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Et la sieste dans tout ça ?

North Blue, entre Manshon et Boréa, 1627

  Matt et moi avions quitté Manshon. Enfin ! Après tous les ennuis que nous avions eu, il était temps de s'en éloigner avant que d'autres problèmes ne nous attrapent. Entre la rousse des Venici qui nous avait enrôlés de force, les hommes des Tempiesta qui passaient par-ci par-là et les Marines de la base que nous avions abîmé, cela commençait à bien faire ! Et comme ma mère me le disait :"Mieux vallait prévenir que guérir."

  Nous étions parvenu à "échanger" nos places avec deux mousses sur un navire de transport et proposions ainsi nos services contre la traversée. Après tout l'homme qui commandait sur ce bateau n'était pas dupe ; il connaissait chacun des hommes qu'il avait engagé. Ne voyant pas arriver les deux autres et ayant écouté notre proposition, il se massa délicatement la barbe qui lui mangeait le bas du visage dont la bouche et beugla :

- Ma foi ! V'tombez bien les mômes ! Pi z'allez voir qu'la mer, ça fait de vous des hommes, des vrais ! Par contre faudra pas chialer et tenir le rythme !
- Oui je sais, je sais...
- Qu'est qu'tu dis ?
- J'essaierai, j'essaierai !
- On essaie pas, ici on fait c'tout ! Allez hop ! On embarque et on s'y jette ! Pas à la mer bien sûr : au boulot ! POUAHAHAH !

  Génial, on était tombé sur le lourd de service. Enfin nous ne pouvions pas nous plaindre puisque nous quittions bel et bien Manshon. Nous demandions où poser nos affaires, ce sur quoi on nous envoya vers le dortoir de l'équipage. Ensuite nous nous habillâmes en conséquence et retournâmes sur le pont. Là le capitaine, qui s'appelait Horace, nous donna ses directives.

- J'veux deux gars à la voile et un en remplacement qu'attendra dans la mâture, Lloyd et Fried dans la cale : j'ai vos équip'ments pour la charpente et les premiers soins, ah et vous vous occuperez d'rationner l'eau aussi, toi le blond... tu m'as pas l'air bien costaud donc tu t'occuperas de briquer le pont et de nettoyer l'équipement.
- Et de mon côté ?
- Toi tu seras aux cordages, avec Joan. Les autres, vous f'rez l'inventaire et irez à la rame.

  Le susnommé me salua de la main. Un type au crâne rasé avec un tatouage en forme de chaînes enroulées autour du bras gauche, plutôt bien bâti. Je lui répondis d'un hochement de tête.

- Bon allez, on traîne pas ! C'est parti tout le monde !
- Oui, capitaine !

 Tous les marins avaient répondu en même temps puis s'étaient agités. Chaque individu s'attelait à la tâche qui lui avait été confiée sans broncher et aucun ne se laissait distraire. Personne ne souriait, trop concentré à faire quitter le navire du port. Une sacrée discipline que de travailler sur les mers. Joan s'approcha de moi :

- T'en fais pas, une fois qu'on aura quitté la côte, ça sera détente pour tout le monde ! La majorité des gars ici travaillent avec Horace depuis des lustres et on sait tous comment fonctionne ce bateau. Allez viens plutôt par là, que j'te montre les cordages.
- Et toi, ça fait longtemps que tu travailles avec lui ?
- Mouais. Pas autant que Lloyd par contre ! J'crois bien que c'était le premier.
- Et il y a des choses particulières à savoir sur le capitaine ? A faire ou à ne pas faire ?
- Eh ben... Évite juste de lui faire comprendre qu'il n'est pas drôle.
- Quoi ?
- Tu comprendras.

  Je regardais Matt du coin de l’œil. Horace lui montrait un sceau et une serpillière posés près d'un petit local au bout du pont, près de l'échelle menant aux quartiers inférieurs et au dortoirs, et de la cabine principale. De chaque côté, un escalier menait à la dunette. Face à l'échelle, une trappe et un système de poulie. Il devait s'agir d'un monte-charge permettant l'acheminement des marchandises jusque dans les cales. Je passais la main dans les cheveux puis lui fit signe une fois qu'il se trouva seul. Quand il me vit, je mis devant ma bouche mon index et mon majeur et mimai de l'autre main l'allumage d'un briquet, puis fis un moulinet avec mon bras, comme pour dire "Après". Il leva le pouce en signe de compréhension.
Je n'avais pas commencé que j'attendais déjà la pause avec impatience.


