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Faire bonne figure un pistolet sur la tempe

Après quelques temps passés en mer, Matt et moi étions enfin arrivés sur Boréa.
 Nous avions fui le lendemain des événements à la base de la 257e division, en compagnie des Venici, et avions sauté dans le premier navire de transport venu, proposant nos services contre un déplacement opportun. Pour appuyer notre CV, Matt cru bon d'assommer deux mousses affiliés à ce même navire et de les cacher derrière des caisses dans l'un des docks... Je me surpris à n'éprouver aucun remord.

  Lâchant mes cordages et le voleur sa serpillière, nous descendîmes du bateau soulagés et...

- Bordel, fait froid !

 Gelés.
 Nous n'étions plus en hiver, mais ici c'était tout comme. Lavallière, ville où nous avions accosté, semblait être un lieu plein de vie. La foule de gens qui s'agitait en extérieur confirmait mes pensées : la température ambiante était une banalité pour les autochtones. La plupart portait une veste courte, surtout les ouvriers de terrain, les autres possédaient des vêtements chauds, en majorité rouges à fourrure blanche. Certaines femmes étaient en robes. Brr !

 Nous fîmes à peine quelques pas dans le port que deux miliciens, reconnaissables à leurs armes et à leur tenue, nous accueillirent d'une poignée de main, nous parlèrent des règles en vigueur sur Boréa et nous demandèrent la raison de notre venue.

- Nous sommes des voyageurs : en échange de quelques services, nous nous déplaçons d'île en île sur des bateaux de commerce ou des navires de transport afin de découvrir le monde... Comme nous comptons rester ici quelques temps, nous souhaitons aller à une auberge, histoire de loger quelque part dans un premier temps.

 Dans le fond, il y avait une part de vérité. Nous omettions seulement le fait que nous étions hors-la-loi. Hochant la tête en signe de compréhension, les deux hommes nous accompagnèrent jusqu'à une auberge proche du centre-ville. Nous serrâmes la main à presque toute la clientèle ainsi qu'au gérant et fûmes invités à boire une boisson réputée, connue pour être une tradition de bienvenue à Bocande, plus au nord de l'île : la bierraubeurre.

- Désolé, je suis mineur et...
- Oh tais-toi donc et profite un peu ! On aura certainement pas droit à ce genre d'accueil à chaque fois !

 Décidément Matt savait profiter de la situation, qu'elle fut bonne ou mauvaise. Sans doute parlait-il par expérience. Et puis au diable les principes et les manières ! On ne pouvait pas refuser un présent de la part d'un hôte. Je bus une gorgée.
"C'est amer" fut ma première pensée, jusqu'à ce que le goût change pour laisser la place à quelque chose de doux et de légèrement sucré, à la sortie du palais. La sensation n'était pas désagréable et je me surpris à descendre ma pinte en à peine dix secondes. Matt m'avait regardé faire et s'était mis à rire lorsque je ressentis mon premier coup de chaud.

 Assis là, sur mon tabouret depuis le comptoir, je me mis à mon aise et regardais autour de moi. Une petite scène improvisée accueillait des musiciens qui jouaient une musique entraînante sur laquelle dansait la plupart des clients. Plusieurs fenêtres laissaient filtrer la lumière du dehors qui rebondissait sur un sol en pierre claire, offrant une clarté plus qu'appréciable. Le meuble sur lequel reposaient les bouteilles derrière le gérant était plutôt vieux, mais le style de la manufacture était en parfait accord avec l'endroit. L'ambiance des lieux m'enivrait et je commandais un deuxième verre de bierraubeurre. Pas mauvais, ce truc.

 Il était tard, très tard, lorsque mon ami et moi atteignîmes notre chambre. Le voleur m'aidait à marcher droit tandis que je pouffais de rire.

- Héhé... Et là il a dit "C'était pas mon doigt !" Héhé hahaha...
- Oui oui, très drôle ! Maintenant pose-toi sur ton lit.
- Nan mais t'as compris, en fait il parlait de sa...
- J'ai compris, j'ai compris ! Je pense être assez bien placé pour savoir de quoi il parlait.
- Pas faux.

 "Sweety" m'offrit un sourire moqueur. Je répondis par un rictus pitoyable. Enfin c'était ce qu'il me semblait. Je ne savais plus trop. J'étais dans un bien bel état !

- Pfiou... Tu sais quoi Matt ? J'étais en train de penser à un truc.
- Ah, tu penses toi ?
- Oh la ferme ! Je voulais juste dire : depuis que je te connais j'ai eu droit à pas mal de premières fois. De découvertes et tout.
- Oh maintenant que tu le dis... Mais il te manque encore LA première fois. Veux-tu que je t'aide à la découvrir ?
- Boaah là je pense pas être en état.
- Et demain ?
- Nan plus. Suis pas assez alcoolisé pour changer de bord hein.
- Dommage.
- Sauvé par la modération.
- Tu tiens à peine debout et tu parles de modération ? Remarque, temps qu'on en parle, c'est sûrement ton plus gros défaut : tu es trop modéré, Arhye. Il te manque encore un bon brin de caractère pour te prétendre un vrai pirate, à mon sens.

 J'ouvris la bouche, puis la refermai. Je pris bien le temps d'assimiler ce qu'il venait de me dire, remettant les mots dans l'ordre, et fut obligé d'en accepter la véracité. Je limitais mes actes par des principes qui n'avaient plus leur place dans le monde que j'avais choisi d'intégrer. Ce n'était que depuis que j'avais rencontré ce voleur que j'avais réellement commencé à changer, à m'endurcir l'esprit. Il était l'heure pour moi d'assumer pleinement mon choix. Et pour ce faire :

- On va avoir besoin d'argent.
- On en a.
- De beaucoup d'argent.
- On en a beaucoup.
- Assez pour s'offrir un beau bateau. Et des hommes. Assez pour acheter leur confiance...
- Oh alors dans ce cas... Je pense avoir la solution.

 Je regardais Matt dans les yeux. Du moins j'essayais. Son sourire espiègle était de retour et je n'étais pas certain de savoir de quoi il en retournait. De toute manière, j'avais un autre souhait en tête à l'instant et m'empressais de le réaliser. Mon ami fit quelques pas en cercle, mimant la réflexion, puis :

- Est-ce que tu as déjà entendu parler de "Shadow Law" ?
- ...
- ... Arhye ?
- ... Zzz.
- Qu-quoi, déjà ?! Oh et puis zut.


Dernière édition par Arhye Frost le Lun 12 Déc 2016 - 21:02, édité 1 fois
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Je claquais des dents tandis que j'essayais d'allumer ma cigarette à l'aide de mon briquet. Le matin sur Boréa n'était pas des plus agréables. Matt était emmitouflé dans sa couverture, à côté de moi sur le balcon. Il tendait le mégot qu'il tenait du bout des lèvres dans ma direction :

- Bon alors, ça vient ? Tu veux qu'on se change en esquimaux ?
- Si mademoiselle a un problème, elle peut très bien le faire toute seule de son côté !
- Non merci, je suis bien là-dedans. Ça protège vachement bien !
- Ah ouais ? Et contre ça, ça protège ?

  Je lui fichai un coup de poing sur le sommet du crâne et il me répondit d'un "Aïe" sonore en se massant la tête. Boudeur, il ne m'adressa plus la parole jusqu'à ce que nous descendions prendre un petit-déjeuner, pas même un "merci" quand j'allumai sa cigarette. Comédien.
Assis à une table, nous prîmes chacun une tranche de pain avec du beurre. Pour se réchauffer, il commanda un thé ; j'optai pour un chocolat chaud. Je n'aimais pas trop le café. Et le thé, ça faisait pisser. Oups ! Décidément mon langage ne s'arrangeait pas.

- Tu voulais me dire quelque chose hier non ? Par rapport à un moyen de trouver de l'argent...
- Oui, en effet. Il faut dire que sur Boréa, ce n'est pas forcément simple, puisque la plupart des autochtones font encore du troc entre eux. Evidemment, ils savent s'adapter à l'arrivée des étrangers, mais c'est aussi mon devoir de voleur et... d'oreille curieuse de savoir où se trouvent les bons plans secrets.
- Tu as bien dit "secrets" ? J'aime quand tu amènes les choses sous cet angle.
- Et j'aime te voir t'exciter pour si peu. Blague à part, je connais un endroit où on pourra trouver du travail facilement et particulièrement bien payé. Ce n'est cependant pas très légal et les termes du contrat sont, la plupart du temps, assez flous, voire dangereux...
- Oh... Là tout de suite, ça donne moins envie.
- Il faut être réaliste. Gagner de l'argent n'est pas une chose si facile, surtout s'il faut l'acquérir rapidement. Mais ce qui est bon à savoir, c'est que ce genre de contrats est valable pour n'importe qui, tant que tu viens pour le profit. Et chaque partie y voit un avantage : le demandeur conserve son anonymat et le missionnaire peut obtenir sa confiance pour d'autres contrats.
- Et s'il échoue, je suppose que l'organisation qui se charge de ces missions gardera la silence ou tentera de le faire taire avant qu'il n'en dise trop.
- Depuis quand es-tu pessimiste, au juste ?
- Et depuis quand es-tu si imprudent ? Je te rappelle que tu as failli y passer à Manshon ! Plus d'une fois !
- Toi aussi. Tu es plutôt chanceux d'ailleurs.
- Eh bien justement ! On ne peut pas compter que sur la chance, Matt ! Au début, je n'avais confiance qu'en ma force. Et en cette chance insolente... Mais j'ai vite réalisé que ce n'est ni ma force, ni ma vitesse d'ailleurs, qui m'empêchera de me prendre une balle un jour.
- Arhye...
- Non ! Regarde-nous deux secondes : j'ai beau me débrouiller au combat, sous prétexte que j'ai appris les arts martiaux, et j'ai même été en mesure de vaincre un officier de la Marine, mais je ne suis qu'un gosse ! Ignorant et trop fier pour l'admettre... Toi tu es un voleur. Un très bon voleur, même ! Mais tu n'es pas fait pour donner des coups. Tu as un pistolet, maintenant. Certes, la belle affaire ! Mais qu'arriverait-il si tu te retrouvais entouré d'ennemis armés jusqu'aux dents ? Resterais-tu là à te battre ou fuirais-tu ?
- Eh bien je...
- Ce que je veux dire par là c'est que... bien sûr que tu fuirais. Nous fuirions tous les deux ! Mais il y a des personnes sur cette terre, et sur la mer, qui seraient assez fortes pour ne pas fuir. Des personnes qui trouveraient le moyen de s'en sortir malgré tout. Mais nous n'en sommes pas capables. Pas encore.

  Nous nous fixâmes un moment, conscients de la gravité de mes paroles. "Sweety" avait les lèvres crispées. J'assumais pleinement ce que je venais de déclarer. Tendu, vexé et soucieux à la fois, le blond face à moi me posa une question :

- Et donc ? Tu comptes faire quoi dans ce cas ?
- Moi ? Accepter un contrat, et toi ?

 Stupéfait, Matt fit des yeux ronds. Je le voyais chercher ses mots.

- Mais... Quoi mais... Tu as dit que...
- J'ai dit que j'étais quelqu'un de fier. Nous allons faire comme tu l'as dit. Mais nous ne nous risquerons pas à tenter l'impossible.
- Mais-mais... D'accord très bien. Mais...
- "Mais" quoi ? Tu n'en veux plus, de cet argent ? C'était ton idée je te rappelle !
- Il y a des fois je ne comprends pas du tout ta logique.
- Mais c'est pour ça que tu m'aimes.
- Hum, oui aussi.

  Nous nous fîmes un clin d’œil complice. La main dans les cheveux, j'inspirai fort :

- Bon ! Et donc, où va-t-on pour ces contrats ?
- Nous allons dans un kiosque à journaux. C'est par ce biais que "Shadow Law" recrute ses missionnaires.
- Shadow... quoi ?
- L'organisation.
- Comment tu la connais, au fait ?
- Je te l'ai dit : c'est mon rôle d'oreille indiscrète. Et puis la plupart des amoureux du gain et des malfrats sont au courant de ce procédé, surtout dans ces eaux-là.
- D'accord... Et une fois au kiosque ?
- Nous n'aurons qu'à dire la phrase magique.
- Laquelle ? "Une mission s'il vous plaît" ?
- Pas exactement.

  Le voleur plissa légèrement les yeux et me lança un sourire malicieux qui en disait long sur l'espièglerie de la chose. Je regrettai trop tard ma question et su en quelque sorte de quoi il était question avant même qu'il ne rouvre la bouche pour répondre.
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- Tu te fous de ma gueule ?

  Nous étions arrivés au fameux kiosque. Il était dans un endroit calme, pas forcément le genre de zone commerciale bondée que les gens fréquentaient. De plus, la petite bâtisse était triste et sombre... Ou carrément glauque. Je doutais franchement de la popularité de ce truc. Peut-être était-ce cela qui jouait en la faveur de Shadow Law.
En approchant, nous croisions un duo revenant du kiosque. Un grand brun et un blond, plus petit. Le blond avait des cheveux longs tressés... Il me rappelait quelqu'un que j'avais connu plus jeune. Des images de vacances à East Blue me revinrent en mémoire et je me sentis nostalgique. Pas le temps de me retourner ni d'y réfléchir davantage.

- "Je désire acheter le dernier numéro de Gorge Profonde" ?! Pas étonnant que tu la connaisses, cette phrase magique !
- Oh allons, sois pas fine bouche.
- C'est pour la bouffe qu'on dit ça !
- Bon appétit.
- Je vais te...
- Eh calme-toi ! Avoue que l'idée est géniale : mieux vaut être pris pour un pervers assumé plutôt que pour un truand refoulé.
- Certaines personnes sont dans les deux cas.
- Je ne me sens pas visé du tout. On peut y aller ?

