En plein milieu de North Blue, 1627
Heureusement que l’alcool existe. La vie serait nulle sinon.
Accoudé au bastingage, je regarde les vagues s’écraser sur la coque, manquant de faire chavirer l’embarcation poussive à chaque impact. Une bouteille à la main pour me donner la force de supporter cette traversée dans cette épave avec un parfait abruti en guise de navigateur. Je commence à avoir mal aux jambes à force de rester debout mais je n’ai pas le choix. Skippy, notre guide, nous a fait nous asseoir sur ces fauteuils trempés alors maintenant il faut que ça sèche. Ce dernier est un véritable moulin à paroles avec un débit de conneries carrément impressionnant. Des pulsions meurtrières me traversent mais on a encore besoin de lui. Et puis il vaut mieux éviter de tuer des révos si je ne veux pas trop attirer l’attention sur nous. Maintenir une couverture en place, c’est comme faire un cunnilingus. Il faut prendre le temps de bien faire les choses si on veut gagner des points pour plus tard. Mais au moindre pet de travers, on peut se retrouver dans la merde. Alors pas question de se lâcher, même si ce type ne manquerait sûrement à personne.
Dieu merci, il semble avoir désigné Mindy comme son interlocutrice officielle. La pauvre tend parfois le cou pour tenter de trouver un peu de soutien de notre part mais en vain. On se regarde avec Simon et Jason et on explose de rire. Skippy interrompt quelques instants son monologue pour voir ce qui nous fait rire et, ne voyant rien, reprend de plus belle devant le regard vide de Mindy. Je fais un petit signe de la main à ma chère collègue et je sors un cigare que j’allume en attendant que le temps passe. Cette embarcation avance vraiment lentement. Un cigare et du saké. Je ne demande rien de plus.
Au loin, je remarque un navire qui avance au rythme des vagues, les voiles baissées. En plissant les yeux, j’arrive à voir un drapeau mais je ne le reconnais pas. Je file un coup de coude à Jason qui est en train de bricoler un petit robot. Une vis glisse de sa main et il se penche pour la ramasser en pestant. Alors qu’il se relève, je pointe la masse sombre loin devant.
-Tu crois que c’est des pirates ?
-J’espère que non. Avec une poubelle comme ça, fait-il en désignant le pont du navire, on n’a aucune chance dans un combat naval.
-Ouais… Et j’ai franchement pas envie de me battre là. Déjà que j’ai le fion mouillé, ce serait bien que j’évite de me présenter face à Harlem Snake avec du sang plein les fringues.
On continue d’observer l’embarcation mais l’idée d’une menace semble de plus en plus à écarter. Aucun signe de mouvement du côté de l’autre navire. Aucun homme en arme ne se montre sur le pont et aucun canon ne pointe le bout de son nez par les écoutilles. Il semblerait que l’on se croise simplement sans aucuns sentiments, qu’ils soient amicaux ou hostiles. Tant mieux. Mais il est tout de même étonnant de trouver un navire à l’arrêt, comme ça, au beau milieu de la mer. Qu’est-ce qu’ils attendent ? Soudain, la coque du bateau s’ouvre en deux et quatre petites embarcations très rapides en sortent. Comme des fusées, elles foncent droit vers nous. J’ai juste le temps de remettre le bouchon de la bouteille pour éviter d’en renverser que les frêles esquifs nous percutent déjà. Je demande ce qu’il se passe et c’est Skippy qui nous répond.
-Hey ! Ha ba on est déjà arrivés ! J’étais tellement pris dans la discussion que je m’en suis pas rendu compte.
-Quoi ?! C’est le navire des Saturn ? Mais espèce d’abruti, on devait monter le pavillon convenu avant de les rejoindre ! Je t’avais demandé de me prévenir une demi-heure avant !! Ils nous prennent pour des gêneurs là!
-Ha mince… C’est vrai.
-L’Orchidée, Le Magnum, Le Boulon ! A la cale vite, ils ne doivent pas vous voir !
En mission, et lorsque l’on endosse nos rôles de révolutionnaires, on utilise nos surnoms. Ça limite les risques. Nos véritables identités ne nous servent que pour le Cipher Pol. A cette seconde précise, des grappins surgissent de toute part et s’accrochent à tout ce qui se trouve sur leur chemin. Mes trois collègues ont tout juste le temps de se planquer et moi de prendre le fameux pavillon à pleine main qu’une douzaine d’hommes débarquent sur le ponton, visiblement énervés. Ils se présentent comme les anneaux de Saturn et exigent que je décline mon identité. Je lève bien haut le drapeau qui était supposé les prévenir de notre arrivée.
-Je suis « Le Docteur », envoyé par les Echos de la Liberté. Je dois m’entretenir avec votre chef, il est au courant de mon arrivée.
-Et le signal ?
-Je l’ai dans la main. Navré, nous n’avons pas pu l’attacher en haut du mat. Comme vous le voyez, je suis handicapé du bras droit.
Je lève ma prothèse mécanique et espère que cette excuse bidon suffira. Ils se regardent, se concertent et finissent par acquiescer. Ils demandent à ce que je les suive. Skippy (Dieu, merci !) est sommé de rester sur son navire et d’attendre la fin de l’entretien. D’un bond, j’atterris quelques mètres en dessous, sur leurs petites torpilles. Je manque de peu de me casser la gueule tellement le départ est fulgurant comparé au vieux tacot qui nous a emmené jusqu’ici. A l’approche du petit bateau, la coque du navire des Saturn s’ouvre à nouveau et nous nous faisons littéralement dévorer. Le mécanisme se referme dans un grand claquement et nous nous retrouvons dans l’obscurité totale.