Dernière édition par Arhye Frost le Dim 6 Nov 2016 - 19:14, édité 3 fois
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Le temps était vraiment agréable. Je ne pensais pas pouvoir me lasser un jour de la sensation de l'air marin venant me caresser le visage. Joan m'avait appris en l'espace de quelques heures les "rudiments du métier" de marin ainsi que la façon d'interagir avec les cordages. Mon agilité me fut précieuse lorsqu'il fallut détacher la voile du grand mât en étant suspendu à l'horizontale à plusieurs mètres au-dessus du pont principal. En me redressant, je ressentis une violente douleur au niveau de la cuisse : la balle que j'avais reçue en affrontant Joras Portefoudre ne datait que de deux jours.

  Nous étions maintenant à plusieurs miles de Manshon et il était temps pour nous de faire une pause. Je rejoignis Matt qui m'attendait déjà, une cigarette à la main.

- Comment ça se passe pour toi, là-haut ?

 Je montrais ma jambe blessée au voleur avec un demi-sourire.

- Aussi bien que je l'espérais.
- M'en parle pas : ce Horace m'a obligé à astiquer le pont au moment-même du départ... j'ai l'épaule qui me lance !
- N'en fais pas tout un drame ! Au moins tu risquais pas de chuter d'un mât en lâchant prise.
- Mouais... Eh bien moi je trouve que tu as de la chance.
- Pourquoi ça ?
- Ce Joan.
- Oui ?
- Il est plutôt pas mal.
- ...
- ...
- Hééééé ?!

  Les yeux de Matt pétillaient de malice et de... lubricité. Surtout de lubricité.

- J'aimerais tellement qu'il enlève ce débardeur. Ah ton avis, est-ce qu'il accepterait que je l'aide ?
- Mais c'est pas la question ! Qu'est-ce qui te prend ?
- Bah je le trouve bel homme. Où est le mal ? Et puis il m'a l'air fort... on doit se sentir en sécurité avec lui.
- Parce que t'es pas en sécurité avec moi ?
- Bien sûr que si mais ce n'est pas pareil voyons ! Toi tu es mignon et puis tu... Arhye.
- Oui ?
- Ne me dis pas que tu es jaloux ?
- Quoi ?! Non oublie tout de suite ce que je viens de dire ! Enterre-le à jamais !
- Oh fais pas ton ingénu ! Libère-toi un peu...
- Mais laisse-moi tranquille avec ça ! Je me fiche du fait que tu aimes les hommes, je le respecte, mais laisse-moi en dehors de ça, s'il te plaît ! Je ne sais même pas pourquoi je rentre dans ton jeu à chaque fois.
- Parce que je suis doué pour ça.
- Ouais. Ça c'est sûr.

   Ainsi deux jours passèrent pendant lesquels nous nous occupâmes des tâches qui nous étaient confiées sans nous plaindre. Il m'arrivait de croiser le capitaine Horace et de converser avec lui. Je supportais tant bien que mal son humour médiocre, sous l'influence de certains de mes nouveaux camarades qui m'incitaient sans ménagement à sourire ou à rire, l'air paniqué. Il m'était même arrivé de faire la sieste entre deux barils d'eau près des cabines, seulement un farceur avait eu l'idée une fois de venir me réveiller en me jetant un sceau rempli à la figure. "Sweety" m'avait retenu du mieux qu'il put pour m'empêcher de sauter à la gorge du malheureux, lequel ne comprenait pas ma réaction.

- Jamais on ne me réveille ! T'entends ?! JAMAIS !
- Calme-toi, Arhye ! Hé oh, aidez-moi ! Arrêtez-le !

  Matt et moi avions également pris la décision de nous taire sur nos blessures. Joan s'en rendit compte cependant et me demanda plus tard d'où elles provenaient.

- Oh une dispute qui a mal tourné. Une des raisons qui nous ont fait quitté l'île.

  Pas tant un mensonge que ça.
Nous voguions à un beau rythme. La mer était calme et un petit vent soufflait depuis le Nord-Est. Le troisième jour nous devînmes rameurs avec nos compagnons du pont, échangeant ainsi nos places avec les anciens. Joan était assis avec nous et nous en profitâmes pour discuter un peu alors que nous nous synchronisions avec nos voisins pour brasser l'eau en cadence. Matt était particulièrement enthousiaste.