  Je le fixais du regard un moment, espérant trouver dans ses yeux un semblant d'inquiétude. Mais rien du tout. Je ne l'intimidais pas d'un poil. S'il ne m'avait pas dit qu'il me considérait comme son ami, j'en viendrais à douter des raisons le poussant à me suivre. Et il passait son temps à me reprendre ! "Parce que je veux que tu sois parfait. Pour mieux t'aimer !"... Il était soit sincère et de ce fait sincèrement dérangé, soit complètement masochiste vu le nombre de coups qu'il recevait pour chaque blague douteuse sortant de sa bouche. Même si ces blagues avaient une part de vérité...
Je secouais la tête pour chasser ces pensées au plus vite, de peur que mes nuits ne raccourcissent, et soupirais.

- Allons-y.

 On ne changeait pas une équipe gagnante.
Nous approchions du stand derrière lequel se tenait un homme à la mine taciturne. Pas du tout accueillant. L'homme nous dévisagea longuement, le front et les yeux plissés. Machinalement, je rajustai ma veste nouvellement acquise et dénouai légèrement ma cravate. Habituellement je n'en portais pas mais notre victoire sur Manshon valait bien un petit sursaut d'orgueil. L'homme s'exprima le premier :

- Oui, c'est pour quoi ?
- Nous sommes ici pour... eh bien...
- Nous désirons acheter le dernier numéro de Gorge Profonde !

 Et il en était fier en plus.
L'homme - au cas où vous n'aviez pas compris que c'était un homme - nous dévisagea à nouveau longuement en haussant les sourcils. Puis son visage afficha une expression moqueuse :

- Ah tiens, vous aussi ?
- Nous aussi ? Hum bref, oui nous le voulons alors finissons-en, c'est gênant.

 Il fouilla derrière son comptoir dans une pile de magazines et de journaux divers puis se retourna vers nous avec un livret parcheminé duquel dépassaient des feuilles volantes. Volontairement abîmées. Il se pencha vers nous et l'ouvrit en prenant soin de cacher le contenu aux regards indiscrets. Il se montrait particulièrement prudent malgré l'absence de monde autour de nous, tout en étant très professionnel : son attitude était sereine. Il savait parfaitement ce qu'il faisait. Nous nous penchâmes sur les feuilles de mission.

- Choisissez.

 C'était tout ? Pas d'indication ? Même pas un manuel ? Bon, c'était censé être un secret donc je comprenais. Je lisais l'intitulé de chacune des missions proposées. Élimination, espionnage, infiltration... quelque chose me dérangeait : tous les contrats proposés impliquaient les sept familles. Les clients étaient des mafieux. Les cibles également... Je commençais à croire que j'étais destiné à faire affaire avec eux. Ou à mourir de leur main !

- Hé Arhye, regarde celle-ci.

 J'approchai ma tête de la feuille que me montrait Matt, la lus, et frémis. Une mission d'intermédiaire. En soi rien de compliqué, même s'il fallait participer à la récupération et au retour de la petite-fille d'un parrain chez elle en évitant les écarts... Mais la femme en question était une Martico. La famille qui avait accueilli et formé Matt.

 En y réfléchissant c'était le choix le plus logique. Une mission plutôt simple, sans réel conflit direct. Du moins en apparence. Mais surtout un moyen de se dédommager de la disparition d'un de leurs groupes sur Manshon. L'opportunité de laver l'honneur de mon ami en dévoilant la vraie nature de ceux avec qui il travaillait... et qui ne seraient plus là pour dire le contraire. La famille Martico était un groupe de voleurs, certes, mais un groupe très soudé. Et pacifique. Hors l'ordure qui commandait l'équipe de Matt avait été une crapule de bas étage jusqu'à sa mort. Une tâche ardue mais ma conscience m'y obligeait. Mon voleur de compagnon était dans le même esprit.

 Nous pointâmes ensemble le contrat du doigt. L'homme acquiesça et rangea le carnet. Il ne nous restait plus qu'à connaître les détails de la mission et de son déroulement.
J'avais pas une mèche rebelle, là ?


Dernière édition par Arhye Frost le Dim 13 Nov 2016 - 14:52, édité 1 fois
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Sur cette portion de la côte méridionale de Boréa, vous vous êtes rendus en suivant la carte intégrée au magazine que vous a remis le tenant du kiosque. Ici, vous êtes loin de toute civilisation. Devant vous, juste une côte désolée, givrée et une mer de glaciers à perte de vue. Derrière vous, c'est la taïga, les vastes étendues verglacées du Boréa profond. Vos montures et vous, vous vous les gelez. Il n'y a rien ici, vous avez l'impression de vous êtes faits avoir, d'avoir galopé des kilomètres dans l'hiver polaire pour un gag. Alors que vous vous remettez en selle dépités, le sol du littoral se fendille. Sous vos yeux ébahis, deux gros battants en métal s'ouvrent doucement, révélant une trappe assez grande pour qu'une caravelle y passe. Un escalier mène dans les tréfonds de la cavité. L'invitation est évidente. Après avoir hésité, vous faites vos premiers pas dans l'antre de votre employeur. Les parois de la galerie sont blasonnées de son étendard.


Dans la pièce éclairée par des lampes à huile, se trouvent une dizaine d'hommes alités, visiblement blessés. Autour d'eux s'affairent des infirmières en blouse blanche qui ne vous portent aucune attention. Dans un coin, un vieil homme vous désigne de l'index un canapé placé devant une table où repose un escargophone au combiné décroché. Une voix féminine et sèche en émerge.

- Prenez place, je vous prie. Pour vous, je serai Thousand. Vous avez pu prendre connaissance d'une partie de la mission. Maintenant laissez-moi vous en expliquer les détails. Depuis quelques semaines, la Famille Martico est très en colère. Leur héritière en second à disparu. Cat's Eye de son surnom, primée par la Marine à 15 millions d'Berry. C'est nous, Shadow Law, qui l'a détenons. Mais, parce que nous ne désirons aucune guerre frontale avec les Martico -vous pouvez d'ailleurs voir autour de vous que nos hommes ne sont pas si bien portant que ça- vous aurez la casquette d'ambassadeurs chargés de négocier un traité de paix avec Don Fernando Martico.

Vous vous regardez. Matt est horrifié et comprend qu'il a avait sous-estimé le grief. A première lecture, la mission ressemblait à de l'escorte d'un point A à un point B. Il n'y était pas question d'échange de prisonniers contre bonne tenue. Et s'il est tant choqué, c'est parce qu'il connait bien de quelle engeance sont les Martico. Une famille unie qui n'hésiterait justement pas à déclarer la guerre pour un des siens, "Thousand" fait bien de craindre leur réaction. Ce qui signifie que les "ambassadeurs" des ravisseurs de la petite fille du parrain risquent plus que leurs peaux. Trop d'histoires de mandataires renvoyés en petites coupures à leurs mandants dans le métier, trop de vengeance pour un mauvais regard, alors un kidnapping... Finalement, avoir la bourse légère, vivre d'amour et d'eau fraiche semble être une meilleure idée.

- Dans le premier tiroir à droite de la table devant vous, vous trouverez un parchemin cacheté du sceau de Shadow Law. C'est un présent, un gage d'amitié et de paix pour le parrain. Il saura en apprécier la valeur. Vous emporterez aussi cet escargophone, je négocierai directement avec le Don.

Des paroles qui auraient pu soulager Matt, mais au contraire, ne font que l’inquiéter davantage. Thousand veut marchander elle-même tout en restant bien au chaud derrière un escargophone. Au final, leur rôle d'ambassadeur se limiterait juste à transporter l'appareil téléphonique et un parchemin ? C'est plus une tâche de mulet. En fait, il vous apparait maintenant qu'ils n'ont besoin que de personnes jetables. Si les Martico viennent à vous trucider, ils enverront d'autres hères. Et comme si elle a lu vos pensées, Thousand répond à votre question silencieuse.

- C'est une mission dans la gueule de l'ennemi. Plus précisément à Kronz, la plus petite des îles de l'archipel Sanderr. Si c'est un succès, vous serez rémunérés à 20 millions de Berry.
Alors, partant ?
    Kronz, Royaume-Archipel de Sanderr, North Blue, 1627

    - Pourquoi est-ce que j'ai dit "oui", moi ?!

       Nous étions arrivés à destination, sur Kronz. La première chose visible depuis le bateau en arrivant aux abords de l'île était un arbre gigantesque que les marins avaient appelé "l'arbre Mot-jeaux". Cependant, aucun ne sut m'en expliquer la signification. En réalité, la majeure partie de l'île se révélait être une immense forêt, les quelques zones habitées étant des villages côtiers. Ces villages comptaient un nombre très restreint d'autochtones. Je me disais que tous devaient se connaître. En réfléchissant bien, je me demandais tout de même si après toutes ces années ces quelques individus n'avaient pas fini par se reproduire entre... Non il ne valait mieux pas y penser !

       Matt non plus ne semblait pas très à l'aise. Il affichait un air tantôt soucieux, tantôt sombre, et ce depuis que Kronz était en vue. Je tentais de lui soutirer quelques informations :

    - Cette... Cat's Eye : tu la connais ?
    - Oh que oui. La petite fille du parrain. Une voleuse douée, plus que moi ! Mais surtout la seule qui ne respecte pas les principes de la famille, d'où sa prime...
    - Qu'est-ce qu'elle a fait ? Quels genres de principes ?
    - Les Martico sont tous des voleurs. Nous sommes entraînés pour ça. Mais nous respectons malgré tout un code d'honneur.
    - D'honorables voleurs, soumis à des règles... Il n'y aurait pas un problème là-dedans ?
    - Crois-le ou non, c'est ainsi. Nous restons des mafieux. Et la mafia possède une certaine morale. En somme : le vol nous est permis tant que nous évitons la violence. Notre parrain prône le vol sans accroc. Ah et cela vaut d'autant plus pour un membre de la famille. La punition pour ce genre d'écart est généralement fatale.
    - Mais... attend voir...
    - Sauf que Cat's Eye ne recule devant rien pour obtenir ce qu'elle convoite. Pas même au meurtre. Je suis d'ailleurs bien content que ce ne soient pas nous qui devons la remettre à la famille.
    - Oh là ! Attend une seconde... Les Martico avec qui tu traînais sur Manshon ? C'en étaient, n'est-ce pas ? De la même famille ?
    - Oui, il n'y en a qu'une...
    - Mais alors... pourquoi t'ont-ils traité ainsi ?! Et pourquoi tous ces débordements au manoir ? Tu viens de me dire que...
    - Ecoute. Oublions ça. Leurs actes allaient à l'encontre des règles des Martico.

       Quand bien même ! Nous avions tué la plupart d'entre eux et mis hors d'état les autres, lesquelles croupissaient certainement en prison. Si le parrain, que nous allions peut-être rencontrer, était au courant de ce qu'il était advenu, nous étions d'ores et déjà morts et enterrés.
    Matt soupira :

    - Ils n'étaient pas dignes d'appartenir à la famille, de toute manière.

       Oh... OH ! Ça, c'était une bonne nouvelle ! En quelques mots, mon ami avait trouvé sans le vouloir la solution parfaite pour racheter notre faute auprès du Don et obtenir un semblant de discussion. Et plus une discussion durait, plus nous avions de chances de retourner la situation à notre avantage, à force d'arguments et de politesses.

       Je ne dis rien à Matt, de peur de le rendre un peu trop enthousiaste. Ce n'était pas avec ce genre d'espoir que la situation aurait une chance de changer pour nous. Non, mieux valait que son sentiment de culpabilité perdure, quoi qu'il en coûte, afin que cette tension nous soit profitable durant la rencontre... Mais j'avais intérêt pour ma part à être particulièrement juste dans mes propos. Si je perdais mon sang-froid, c'était cuit. Sans jeu de mot.

       L'un tenant l'escargophone, l'autre avec le parchemin dans son sac, nous entrâmes dans la petite auberge du village où nous avions accosté et y déposâmes la plupart de nos affaires. Nous partîmes ensuite faire le tour des lieux, le temps que me reviennent avec exactitude les directives de Thousand, laquelle ne répondait plus aux appels depuis que nous étions partis. Je me demandais tout de même comment elle allait savoir quand nous serions devant le parrain. Et si la "prisonnière" aura déjà été restituée au moment du rendez-vous, ce qui ne me mettait pas des plus à l'aise.
    Matt me tendit une cigarette. Bonne idée.
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    Vous ne vous y êtes pas trompés, sur cette petite île, tout le monde se connait. Et la rumeur de l'arrivée de touristes ou d'étrangers un peu suspects aura vite fait de courir le bourg. Surtout quand l'un d'entre-eux a déjà travaillé pour cette illustre famille. Certes, il y a eu déménagement depuis le départ de Matt, aussi, il ignore que pierre par pierre, l'antique manoir des Martico a été reconstruit au cœur de la forêt. Kronz n'est pas un lieu neutre d'échange. Vous êtes déjà au cœur de la toile Martico. Vous ne tardez pas à vous en rendre compte quand vous vous effondrez autour de vos verres, une fois revenus à l'auberge.

    Un temps indéfinissable plus tard, toi Arhye, tu te réveilles dans une cellule creusée dans un glacier. La température est négative, tes maigres accoutrements ne sont que futiles protections. Et pourtant, la thermomètre est loin d'être ton premier souci. Au loin, tu entends des cris. Ceux de ton ami. Des hurlements qui te transpercent l'échine et font bouillir ton sang de rage. L'affaire des meurtres des Martico de Manshon semble l'avoir rattrapé. Tu te jettes alors sur les barreaux en fer noir, tu essaies en vain de les arracher. De porter secours à ton ami. En désespoir de cause, tu t'époumones à ton tour. Le traitre, le fumier, ce n'est pas Matt. Telle est ta vérité mais toujours est-il qu'ils doivent l'entendre. L'accepter.

    - Me casse pas les oreilles ! tonne une jeune femme blonde qui vient se planter devant toi, un couteau ensanglanté à la main. Le traitre d'abord. Patiente, ton tour viendra, tu m'expliqueras pourquoi il y a une photo de ma sœur dans tes affaires.

