Après quelques temps passés en mer, Matt et moi étions enfin arrivés sur Boréa.
Nous avions fui le lendemain des événements à la base de la 257e division, en compagnie des Venici, et avions sauté dans le premier navire de transport venu, proposant nos services contre un déplacement opportun. Pour appuyer notre CV, Matt cru bon d'assommer deux mousses affiliés à ce même navire et de les cacher derrière des caisses dans l'un des docks... Je me surpris à n'éprouver aucun remord.
Lâchant mes cordages et le voleur sa serpillière, nous descendîmes du bateau soulagés et...
- Bordel, fait froid !
Gelés.
Nous n'étions plus en hiver, mais ici c'était tout comme. Lavallière, ville où nous avions accosté, semblait être un lieu plein de vie. La foule de gens qui s'agitait en extérieur confirmait mes pensées : la température ambiante était une banalité pour les autochtones. La plupart portait une veste courte, surtout les ouvriers de terrain, les autres possédaient des vêtements chauds, en majorité rouges à fourrure blanche. Certaines femmes étaient en robes. Brr !
Nous fîmes à peine quelques pas dans le port que deux miliciens, reconnaissables à leurs armes et à leur tenue, nous accueillirent d'une poignée de main, nous parlèrent des règles en vigueur sur Boréa et nous demandèrent la raison de notre venue.
- Nous sommes des voyageurs : en échange de quelques services, nous nous déplaçons d'île en île sur des bateaux de commerce ou des navires de transport afin de découvrir le monde... Comme nous comptons rester ici quelques temps, nous souhaitons aller à une auberge, histoire de loger quelque part dans un premier temps.
Dans le fond, il y avait une part de vérité. Nous omettions seulement le fait que nous étions hors-la-loi. Hochant la tête en signe de compréhension, les deux hommes nous accompagnèrent jusqu'à une auberge proche du centre-ville. Nous serrâmes la main à presque toute la clientèle ainsi qu'au gérant et fûmes invités à boire une boisson réputée, connue pour être une tradition de bienvenue à Bocande, plus au nord de l'île : la bierraubeurre.
- Désolé, je suis mineur et...
- Oh tais-toi donc et profite un peu ! On aura certainement pas droit à ce genre d'accueil à chaque fois !
Décidément Matt savait profiter de la situation, qu'elle fut bonne ou mauvaise. Sans doute parlait-il par expérience. Et puis au diable les principes et les manières ! On ne pouvait pas refuser un présent de la part d'un hôte. Je bus une gorgée.
"C'est amer" fut ma première pensée, jusqu'à ce que le goût change pour laisser la place à quelque chose de doux et de légèrement sucré, à la sortie du palais. La sensation n'était pas désagréable et je me surpris à descendre ma pinte en à peine dix secondes. Matt m'avait regardé faire et s'était mis à rire lorsque je ressentis mon premier coup de chaud.
Assis là, sur mon tabouret depuis le comptoir, je me mis à mon aise et regardais autour de moi. Une petite scène improvisée accueillait des musiciens qui jouaient une musique entraînante sur laquelle dansait la plupart des clients. Plusieurs fenêtres laissaient filtrer la lumière du dehors qui rebondissait sur un sol en pierre claire, offrant une clarté plus qu'appréciable. Le meuble sur lequel reposaient les bouteilles derrière le gérant était plutôt vieux, mais le style de la manufacture était en parfait accord avec l'endroit. L'ambiance des lieux m'enivrait et je commandais un deuxième verre de bierraubeurre. Pas mauvais, ce truc.
Il était tard, très tard, lorsque mon ami et moi atteignîmes notre chambre. Le voleur m'aidait à marcher droit tandis que je pouffais de rire.
- Héhé... Et là il a dit "C'était pas mon doigt !" Héhé hahaha...
- Oui oui, très drôle ! Maintenant pose-toi sur ton lit.
- Nan mais t'as compris, en fait il parlait de sa...
- J'ai compris, j'ai compris ! Je pense être assez bien placé pour savoir de quoi il parlait.
- Pas faux.
"Sweety" m'offrit un sourire moqueur. Je répondis par un rictus pitoyable. Enfin c'était ce qu'il me semblait. Je ne savais plus trop. J'étais dans un bien bel état !