- Qu'est-ce que tu faisais avant de devenir marin, Joan ?
- Ahah ! Vous n'devineriez jamais : j'étais comédien ! J'faisais la tournée des places, des pubs et auberges pour me donner en spectacle un peu partout sur Koneashima.

  Oh effectivement je ne lui trouvais pas le physique d'un artiste. Une raison supplémentaire pour ne pas se fier aux apparences.

- Tu es d'East Blue alors ?
- Ouais ! Mais j'ai dû quitter l'île, laissant derrière moi femme et enfant.
- Oh... Femme et enfant...
- Ouais. Ne vivant qu'avec des recettes et des pourboires, j'gagnais pas assez pour faire vivre pleinement notre p'tite famille. Du coup j'suis parti avec Horace ! Il m'a promis de bonnes conditions de travail, un bon salaire, et la possibilité de l'expédier à mes deux amours tous les mois ! Jusqu'à maintenant j'ai jamais été déçu. Et puis j'retourne les voir à l'occasion. Ils vont parfaitement bien, et c'est ce qui m'importe le plus. Mon seul regret c'est de ne pas voir quotidiennement mon fils grandir, ni même fêter son anniversaire...
- Oui je peux comprendre. Ce doit être dur.
- Ouais... C'est triste.

  Je préférais ignorer ce que mon compagnon trouvait triste et nous continuâmes à ramer ainsi, parlant de tout et de rien. Jusqu'à ce que la clochette annonçant l'heure du repas retentisse.


Dernière édition par Arhye Frost le Dim 6 Nov 2016 - 19:20, édité 1 fois
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J'étais bien. Là posé contre les escaliers de la dunette, les yeux fermés et le vent caressant doucement mes joues. J'avais récupéré un vieux drap qui servait à couvrir les caisses dans la cale et m'étais assis dessus. J'étais repu également : le cuisinier de bord nous avait préparé des fèves en sauce avec une belle tranche de jambon fumé, ainsi qu'une pomme en quartiers trempés dans du miel. Nous avions même eu droit à du rab. Le luxe !

- Parfait...
- Eh bien eh bien, t'as l'air à l'aise toi ! T'es fait pour la mer, ça s'voit !

  Je m'apprêtais à répondre avec fracas en ouvrant un œil quand je vis Horace, les mains sur les hanches, toutes dents dehors... du moins celles que l'on voyait dépasser de sous sa barbe. Je m'abstins donc de faire du zèle. Il prit place à côté de moi, m'obligeant à me pousser. Et ma sieste dans tout ça ?

- T'as déjà voyagé, hein ?
- Plusieurs fois, oui.
- Ha ! C'est des choses qui trompent pas, ça. Les p'tits nouveaux qui se relaxent sans avoir rien à faire, ça existe pas, ou alors : sont justes des touristes ! Mais t'en ai pas un. T'as fait tout bien, comme Joan t'a montré. Et t'as l'air d'aimer c'te sensation, j'ai pas raison ?
- Oh que oui : pas de route, pas d'obstacle, rien qu'un groupe avançant au gré du vent et des vagues, se laissant transporter vers d'autres lieux, inconnus pour la plupart, libres. Solitaires et solidaires à la fois. Que rêver de mieux ?
- De la gnôle et des putes, peut-être ? POUAHAHA !

  Je m'efforçais de sourire. La lourdeur de cet individu était impressionnante. J'étais quand même curieux de savoir ce que je risquais en refusant de rire à ses blagues. Je m'apprêtais à le lui dire lorsqu'il me devança :

- Ça mis d'côté, t'voudrais pas faire partie d'mon équipage, par hasard ? Un p'tit gars comme toi, costaud et pas chiant, ça peut êt' bien qu'sur un navire, à profiter d'la vue et à rire un bon coup en étant bien entouré !


  Je regardais Horace droit dans les yeux. Il avait l'air sérieux, bien que ses fossettes trahissent un large sourire. Je réfléchissais un temps avant de lui répondre :

- Je vous remercie de me le proposer, capitaine. C'est vrai que vous avez un bel équipage sous vos ordres, et vous menez vraiment une belle vie. Mais c'est justement pour ça que je dois refuser, car plus tard, je monterais sur mon propre navire, avec mes propres hommes et nous serons en quête de notre propre liberté. Pour l'instant, je dois juste découvrir de nouveaux lieux, faire de nouvelles rencontres, vivre mes propres expériences et, surtout, être sûr de mon choix. Je ne veux pas faire d'erreur.
- N'en dis pas plus ! T'es un bon gars, t'sais ? Ca m'boul'verse que t'refuses mon invitation mais t'es honnête avec toi-même et ça c'est l'plus important. Pi comme j'dis toujours : l'mieux pour choisir sa femme, c'est d'se d'mander si on s'ra mieux en elle qu'dans une autre ! Haha ! C'pareil pour la vie d'bateau non ? POUAHAHA !