    Elle ressemble comme deux pics à glace à Cat's Eye. Mieux, c'est sa jumelle, l'héritière effective de la famille Martico. Lyanna de son nom. Avec son couteau dégoulinant, elle jongle ; dans ses yeux, le nectar de la rage. Comment vas-tu pouvoir lui faire entendre ta vérité ?
      Faisant fi des tremblements qui remuaient mon corps, je regardais la blonde. Une belle femme aux cheveux longs, les yeux clairs et le regard haineux. Le couteau qu'elle faisait tournoyer machinalement était rouge de sang. La lame devait bien faire vingt centimètres... Oh Matt.

      - Mais je vous dis que faîtes erreur ! Matt n'est pas un traître ! C'est justement pour ça que nous sommes venus vous...
      - Assez ! J'ai horreur de me répéter.

          Elle s'était approchée de moi. Elle m'agrippa la tête et la tira violemment de manière à ce que j'établisse le contact avec les barreaux. L'approche fut déplaisante, tout autant que le résultat. Sonné, je tombais par terre en me tenant le front. La blonde resserrai les pans de son manteau et fit demi-tour. Je ne devais pas la laisser partir sans avoir pu lui expliquer quoi que ce soit. Je me relevais et replaçais mes mains sur les barres de fer noir :

      - Hé... Hé ! Moi ça ne me dérange pas de répéter ! Matt n'est pas un traître ! Laissez-moi vous le prouver, bordel de...

           Cette fois, la tortionnaire fit volte-face et revînt à la charge. Ses pas, rapides, ne faisaient aucun bruit sur le sol gelé. Plus froide encore, elle enserra ma gorge. Pris de court, j'écarquillai les yeux et cognai contre le métal, tapotai son avant-bras, tentai de la faire lâcher prise et essayai d'articuler quelques mots. Sans succès. Elle approcha encore son visage du mien et cracha :

      - Ecoute-moi bien maintenant, pauvre idiot : je pourrais te tuer maintenant, tout comme notre... ancien camarade. Si je ne le fais pas, c'est parce que j'ai des questions à vous poser. Ton tour viendra, sois patient, je n'en ai plus pour longtemps avec Sweety. Bien qu'il soit toujours aussi obstiné... Mais si tu continues ton cinéma, je te jure que je t'égorge là, de suite, et que j'envoie tes restes dans tout North Blue, en guise d'exemple pour tous ceux voulant se mettre à dos notre famille.

          Elle me lâcha enfin. A moitié asphyxié, je toussai et inspirai du mieux que je pouvais, le cou douloureux. La belle fit demi-tour une énième fois et repartit en direction de la pièce d'à côté. Seulement elle s'arrêta au niveau de la porte au bout du couloir et me regarda à nouveau, un sourire mauvais au coin des lèvres.
      Durant ce court laps de temps, deux choses s'étaient passées pendant qu'elle parlait.

      - Au fait : je te remercie pour les bagues, c'est une attention délicate.

          Dans la main qui tenait le couteau auparavant, mes bijoux argentés. Les précieux cadeaux de ma famille. Je ne devais pas perdre davantage mon calme, surtout en cet instant ; elle attendait ma réaction. J'inspirais derechef, le temps que l'oxygène me revienne, que mon front me fasse moins mal et que je trouve les bons mots. Je levai alors mon propre poing, paume vers le haut, que je desserrai petit à petit :

      - Quant à moi je remercie Matt de m'avoir appris deux-trois tours durant ces quelques temps passés ensemble.

          J'avais risqué très gros : voler une voleuse pendant qu'elle me faisait la causette... Heureusement que la situation s'y prêtait. De si près, et animée d'une telle animosité, elle avait suffisamment baissé sa garde pour que je puisse glisser ma main dans la poche de son manteau sans qu'elle n'ait le temps d'y faire attention.
      Quand elle en avait redressé les pans plus tôt, j'avais aperçu quelque chose d'intéressant. Une clé.

         Je la lui présentai en la faisant tourner entre mes doigts, d'un air provocateur, en reculant jusqu'au fond de ma cellule. Je la vis trembler. Les lèvres pincées, les pupilles réduites à deux minuscules gélules glacées et les traits plissés et froissés... plus rien sur son visage ne pouvait être qualifié de beau. Je l'avais vraiment enragée. Peut-être était-ce une mauvaise idée en fin de compte...

      - Tu as gagné. C'est avec toi que nous allons en finir en premier lieu.


      Dernière édition par Arhye Frost le Dim 20 Nov 2016 - 16:01, édité 1 fois
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      La femme était juste de l'autre côté de la porte de ma cellule, son couteau cliquetant contre les parois métalliques. Son envie de me nuire me faisait davantage frissonner que la température ambiante. J'avais bien fait de reculer. Collé contre le mur du fond, je l'observais, peu rassuré. Mon seul réconfort venait du fait que mon intuition fut la bonne : la clé que je lui avait prise était bien celle de ma prison. Dans le cas contraire, elle aurait déjà ouvert la porte et m'aurait certainement massacré.

          Je ne pouvais cependant pas laisser la situation s'envenimer davantage. Maintenant, j'avais toute son attention. Encore fallait-il que je réussisse à la calmer. Cela risquait d'être particulièrement long... Enfin, tout dépendait de la façon dont j'allais aborder les choses et l'intérêt qu'elle allait y donner. Allez, Arhye ! Courage !

      - Ecoutez-moi, s'il vous plaît. Je suis désolé de vous avoir joué ce tour... mais j'avais vraiment besoin que vous m'écoutiez !
      - C'est pas à toi d'en décider ! Ici, c'est moi, Lyanna Martico, qui pose les questions et qui dicte les règles ! Alors commence par me rendre cette foutue clé !

        Et elle cognait avec rage sur les barreaux. Je pris un temps avant de répliquer :

      - Je vais vous la rendre... Mais je vous prie de m'écoutez d'abord.
      - Rhaaa !

         De nouveau, la cellule trembla sous ses coups. Je n'étais pas prêt de lui faire entendre raison.
      J'attendais encore un peu. Je me relançais. J'essuyais sa réaction... La boucle se répéta ainsi encore trois fois. Au loin j'entendis Matt gémir à nouveau. Je ne savais pas combien de temps ce manège avait duré mais le temps jouait contre nous. Lyanna, de son prénom, semblait un peu plus calme. J'en profitai pour me laisser aller :

      - Bon ! J'en ai marre ! Que vous m'écoutiez ou non, je vais vous dire ce qu'on fait là ! Nous sommes venus pour deux raisons : la première étant pour nous excuser et laver l'honneur de Matt Denis, votre ancien camarade et, surtout, mon ami ! Nous devions vous voir pour éclaircir les choses sur ce qu'il s'est passé sur Manshon. Matt n'est pas un traître ! Les vrais responsables étaient Rafael, Dino et leurs complices !

         La jeune femme me regardait d'un drôle d'air. Je ne pouvais dire si elle était surprise par mon changement de tempérament ou si le nom de leurs membres manquants avaient provoqué un déclic. Dans tous les cas je continuai :

      - J'étais à la poursuite de Matt. Il m'avait volé mes bagues ! Au départ c'est après lui que j'en avais... Mais une fois arrivé dans leur repère, Rafael et ses hommes ont voulu me tuer ! Matt a tout de suite pris ma défense ! A l'époque je ne savais pas que c'était en rapport avec les règles de votre famille... Il a ensuite menacé Matt de l'éliminer aussi s'il s'en mêlait ! Je me suis défendu et j'ai failli y laisser ma peau. Mais Matt est intervenu et Rafael est mort... Ensuite Dino et les autres nous ont traqué. Ils ont tué des civils et... Dino a failli tuer Matt. Il l'a insulté, il l'a mis plus bas que terre ! Je ne pouvais pas le laisser faire. Ils doivent tous être en prison à l'heure actuelle. J'étais vivant grâce au sens de l'honneur de votre ancien compagnon. S'il n'est pas revenu, c'était parce qu'il était conscient qu'en l'absence de preuve ou de témoin, personne ne le croirait. Aussi... Je suis venu pour le défendre ! Alors relâchez Matt et faîtes de moi ce que vous voulez !

         Je jetai la clé aux pieds de Lyanna. Celle-ci ne dit rien. Son regard était indéchiffrable. Elle la ramassa et l'inséra dans la serrure. La porte s'ouvrit et, après quelques secondes interminables, elle s'écarta pour me laisser passer. Hésitant, je sortis. C'est au moment où je passai devant elle qu'une sensation désagréable me parcourut l'échine. Avant que je ne puisse réagir...

      - C'est une histoire intéressante, mais tu as parlé de deux raisons. J'espère que la deuxième a un rapport avec ce qu'il est arrivé à ma sœur !

      PAF !

          Je repris conscience avec un nouveau mal de crâne et des frissons encore plus prononcés. Au dessus de moi, une lumière tournée dans ma direction m'éblouissait. Lorsque mes yeux s'y habituèrent enfin, je me vis attaché, torse nu sur une table. Les chaînes de mes pieds et de mes mains n'étaient pas aussi froides que le reste, et la table comportait des tâches rouges mal essuyées. Je compris ce qu'il se passait et mon estomac se noua.

      - Matt ! MATT !
      - Tais-toi.

        On me frappa du tranchant de la main dans le flanc. A côté de moi se tenait Lyanna, plus calme qu'il y a quelques instants, tenant toujours son couteau. Sur un tabouret à sa droite, un marteau, une tenaille, des ciseaux, un flacon étrange et quelques cotons. J'aimais de moins en moins ce que je voyais. Je ne cessai de m'imaginer des scènes horribles en me remémorant les cris du voleur blond. Et puis ma conscience me rappela qu'il fallait que je m'inquiète pour ma propre personne. Seulement :

      - Où est Matt ?!
      - Il se repose. Pour l'instant. Tout dépendra de ce que tu vas m'apprendre. Puisque tu as demandé à prendre sa place, ça a intérêt à en valoir la peine !
      - Et si je ne sais rien de ce que vous désirez ?
      - Et bien, ce sera fort dommage : tu mourras pour rien.

         Elle me fit grâce d'un sourire malsain et jongla avec son couteau.


      Dernière édition par Arhye Frost le Mar 6 Déc 2016 - 11:10, édité 1 fois
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      Lyanna faisait encore tourner son jouet. Elle tournait autour de ma table, d'un pas lent, et passait sa main libre sur les chaînes qui me retenaient. Elle s'exprima enfin :

      - Où est Brianna.
      - Euh... qui ça ?
      - Où est ma soeur ?

         Elle me pinça le bras. Ça ne faisait pas spécialement mal mais le simple fait qu'elle puisse s'amuser de moi me mettait mal à l'aise. C'est pourtant le plus calmement du monde que je lui répondis :

      - A l'heure actuelle, je n'en ai absolument aucune idée...

        Elle prit le marteau à côté d'elle et me frappa dans les côtes, m'arrachant un gémissement de douleur. L'une d'elles venait de se briser.

      - Tu te rends compte qu'en donnant ce genre de réponse tu t'infliges du mal gratuitement.
      - Mais laissez-moi finir ! Bordel... Pour l'instant j'en sais rien, mais elle est censée vous être rendue ! Quelqu'un vous la ramène.
      - Qui ?
      - Quelqu'un je vous dis... Je ne sais pas qui...

         Un nouveau coup vînt percuter mon estomac, lequel n'était pas vraiment prêt. Je me mis à cracher et à tousser.

      - Il va falloir être plus précis si tu veux t'en sortir. Ce "quelqu'un" qui nous la ramène, qui c'est ?

         J'hésitais. Je ne savais pas si le simple fait de dire "Shadow Law" risquait de m'attirer des ennuis avec eux. Je ne voulais pas prendre ce risque. Mais je ne voulais pas mourir à coups d'écrase-purée non plus ! Il fallait que je trouve un moyen détourné de dévoiler ce que je savais sans craindre de trahir mon employeur.
      Le temps que j'y réfléchisse, la blonde commençait à enfoncer, lentement, son couteau dans mon bras gauche. Sans défense, je criai.

      - Alors ?!
      - Att... Attendez... Ce sont des hommes. Des gens qui m'ont employé... Enfin je suppose qu'ils sont plusieurs ! Je... Je ne sais pas qui dirige mais je sais que j'ai rencontré plusieurs intermédiaires avant qu'on ne me communique la mission.
      - Quel genre de mission ?
      - Matt et moi... On devait simplement servir de messagers ! Comme nous n'étions pas de leur groupe, nous étions facilement remplaçables... vous avez dû le voir ! Nous n'avons pas simplement cette photo. Nous avons également un escargophone ! Nous devions le décrocher en présence du parrain pour établir la communication !
      - Je vois... Et le parchemin ?
      - Le parchemin ?

         Mauvaise réponse. Enfin : surtout ne jamais répondre à une question par une autre ! Lyanna avait fait tourné la lame à l'intérieur de ma chair, m'extirpant d'autres cris. J'en avais pourtant pas mal dévoilé ! Putain ! C'était à se demander si elle aimait ça... Les Martico ? Pacifiques et non-violents ? Mon cul oui ! Et j'emmerde quiconque me reprendra sur mon langage, à moins de prendre ma place aux moins deux secondes.
      Elle retira enfin le couteau. J'avalais la salive qui débordait presque de ma bouche.

      - Oui... Le parchemin... Il est toujours cacheté, n'est-ce pas ? Le sceau est celui de notre employeur... Il est à remettre au parrain. Un cadeau, pour d'éventuelles négociations, je crois... Je ne suis plus certain ! Je vous jure que c'est tout ce que je sais...
      - Hmm...

         Elle lâcha le marteau et le couteau. Elle semblait pensive. Elle refit le tour de ma table d'opération, les yeux levés, et se tapotait machinalement le menton. Aucun doute sur le fait que ce soit encore un jeu. Comme pour confirmer mes pensées, elle tourna la tête vers moi, avec un sourire froid. Son regard en disait long sur ses intentions. Sa main se rapprochait dangereusement de la tenaille.

      - Je suis désolé, je ne suis pas entièrement convaincue. Il s'agit tout de même de ma famille. Et qui plus est, ici, de ma soeur ! Tu comprends ? Je ne peux pas me permettre d'avoir le moindre doute.

         Sur ces paroles, elle m'agrippa l'auriculaire droit et gratta le contour de l'ongle avec les siens. Paniqué, je tentais de me libérer, sans succès.

