Volant dans le ciel noir de la nuit, je me dirige machinalement vers la plage où j'avais l'habitude de me réfugier. Dans cet arbre, exactement. Celui qui m'a toujours accueilli dans ses branches, celui dans lequel je rangeais mes affaires, là où je regardais la mer pendant des heures, seule, espérant vainement le retour de Léo.
C'est aussi là où je pleurais, enfant, lorsque les autres gosses m'embêtaient.
Et aujourd'hui, je m'y pose parce que je n'arrive à rien. Le doute m'oppresse a tel point qu'il surpasse ma tristesse. Je suis revenue sur cette île parce que mon père est mort, parce que ma mère est seule. Mais la vérité est là : j'ai peur. Je suis tétanisée à l'idée de sa réaction.
Et j'ai honte. Pour la première fois en deux ans, j'ai honte de ce que je suis devenue. J'ai honte de ce que j'ai accomplie.
Du vent, des méfaits.
Une Pirate. Une criminelle.
J'ai tué des gens, sans aucun remord. J'ai imposé mes idées, j'ai été égoïste. Et j'ai été heureuse avec tout ça. Et tandis que je faisais régner ma propre loi, mon père mourrait. Tandis que je nageais dans l’opulence, ma mère dépérissait. Posée sur l'enchevêtrement de branches qui m'a toujours soutenue, roulée dans ma couverture, je regarde cette mer que j'ai tant regardée. Le va et vient des vagues m'apaise, m'aide à réfléchir.
Lorsque j'ai appris que Tahar était mon père, j'ai commencé à pendre son nom. J'en étais fière en quelque sorte, je voulais, par ce geste, lui montrer que je l'acceptais tel qu'il était. Quand il est venu me sauvé sur Stymphale, j'ai vraiment pensé que cette fois, plus rien ne nous séparerait.
Et puis, il a failli me tuer.
Et je l'ai cru mort.
Doucement, j'ai commencé à l'oublier, oublier la signification de ce "Tahgel" que j'arborais. Et quand j'ai appris pour Géralt, j'ai voulu revenir en arrière. Remettre ce nom "Sélindé" en avant pour faire savoir au monde que j'étais fière d'être la fille de ce forgeron et de cette cuisinière. La fille de ce petit couple jugé quelconque par n'importe qui.
Mais maintenant, je comprends que ce n'est pas la chose à faire.
Par ce nom que j'ai diffusé de part le monde, que j'ai fait associé à la piraterie, j'ai causé du tort à mes parents. Et maintenant mon père est mort.
Je dois protéger ma mère de mes choix. Plus jamais je ne devrai la revoir.
Plus jamais je ne.
Des bruits de pas coupe ma pensée. A quelques mètres en dessous de moi, une lumière brille au milieu de la nuit. Marchant dans la faible couche de neige fraîche, Malia s'approche. Paniquée par sa présence, je déploie mes pouvoirs météorologique et crée de l'air chaud autour de moi pour me rendre invisible au milieu des branches. Cette technique demande quelques minutes de mise en place, et Malia se rapproche vite. Mon cœur bat à cent à l'heure, j'ai l'impression qu'il va explosé. De la sueur perle sur mon front, elle ne doit pas me voir.
Je ne veux pas qu'elle me voit.
La voila enfin au pied du tronc. Pendant une seconde, je bloque ma respiration, les yeux fermées, crispée au plus haut point, j'attends le verdict. Les secondes s'enchaînent, chacune me donnant l'impression d'une éternité.
Et finalement la neige crisse sous les mouvements de Malia. Relâchant la pression sous son silence prolongé, je regarde ce qu'elle fait : elle s'est assise au pied de l'arbre et son regard fixe les vagues.
J'ai bien cru qu'elle était revenue cette fois, tu sais.
Intriguée, je remarque qu'elle tient dans ses mains son pendentif ou se trouve toujours la photo de mon père.
Au moins, elle n'a pas redisparue... On parlait encore d'elle dans les journaux récemment.