  Faisant abstraction de la dernière phrase, je lui renvoyai un sourire de gratitude. Il avait vraiment un bon fond, malgré ses mauvaises blagues. Je me demandais s'il en avait une, de femme. J'imaginais le calme qui devait régner lorsqu'il quittait son chez-lui. Mais je ne pouvais l'imaginer qu'heureuse avec ce genre de grande gueule joviale et responsable.
Au dessus de nous, des mouettes volaient dans le sens inverse de notre trajectoire. Nous profitâmes un moment du calme ambiant quand il reprit :

- T'sais quoi, gamin ? J't'aime bien. Tu f'ras un bon marin. Ouep ! Pour sûr...
- Capitaine !
- Quoi ? Qu'est-ce qu'y a ?
- Un navire arrive vers nous, d'en face !
- Quoi comme navire ? Marchand ? Militaire ?
- Non : il dresse un Jolly Roger !
- Des pirates ?! TOUT LE MONDE A SON POSTE !

   Le cri d'Horace m'arracha les tympans. Ce type avait un sacré coffre ! Et moi qui pensait que son rire tonitruant était exagéré. Joan courait vers moi pour m'obliger à me lever.

- Faut pas traîner, Arhye. On monte !

  Je suivis mon nouveau compagnon jusqu'en haut du premier mât et nous entreprîmes de rattacher les voiles. En contrebas, je vis Lloyd et Fried dire à Matt de les rejoindre sous le pont et s'y engouffrer pour aider à la rame. Mais le voleur ne les suivait pas : il fonçait se réfugier derrière les cabines. Il leva la tête, me vit et me fit signe de l'y rejoindre. Horace était sur le pont principal et s’époumonait pour obliger le reste des hommes disponibles à se dépêcher de descendre. L'homme à la barre entreprenait une manœuvre d'écartement, faisant tourner le bateau à babord. Je voyais le navire pirate se rapprocher dangereusement. Bientôt nous serions à portée de tir d'un éventuel canon de proue.
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Nous finissions de replier la dernière voile quand Horace nous hurla de descendre pour ouvrir le coffre de sa cabine. Joan acquiesça et je le suivis. Une fois à l'intérieur, il ouvrit en grand l'armoire massive qui cachait l'entièreté du mur de gauche. Sur l'étagère supérieure, quelques vêtements pliés avec soin. Au dessous, un énorme coffre à compartiments. Le marin les ouvrit tous, un à un, dévoilant son contenu :

- Des armes ?
- Tu croyais quand même pas qu'on allait partir en mer sans protection ? J'te l'ai dit : le capitaine aime être préparé.

  Quelques sabres, des mousquets, des sachets de poudre, des pistolets et des munitions. Suffisamment pour que chaque matelot puisse se défendre. Le propriétaire ouvrit la porte avec fracas derrière nous et nous aida à sortir l'arsenal sur le pont. Pourquoi maintenant ? Parce que sur notre droite, le navire pirate nous rattrapait, profitant du changement soudain de direction du vent. A cette distance, je pouvais déjà voir la silhouette de la plupart des forbans. Je voyais également Matt continuer à me faire signe. Les autres, de dos, ne l'avaient pas remarqué. Je profitais de l'arrivée d'un Lloyd en panique pour courir le rejoindre.

- Qu'est-ce que tu fous là ? On a besoin d'aide !
- Parce que tu comptes les affronter ?!
- C'est mieux que de rester caché ! Et tu vas venir avec moi !
- Oh là ! Tu l'as dit toi-même : je suis pas fait pour être en première ligne !
- Et tu comptes laisser Joan et les autres se faire massacrer ?