      - Qu-qu'est-ce que vous faîtes ?! Arrêtez, j'ai dit la vérité, je vous jure ! ARRÊTEZ !
      - Rassure-toi, nous ne sommes pas barbares au point de couper des doigts, c'est vulgaire. Par contre... Est-ce que ma sœur va bien ?
      - Oui !
      - Est-ce qu'ils me la ramènent ?
      - OUI !
      - Que sais-tu ?!
      - Je ne sais rien d'autre !
      - Laisse-moi m'en assurer.

         La mafieuse pinça mon ongle avec la tenaille et tira d'un coup sec, me l'arrachant au passage. Je hurlais. La douleur était insupportable ! Et dire que la zone en question était si petite. Ce n'était pas comme perdre un bras mais ce supplice n'était pas plus enviable ! Est-ce que la racine était encore là ?.. Qu'importe : je souffrais et les larmes commençaient à couler sur mes joues. Tout devenait flou autour de moi tandis que mon esprit fatigué vacillait.

      - Alors ? Tu es toujours certain de ne rien savoir de plus ?
      - Je le jure... Putain...
      - Bien... Et Matt dans tout ça ? Est-ce un traître ?
      - Non...
      - Pourtant il n'est pas revenu vers nous ! Il est resté avec toi après que vous ayez mis hors d'état Rafael et son groupe.
      - Il devait se sentir coupable... Je vous l'ai déjà dit : comment revenir quelque part en sachant que nous serions pointé du doigt... Mais ce n'était pas sa faute...
      - Et ça ? Qu'est-ce que c'est ?

         Elle sortit d'un sac posé par terre - celui de Matt - le pistolet de mon ami. Elle me le présentait de façon à ce que je comprenne que la question en elle-même était rhétorique.

      - "Sweety" n'avait pas d'arme sur lui avant. L'a-t-il gardée comme trophée ? Ou peut-être voulait-il assassiner quelqu'un... Peut-être voulait-il terminer ce qu'il avait commencé ? Qu'en dis-tu ?

         Il fallait que je reprenne consistance... Le canon de l'arme était pointé sur mon visage. Petit à petit Lyanna le rapprochait. Au moment où je sentis son contact glacial, je tremblai davantage. Mon corps engourdi était parcouru de spasmes, d'abord liés à la température, puis causés par la frayeur. Oui, j'avais peur de mourir. Seulement...
      Elle venait d'insulter mon compagnon une fois de trop.

      - C'est une arme appartenant à la Marine. N'importe qui peut s'en rendre compte en observant le modèle et la marque sur la poignée. Tout ce que j'ai dit était la vérité. Je ne peux rien vous apporter de plus. Torturez-moi encore si ça vous chante. Tuez-moi si ça vous arrange ! J'ai fait ce qui était juste : je suis venu en aide à quelqu'un que je considère d'ores et déjà comme un ami proche. Matt est devenu ma famille ! Il a toujours été fidèle aux préceptes de la vôtre et au final, qu'est-ce qu'il en aura récolté ? Des reproches, des insultes et des menaces de mort. C'est vous qui l'avez trahi ! Quant à votre sœur, elle est saine et sauve et vous sera rendue comme il a été convenu par mon employeur ! Voilà tout ce que je peux vous apporter ! J'ai fait ma part... Tout ce que je souhaite c'est que vous pardonniez à Matt pour ce qui est arrivé.

         Faire bonne figure un pistolet sur la tempe... une bien rude épreuve.
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      Je n'étais pas bien. Mon dernier excès me donnait des sueurs froides... J'étais certain qu'après cela Lyanna allait me tuer. Son visage n'exprimait plus rien. Je l'imaginais contenir sa rage et s'apprêter à me cribler de balles et me découper les membres un par un. Allons bon, voilà que je devenais glauque !
      Sa main se crispait de plus en plus et la gâchette ne tenait plus que par un fil, ou par miracle.

          Je fermais les yeux.
      J'en avais beaucoup dévoilé. Je n'avais pas résisté à la torture. Quelque part je m'en voulais d'être aussi faible. Je n'étais pas habitué à souffrir ainsi. Mais qui pouvait l'être ? Cette femme avait instauré entre nous une relation qui me la faisait paraître supérieure. Soumis, les seules choses que j'avais pues défendre étaient mes liens avec "Sweety"... Je réfléchissais aux différentes possibilités qui s'offraient à moi : soit éprise d'un sentiment de compassion elle écoutait ma requête et libérait mon compagnon en échange de ma vie, soit elle n'en croyait toujours rien et nous éliminait tous les deux, soit elle me liquidait de toute manière, comprenant que je devenais inutile après toutes ces révélations. J'aurais vraiment tenu le rôle du messager jetable au bout du compte.

      - T'as du cran.

          Je sentis le pistolet s'éloigner de ma tempe. Intrigué je rouvris les yeux et me tournai vers ma tortionnaire, qui affichait une expression que je ne comprenais pas vraiment.

      - T'es faible et stupide, mais t'as du cran. Me répondre comme tu le fais en sachant que je vais te tuer... Il faut être soit particulièrement culotté, soit complètement siphonné.
      - Je ne comprend pas... Je...
      - Hé ! Ecoute un peu : tu crois qu'y en a beaucoup des gens qui acceptent leur sort aussi facilement et tentent de sauver la peau de leurs proches comme ça, au moment critique ? Personnellement c'est la première fois que je vois ça. Pas que je sois rodée en matière de torture et d'interrogatoire mais quand bien même... Tu considères vraiment Matt comme un ami. Mieux, comme un membre de ta famille. Et ça, j'avais beau passé mes nerfs sur toi, je pouvais pas le changer. Ça me soulage un peu, tu vois ? J'ai jamais vraiment tué quelqu'un.
      - Vous en étiez pas loin...
      - M'oblige pas à changer d'avis.
      - Désolé.
      - Enfin. Si ce que tu dis est vrai, nous allons devoir nous diriger vers un lieu plus... approprié pour des négociations. Je vais prendre l'escargophone avec moi. Quand je te dirais de décrocher, tu le feras.
      - Mais je ne peux le décrocher qu'en présence du parrain.
      - Tu l'as devant toi. Du moins, l'héritière de la famille. Mon grand-père ne s'occupe plus trop des affaires d'envergure. On peut considérer ça comme une pré-retraite.

           J'en étais bouche bée. J'allais survivre juste pour une question de... cran ? On ne pouvait pas être aussi chanceux, c'était impossible ! Il y a à peine quelques minutes, elle voulait ma mort pour soulager sa colère. Et là elle m'annonçait que nous partions d'ici ? Comme si elle lisait dans mes pensées, Lyanna Martico expliqua :

      - Ne va pas croire que tu as de la chance. Ta bonne fortune n'y est pour rien, et c'est une voleuse qui te le dit. C'est notre code qui te sauve la mise. Puisque nous sommes censés être pacifiques, il nous est difficile de tuer quelqu'un, même par haine. Et quand bien même : la famille est sacrée. La majorité d'entre nous n'est relié que par un lien de camaraderie, mais appartenir aux Martico compte comme un lien du sang. Si un traître se manifeste, nous le répudions. C'est une fois qu'il quitte la famille qu'il peut être considéré comme un ennemi à abattre. Toi, tu as avoué tout ce que je t'ai demandé. Sous la torture, certes, mais tu as avoué. Qui plus est avec sincérité, j'en suis certaine. La nature d'une personne est toujours dévoilée lorsque la mort l'approche. Si ma sœur va bien, alors tant mieux. Et si Matt n'est pas le traître, alors qu'il en soit ainsi. Tu l'as protégé comme un frère, alors je me dois de faire honneur à tes attentes. Mais ce qui te sauve vraiment c'est...

          Elle prit un air troublé. Satisfait quelque part, mais troublé. Je l'interrogeais du regard, trop affaibli par la douleur et le froid pour parler. L'héritière des Martico se reprit :

      - Matt a lui aussi supplié pour ta vie.

          Et je craquais.
      Sans prévenir, les larmes coulèrent de mes yeux, sans s'arrêter. Mes sanglots remplirent bientôt toute la pièce et résonnèrent au travers de la glace. J'étais en vie, la douleur allait s'arrêter, mais plus important encore : mon ami m'avait protégé. Je n'aurais sans doute jamais assez d'années pour lui exprimer ma gratitude. Je n'avais plus qu'une envie maintenant, c'était...

      - Et si nous allions le chercher maintenant ?
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      J'étais enfin détaché. Je me massai les poignets, endoloris, tout en regardant mon doigt. Celui auquel il manquait désormais l'ongle. J'étais faible, j'avais mal, j'avais froid, et cette sensation me rendait encore plus faible et plus meurtri. Le froid brûlait littéralement chaque blessure faite par mon tortionnaire et je ne savais pas quelle attitude avoir à son encontre.

         La blonde essuya calmement ses outils et rangea son couteau à la ceinture avant de me faire signe de la suivre. Sans un mot, nous traversions la pièce et elle ouvrit la porte en fer devant elle. Nous pénétrâmes dans un couloir taillé dans la glace. Le sol comportait quelques planchettes de bois, lequel était abîmé et légèrement pourri à cause de l'humidité. Ces planches devaient être récentes, ou ce couloir très peu utilisé. Il y avait une cellule sur notre gauche, et Lyanna crut bon de répondre à mon interrogation silencieuse :

      - Cet endroit est une prison. Petite, assez ancienne, mais fermée depuis longtemps. Les méthodes de l'époque sont interdites par la loi actuelle et le taux reconnu de criminalité trop faible sur ce territoire. Nous l'utilisons depuis comme planque, et éventuellement comme coin de "pêche aux renseignements". Comme tu as pu le constater d'ailleurs.

         Toujours sans rien dire, j'avançais en regardant autour de moi. Plus loin, posé sur un crochet à clefs, l'ensemble des vêtements qui m'avaient été retirés. L'héritière des Martico me laissa me rhabiller. La joie de me réchauffer m'envahissait, alors que la sensation désagréable d'avoir été mis à nu s'estompait. Sur l'autre portant, des gants et deux manteaux. J'eus l'autorisation de les prendre également.

      - Un pour toi, et un pour Matt.

           Lyanna ouvrit une nouvelle porte. Derrière, je reconnus immédiatement le bloc dans lequel j'avais été enfermé. A droite, en entrant, la cellule dans laquelle je me trouvais auparavant. Et à l'intérieur...

      - Matt !

           Je me précipitai vers lui et me pendis littéralement aux barreaux. Je les secouai, comme pour essayer de les arracher. Mon ami redressa la tête, très lentement. Lorsque je me fus habitué à l'obscurité qui régnait dans la cage et que son visage fut entièrement levé dans ma direction, je vis alors dans quel état il avait été laissé et ne pus m'empêcher de frémir. Du sang coagulé collait à ses cheveux et tombait sur son œil droit, boursouflé. Ses lèvres, enflées elles aussi, étaient bleues. Sa chemise, ouverte, laissait apparentes les taillades et les coups reçus. Son épaule, laquelle était à peine remise de nos précédentes péripéties, était à nouveau dans un piètre état. Je baissai encore les yeux et je vis ses doigts : sur chaque main, il manquait deux ongles. Là aussi du rouge collait à sa peau meurtrie.
      "Sweety" fit une grimace pitoyable... Je compris qu'il s'agissait d'un sourire :

      - Hé, Arhye... ça va toi ? T'as l'air en forme...
      - Bordel de... Matt, est-ce que tu vas bien ?

            Bien sûr que non, il n'allait pas bien ! Pas besoin d'être physionomiste pour s'en apercevoir ! Mais le choc était tel que rien d'autre ne me venait à l'esprit. Je sentais cependant la rancœur resurgir à l'égard de nos "hôtes". Ce qu'ils m'avaient infligé n'était pas grand chose à côté de Matt.

      - Relaxe, je vais bien. Regarde : je peux encore tenir debout.

            Dans un effort intense, le voleur se redressa en faisant appui sur ses jambes et contre le mur derrière lui. Le sol gelé faillit lui faire perdre l'équilibre mais il tint bon et s'approcha en traînant des pieds, zigzagant de droite à gauche jusqu'à me tenir les mains contre les barreaux. Il haletait.

      - Comme si... ces petits bobos allaient me mettre sur la touche.

            Il tenta de rire mais la douleur le fit hoqueter et se plier en deux. Il tomba à genoux et gémit. L'empathie du moment me faisait mal, rien qu'à le regarder. Mais le voir en vie et capable de blaguer me rassurait davantage. Je ne devais pas m'inquiéter. Et je devais le rassurer lui aussi :

      - Ouais. T'as l'air en forme. Ça tombe bien, j'ai une excellente nouvelle à t'annoncer. Nous sortons d'ici.
      - Que... On ne va pas... on n'est pas mort ?
      - Oh que non. Tu ne rêves pas ! D'ailleurs c'est à toi que nous le devons. Non : que je le dois.
      - Comment ça ?
      - Plus tard les explications.

            Je me tournai vers la mafieuse qui me fit un signe de tête affirmatif, le regard neutre. Elle n'était pas seule d'ailleurs : deux autres hommes en noir se tenaient derrière elle, les bras croisés. Je ne les avait même pas entendu nous rejoindre. Mais peu importait pour l'heure.

      - Nous avons une mission à terminer. Tu es toujours avec moi, mon ami ?
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      Les hommes en noir apportent avec eux vos bagages et le parchemin cacheté qui va définitivement vous sauver la mise. Peut-être. Pour une raison inconnue, le sceau n'a pas été brisé, ils n'ont pas cherché à lire ce que recelait le papier. A croire finalement que ces voleurs de haut parage ont un quelconque respect pour la vie privée, à moins que la découverte de la photo de Cat's Eye n'ait fait perdre un peu du sens commun à sa jumelle. Quoiqu'il en soit, elle descelle le parchemin, le scrute puis écarquille les yeux. Malgré les meurtrissures qui vous fulgurent, malgré la fièvre qui menace de poindre, vous sentez que le contenu du rouleau, quel qu'il soit, a hameçonné la voleuse. Elle essaie bien de maintenir son visage neutre, son expression blasée, mais dans ses yeux brille désormais une lueur que vous connaissez.