Je me pince les lèvres, la honte m'envahissant de nouveau. Sur le chemin, j'ai détruit un navire de la transliéenne et par cette acte ma prime a encore été augmentée...
Je me demande ce qu'elle fait en ce moment...
Sans doute imagine t'elle que je suis entrain de commettre des atrocités comme tout bon pirate, et si je n'étais pas là, c'est surement ce que j'aurai fait d'ailleurs... Entraînée par Red et ses idées d'attaque d'empereurs...
J'espère qu'elle...
Malia s'interromps et regarde droit devant elle, attentive. Rapidement, elle se relève et pointe sa lanterne vers la mer.
Qui est là ?
Perplexe, je regarde dans la même direction qu'elle. Là, sortant de l'eau, une silhouette s'approche d'elle. Entrant finalement dans la lumière, Léo arrive et jette un regard discret dans ma direction. Je blêmis. M'a-t-il vu ? Qu'est ce qu'il vient faire là ? Pourquoi maintenant ?
Et puis, c'est le déclic. Cet homme maîtrise le haki de l'empathie, forcement qu'il sait que je suis là, dans mon arbre, et ce même si sa vue lui disait le contraire.
Trempé, ce fou a du plonger à l'eau pour rejoindre l'île à la nage. J'en frissonne rien que d'y penser et ressert ma couverture sur moi.
Mais plus important, il ne doit rien dire. Alors, intensément, je pense ces mots "Ne dis rien, je ne suis pas là ! Ne dis rien, je ne suis pas là !" et j'espère qu'ils atteindront son haki.
Léo ? C'est bien toi ?! Tu... Tu es revenu..?
Malia s'agite en le voyant, regardant tout autour de lui, notamment derrière, comme si sa présence devait apporté quelque chose qu'elle attendait. Posant une main sur son épaule, Léo réussit à canaliser son attention.
Je suis désolé Malia, elle n'est pas avec moi. Assieds toi et discutons, d'accord ?
D'un coup, le visage de Malia se tourne vers le sol, attristé. Léo profite de cet instant pour me regarder sévèrement, mais prise dans ma spirale de peur, je me recroqueville sur moi même et n'arrive qu'à faire "non" de la tête.
Et finalement, Malia s'assoie et regarde une fois de plus Léo.
Oh mais tu es trempé ! Tu vas attrapé la mort comme ça ! Allons à la maison, nous serons mieux.
Malia tente de se relever mais Léo l'en empêche gentiment.
Non, nous sommes bien ici. Ne t'en fais pas pour moi.
Alors prends au moins ça.
Elle lui tend la couverture qu'elle a ramené avec elle. Sans bronché, Léo s'enroule dedans et la remercie avant de s'asseoir à côté d'elle. Un silence s'installe quelques instants. Un silence gênant, pesant.
Et finalement, ne tenant plus, Malia se lance.
L'as-tu vue ?
Oui. Je l'ai finalement retrouvée sur la grande citée pirate du capitaine Red... Et je dois dire que ces retrouvailles ne se sont pas vraiment passé comme je l'espérais.
Elle va bien ? S'il te plait Léo, dis moi qu'elle va bien !
Voir ma mère s'agiter ainsi, inquiète de mon bien-être, me serre le cœur. Elle devrait être en colère, me haïr, me détester... Je ne la mérite pas.
Elle est en sécurité maintenant et elle est devenue plus forte que la plupart des gens de ce monde.
Maintenant ? Il lui ait arrivé quelque chose ? S'il te plait Léo ! Dis moi tout ce que tu sais !
Malia, calme toi d'accord. Elle ne risque plus rien maintenant. Izya a de nombreux alliés qui ne la laisseront pas tomber, je peux te l'assurer.
Tu parles du capitaine Red, c'est ça ? Et s'il l'utilisait ?!
Ne t'en fais pas. Je l'ai rencontré et je suis sûr que ce n'est pas le cas. Et puis, tu connais Izya, têtue comme elle est, qui réussirai à la manipuler ?
Elle est devenue pirate...