  Le nom de Joan avait depuis peu un effet magique sur la conscience de "Sweety". Il se mordit la lèvre inférieure. Décidément... le considérer comme un ami me retirait le droit de lui donner des ordres. Mais cela n'allait pas m'empêcher d'appuyer sur sa corde sensible pour le convaincre de me suivre. Il soupira, singeant ma manière de faire :

- Ecoute, je te propose un truc. On n'abandonne pas les autres, c'est d'accord. Mais on va profiter de la situation pour monter à bord de leur bateau.
- Pour partir avec ?
- Non : pour les prendre à revers.
- Et comment tu comptes faire ça ?
- Et sais-tu à qui tu poses la question ?
- Bon ! D'accord très bien. On les prend à revers, et ensuite ?
- Hé ! C'est toi qui veut rester ! L'infiltration, c'est mon domaine. Toi tu t'occupes de la partie dangereuse !
- Pardon ?!
- Tu veux diriger ? Eh bien je t'en prie !
- ... T'es encore plus susceptible et lunatique que ma cousine, et crois-moi c'est peu dire !

  Le voleur ne répondit pas, la mine renfrognée. Je ne pensais pas qu'il soit vexé à cause de ce que j'avais dit. Il était certainement stressé de devoir risquer sa vie pour des personnes que nous ne connaissions pas. Et que nous quitterons de toute manière, une fois arrivés sur Boréa. Je comprenais son point de vue, mais je n'allais pas laisser de côté mes principes sous prétexte que j'étais un criminel. Se mettre à dos le Gouvernement, d'accord. Fuir lâchement et abandonner des personnes envers qui nous avions une dette, hors de question. Manquerait plus que mes parents l'apprennent et j'aurais fait honte à toute notre famille.

  Nous restions donc là, cachés, et relevions la tête de temps à autre pour s'assurer que personne n'arrivait dans notre direction et surtout à quelle distance se trouvait le bateau ennemi. Ce dernier était proche. Trop proche ! Il prit un virage à tribord et je vis trois pirates, positionnés derrière trois canons. De notre côté, et certainement conscient du danger, Horace avait fait revenir tout les rameurs du bas pour les préserver des tirs au niveau inférieur, d'où ils leur était impossible de se couvrir, et leur avait fait prendre les armes. La bataille allait commencé.
En face, un pirate cria :

- FEU !

  Et les boulets fusèrent dans un coup de tonnerre.
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De notre côté, une vingtaine d'hommes armés défendaient le bateau. Du leur, trois canons et une trentaine d'individus prêts à en découdre. J'osais espérer qu'Horace en vaille dix à lui seul.

  Les premiers boulets fracassèrent la rambarde du pont principal, envoyant des morceaux de bois un peu partout. Fried reçut un copeau sur la tempe et tomba à terre, la main sur le visage. Une deuxième volée frappa la cabine sous la dunette et fit également un trou au niveau inférieur. Là où se trouvaient les rameurs auparavant. Pendant ce temps, notre barbu de capitaine beugla à l'équipage de riposter. Je vis Joan et les autres, derrière les restes des rambardes et les quelques tonneaux du pont, lever la tête et tirer en direction du navire des pirates. Un cri me laissa croire qu'une cible avait été atteinte.

  Je sortis la tête à mon tour pour analyser la situation une nouvelle fois.

BOUM !

  Un boulet fut tiré et vola non loin de moi. Il ne pénétra que de l'air, fort heureusement. Les cheveux ébouriffés et le teint pâle, je retournai me cacher. Matt prit le relais et pesta.

- Ils s'apprêtent à nous aborder !

  Leur capitaine dirigeait un groupe d'hommes munis de grappins. Ils commençaient à les faire tourner, prenant un maximum d'élan. Leur bateau était de plus en proche, le vent marin semblant jouer en leur faveur. Horace continuait de crier, sommant ses matelots de les en empêcher. Ils tirèrent encore, certains tombèrent sous la riposte d'en face. Un autre fut emporté par un autre boulet. En face, il ne restait plus qu'un canonnier : Joan et Lloyd avaient abattu les deux autres.
Tout se passait très vite, alors que le temps semblait s'être ralenti. Nous voyions sans mal chaque détail de l'assaut, bien que les tirs, les morts et les blessés défilaient sans pause. Je voulais sortir prêter main forte mais Matt me retenait, l'air désolé.

  Lorsque le premier grappin se ficha non loin de la poupe, il ne restait qu'une dizaine de marins valides chez nous, contre une bonne vingtaine pour eux. Plus un canon.
Celui tira une nouvelle fois pour intimider le reste d'entre nous, laissant la possibilité aux forbans de grimper sur notre navire. Je pu constater la rapidité avec laquelle ils avaient traversé, suspendus par les mains et les pieds au dessus de la mer. Cependant, leur abordage signifiait pour "Sweety" et moi la diversion.

- Cette fois, on y va.
- C'est parti.