      L'avidité.

      Sans un mot, elle vous fait signe du chef de la suivre. Les hommes en noir vous emboitent le pas. Les dédales de glace vous conduisent à un intérieur plus cossu, richement meublé, chauffé. Les tableaux qui constellent les murs proviennent surement de musées privés ou nationaux. Si l'œil vous avez, vous reconnaitrez plusieurs chef d’œuvre dérobés depuis quelques années. Les fauteuils qui meublent l'antichambre sont bourrés et ventrus, dans l'âtre de la cheminée ronfle un feu de bois salvateur qui vous revigore. Dans un verre, quelques dés de glace tintent puis fondent dans le whisky pur feu qu'ils refroidissent. La main qui tient le verre est ferme bien que vieille. Les jambes croisées, avachi dans un fauteuil, la tête nonchalamment rejetée en arrière, vous reconnaissez avec émoi l'un des sept mafieux les plus puissants de North Blue. La Grande Chouette, Fernando Martico lui-même. L'ultime voleur pour les connaisseurs. Mais il a pris de l'âge et un peu de ventre. Les hommes en noir lui donnent le salut en inclinant bien bas leur buste.

      - Grand-père ? dit Lyanna en lui tendant le parchemin.
      - Est-ce bien ce que je crois que c'est ? demande le vieil homme d'une voix lente et rassurante.
      - Apparemment si. Mais ça fait des années qu'on essaie. Et ça nous tombe, là, juste comme ça.
      - Pas "juste comme ça". C'est une offrande. N'est-ce pas ? dit-il en se tournant vers vous deux. Mais vous affichez des regards interrogatifs, vous n'avez aucune idée de ce que raconte ce papier et ils le devinent.
      - Ce ne sont que des messagers jetables, papy. Le sceau, c'est celui de Shadow Law, des pirates esclavagistes selon le Gouvernement.
      - Des esclavagistes tiennent ta sœur ? Et ils nous envoient ça ? Cela n'a aucun sens.
      - Je suis d'accord. En plus, celui qui les a commissionnés a aussi laissé cet escargophone. C'est le genre qui ne peut contacter qu'un seul numéro pré-enregistré.
      - Vas-y alors, je suis curieux de savoir de quoi il en retourne.

      PULUPULUPULUPULUPULUPULUPULUPULU !!!

      - Mes respects, Don Martico, dit la voix de Thousand qui s'élève du combiné. Vous soufflez de soulagement. Au moins, elle va expliquer le pourquoi du comment et prolonger votre condition du sursis à la libération... Normalement.  
      - Je n'ai pas l'honneur de vous connaitre...
      - Si si. Nous avons déjà été en affaire mais c'était il y a plus de dix ans et régulièrement, vous achetiez nos produits pour donner un coup de pouce climatique à vos opérations. Souvenez-vous.
      - Ma maudite mémoire vieillissante me joue des tours. Vous êtes la Marchande de pluie. Je suis étonné de vous entendre, il m'est parvenu la fâcheuse nouvelle comme quoi Ashura s'était faite démanteler.  
      - La nature a horreur du vide, Don. Je me suis reconvertie.
      - Dans le kidnapping et l'esclavagisme ?!
      - Vous êtes amenée à diriger cette famille, Donna Lyanna. Vous devriez apprendre à reconnaitre les écrans de fumée.
      - Arrêtez avec ce ton condescendant ! Que signifie tout ça ?
      - Que je viens en paix. Il se trouve que votre sœur s'est retrouvée sur le chemin de mon nouveau patron. Et dans ce business plus qu'ailleurs, la raison du plus fort a parlé et elle fut faite prisonnière. Une invité de marque que nous avons traité avec les égards dus à son rang. Mon patron est respectueux des anciens codes. Aujourd'hui, je viens en amie vous rendre votre protégée et en sus, un gage de paix. Ce parchemin vous ouvre les portes de la cité de Bourgeoys à Boréa, le Parthénon où vivent dans l'opulence, les plus grandes richesses et noblesses du royaume. Un endroit qui demeure inviolé des meilleurs voleurs, dont vous.
      - Un chemin secret débouchant au cœur d'un des châteaux cette ville-forteresse. C'est si gracieusement offert que je ne peux m'empêcher de suspecter l'entourloupe.
      - Naturellement. Vous en avez vu d'autres. Mais arrêtons un moment cet échange policé et parlons vrai.
      - Ah, nous y voilà !
      - Comme dit, nous ne voulons pas la guerre. Nous avons déjà bien à faire. Ce que nous voulons, c'est une alliance entre nos deux organisations. Shadow Law a remplacé Ashura dans la production de Dance et volontairement, nous nous faisons passer pour des pirates auprès des autorités. Via Shadow Law, notre Boss tente de bouleverser l'équilibre des Sept.
      - Et il tient à garder son anonymat, genre ?
      - Il ne peut pas venir parce qu'occupé par des affaires de vie ou de mort. Comme la plupart de nos business. Ce qu'il souhaite, c'est une alliance saine contre les Tempiesta. La famille Martico est encore indécise mais s'est récemment rapprochée des Venici. Les amis de nos amis, sont nos amis.
      - Vous n'êtes pas encore amis avec les Venici.
      - Ça ne saurait tarder. Nous poursuivons tous le même but. Bouter les indignes Tempiesta hors du coup, assurer un renouveau. Cette carte parcheminée ne sera que le début de notre fructueuse alliance. Elle débouche dans la cave du manoir de Lord Altheus Coldheart, Baron des Crocs Givres. C'est le plus grand vendeur d’émeraude de North Blue et actuellement repose dans les entrailles de sa demeure le Koh-I-Nor, l'une plus grosse émeraude taillée de l'histoire. Seize mille carats, s'il vous plait. Elle sera exposée au musée de Lavallière dans la semaine mais vous pouvez faire main basse dessus avant qu'elle ne soit trop bien protégée. Toute alliance a un prix et nous voulons le payer.
      - Et donc, que proposez-vous ?
      - Vous détenez encore mes envoyés. S'ils ne sont pas trop amochés, ils vous serviront de tête de pont et vous assisteront dans le vol du Koh-I-Nor. C'est notre garantie que nous ne vous tendons pas un piège.
      - Vous vous foutez de moi ?! Ils sont jetables, ils ne sont rien pour vous !
      - Pas vraiment. Maintenant que je me suis identifiée, vous savez vers qui orienter votre colère si cela s'avérait être un guet-apens. J'aurais juste pu vous apporter la pierre mais vous êtes les rois des voleurs, je me suis dite que vous aimeriez tâter vous-même du danger. Il parait que vous enseignez qu'à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Si cette mission s'avère être le succès que j'escompte, nous pourrions vous révéler l'existence d'autres passages menant à d'autres trésors. Le boss de Shadow Law connait bien des secrets de Boréa. Ensuite, dans la foulée, bien sûr, nous libérerons Cat's Eye et nous conclurons notre alliance en partageant une coupe de saké comme le veulent les anciennes traditions.

      Vous avez la carte. Vous avez la main d’œuvre. A vous de jouer.  
        - A vous de jouer ? Sérieusement ?!

            Après deux jours sans plus d'incident et quelques bandages et pansements, nous étions de retour sur Boréa.
        Quelques jours nous séparaient du premier débarquement à Lavallière, mais les événements qui suivirent nous donnaient l'impression que cela faisait des mois. Nous n'avions même pas pris le temps de nous soigner. Il faut dire qu'on ne nous le laissa pas. Donna Lyanna et ses hommes, au nombre de quatre, nous encadraient et nous accompagnaient jusqu'à un hôtel. Heureusement qu'il faisait nuit, car il n'y avait plus personne dans les rues pour nous surprendre, Matt et moi, avec nos gueules de prisonniers de guerre et l'équipe de chapeau melons qui nous poussaient gentiment, le doigt sur la gâchette.

        - Ne t'énerve pas comme ça. Au moins elle nous a défendu...
        - Parce que nous obliger à participer à un vol organisé, en sachant que l'endroit sera sûrement bien gardé et que nous serons placés en première ligne, voire en tant que leurres, ça s'appelle de la défense ?!
        - Et c'est un ex-Martico qui dit ça ? Où est passée ta fierté ? Et pourquoi c'est toi qui râles et moi qui joue les grands frères ? Tu es sûr qu'elle ne t'a pas frappé trop fort à la tête, la Donna ?
        - Tss ! J'ai l'impression d'être en miettes.
        - Mais tu tiens encore debout.
        - Toi aussi. Étonnant...
        - Tu redeviens sarcastique. Tu guéris vite.
        - Tais-toi juste !

           J'avais beau me moquer, je comprenais la nervosité de mon ami. Nous n'étions pas franchement en grande forme et nos talents respectifs risquaient d'être mis à rude épreuve au vu de notre situation.
        Nous arrivâmes devant l'hôtel. Les mafieux nous obligèrent à mettre une écharpe épaisse de manière à couvrir nos blessures au visage. Lyanna Martico s'approcha tranquillement du guichet et sonna. Presque une minute plus tard un vieil homme légèrement grincheux, sans doute à cause de l'heure tardive, vînt à notre rencontre :

        - C'est pour ?
        - Bonsoir. Vous resterait-il une chambre pour la nuit ? Pour... sept personnes ?
        - On a pas d'si grande chambre nan. Par contre j'peux vous avoir deux chambres familiales, pour quatre personnes chacune.
        - Ça sera parfait, merci !
        - J'vous en prie... Quel nom ?
        - Mettez Frost.

            Quelle connasse !
            Désolé.
        A côté de ça, qui parlait de l'incroyable sens de l'hospitalité des boréalins ? Au moins ne nous avait-il pas dit d'aller voir ailleurs. Il n'avait pas posé de question, ni même hausser un seul sourcil en nous voyant tous, accoutrés comme nous l'étions. Sans doute le professionnalisme. Arrivés au troisième étage, nous nous arrêtâmes entre deux portes, les chambres 307 et 308.

        - V'là vos clés. N'oubliez pas d'passer régler demain matin. Bonne nuit...
        - Bonne nuit à vous.
        - 'Ne nuit.

             Nous ouvrîmes les portes ; Matt, Lyanna, un sbire et moi entrèrent dans une chambre, les trois autres dans la suivante... pour nous rejoindre au bout de cinq minutes. Ils sortirent tous des cordes de l'intérieur de leur manteau, ainsi qu'un grappin. Ils associèrent le tout et ouvrirent la fenêtre qui faisait face à l'entrée. L'un d'eux regarda en contrebas puis se retourna vers la blonde en faisant signe que tout était en ordre. Devant notre mine interrogative, la cheffe du groupe soupira :

        - Vous croyiez quand même pas que nous allions vraiment dormir ici, alors qu'une émeraude de seize mille carats nous attend quelque part à Bourgeoys ?
        - Nous faisons le coup... ce soir ?
        - Exactement. Et cet hôtel nous servira d'alibi si jamais quelque chose nous trahi une fois sur les lieux et que nous devons fuir.
        - Mais nous n'avons même pas de plan ! Et nous ne savons pas à quoi ressemble le manoir...
        - Matt, je suis déçue ! Tu sais pourtant que l'arme la plus efficace des Martico, ce ne sont pas leurs mains, mais l'information : nous avons des hommes un peu partout sur North Blue, que ce soit en mission ou en repérage. J'ai déjà des yeux sur le terrain, et nous allons les retrouver afin de vérifier si ce fameux tunnel est viable.
        - Et... vous acceptez notre aide ?

             Tous les Martico s'étaient tournés vers moi, le regard froid. Les hommes en noir attendirent que Donna Lyanna réponde. Ce qu'elle fit, sèchement, en me montrant une affiche me représentant :

        - Nous n'acceptons pas votre aide. Nous vous ordonnons de servir nos plans. Considérez cela comme... l'assurance de notre bonne volonté à établir des liens entre votre employeur et notre famille. Tâchez de vous montrer à la hauteur. Quelques égratignures ne devraient pas trop vous causer de souci, n'est-ce pas Arhye Frost ?


        Dernière édition par Arhye Frost le Mer 14 Déc 2016 - 22:12, édité 1 fois
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        Je restai coi devant sa déclaration. L'affiche qu'elle tenait était une prime. La mienne... Je ne savais même pas qu'on m'en avait mis une, et elle me la sortait comme ça, l'air de rien ! Pas de doute, leur talent pour la recherche d'informations n'était pas que vantardise. Le problème maintenant, c'était qu'ils avaient un motif pour me nuire.

        - Ecoutez... Nous n'avons jamais souhaité d'ennui à la base. Nous ne devions même certainement jamais nous retrouver dans cette situation, si les choses s'étaient passées sans anicroche. Alors...
        - Alors quoi ? Nous renonçons à cet argent, qui plus est obtenable légalement, pour te laisser filer tranquillement chez toi par la suite ?
        - Justement, je me doute que ce n'est pas aussi simple... Disons que je veux conclure un marché avec vous. Un marché qui vous sera profitable, en plus de la proposition de notre employeur.

            Je me doutais bien que négocier avec les Martico était compliqué. Surtout lorsque ma propre tête représentait une valeur à leurs yeux. Je savais aussi que partir sans demander mon reste en reprenant Matt avec moi risquait de leur déplaire. La seule solution que j'avais était de faire apparaître les choses sous un angle différent. Un angle qu'ils comprenaient bien.
        Lyanna hésita un instant :

        - Quel genre de marché ? Qu'est-ce qui pourrait valoir ta prime et votre liberté à "Sweety" et toi ? Qu'est-ce qui pourrait vous mettre à l'abri d'un chantage ?
        - C'est très simple en réalité : puisque Matt et moi sommes vos bouées jetables sur cette affaire, nous risquons de passer en première ligne. Je me trompe ?

             L'absence de réponse me paraissait être une confirmation.