- Pfiou... Tu sais quoi Matt ? J'étais en train de penser à un truc.
- Ah, tu penses toi ?
- Oh la ferme ! Je voulais juste dire : depuis que je te connais j'ai eu droit à pas mal de premières fois. De découvertes et tout.
- Oh maintenant que tu le dis... Mais il te manque encore LA première fois. Veux-tu que je t'aide à la découvrir ?
- Boaah là je pense pas être en état.
- Et demain ?
- Nan plus. Suis pas assez alcoolisé pour changer de bord hein.
- Dommage.
- Sauvé par la modération.
- Tu tiens à peine debout et tu parles de modération ? Remarque, temps qu'on en parle, c'est sûrement ton plus gros défaut : tu es trop modéré, Arhye. Il te manque encore un bon brin de caractère pour te prétendre un vrai pirate, à mon sens.
J'ouvris la bouche, puis la refermai. Je pris bien le temps d'assimiler ce qu'il venait de me dire, remettant les mots dans l'ordre, et fut obligé d'en accepter la véracité. Je limitais mes actes par des principes qui n'avaient plus leur place dans le monde que j'avais choisi d'intégrer. Ce n'était que depuis que j'avais rencontré ce voleur que j'avais réellement commencé à changer, à m'endurcir l'esprit. Il était l'heure pour moi d'assumer pleinement mon choix. Et pour ce faire :
- On va avoir besoin d'argent.
- On en a.
- De beaucoup d'argent.
- On en a beaucoup.
- Assez pour s'offrir un beau bateau. Et des hommes. Assez pour acheter leur confiance...
- Oh alors dans ce cas... Je pense avoir la solution.
Je regardais Matt dans les yeux. Du moins j'essayais. Son sourire espiègle était de retour et je n'étais pas certain de savoir de quoi il en retournait. De toute manière, j'avais un autre souhait en tête à l'instant et m'empressais de le réaliser. Mon ami fit quelques pas en cercle, mimant la réflexion, puis :
- Est-ce que tu as déjà entendu parler de "Shadow Law" ?
- ...
- ... Arhye ?
- ... Zzz.
- Qu-quoi, déjà ?! Oh et puis zut.
Nous avions fui le lendemain des événements à la base de la 257e division, en compagnie des Venici, et avions sauté dans le premier navire de transport venu, proposant nos services contre un déplacement opportun. Pour appuyer notre CV, Matt cru bon d'assommer deux mousses affiliés à ce même navire et de les cacher derrière des caisses dans l'un des docks... Je me surpris à n'éprouver aucun remord.
Lâchant mes cordages et le voleur sa serpillière, nous descendîmes du bateau soulagés et...
- Bordel, fait froid !
Gelés.
Nous n'étions plus en hiver, mais ici c'était tout comme. Lavallière, ville où nous avions accosté, semblait être un lieu plein de vie. La foule de gens qui s'agitait en extérieur confirmait mes pensées : la température ambiante était une banalité pour les autochtones. La plupart portait une veste courte, surtout les ouvriers de terrain, les autres possédaient des vêtements chauds, en majorité rouges à fourrure blanche. Certaines femmes étaient en robes. Brr !
Nous fîmes à peine quelques pas dans le port que deux miliciens, reconnaissables à leurs armes et à leur tenue, nous accueillirent d'une poignée de main, nous parlèrent des règles en vigueur sur Boréa et nous demandèrent la raison de notre venue.
- Nous sommes des voyageurs : en échange de quelques services, nous nous déplaçons d'île en île sur des bateaux de commerce ou des navires de transport afin de découvrir le monde... Comme nous comptons rester ici quelques temps, nous souhaitons aller à une auberge, histoire de loger quelque part dans un premier temps.
Dans le fond, il y avait une part de vérité. Nous omettions seulement le fait que nous étions hors-la-loi. Hochant la tête en signe de compréhension, les deux hommes nous accompagnèrent jusqu'à une auberge proche du centre-ville. Nous serrâmes la main à presque toute la clientèle ainsi qu'au gérant et fûmes invités à boire une boisson réputée, connue pour être une tradition de bienvenue à Bocande, plus au nord de l'île : la bierraubeurre.
- Désolé, je suis mineur et...
- Oh tais-toi donc et profite un peu ! On aura certainement pas droit à ce genre d'accueil à chaque fois !
