jamais. »


          Snake était très énervé. Il venait de faire repasser sa veste d’uniforme et elle était froissée comme jamais. Il allait sans aucun doute se faire reprendre par le vice-amiral, et le poste de lieutenant colonel allait lui passer sous le nez. Tout ça à cause d’une chemise mal repassée. En plus, sa petite escapade cyclique avait taché le bas de son pantalon, ce dernier ayant malencontreusement touché la chaine. Les tâches d’huile ne risquaient pas de partir de sitôt. Alors si ces débiles avaient l’outrecuidance de lui chercher des noises, ils allaient le trouver. Et cela évidemment, ne rata pas. Leur chef, ce maître d’hotel de pacotille, se jeta sur lui sans sommation, de sa broche il tenta de le traverser de part en part, l’éclaboussant par la même occasion d’une gerbe d’huile.

          « Nooooooooooooooooooooon ! » Cria le sous-officier alors que son visage se déformait sous le coup de la colère. « Pas la veste bordel de cul ! J’vais te zigouiller, espèce de ...» s’époumona-t-il, s’élançant vers l’idiot, qui s’était éloigne de quelques pas, effrayé par le hurlement. Heureusement pour le pauvre hère, d’autres marins venaient de rejoindre l’attroupement, et tentèrent de calmer leur chef. « Chef, calmez vous, c’est qu’une tache ! » « Chef, on avait dit qu’il fallait être discrets ! » « Chef, faut qu’on arrête l’autre machin rose là, chef ! » Se mordant l’intérieur de la joue, Joseph réussit tout juste à se calmer. « Foutez moi tout ça aux fers, ça leur fera les pieds ! » balança-t-il avant de se rappeler qu’il avait mieux à faire que de s’occuper de fauteurs de trouble.

          Il était d’ailleurs à deux doigts de se relancer à la poursuite de la petite bête lorsqu’un médecin le héla. « Dites ! Ah, enfin vous voila ! » Réussit-il tout juste à prononcer avant de se plier en deux. Le toubib devant lui venait sans doute de courir comme rarement avant. « Oui, donc, le gamin-poisson là, on l’a retrouvé, il est là bas, mais y’a un problème. Vous allez voir ! » Allons donc, mais qu’est-ce que cette île de malheur lui réservait encore ? Il lui suffit de faire quelques mètres pour comprendre. Un puits. Un foutu puits. Et évidemment, le rejeton de l’exhibitionniste était tombé au fond de ce dernier. Et évidemment, il était trop fin pour que quiconque de sensé ne puisse y descendre.

          Il devait réfléchir, après tout, s’il ne récupérait pas le petit, la femme ne risquait pas de s’arrêter. Ni de se crier, ni de coller des roustes à tout un chacun. Dans tous les cas, c’était aussi énervant que dangereux. Il n’y avait pas deux mille solutions, il fallait extraire le garnement du trou dans lequel il s’était réfugié, et le plus vite serait le mieux. L’idée lui vint comme un flash. Le gamin n’avait qu’un seul but dans la vie, ou pas loin, en dehors de beugler comme un taureau : mordiller tout ce qui se trouvait à portée de bouche. Se munissant d’une corde, il fit descendre un morceau dans le trou. Il fallait donc que le gosse croque dans cette dernière et … et du coup rien du tout. Le plan n’était pas sans accroc : le gamin avait ignoré la corde, ne représentant pas de grand intérêt pour ses papilles gustatives.

          Évidemment, s’ils allaient à la pèche, ce n’était pas tout de se pointer avec un hameçon, encore fallait-il un appât. Se passant la main sur le visage quelques secondes, Snake balaya l’assistance le regard inquisiteur, avant de s’arrêter sur une pastèque. La pointant du doigt, il demanda à ce qu’on l’attache au bout de la corde. Sauf qu’encore une fois, il n’avait pas tout prévu. Le gosse avait avalé la pastèque et un bon bout de corde d’un seul coup de dent. « Mais bon sang, il a quoi ce gosse à la place des dents, des couteaux ? » se plaint Joseph alors qu’il levait les bras au ciel. « Trouvez un truc qu’il ne puisse pas avaler tout cru. Ne me regardez pas comme ça ! J’en sais rien moi, une selle de cheval, une batte en métal, un parpaing ! Trouvez quelque chose ! »

          Au final, la pèche finit par porter ses fruits, grâce à une vieille ancre en fer. Une fois que le petit monstre eut planté ses dents dans le métal, plusieurs marins remontèrent la corde. « Soyez prêts, une fois qu’il sort, tout le monde se jette sur lui ! » Susurra Joseph, sans trop savoir pourquoi il avait baissé le volume. A peine la petite bête avait fait surface qu’elle se retrouvait sous une pile d’hommes de la marine, donc certains semblaient crier. « Je l’ai ! » « Moi aussi ! » « Non c’est mon pied que t’as attrapé ! » « Elle me mord le bras aaaaah ! ».

          L’officier n’eut d’ailleurs pas trop de mal à retrouver la mère de l’enfant, cette dernière les chargeant sans réfléchir. Elle voulait son enfant et le voulait maintenant. A une vitesse ahurissante, elle enchaîna les feintes, les bourre-pifs, les coups de pied, et se positionna face à Snake qui tenait tant bien que mal le petit sous son bras. Le marin analysa la situation du mieux qu’il le put, et se contenta donc de le tendre à la maman, qui, soulagée, se calma dans la seconde. Alors que deux soldats s’approchaient d’elle, il leva la main pour les arrêter. Ils avaient autant de chances de l’arrêter que lui de devenir miss-monde. « Maintenant, faut partir madame. » A peine avait-il prononcé ces mots, que d'un bond, elle s'était mêlé à la foule. Pour le salut de ses tympans.



          A son retour de l’île il eut beaucoup de mal à expliquer dans son rapport comment une femme top-less, un gamin déchaîné, des marins saouls et des serveurs exhibitionnistes avaient bien pu mettre un tel bazar. Mais dans tous les cas ce n’était ni sa première, ni sa dernière déconvenue avec ses supérieurs…
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