Elle est devenue reine, Malia. Il y a tout un peuple qui l'écoute et suit ses ordres sans discuter. Si elle est devenue pirate, je pense que c'est justement pour que personne n'ai à lui dicter sa conduite.
Malia reste pensive sous les mots de Léo. De mon côté, je n'arrive pas à imaginer ses pensées. Sans doute se rend-t-elle compte de mon égoïsme ? Car si je n'ai pas été manipulée comme elle le pensait, c'est bien que j'ai agi dans mon seul intérêt sans penser aux conséquences que cela pourrait avoir pour ma famille.
C'est ce qu'elle devrait penser.
Et tandis que Malia réfléchis, Léo penche sa tête en arrière et me regarde. Lentement, je le vois articuler sans bruit un simple mot "Descend". Maintenant toujours mon atmosphère propice au mirage et à mon invisibilité, je ne réponds pas, ni ne secoue la tête. Je devrais sans doute l'écouter.
Sans doute...
Tu sais, j'ai vraiment cru qu'elle était revenue ce soir. Il y a eu du bruit dans sa chambre et puis... J'ai trouvé ça.
Dans ses mains, Malia tourne et retourne une plume blanche. Voyant son trésor, je panique et tente de regarder mes ailes pour comparer aux miennes. En gigotant, je fais craquer une branche. Je me fige sous le bruit. Ma mère regarde en l'air, perplexe, mais elle ne voit rien.
Mais il faut croire que c'était une vieille plume sortie de je ne sais où... j'ai raison non ?
Une fois de plus, Léo regarde dans ma direction, dépasser par ce qu'il doit dire. Mais je ne lui prête pas d'attention. Mes yeux sont figés sur le visage de ma mère, au bord des larmes.
Probablement...
Un nouveau silence s'en suit où Malia repose son regard perdu sur ma plume.
Tu sais où elle se trouve actuellement ?
Cette fois, Léo soupir avant de prendre la parole.
Lorsque je lui ai appris la mort de Géralt.
Tu lui as dit ?! Tu lui as dit que ce n'étais pas sa faute, hein ? Léo, tu lui as bien dis qu'elle n'y étais pour rien ? Parce que c'est vrai, elle ne doit pas se le reprocher, tu m'entends Léo, elle ne le doit pas !
Je. J'ai dis que c'était le gouvernement le coupable Malia, et comme je t'ai dis, notre rencontre ne s'est pas passé comme je l'aurai voulu... Il y avait ce Reyson et...
Tu ne lui as pas dis. Tu ne lui as pas dit et maintenant elle doit penser que c'est sa faute.
Calme toi Malia, je suis sûre qu'elle ne le pense pas et...
C'est pas sa faute, Léo ! C'est Géralt qui est parti, qui s'est inquiété ! Elle n'est pas responsable !
Je sais Malia, rassied toi, s'il te plait.
Mais si elle le pense ?! Elle ne reviendra jamais ! Elle voudra disparaître de ma vie !
Mais non, je suis sûr que.
Tu ne sais rien ! Elle l'a déjà fait ! Pour toi, elle a déjà voulu disparaître sous le poids de la culpabilité ! C'est Ma fille ! Je la connais ! Elle ne doit pas sortir de ma vie ! J'ai besoin d'elle !
IZ.
Il n'a pas besoin de m'appeler que déjà j'atterrie devant ma mère dont les mots se perdent en me voyant. Des larmes pleins les yeux, je la regarde sans détourner le regard. Je n'ai pas à avoir honte de ce que je suis devenue, je n'ai pas non plus à culpabilisé pour ce qui s'est passé. Tout ce que je peux faire, c'est l'accepter.
L'accepter avec elle.
Alors je la prends dans mes bras, laissant mes larmes couler sur son épaule. Encore sous le choc de me voir, Malia a du mal à réaliser.
Tu étais là ?
Les mots s'étranglent à moitié dans sa gorge, et moi même je suis incapable de parler. Alors je secoue simplement la tête. Et finalement, nous nous laissons toutes les deux emportées par l'émotion de nos retrouvailles où se mêle la joie de se revoir, mais aussi la tristesse de la perte d'un être cher.