        - Dans ce cas, il nous suffira de vous aider à dérober le Koh-I-Nor et également de nous emparer de suffisamment d'émeraudes pour vous racheter ma prime.
        - C'est ça, ton marché ?! Quelques pierreries à rajouter sur la balance ? En plus nous pourrions parfaitement les voler nous-mêmes ! Pour qui nous prends-tu ?!
        - Je n'ai pas fini.
        - ...
        - Voyons cela comme une sorte de défi. Qui amassera la plus grande quantité d'émeraude durant la nuit : votre équipe de vétérans, ou notre duo de bras-en-écharpe ? Si nous gagnons, pas de recrutement, ni de règlement de compte, chacun rentre chez lui sans problème et votre échange avec Shadow Law pourra continuer sans souci. Si vous gagnez, eh bien... tant mieux pour vous.
        - Tu te moques vraiment de nous, si tu penses que tu peux te permettre de jouer avec nous.
        - Alors je rajoute un objectif : en plus du nombre d'émeraudes, le vainqueur se devra d'être celui qui s'emparera du Koh-I-Nor.
        - Mais t'es complètement dingue ?!
        - Mmh...

              La Donna réfléchissait sérieusement à la question, ça ne faisait aucun doute en voyant ses yeux. Les autres voleurs attendaient eux aussi, statiques, une réaction de la part de leur supérieure. En voyant les doigts de Lyanna s'agiter sur ses hanches, je ne pus m'empêcher de repenser au parrain son grand-père, lequel avait ce geste singulier lorsque Thousand lui parlait du tunnel à destination du manoir de Bourgeoys. Le blond boiteux à côté de moi quant à lui ne semblait pas aussi serein que nous sur la question. Et son œil droit, enflé, m'empêchait de savoir si son visage exprimait l'ébahissement, l'indignation ou la colère. Navré l'ami, mais c'était mon idée la plus viable sur l'instant.

             Une heure plus tard, nous atteignions le cimetière de Brinborian, situé à la périphérie de Lavallière. En pleine nuit, l'endroit était glacial et le froid pénétrai sans ménagement mon corps par les plaies à peine refermées qui me parcouraient. Mais surtout il était :

        - Sinistre...

              Un portail en fer noir abîmé par la rouille et le temps, des tombes en pierre surmontées d'une mince pellicule de givre, halo blanchâtre aux allures spectrales qui donnaient aux monticules funéraires un air macabre. Enfin sans doute était-ce mon imagination...
        Un léger bruit de craquement me fit faire volte-face. En plissant les yeux, je surpris un rongeur s'enfuir entre les dalles. Ahah... Un peu plus et je risquai d'avoir peur de ma propre ombre.

             ...
             Aaah !

             Ah. Mon ombre.
        Je me ressaisis et rattrapai le groupe qui se rapprochait du lieu indiqué sur le parchemin. Plus loin, une silhouette nous attendait, adossée à un grand caveau. Une fois en face de lui, le Martico sourit et dit :

        - Shadow Law a pas menti : le tunnel concorde. Danny a fait le tour du proprio de son côté, et il confirme. Les informations du parchemin sur la sécurité et les zones de repli sont correctes. On a pouvoir s'y lancer. On va s'en mettre plein les poches !
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        Nous pénétrâmes à l'intérieur du caveau et entrâmes directement dans le cercueil de marbre du premier sous-sol, lequel était vide et, surtout, muni d'un escalier. Puis nous avançâmes tous les sept dans une galerie sombre et fragile. Enfin personnellement je la trouvais trop juste niveau sécurité... Claustrophobe ? Non. Seulement prudent. J'en avais suffisamment bavé pour me permettre ce genre de folies.
        Et pourtant j'avais lancé un défi à l'une des Sept familles de North Blue. Quelle idée brillante... Je la regrettais déjà.

              Après une traversée quasi-interminable dans le noir à râler, à tâter la terre et la roche humide des murs, espérant sentir quelque structure ou quelque renforcement, je me réconfortai de sentir une odeur nouvelle après celles de la poussière et du renfermé. Une odeur de moisissure, signe que nous approchions du but. Je reçus confirmation lorsque l'un des mafieux nous fit signe d'approcher en voyant une petite fente au-dessus de nos têtes. Il leva les bras et toucha du bois. Littéralement. Il poussa une fois, une deuxième fois plus fort, et au troisième essai parvint à décoincer la trappe et à la retirer. Nous sortîmes tous du trou et nous retrouvâmes dans une cave, exactement comme l'avait dit Thousand.

        - Bon, nous y voilà. Normalement, on peut déboucher dans le hall d'entrée ou dans les cuisines depuis cet endroit.
        - T'as vu un peu ça ? Qui aurait cru qu'ils avaient foutu une dalle en pierre au dessus de la trappe ?
        - Ouais... Si jamais ça avait servi à fuir, m'étonnerait qu'un vioc de proprio parvienne à la soulever pour rentrer chez lui !
        - Hé ! Je parle là !
        - Désolé.
        - Donc ! On va pouvoir se séparer à partir d'ici. Nous passerons par la cuisine et nous diviserons en deux groupes. Vous deux : vous passez par...
        - Le hall d'entrée...
        - Exactement. Le jeu peut commencer. Que la meilleure équipe gagne et bonne chance.

            L'ironie dans sa voix était évidente. Dommage qu'elle soit si odieuse, nous aurions pu apprendre à nous entendre dans d'autres circonstances. Même ses hommes n'étaient pas si désagréables. Mais je m'égarais : Matt avançait déjà entre les rangées poussiéreuses. Je n'osai pas lui dire lorsqu'il entraîna dans son sillage une toile d'araignée particulièrement volumineuse et sa résidente. Ci-et-là des bouteilles, des cagettes, des sacs en toile, des tonneaux remplis de victuailles. Très peu de pertes ou de signes avant-coureurs de pourriture, ce qui était rare pour ce genre de réserve. J'en compris la raison d'abord en faisant confiance à la fraîcheur ambiante puis en voyant les pièges à rats éparses, refermés sur leurs victimes pour la plupart. Le sol n'était pas aussi sale que les étagères, ce qui laissait supposer que quelqu'un venait assez régulièrement entretenir l'endroit, même sommairement.

              Les Martico montaient les escaliers qui les mèneraient vers la cuisine, le pas silencieux. Pour ce talent, mon ami n'avait rien à leur envier : il continuait son petit chemin sans bruit, très tranquille. Je le suivais à mon rythme, aussi discret que possible, marchant sur la pointe des pieds, la tête penchée et le dos courbé. Comme si cette position avait déjà eu la propriété magique de faire d'un individu quelconque le roi de l'infiltration... Surtout que nous étions toujours derrière la porte menant au hall.

        - A trois, j'ouvre.
        - A trois, genre... "trois" et on y va ou alors à trois "Bam" tu ouvres ?
        - Mais... C'est la même chose !
        - Non pas vraiment : y a une notion d'immédiat pour la deuxième option.
        - Quoi ? Qu'est-ce que tu racontes ?
        - T'as raison, oublie.

             Je rabattis mes cheveux en arrière et jouai avec le déclencheur de mon briquet, histoire de déstresser un peu. "Sweety" tenait la poignée de la porte d'une main et celle de son pistolet de l'autre.

        - Un... deux.. trois.

               Et elle grinça.
             Cette saloperie de morceau de bois sec venait de grincer. Ça avait dû résonner dans toute la pièce ! Comment pouvait-on avoir une poisse pareille ?! Nous regardâmes à droite, à gauche, mais rien. L'entrée du manoir, illuminée par les rayons de lune filtrant à travers les hautes fenêtres, était déserte. De chaque côté, un énorme escalier avec des rambardes dorées. D'énormes tableaux couvraient les murs là où il n'y avait pas d'ouverture ni de relief architectural. Face à nous, deux petites tables sur lesquelles étaient posées des vases garnis magnifiquement. Entre elles, une double porte à battants en chêne. Une fresque avait été gravée dessus, puis recouverte d'une fine couche d'or. Le chandelier au dessus de notre tête était fait du même métal précieux, en plus d'être serti de cristaux par centaines. Au sol une mosaïque en tons neutres représentait une rosace très détaillée...

               Nous ne devions pas nous attarder : des bruits de pas sur la droite se faisaient entendre. Nous nous dépêchâmes d'atteindre l'escalier de gauche et montâmes les marches, heureusement recouvertes d'un tapis de velours. Décidément, le luxe ne se suffisait jamais à lui-même. Une fois à l'étage, d'autres bruits nous parvinrent du couloir de gauche cette fois. Des hommes patrouillaient réellement dans le manoir ! Ce foutu Lord Coldheart possédait certainement déjà des gardiens pour assurer la sécurité de sa demeure, mais avec la future exposition de sa si précieuse émeraude, le nombre devait avoir augmenté en conséquence.

        - Passe par la droite, je m'en occupe.
        - Mais ils sont plusieurs ! On va se faire repérer, c'est certain...
        - Sauf si j'arrive à les surprendre avant.

              Sans lui laisser le temps de répliquer, je m'approchais des murmures, aussi vite et aussi discrètement que me le permettaient mes jambes de voleur amateur. Les voix s'élevaient de la première pièce à ma gauche. Mes côtes me faisaient toujours mal... Mon bras aussi d'ailleurs. Mais je n'allais pas me plaindre tout de suite.
        Je m'arrêtai juste à côté de l'entrée. Les voix étaient très proches.

        - Et là, elle me dit :" Je suis pas sûre d'être prête pour ce genre de choses..." Alors je lui réponds :" Contente-toi d'avaler au lieu de causer ! Tu verras que t'en redemanderas."
        - Héhéhé... Et alors ? Elle l'a fait ?
        - Un peu qu'elle l'a fait ! Et encore je te raconte pas ce qu'elle a pris après !

              Toi non plus, je ne te raconte pas ce que tu vas prendre, mon con.
        Je bondis de ma cachette en pivotant et chopai le premier avec l'intérieur du coude :

        Aile de Corbeau

               Avant que son partenaire, trop surpris pour réagir, ne se reprenne, je lui décochai un coup de pied dans l'estomac puis l'assomma avec le tranchant de la main au niveau de la nuque. Il s'étala sur le tapis de sol, sans ménagement. Et d'un ! L'autre se débattait. Mon genou vint rencontrer son visage et il recula, sonné. Il voulut prendre un pistolet, mais je ne lui en laissai pas le temps et lui flanquai mon poing dans la figure. Il tomba à la renverse et s'étala sur une table basse. Tout était allé très vite, mais j'avais eu chaud. Et mes membres recommençaient à me lancer...
        J'attendais un instant que la tension redescende, espérant n'avoir alerté personne aux alentours. Puis je m'affalai sur une chaise non loin de moi :

        - Pas bon pour le cœur, tout ça...
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        Au rez-de-chaussée, je finis par entendre de l'agitation. Il y eu même un bruit de verre brisé. Sans plus attendre, je me relevai et parti en direction du couloir.

        - Arhye !

                Mon compagnon d'infortune m'avait rejoint.

        - Je t'avais pourtant dit de partir devant !
        - Il y a du monde là-bas également. Et le boucan d'en bas risque d'attirer toute la maisonnée, si ça continue !
        - Bon... plus le choix maintenant, on s'écarte au maximum des escaliers et on fouille un peu partout dans cette aile-ci.
        - Dans ce cas : tu me suis. M'étonnerait qu'on trouve quoi que ce soit en cherchant au hasard. Laisse-moi faire...

                Sûr de lui, Matt prit les devants et m'obligea à le suivre. Après deux fenêtres, une porte de chaque côté. Sans regarder derrière nous, nous devinâmes que plusieurs individus avaient atteint le hall principal. Le voleur colla son oreille contre la première porte, laquelle possédait un écriteau doré sur laquelle nous pouvions lire "A. C.", tout en en se penchant au niveau de la poignée. Il tourna cette dernière délicatement et risqua un coup d’œil. Un presque imperceptible "Bingo" et il entra.
        A l'intérieur, nous crûmes reconnaître un bureau, plongé dans l'obscurité. Derrière le siège, une grande fenêtre cachée par un rideau. Je m'empressai d'aller le tirer, mais Matt m'en empêcha, le regard sévère. Il me montra du doigt une bougie et me fit signe d'utiliser mon briquet.

                La pièce ainsi éclairée, l'ex-mafieux commença à fouiller dans les tiroirs d'une commode à côté de l'entrée, puis dans l'armoire accolée au mur de droite. Je m'approchai du bureau et voulus ouvrir le placard. Celui-ci me résista, fermé. Matt s'approcha de moi, intéressé, et fit la même constatation. Il se mit à fouiller sous les feuilles volantes et les deux-trois dossiers qui étaient posées près de la bougie et d'un bel encrier, possédant les mêmes initiales que la porte.

               Pat. Pat. Pat. Pat...
               Nous nous figeâmes afin de mieux entendre.

               Pat. Pat. Pat...
                Des bruits de pas, et ils se rapprochaient ! Paniqués nous soufflâmes sur la bougie pour l'éteindre et firent le tour de la pièce pour trouver une cachette. Finalement nous optâmes tous les deux pour l'armoire. Je rentrai le premier et poussai les cintres pour que mon ami pénètre à l'intérieur sans attirer l'attention. Les piétinements passèrent juste devant le bureau. Et s'arrêtèrent. Nous retînmes notre souffle. L'odeur de poussière environnante mêlée à celle du tabac de Matt me chatouillaient les narines... Je levai la tête et me pinça l'arrête du nez pour éviter l'éternuement. Je commençai à transpirer. Au dehors, plus un seul son. La porte n'avait pas été ouverte, et les mouvements n'avaient pas repris. Si la personne à l'arrêt décidait d'ouvrir maintenant, elle risquerait de voir le mince chemin de fumée qui probablement encore de la bougie.

               Des voix s'élevaient à nouveau depuis le rez-de-chaussée. Cela suffit pour que notre gêneur s'en aille dans la direction opposée. Nous attendions un moment avant de nous sentir soulagés.