  Le voleur fit le tour de la cabine au niveau de la poupe, évitant ainsi le pont principal et les pirates qui se ruaient sur nos hommes, sabres en main. Nous atteignîmes l'un de leur grappin et je suivis mon compagnon, agile, le plus rapidement possible. Par chance, personne mis à part le canonnier ne nous avait repéré. Il dégaina son sabre et voulut me tailler l'estomac mais je fus plus vif : mon genou vînt se ficher dans son menton et mon poing lui fit rencontrer le sol. A l'autre bout du pont, face à nous, le dernier homme grimpait à la corde avec derrière lui celui qui devait être leur capitaine, une dague à la ceinture. J'eus alors une idée.

- Matt, je ne sais pas ce que tu avais prévu de faire, mais je pense avoir trouvé un moyen de nous sortir de là.
- Ah oui ? Et que devons-nous faire, dans ce cas ?
- Cours rassembler toute leur poudre dans la cale. Il doit bien leur en rester. Assure-toi de faire une jolie traînée, histoire qu'on ait le temps de fuir. Moi je m'occupe de... marchander avec le capitaine.

  Le blond prit un temps pour essayer de comprendre, puis ce fut l'illumination.

- Oh toi... j'ai bien fait de te suivre. Tu peux te montrer surprenant parfois ! La base dans un couple.
- Cesse donc de raconter n'importe quoi et fonce !

  Je me détournais de lui et courait vers le "pirate en chef" qui s'apprêtait à monter sur la corde à son tour. Avant qu'il n'ait le temps de se retourner, je lui sautai littéralement dessus et nous tombâmes à terre, mes mains autour de son cou et sur le fourreau de sa dague. Je le lui retirais et le menaçais avec, par sécurité.

- Mmhpf !
- Maintenant l'ami, on se relève bien sagement et sans un mot.

  Une fois debout, je constatai non sans un certain malaise que les coups de feu et les cris avaient cessé. Sur notre navire, Horace, Joan, Fried, Lloyd et les cinq autres matelots encore capables de se battre avaient lâché leurs armes, mains derrière la tête. Les dix pirates face à eux les obligeaient à se rassembler en groupe, prêts à les découper au moindre geste suspect et le regard sadique. Je commençais alors à douter de mon plan. Mais je ne pouvais plus faire marche arrière : c'était désormais notre seule chance.
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J'inspirai et me lançai :

- TOUT LE MONDE CESSE DE BOUGER MAINTENANT !

  Les pirates et les matelots tournèrent la tête vers moi. Ils virent le capitaine que je tenais en otage et restèrent cois un moment. Puis l'un de ses hommes prit son pistolet, suivi par ses camarades. Je collais la dague au cou de leur chef et lui murmurai :

- Dis-leur de jeter leurs armes. Tout de suite.

  Pendant un moment, rien. Le silence. Pesant. Un moment, je crus que cet idiot allait se débattre et foutre en l'air mon plan, moi avec. Mais je sentis contre moi sa respiration saccadée et son corps tremblant. Il ne voulait pas mourir.

- JETEZ VOS ARMES, BANDE D'IDIOTS !

  Beaucoup hésitèrent. L'un d'eux voulut protester mais son voisin, sans doute plus fidèle à son capitaine, le cogna à l'épaule et lui imposa d'obéir. Au final tous lâchèrent sabres et armes à feu. Horace et les siens s'empressèrent de les ramasser, tendus mais légèrement soulagés de ce retournement de situation.

- Très bien. Maintenant vous allez tous remonter sagement sur votre navire et vous barrer d'ici ! Je garde votre capitaine avec moi jusqu'à ce que vous soyez tous retournés ici, sans arme ! Mes amis vous mettrons en joue et tirerons au moindre signe suspect. Ensuite, je reviendrai sur mon bateau et vous pourrez partir.
- Pauvre con : t'crois vraiment que j'te laiss'rai t'en tirer comme ça ?
- Et tu penses vraiment être en position de me menacer ?
- T'peux pas m'tuer. Ça t'vaudrait juste de crever ici et d'provoquer un bain de sang ! Aucun d'entre vous n'survivra.
- Mais à quel prix ? Combien restera-t-il d'entre vous ?
- Ça f'ra qu'une plus grosse part pour chacun.