Heureusement que l’alcool existe. La vie serait nulle sinon.
Accoudé au bastingage, je regarde les vagues s’écraser sur la coque, manquant de faire chavirer l’embarcation poussive à chaque impact. Une bouteille à la main pour me donner la force de supporter cette traversée dans cette épave avec un parfait abruti en guise de navigateur. Je commence à avoir mal aux jambes à force de rester debout mais je n’ai pas le choix. Skippy, notre guide, nous a fait nous asseoir sur ces fauteuils trempés alors maintenant il faut que ça sèche. Ce dernier est un véritable moulin à paroles avec un débit de conneries carrément impressionnant. Des pulsions meurtrières me traversent mais on a encore besoin de lui. Et puis il vaut mieux éviter de tuer des révos si je ne veux pas trop attirer l’attention sur nous. Maintenir une couverture en place, c’est comme faire un cunnilingus. Il faut prendre le temps de bien faire les choses si on veut gagner des points pour plus tard. Mais au moindre pet de travers, on peut se retrouver dans la merde. Alors pas question de se lâcher, même si ce type ne manquerait sûrement à personne.
Dieu merci, il semble avoir désigné Mindy comme son interlocutrice officielle. La pauvre tend parfois le cou pour tenter de trouver un peu de soutien de notre part mais en vain. On se regarde avec Simon et Jason et on explose de rire. Skippy interrompt quelques instants son monologue pour voir ce qui nous fait rire et, ne voyant rien, reprend de plus belle devant le regard vide de Mindy. Je fais un petit signe de la main à ma chère collègue et je sors un cigare que j’allume en attendant que le temps passe. Cette embarcation avance vraiment lentement. Un cigare et du saké. Je ne demande rien de plus.
Au loin, je remarque un navire qui avance au rythme des vagues, les voiles baissées. En plissant les yeux, j’arrive à voir un drapeau mais je ne le reconnais pas. Je file un coup de coude à Jason qui est en train de bricoler un petit robot. Une vis glisse de sa main et il se penche pour la ramasser en pestant. Alors qu’il se relève, je pointe la masse sombre loin devant.
-Tu crois que c’est des pirates ?
-J’espère que non. Avec une poubelle comme ça, fait-il en désignant le pont du navire, on n’a aucune chance dans un combat naval.
-Ouais… Et j’ai franchement pas envie de me battre là. Déjà que j’ai le fion mouillé, ce serait bien que j’évite de me présenter face à Harlem Snake avec du sang plein les fringues.
On continue d’observer l’embarcation mais l’idée d’une menace semble de plus en plus à écarter. Aucun signe de mouvement du côté de l’autre navire. Aucun homme en arme ne se montre sur le pont et aucun canon ne pointe le bout de son nez par les écoutilles. Il semblerait que l’on se croise simplement sans aucuns sentiments, qu’ils soient amicaux ou hostiles. Tant mieux. Mais il est tout de même étonnant de trouver un navire à l’arrêt, comme ça, au beau milieu de la mer. Qu’est-ce qu’ils attendent ? Soudain, la coque du bateau s’ouvre en deux et quatre petites embarcations très rapides en sortent. Comme des fusées, elles foncent droit vers nous. J’ai juste le temps de remettre le bouchon de la bouteille pour éviter d’en renverser que les frêles esquifs nous percutent déjà. Je demande ce qu’il se passe et c’est Skippy qui nous répond.
-Hey ! Ha ba on est déjà arrivés ! J’étais tellement pris dans la discussion que je m’en suis pas rendu compte.
-Quoi ?! C’est le navire des Saturn ? Mais espèce d’abruti, on devait monter le pavillon convenu avant de les rejoindre ! Je t’avais demandé de me prévenir une demi-heure avant !! Ils nous prennent pour des gêneurs là!
-Ha mince… C’est vrai.
-L’Orchidée, Le Magnum, Le Boulon ! A la cale vite, ils ne doivent pas vous voir !
En mission, et lorsque l’on endosse nos rôles de révolutionnaires, on utilise nos surnoms. Ça limite les risques. Nos véritables identités ne nous servent que pour le Cipher Pol. A cette seconde précise, des grappins surgissent de toute part et s’accrochent à tout ce qui se trouve sur leur chemin. Mes trois collègues ont tout juste le temps de se planquer et moi de prendre le fameux pavillon à pleine main qu’une douzaine d’hommes débarquent sur le ponton, visiblement énervés. Ils se présentent comme les anneaux de Saturn et exigent que je décline mon identité. Je lève bien haut le drapeau qui était supposé les prévenir de notre arrivée.
-Je suis « Le Docteur », envoyé par les Echos de la Liberté. Je dois m’entretenir avec votre chef, il est au courant de mon arrivée.
-Et le signal ?
-Je l’ai dans la main. Navré, nous n’avons pas pu l’attacher en haut du mat. Comme vous le voyez, je suis handicapé du bras droit.
Je lève ma prothèse mécanique et espère que cette excuse bidon suffira. Ils se regardent, se concertent et finissent par acquiescer. Ils demandent à ce que je les suive. Skippy (Dieu, merci !) est sommé de rester sur son navire et d’attendre la fin de l’entretien. D’un bond, j’atterris quelques mètres en dessous, sur leurs petites torpilles. Je manque de peu de me casser la gueule tellement le départ est fulgurant comparé au vieux tacot qui nous a emmené jusqu’ici. A l’approche du petit bateau, la coque du navire des Saturn s’ouvre à nouveau et nous nous faisons littéralement dévorer. Le mécanisme se referme dans un grand claquement et nous nous retrouvons dans l’obscurité totale.