        - On est plutôt bien là, non ? Toi et moi, seuls dans un lieu étroit...
        - Si tu as le temps de faire des blagues, sors de là et trouve une solution concernant notre affaire.
        - J'en ai une : nous sommes dans le bureau d'A. C., soit Altheus Coldheart. Si nous souhaitons obtenir des informations sur le lieu où il cache le Koh-I-Nor, c'est forcément dans les parages. Et puisque le petit placard de son bureau est fermé à clé et que celle-ci a été mise ailleurs, c'est certainement parce que ce qu'il renferme est important.
        - Et donc ?
        - Eh bien c'est logique : n'importe quel contenant important nécessite une clé d'importance équivalente. Vu l'ego de cet homme et son faible pour les choses pimpantes, je parierai pour une grosse clé en or avec un manche pourvu de ses initiales.
        - M'est avis que tu as réfléchi à la question.
        - Méta-quoi ?
        - Laisse tomber.
        - Tu utilises des mots bien compliqués parfois. Ça te vieillit, c'est dommage.
        - Et toi tu es beaucoup trop détendu, alors qu'il n'y a même pas cinq minutes tu paniquais plus que moi !
        - Déformation professionnelle. Ne t'en fais pas, mon instinct nous mettra sur la voie. Et je pense savoir où est la clé.
        - Y a plutôt intérêt, si on veut s'en sortir sans problème.

               Nous sortîmes du bureau, discrètement, scrutant les alentours. Puis Matt s'approcha de la deuxième porte, en face. En l'ouvrant, nous tombâmes sur un placard à balais... Enfin plutôt une salle de stockage réservée au personnel d'entretien, à peu près aussi grande qu'une cuisine standard. Nous continuâmes notre chemin et arrivèrent devant deux autres portes. J'ouvris la première et tombai sur une autre pièce réservée aux invités. Matt quant à lui referma aussitôt. "Une chambre" chuchota-t-il. Nous arrivâmes au bout du couloir et dûmes faire demi-tour.

                En arrivant au niveau des escaliers, une silhouette apparu sur les dernières marches, le front humide. En relevant la tête, nous reconnûmes l'un des hommes de Lyanna, qui ne devait pas être loin. Il nous fit signe de ne pas traîner davantage et se retourna pour jauger la situation. sans prendre le temps de vérifier avec lui, nous nous empressâmes de rejoindre l'autre aile. Nous pensions tomber sur d'autres gardes, mais personne ne semblait surveiller l'endroit. Étrange, mais pas plus mal pour nous ! "Sweety" prit à nouveau les devants et commença à ouvrir les portes les unes après les autres, avec son talent désormais indiscutable. Finalement nous atteignîmes la dernière pièce. Le voleur voulut ouvrir, mais se retrouva face à une porte verrouillée.

        - Génial. Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?
        - La serrure n'est pas bien grande, et pas si complexe... Attend deux secondes.

               Il fouilla dans ses vêtements et finit par sortir une sorte de petite épingle en métal, ainsi qu'un crochet. D'un clin d'oeil, il m'invita à l'encourager mentalement et commença son travail : il plaça le crochet dans le trou, pointe vers le bas, puis la fine épingle, juste en dessous. Il la remua légèrement, puis fit tourner le crochet dans l'orifice, minutieusement, jusqu'à entendre un léger "cling" de l'autre côté. Il recommença, en tournant davantage, et le son d'un loquet qu'on retire nous parvint. Le tout en à peine vingt-cinq secondes. Chapeau bas l'artiste.

               Il mit son doigt devant la bouche, comme si je n'étais pas capable de faire silence sans qu'on ne me le rappelle, puis tira sur la poignée.
        A l'intérieur, l'obscurité. Puis un sol recouvert de tapis colorés, des murs tapissés et couverts de tableaux aux cadres luxueux, une fausse cheminée en marbre sur laquelle était posée des statuettes nues et sur le côté, près des fenêtres, un lit à baldaquin, somptueux. Sous les draps, le baron des Crocs Givres, les yeux clos et le souffle lent.

        - Hé... il est plutôt pas mal... Je le voyais plus vieux.
        - Quoi ? On s'en fiche de ça. Pourquoi on reste ici ?
        - Il a la clé.

               Il pointa la table de chevet du doigt. Dessus reposait un collier d'or auquel était accroché l'objet de notre quête. Matt fit un pas. Je m'apprêtais à en faire de même lorsque qu'une ombre, jusqu'alors restée cachée derrière la porte, surgit de son coin pour me ceinturer.
        Et me revoilà, avec un pistolet sur la tempe...
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        - Ne bougez plus ! Sinon je l'fume ici et maintenant !

               Du calme. Du calme... DU CALME ! C'était pas la première fois depuis que j'avais accepté la mission. Matt restait là, devant la table de chevet, bouche bée à côté du maître des lieux, assoupi. Du moins presque...

        - Rmmh... Mais... Que se passe-t-il ici ?!

               Lord Coldheart fit un bond sur son matelas, toujours recouvert de son drap blanc immaculé. "Sweety" profita de la situation pour dégainer son propre pistolet et le braquer sur lui :

        - On ne bouge plus, cher monsieur !

               "Cher monsieur"... Bon passons.

        - Ah ! Ne tirez pas ! Je vous en prie !
        - Pose ce flingue ou je bute ton po...
        - Eh bien essaie seulement !
        - Quoi ?!
        - Si tu tires, je tue ton patron !
        - Fumier...

               Et nous voilà dans une situation délicate. Le baron lâchait de temps à autre un gémissement plaintif alors que nous nous regardions dans le blanc des yeux, sans que personne n'ose faire le premier geste. Cela me laissa libre de me creuser les méninges. Jugeant avoir suffisamment supporté le froid du canon sur ma tête, je me lançais :

        - Bon. Pas de panique tout le monde ! Personne ne va tuer personne si vous écoutez bien ce que je dis. Il nous suffit simplement de...
        - Toi l'otage je t'ai pas sonné !

               Sale con.
               Mon compagnon prit le relais :

        - Ce qu'il voulait dire, c'est que nous ne voulons qu'une chose : cette clé.
        - Mais... c'est la clé de mon bureau !
        - Justement !
        - Et moi j'suis payé pour que personne ne s'en approche !
        - Donc tu n'es qu'un mercenaire hein... et combien te paie-t-il pour garder ses petites affaires ?
        - Oh je vois ce que tu veux faire ! Mais ça m'étonnerait que t'aies de quoi me combler davantage.
        - N'en sois pas si sûr.

                Exactement ce que je voulais dire.
        Enfin bref, le type qui me maintenait hésita un moment. Mais pas encore suffisamment à mon goût. Je priai Matt du regard pour qu'il enchaîne. Ce qu'il fit :

        - Tu sais au moins la nature de ce que tu protèges ?
        - Hum ouais, une belle émeraude.
        - Oui. Une belle émeraude comme tu dis... Mais tu ne t'es donc jamais posé la question alors ?
        - Quelle question ?
        - Cet homme s'est spécialisé dans la récupération et la vente d'émeraudes. Il en possède forcément davantage. Et rien que celle que tu protèges représente facilement des centaines de millions de berrys ! Alors je te le redemande : combien te paie-t-il pour que tu la défendes jusqu'à son exposition ? Certainement pas suffisamment pour qu'il n'aie à s'en soucier.
        - Eh bien... Je...
        - Tu ne saisis pas ? Je parie qu'avec les tas de pierres précieuses que comptent son coffre, il pourrait vous acheter, toi et tes camarades, pour les dix années à venir ! Mais si nous en prenons quelques-unes, alors... Peut-être pourrions-nous... trouver un accord ? Non ?

              Et le charme éloquent de Matt faisait effet à nouveau. Je ne l'avais pas revu en faire usage depuis Manshon. Ma nouvelle ceinture hésitait, elle ne savait quelle attitude adopter. Mais le baron eut une réaction vive :

        - Me voler mes... mes émeraudes ?! Hors de question ! Plutôt mourir ! Vous n'imaginez pas le mal qu'il faut se donner pour se les approprier !
        - Hé, on se calme, le Lord ! Ce n'est pas en étant mort que vous pourrez empêcher quiconque de s'en emparer ! Même vos mercenaires risquent de se servir, en guise de compensation de salaire.
        - Essayez un peu pour voir !

               Et il se rua sur le blond qui fit un bond en arrière, attrapant les clés au passage. Semblant oublier qu'il me retenait, en pleine confusion, le mercenaire relâcha légèrement son étreinte et fit un demi-pas en avant sans trop savoir quoi faire pour calmer le jeu. L'instant que j'attendais venait d'arriver : je donnai un coup dans l'articulation de son poignet, lui faisant lâcher son arme, puis lui mis un coup de tête dans la mâchoire. Il recula et je voulu l'assommer d'une savate dans l'arcade. Mais il para au dernier moment et repoussa mon pied. Le bougre était résistant. Et un poil réactif. Je m'élançais à nouveau contre lui et il riposta. Nous échangeâmes quelques coups, encaissés pour la plupart, bloqués pour les autres. Il parvint à enfoncer son poing dans mon flanc droit, me pliant en deux. Il fallait que je pense à sermonner Lyanna au moment du départ. Impossible de me donner au maximum dans mon état !

                Avant qu'il ne me décoche un ultime coup de poing sur le sommet du crâne, je me redressai et rencontrai son menton. Sonné, la langue à moitié coupée, il mit ses mains sur la bouche en titubant. J'en profitai pour le frapper au visage une fois, puis deux, puis l'envoyer au sol en lui expédiant mon genou dans le nez. Je me tournai endolori vers Matt, lequel avait frappé Altheus avec le manche de son pistolet.

        - Finalement, il est retourné faire un somme.

              De retour dans le bureau, nous pûmes l'ouvrir et trouvâmes à l'intérieur un plan du manoir ainsi qu'une note. Il y était indiqué :"2e à droite, Magnifique".

        - Magnifique ? Qu'est-ce qu'il veut dire ?
        - Sans doute un mot de passe...
        - Bon, et ça nous avance à quoi de le savoir ?
        - Attend je cherche... Voyons... Là ! C'est là !
        - Comment ça là ?
        - Regarde, au deuxième étage, qu'est-ce que tu vois près de la salle de bain ?
        - Ben... Un pén...
        - Un couloir secret ! Une cachette !
        - Me demande pas si c'est pour répondre à ma place !
        - On y court, et vite !

                Nous sortîmes de la pièce et, en arrivant aux escaliers, nous entendîmes des bruits de pas. Nous nous cachions derrière la rambarde quand je reconnus les Martico. Ils arrivaient du deuxième étage. L'un d'eux me vit et fit signe à ceux qui le suivaient de nous rejoindre. La Donna se plaça devant eux et nous dévisagea, les cheveux ébouriffés. Elle avait dû pas mal courir...

        - Alors ? De votre côté ?
        - Rien. Pour l'instant.
        - Ha ! Nous avons vidé leur réserve d'émeraudes dans la salle du fond au deuxième. Mais pas d'indice sur l'emplacement du Koh-I-Nor... Qu'est-ce que tu veux dire par "pour l'instant" ?
        - Que le Koh-I-Nor est bientôt à nous !

                 Sur ces mots, nous partîmes en trombe au deuxième étage... Du moins aussi vite que nous le permettaient nos corps. J'insistai trop sur le sujet ? Possible. Dans tous les cas je me permis un regard en arrière, espérant voir les mines stupéfaites de nos compères. Mais il n'en était rien : les Martico courraient à notre suite, tandis que Lyanna observait notre course, l’œil félin.

               Félin disais-je ? Non. Plutôt... Animal. Juste animal. Ses pupilles dilatées et son visage lui donnaient un air carnassier. Je doutais que cela vienne seulement de l'appât du gain. Elle sourit alors, toutes dents dehors et lança, suffisamment fort pour que nous l'écoutions depuis notre hauteur :

        - Montrez-moi.
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        Nous atteignîmes le deuxième étage et Matt tourna à droite, sûr de lui. Derrière nous, la fine équipe suivait. Malheureusement tout le monde dut s'arrêter lorsque quatre individus armés pointèrent leurs pistolets sur nous en nous sommant de nous arrêter. Derrière eux, la salle de bain et, très certainement, le passage secret.
        Matt dégaina également en se cachant derrière un grand vase de pierre, posé sous une fenêtre. Je me précipitai derrière lui alors que les balles commençaient à fuser. Les Martico bondirent également sur le côté. Sauf Lyanna qui avançait en dansant entre les balles. Mais était-ce vraiment le cas ?

              Elle n'était plus qu'à deux mètres de ses adversaires, et aucun projectile ne l'avait encore atteint. Comment était-ce possible ?! C'était comme s'ils la traversaient simplement, ou comme s'ils glissaient... Impossible de vraiment savoir à la vitesse où ça allait. Dans tous les cas elle ne semblait pas gênée le moins du monde. Des cordes jaillirent alors de ses manches :

        - Strangulation !

              Grâce à la Rope Action, une technique particulièrement utile pour la neutralisation d'adversaires, la Donna ligota les gardes en les attrapant tous par le cou et en les tirant à elle. Étouffés, ils chutèrent tête en avant. Elle les attacha ensemble, aidée par ses sbires, de manière à ce qu'ils ne puissent se relever.
        Ceci fait, nous pouvions repartir en direction de la salle de bain. Nous ouvrîmes la porte et pénétrèrent dans une pièce blanche. Il avait beau faire nuit, la lumière avait beau être éteinte, nous voyions parfaitement à l'intérieur. Face à nous, une baignoire suffisamment grande pour pouvoir accueillir son propriétaire, sa femme et deux enfants. Ce que je trouvais un peu triste en sachant Lord Coldheart seul. D'un côté, le miroir et le lavabo. De l'autre, une armoire fixée au mur et quelques étendoirs. Lyanna se tourna vers nous, l’œil toujours animé d'un désir presque bestial, et demanda :

        - Alors ? Qu'est-ce que nous faisons ici ?!
        - Je ne sais pas si c'est vraiment fair-play de vous le dire...
        - Tu crois sincèrement que j'en ai quelque chose à faire, tout de suite ?
        - C'est là. L'endroit où est caché le Koh-I-Nor se trouve dans cette pièce.

                Tout le monde se mit alors à chercher. Les Martico, qui avaient déjà fouillé l'étage, faisaient grise mine. Je n'osais tourné la tête vers leur cheffe, laquelle n'hésitait plus à envoyer valser le décor pour trouver un indice quelconque.
        De son côté, Matt regardait un panneau gris comprenant des vis, dans un renfoncement du mur.