  La peur le faisait cogiter et le rendait dangereux. Avec l'énergie du désespoir, il risquait de s'enivrer et de ragaillardir ses hommes. Je n'avais plus qu'une solution, mais pour éviter de provoquer le chaos, il me fallait avertir les pirates, histoire de leur éviter une mauvaise surprise :

- Avant de commencer à remuer, écoutez bien : votre capitaine ici présent refuse de coopérer. Je n'ai d'autre choix que de le neutraliser. Une mesure de sécurité supplémentaire pour éviter un drame, pour vous comme pour nous.
- Et t'entends quoi par me neutra...

PAF !

 Je l'assommai avec la poignée de sa dague. Son corps chuta lourdement tandis que les forbans s'offusquaient. Les armes pointées devant leur nez les calmèrent rapidement. Sans maître pour diriger l'orchestre, ils n'étaient plus que des instruments sans partition cohérente. Autrement dit, ils ne représentaient plus de réelle menace, à moins que l'une des percussions reprenne le rythme... La partie n'était pas encore terminée.

  Matt sortit enfin du niveau inférieur et vint à côté de moi :

- C'est fait. J'en ai profité pour jeter par dessus bord tout ce qui pouvait représenter une menace. Ah et tu peux commencer à compter jusqu'à cent.
- Parfait. Reste par là.
- Tu as peur tout seul ?
- Juste un peu. Et tu as une arme sur toi, alors ça me rassure.

  Je regardais le type à mes pieds. Il n'était pas très fort : aucun réflexe, aucune résistance et aucune résolution dans les moments critiques. S'il avait réussi à obtenir le respect de ses hommes, alors eux-mêmes devaient être particulièrement faibles. Cette simple pensée m'énervait : si Matt n'avait pas décidé de rester cacher, j'aurais pu venir en aide à Horace, et peut-être sauvé davantage de marins. Je regrettais mon inaction.

  Les pirates dépouillés de tout leur attirail remontaient sur leur navire et j'en profitais pour retourner sur le notre avec "Sweety", histoire de ne pas nous retrouver encerclés et de finir nous-mêmes en otage. L'un d'eux, trop proche de moi, ne m'inspirait pas confiance. Une fois à côté de la corde d'abordage, je fis volte face et l'envoya rejoindre son capitaine au pays des songes d'un revers dans la tempe et d'un coup dans l'estomac. Un nouvel exemple qui refroidit davantage ses compagnons. Si je le voulais vraiment, je pouvais tous les vaincre de la même manière. Et si les choses tournaient mal, j'aurais droit à un tir de couverture. Mais ce que je leur réservais était bien plus efficace selon moi.

  Nous avions enfin retrouvé nos bateaux respectifs et nous commençâmes à nous éloigner. Matt me regardait avec un grand sourire alors que les forbans s'agitaient sur le pont, cherchant poudre et armes de rechange.

- Est-ce que tout le monde est prêt pour un feu d'artifice ?
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BOUM ! BRAOUM !

  Multiples, les explosions déchirèrent le ventre du bateau. La poudre à canon, les munitions, les barils, l'huile... Tout prit feu et se propagea de la coque jusqu'aux voiles. Matt avait parfaitement réalisé l'acheminement des combustibles, même si le résultat allait au-delà de mes espérances. Quel genre de stock possédaient-ils pour obtenir des dégâts d'une telle ampleur ? Sur le pont embrasé, les pirates hurlaient, de peur et de douleur. Deux d'entre eux avaient eu le temps de sauter à l'eau, bientôt condamnés à se noyer ou à flotter avec un morceau de bois e guise de bouée. D'autres étaient figés là, impuissants et trop surpris pour croire au drame. Les plus proches du lieu de la détonation étaient en train de mourir lentement.

  Nous regardions tous l'effroyable spectacle. Malgré la détresse et l'agonie de cet équipage, personne ne leur viendra en aide. Les criminels avaient été punis pour leur méfait. Je ne ressentais aucun malaise : ils avaient mérité leur sort. Je me disais simplement qu'à leur place, j'aurais préféré mourir dans le feu de l'action, pas sous les flammes de l'enfer. Comme l'aurait si bien dit le vice-lieutenant Portefoudre, "Ce n'était que Justice."

- Il vaut mieux que nous partions, capitaine.

  Je m'étais tourné vers Horace, lequel ne pouvait détacher ses yeux du spectacle. Il me regarda enfin et tenta de se ressaisir :

- Ouais... Hum ! Décidément Arhye, t'es vraiment fait pour la mer... C'est p'têt une fin cruelle, mais sur la flotte, y a pas d'règles. Si nos gars se font tuer, on les venge, c'est aussi simple que ça. Z'avez bien agis tous les deux... Allez les gars ! On quitte c't'endroit ! Ca s'rait con qu'le vent tourne et qu'on brûle à not' tour !
- Ensuite, on pourra s'occuper de ceux qui sont morts...