Décidément Matt savait profiter de la situation, qu'elle fut bonne ou mauvaise. Sans doute parlait-il par expérience. Et puis au diable les principes et les manières ! On ne pouvait pas refuser un présent de la part d'un hôte. Je bus une gorgée.
"C'est amer" fut ma première pensée, jusqu'à ce que le goût change pour laisser la place à quelque chose de doux et de légèrement sucré, à la sortie du palais. La sensation n'était pas désagréable et je me surpris à descendre ma pinte en à peine dix secondes. Matt m'avait regardé faire et s'était mis à rire lorsque je ressentis mon premier coup de chaud.
Assis là, sur mon tabouret depuis le comptoir, je me mis à mon aise et regardais autour de moi. Une petite scène improvisée accueillait des musiciens qui jouaient une musique entraînante sur laquelle dansait la plupart des clients. Plusieurs fenêtres laissaient filtrer la lumière du dehors qui rebondissait sur un sol en pierre claire, offrant une clarté plus qu'appréciable. Le meuble sur lequel reposaient les bouteilles derrière le gérant était plutôt vieux, mais le style de la manufacture était en parfait accord avec l'endroit. L'ambiance des lieux m'enivrait et je commandais un deuxième verre de bierraubeurre. Pas mauvais, ce truc.
Il était tard, très tard, lorsque mon ami et moi atteignîmes notre chambre. Le voleur m'aidait à marcher droit tandis que je pouffais de rire.
- Héhé... Et là il a dit "C'était pas mon doigt !" Héhé hahaha...
- Oui oui, très drôle ! Maintenant pose-toi sur ton lit.
- Nan mais t'as compris, en fait il parlait de sa...
- J'ai compris, j'ai compris ! Je pense être assez bien placé pour savoir de quoi il parlait.
- Pas faux.
"Sweety" m'offrit un sourire moqueur. Je répondis par un rictus pitoyable. Enfin c'était ce qu'il me semblait. Je ne savais plus trop. J'étais dans un bien bel état !
- Pfiou... Tu sais quoi Matt ? J'étais en train de penser à un truc.
- Ah, tu penses toi ?
- Oh la ferme ! Je voulais juste dire : depuis que je te connais j'ai eu droit à pas mal de premières fois. De découvertes et tout.
- Oh maintenant que tu le dis... Mais il te manque encore LA première fois. Veux-tu que je t'aide à la découvrir ?
- Boaah là je pense pas être en état.
- Et demain ?
- Nan plus. Suis pas assez alcoolisé pour changer de bord hein.
- Dommage.
- Sauvé par la modération.
- Tu tiens à peine debout et tu parles de modération ? Remarque, temps qu'on en parle, c'est sûrement ton plus gros défaut : tu es trop modéré, Arhye. Il te manque encore un bon brin de caractère pour te prétendre un vrai pirate, à mon sens.
J'ouvris la bouche, puis la refermai. Je pris bien le temps d'assimiler ce qu'il venait de me dire, remettant les mots dans l'ordre, et fut obligé d'en accepter la véracité. Je limitais mes actes par des principes qui n'avaient plus leur place dans le monde que j'avais choisi d'intégrer. Ce n'était que depuis que j'avais rencontré ce voleur que j'avais réellement commencé à changer, à m'endurcir l'esprit. Il était l'heure pour moi d'assumer pleinement mon choix. Et pour ce faire :
- On va avoir besoin d'argent.
- On en a.
- De beaucoup d'argent.
- On en a beaucoup.
- Assez pour s'offrir un beau bateau. Et des hommes. Assez pour acheter leur confiance...
- Oh alors dans ce cas... Je pense avoir la solution.
Je regardais Matt dans les yeux. Du moins j'essayais. Son sourire espiègle était de retour et je n'étais pas certain de savoir de quoi il en retournait. De toute manière, j'avais un autre souhait en tête à l'instant et m'empressais de le réaliser. Mon ami fit quelques pas en cercle, mimant la réflexion, puis :
- Est-ce que tu as déjà entendu parler de "Shadow Law" ?
- ...
- ... Arhye ?
- ... Zzz.
- Qu-quoi, déjà ?! Oh et puis zut.
Dernière édition par Arhye Frost le Lun 12 Déc 2016 - 21:02, édité 1 fois