        - Qu'est-ce que c'est, à votre avis ?
        - Un panneau pour le chauffe-eau ?
        - Nous l'avons vu, le chauffe-eau : il était dans la cave.

               Au point où nous en étions, un coup de feu supplémentaire ne pouvait rien empirer. Le futur parrain nous confirma avoir neutralisé tous les mercenaires rencontrés jusqu'à maintenant. Après deux "PAN" sonores, mon compagnon ouvrit le panneau et libéra un boîtier alphabétique, avec un écran sur lequel était affiché une question : Quel qualificatif accompagne mon nom ?
        Nous regardâmes la chose, circonspects, jusqu'à ce que je réagisse et sorte la note prise dans le bureau. Grâce à l'indication, j'appuyai sur les touches correspondantes et la question fit place à une réponse. Magnifique...

                CLIC.
               L'armoire fixe pivota, accompagnée du mur derrière elle. Un passage secret s'ouvrit et en regardant à l'intérieur, nous vîmes un couloir. Je voulu avancer mais Matt me retînt, suspicieux. Un mafieux s'approcha et jeta un peu partout sur le sol des bouteilles de gel douche, des flacons de parfum, des tubes de dentifrice... Beaucoup trop de produits pour l'hygiène d'un homme seul. Mais là n'était pas la question. Après un ultime lancer, les Martico jugèrent la voie libre et nous parcourûmes l'ensemble du couloir prudemment, mais sans rencontrer d'obstacle. Au bout du couloir, un socle. Dans le socle, une pierre. Verte. Brillante. Magnifique... Le Koh-I-Nor luisait sous la faible lueur de la lune qui nous observait depuis une lucarne située au plafond. Une fenêtre de toit ronde, ne laissant passer qu'un cercle de rayon pâle au centre de l'abside.

        - Le voilà...

                Matt avait raison. Tout cela paraissait trop simple. Je n'étais pas rassuré. Lord Coldheart n'était pas l'homme le plus rusé qui soit, mais il restait quelqu'un de prudent. Il y avait forcément un piège. Lyanna, à défaut d'être une voleuse hors-pair, laissait l'enthousiasme et l'impatience prendre le dessus sur son professionnalisme. Je l'attrapai par le bras avant qu'elle ne tente de soulever le socle de verre protégeant son futur trésor. Avant qu'elle ne s'offusque, je lui fit part de ce que je venais de voir, un peu en hauteur, juste derrière nous.
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        Au dessus du couloir d'où nous venions, une bouche d'aération. Plutôt grande, la grille faisait naître en moi un certain malaise.
        Oui, une simple grille...

        - Quel est le problème avec la ventilation ?
        - Aucun... justement. Vous ne trouvez pas ça étrange qu'il y ait une grille là-haut, alors que c'est censé être une pièce secrète, et donc peu utilisée ? Surtout qu'il y a une lucarne qui fait office de fenêtre juste au dessus.
        - Et donc ? Qui penserait à ouvrir ta fenêtre, sachant que c'est une pièce secrète et que, de ce fait, il n'y ait aucune raison particulière pour l'ouvrir et l'aérer ?
        - Je ne sais pas... Il y a un truc qui cloche. J'en suis sûr. Je crois que... J'en ai vu ailleurs.

                Exaspérée, la mafieuse envoya un de ces hommes vérifier le couloir. Il revînt et confirma mes propos : une autre bouche d'aération se trouvait proche de l'entrée murale. Seulement, personne ne semblait vraiment voir où je voulais en venir. Sauf Matt qui n'osa rien dire. Puis enfin la Donna entrouvrit la bouche en prenant un air niais qui ne lui allait pas du tout, comme touchée par la révélation divine :

        - Oui. Sa fonction n'est pas d'aérer la salle. Et je suis certain que tout le monde ici trouvait bizarre de ne voir aucun piège dans le couloir.
        - Du gaz...
        - Dès qu'on retirera l'émeraude, on se fera asphyxié.
        - Et donc, que faisons-nous ?
        - J'ai une idée qui pourrait marcher. Si on se dépêche de sortir.

                  Après les explications, Matt partit chercher des serviettes dans la salle de bain. Ensuite, nous fîmes la courte échelle le temps que celui-ci parvienne à fixer du mieux qu'il put le tissu et les fibres au grillage, afin de bloquer l'arrivée de gaz. Ceci fait, les Martico pûmes retirer le socle de verre et nous contemplâmes encore un moment le joyau resplendissant qui nous faisait face. N'y tenant plus, Lyanna fit le décompte à partir de trois et nous nous préparâmes.
        Un.
        Deux...
        Trois !

                 Aussitôt retiré de son piédestal, celui-ci se redressa en émettant un petit clic et nous entendîmes un sifflement. Il provenait de la bouche d'aération.

        - Courez !

                Personne ne se le fit répéter. Nous sortîmes à toute vitesse de la pièce. Les serviettes n'avaient pas servi à grand chose, car le gaz passait dans les moindres recoins laisser vides. De toute manière : qui avait déjà survécu à un nuage toxique avec une serviette de bain en guise de masque ? Pas certain que sa capacité à filtrer soit exceptionnelle mais c'était la seule idée que j'avais dans l'instant.
        Dans tous les cas, aucun de mes compagnons d'infortune n'avait l'intention de remettre en question mes idées à cet instant. Le gaz se propageait vite... Et je compris pourquoi : l'autre bouche d'aération émettait la même fumée opaque, à l'autre bout du couloir.

                 Mais ce n'était pas le seul problème.
        La porte secrète commençait à se refermer, petit à petit. Il fallut à notre petit groupe user de toute son énergie pour sortir de là. Sur la fin, un mafieux inspira un peu du nuage empoisonné et toussa, puis trébucha, laissant tomber au passage son sac d'émeraudes. Il rampa tant bien que mal pour ne pas finir enfermé. Et là, j'eus une deuxième mauvaise idée.
        Enfin plutôt un réflexe suicidaire incompréhensible.
        J'inspirai à fond, retins ma respiration et courus dans le gaz pour récupérer le sac.

        - Mais quel con !

                 Matt gueulait. Pire, il m'incendiait de tous les noms qu'il put, espérant ainsi, très certainement, que cela me permette d'atteindre la salle de bain avant que je ne me retrouve bloqué. Le nuage me piquait les yeux. Je fonçai vers les voleurs qui me regardaient, paniqués. Le mur était presque entièrement refermé... Je sentis le froid de la pierre racler contre mes bras et tirer sur le tissu de mes vêtements.
        Mais j'étais passé. In extremis.

                 Je reprenais mon souffle, étourdi, puis tombai à genoux, tremblant. Je n'arrivai pas à croire ce que je venais de faire. Je levai les yeux vers "Sweety" et lui dis :

        - Plus jamais tu me laisses faire un truc comme ça ! Plus jamais !

                L'interpellé s'approcha de moi, les yeux humides, et m'asséna un coup de poing sur le sommet du crâne. Je le fixai avec un mélange d'incompréhension et de douleur :

        - En guise d'avertissement. T'as intérêt à t'en rappeler, comme ça !

                 Il nous fallut transporter bras-dessus bras-dessous le malheureux ayant absorber des toxines. Il était pâle et semblait manquer d'oxygène, proche de s'effondrer à chaque pas. Nous traversâmes le manoir en restant sur nos gardes. Un autre mercenaire traînait au rez-de-chaussée, rapidement neutralisé après trois tirs et deux coups de pied dans la mâchoire. Enfin nous retournâmes dans le passage caché dans la cave.
        Nous étions trop inquiets pour le mafieux pour décrocher un seul mot de victoire. Car après tout, nous l'avions fait : nous avions dérobé le Koh-I-Nor !

                  Ce n'est qu'arrivés au cimetière, alors que le soleil commençait à se lever, que nous nous posâmes enfin. Le voleur tenait toujours bon. Mais son pouls était particulièrement faible, et son visage sinistre. Trois hommes nous attendaient à l'extérieur du caveau. Deux Martico et la Grande Chouette. Don Fernando en personne. Les doigts agités, il désigna du nez le pauvre homme :

        - Occupez-vous de lui. Assurez-vous de le ramener en état. Ce n'est pas maintenant que notre famille finira ses courses avec un mort sur la conscience.
        - Nous avons réussi, grand-père ! Le Koh-I-Nor est à nous !

                 Tandis que ses hommes emportaient leur ami, le parrain nous toisa du regard, Matt et moi.

        - Ont-ils été utiles ?
        - Ma foi, oui. Celui-là n'est pas des nôtres, mais il ne manque pas de jugeote. Et de cran. Par contre, il a tout intérêt à modérer ses ardeurs, s'il ne veut pas mourir trop vite ! Quant à Matt Denis : un ancien de la famille, indubitablement. Rien à redire.
        - Je vois... Tant mieux. Vous êtes remerciés. Et libres.
        - Grand-Père ?
        - Je me suis renseigné sur eux. Surtout sur cet Arhye Frost... Alors comme ça, on rentre semer le désordre dans une base de la Marine, accompagnés des Venici, et on tue un officier ? Ma petite-fille a raison : tu as des tendances suicidaires, gamin.

                 Je n'osai pas répondre, trop impressionné par le ton rassurant et l'air sage de ce vieux bandit. Autre que physique, il se dégageait de lui une force étrange. Ce genre de force que l'on acquiert seulement avec l'âge et l'expérience. Ses paroles étaient courtes, n'allant qu'à l'essentiel. Mais je ne savais pas ce qu'il pensait de mon implication avec les Venici. Il enchaîna :

        - Votre rôle s'achève ici. Comme le veut notre tradition, vous ne serez pas tués... Tout du moins Matt. Pour ta part, gamin : évite de t'attirer davantage d'ennuis avec la mafia. Essaie plutôt... de t'attirer leurs faveurs. Maintenant, rentrons.

                Avant de nous quitter, je voulus rendre le sac d'émeraudes à Lyanna, pour le mal que s'était donné son acolyte afin de s'en emparer. Elle refusa :

        - Tu l'as mérité. Le prix à payer pour ta folie aurait pu être bien pire. Et d'ailleurs... c'est vous qui avez gagné ce jeu. Tu l'as bien dis : celui qui trouve le Koh-I-Nor le premier gagne. Nous n'avons fait que vous suivre. Et tu as ressenti le danger là où j'ai failli commettre la pire faute professionnelle de ma carrière ! Pour cela, je t'en remercie. Bien malgré moi, je le concède ! Ah, et pour mon grand-père : s'il a fait mention des Venici, c'est bel et bien par confiance. Il t'a accepté. Pas en tant que membre de la famille, mais au moins en tant que... partenaire éventuel. Comme il l'a précisé, attire-toi nos bonnes grâces et tu seras récompensé. En tout cas, ce fut un plaisir !

                 "Ce fut un plaisir"... Qu'est-ce qu'il ne fallait pas entendre !
        Pourtant, ce qu'ils m'avaient dit résonnait dans ma tête. Des paroles lourdes de sens et de projets possibles. Je regardai la famille Martico s'en aller dans la brume humide et froide de l'aube boréaline, un sac de pierres précieuses à la main et le cœur toujours battant. Matt n'était pas plus entreprenant que moi sur le moment, trop effaré par les événements qui venaient de s'enchaîner. Pourtant, c'est ensemble que nous finîmes par prendre une cigarette au fond de notre sac et que nous l'allumions, histoire de se détendre un peu. Puis mon ami me regarda, hésitant, puis finit par demander :

        - Et alors ? Maintenant, qu'est-ce qu'on fait ?

                 Je passai la main dans mes cheveux et soupirai, les yeux fermés. Après avoir assimilé notre nouvelle situation, je répondis :

        - Maintenant, on contacte Thousand et on touche la récompense. Il n'y a que les morts pour cracher sur de l'argent gagné si difficilement.
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        - Vas-y, serre-lui la main Cat's, répète le vieux Fernando Martico d'une voix lasse.

        Dans les yeux de la fraichement libérée Brianna Martico, la haine. La seule envie qui la domine, c'est de se jeter sur la frimousse de Thousand et de la déchiqueter en morceau. Depuis des mois, elle était retenue prisonnière dans une horrible datcha à Boréa et quelqu'un a osé appeler ça "traitement de faveur dû à son rang" ? Malgré elle, Brianna tend une main crispée à la binoclarde qui sirote tranquillement le saké de l'amitié nouvelle au cœur même du territoire des Martico. Que risqueraient-ils à la tuer, la dépecer puis à la jeter sous la banquise ? Après tout, elle est venue seule, Thousand...

        L'honneur !

        Toujours cette satanée valeur chère à son grand père et à sa sœur dont Cat's Eye n'en a royalement rien à cirer. A croire que leur vie disparaitrait dans un abîme sans la notion d'honneur... Foutu vieux fou, fichue Lyanna qui perpétue ses traces ! rage l'ex-détenue en serrant puis retirant aussitôt sa main. Le contact avec la représentante de Shadow Law a duré moins d'une seconde.


        - Il est bon de sceller une amitié naissante sur des bases saines, n'est-ce pas ? Vous avez fait le bon choix, aucun de nous n'aurait eu quelque chose à gagner dans une guerre totale ou d'usure. A l'image du Koh-I-Nor, désormais, nous saurons profiter de nos talents et informations pour perpétuer cette tradition des Familles de North Blue qui nous est si chère. Je lève mon Sakazuki à l'alliance Shadow Law-Martico. Puisse-t-elle durer et nous enrichir !
        - Tchin-tchin !
        - A la bonne heure !


        [...]

        - Voici vos 20 millions de Berry.

        La voix désincarnée sortant de l'escargophone conclut votre mission. Au chaud dans une taverne de Lavallière, un sous-fifre vous a apporté la mallette remplie de billets neufs avant de disparaitre comme un fantôme. En sus, il vous a offert le petit escargophone qui vous permettra de joindre directement un haut placé de Shadow Law.

        - Nous sommes satisfaits de votre travail à tous les deux. Vous avez assuré et permis le rapprochement entre les Martico et nous. Vous savez comment nous contacter si vous avez besoin d'un boulot ponctuel ou à plein temps.
        A la prochaine !