  Il y avait beaucoup d'émotion dans la voix de Joan. Ses yeux étaient humides et n'affichaient encore que de la colère. Mais pleurer les nôtres et les honorer était un devoir. Il faudra ensuite prévenir leurs familles. La peine allait durer un moment, aussi longtemps que durera le trajet, et se propagera avec l'envoi des lettres de condoléances, tandis que les corps iront rejoindre le fond des océans. C'était sans aucun doute la mission la plus difficile dans la vie d'un marin. Nous baissions tous la tête, émus. Mais notre maître-barbu se devait de montrer l'exemple et nous incita à nous activer, espérant ainsi nous occuper l'esprit, n'était-ce qu'un temps.

  Une journée entière s'était écoulée. Fried avait un bras en écharpe et les yeux rougis. Ses sanglots nous avaient tous empêchés de dormir pendant la nuit. Mais nous ne pouvions pas lui jeter la pierre : aucun d'entre nous n'avait l'envie de se reposer, même pour fuir la réalité. Matt tentait de me consoler en positivant : nous étions en vie. Nous avions renversé la situation et vaincu les pirates. Nos défunts compagnons pouvaient se reposer en paix, dans les fonds marins. Et cela fonctionnait. Sa bienfaisance à mon égard, même intéressée, me faisait du bien.

  Je fumais avec lui sur la dunette, regardant le soleil qui pointait à l'horizon. Je me rappelais qu'il ne nous restait qu'une journée de traversée avant d'atteindre Boréa. Il faudrait alors quitter ces matelots, auparavant si joyeux. Je tâchais de garder bonne figure, sachant cette expérience de vie commune en mer enrichissante. La bataille avait aussi été une épreuve utile sur le plan humain. Je savais désormais où me positionner, dans la piraterie.
Ma jambe me faisait encore mal. Je la massais doucement.

- D'ici demain, ça aussi, ce ne sera plus qu'un souvenir.
- Et ton bras ?
- Ma foi... Opérationnel à 100%.
- Tant mieux.
- Et le moral ?
- Je vais bien ne t'en fais pas. J'ai bien réfléchi.
- Et donc ? Réfléchi à quoi ?
- Je ne veux pas être ce genre de pirate.

  "Sweety" éclata de rire. Je le regardais avec surprise.

- Comme si tu en étais capable ! Arhye bon sang ! Je sais déjà que tu ne seras jamais comme eux ! C'est bien pour ça que tu peux compter sur moi. D'ailleurs je tenais à m'excuser.
- Comment ça ?
- Hier, j'ai fait preuve de lâcheté... Et je savais pertinemment que tu voulais venir en aide à Joan et aux autres, même en risquant ta vie. C'est pourtant avec cette idée de toi en tête que j'ai accepté de te suivre. Nous ne sommes peut-être pas des saints, toi comme moi, mais tu es brave. Un peu sanguin parfois, mais juste ce qu'il faut.
- Qu'est-ce que tu veux dire par là ?
- Personne n'est parfait Arhye. Et personne ne peut se vanter d'avoir toujours eu la bonne attitude, d'avoir pu sauver tout le monde en se prétendant héros, d'avoir pardonné chacun de ses ennemis en lui laissant la vie... Tu as des qualités. Beaucoup de qualités, d'après moi ! Mais tu as aussi de nombreux défauts. Et... c'est cette équilibre dans ta personne que j'aime.

  Les paroles de mon ami m'émurent, mais sa déclaration d'amour parvint à me faire rougir. Sentant la chaleur sur mes joues, je m'offusquais :

- Cré... Crétin ! Evidemment que je ne suis pas parfait ! Et puis...
- Oui ? Tu m'aimes aussi ?
- Oui.
- Pour de vrai ?
- Non !

   Nous nous fixâmes un temps, l'un étonné, l'autre énervé, puis nous laissâmes nos rires prendre le relais. Cette entente qu'il y avait entre nous m'était chère. Je sentais qu'elle m'aidait à grandir.
Tout à coup, savoir que Boréa n'était plus loin me semblait plus facile à digérer. Cet après-midi, je rattraperais mes heures de sommeil perdues avec une bonne sieste.
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