"A croire qu'on ne bosse qu'en hiver. Voilà les dossiers de la journée. T'es payée à l'affaire résolue, comme d'habitude."
Elle sourit d'un air entendu, sans répondre au magrichon. L'été était passé bien trop vite. La relative sécurité du jour disparassait très tôt, maintenant, et les clients affluaient. L'Agence Pink ne s'occupait que du menu fretin, et, amusément, tout le monde était content. Les gros réseaux ne supportaient pas la présence des parasites que nous nous faisions une joie d'éclater, et il fallait admettre qu'il était nécessaire, pour les couches populaires insulaires, d'avoir un peu de place pour respirer sans se faire trancher la gorge. Ces dernières acceptaient cela sans trop de vagues, d'ailleurs. Qu'un détective retourne bredouille, ou qu'il annonce "C'est la bande de Rexxie qui a pris votre mari, nous sommes désolés", pour l'habitant, c'était la même chose. Il y avait des forces qu'il était inutile d'affronter à Lynbrook, et c'était normal : Les guildes étaient fondatrices de Lynbrook, et leur existence, l'intérêt même de cette île. On s'écrase, et on accepte. Faut vraiment être con, pour accepter un contrat social pareil, se dirait n'importe qui des Blues. Mais lorsque l'on voit qui habite Lynbrook, l'on comprend vite que la vie est faite de nuances qu'un abruti qui n'a connu que des plantations d'orangers à perte de vue ne pourrait saisir.
Kassandros leva la tête.
"Pause clope, se mura-t-elle. Je lis les déclarations quand j'aurais fini le paquet."
Pink hocha la tête, resigné à l'insolence perpetuelle de Johanna. Elle sortit alors, se pencha sur un mur, et commença son activité cancérigène journalière, regardant les passants. Lynbrook était un catalyseur de talent. Du moins, c'était vendu comme ça. Comme pour citer le grand homme, vous savez faire des bulles de chewing-gum ? Grâce à Lynbrook, vos bulles seront plus grandes, plus résistantes, et éventuellement explosives. Le concept est assez beau, mais le souci, c'est que certains ont pris la citation de manière un peu trop... Littérale. Un défilé de passants surgit. Un homme de bonne constitution, mais complètement roué, tiré par une de ces abominations culturistes signée Guilde des Videurs. laissant une traînée de sang derrière lui, on pouvait l'entendre gémir. Supplier qu'on lui vienne à l'aide. Johanna hocha la tête. Sûrement un de ces lutteurs de foires pensant que la Guilde des Videurs ferait quelque chose de lui. Hélàs, non. Mais il reviendra à la charge, après s'être entraîné d'arrache-pied. Peut-être qu'il réussira à entrer, peut-être pas. De l'autre côté de la rue, un stand de barbecue faisait sentir son odeur jusqu'a la baraque. Une odeur de viande très assaisonnée. Et si l'on avait le nez fin (ou partagé quelques verres avec le vendeur), l'on comprenait vite que la "viande" en question avait miaulé, avant de se faire abattre. Mais c'ést pas cher, alors les gens achètent...Et ne partagent plus de verres avec les vendeurs dans les stands.
Il y avait même des épiciers. Un peu partout dans l’île, ils se ravitaillaient grâce aux navires vendant déposant régulièrement leurs marchandises, alimentant en nourriture et en objets divers et variés l’île. Un épicier de luxe importait des articles doscariens relativement précieux, mais ceux-ci étaient souvent réservés à ceux qui réussirent à tirer leur épingle du jeu. L’un des salons du Savoir Lounge fut d’ailleurs décoré grâce à cette marchandise, témoignage du prestige de l’établissement fournisseur.
Enfin, des scieurs d’os. Certains plus compétent que d’autres, d’autres plus honnêtes (les deux caractéristiques étant, assez étonamment, assez indépendante l’une de l’autre), leur importance était complètement relativisée par l’interrogation suivante : Que viendrait faire un véritable docteur dans ce bouge géant ? Un autochtone n’allait chez le médecin que s’il n’avait vraiment aucun choix. En général, la plupart des Lynbrookiens savaient soigner les plus grosses blessures, et quant aux maladies, ça passait, ça s’endettait pour acheter de la véritable aspirine ou de la quinine chez le doscarien, ou tout simplement, ça cassait.
Des enfants jouaient avec un amas de chausettes savamment gluées pour en faire un ballon. Des enfants de la rue, sans doute, les autres en général étaient enfermés à quadruple tour à la maison pour éviter tout drame. Orphelins, condition souvent due à l’irresponsabilité de ceux venus pour tenter leur chances, à l’innocence bien souvent retirée trop tôt. Vivant souvent en petits groupes, ils se retrouvent face à deux choix : Tenter le passage clandestin à bord des navires marchands, ou alors le repère du type. Le quidam au courant savait qu’il fallait d’ailleurs éviter de leur chercher trop de noises, de peur de se faire balancer à leurs instit’ du repère.
Kassandros tenta de faire une volute de fumée, mais comme souvent, en vain. Le repère du type. L’école des talents. Elle y était souvent allée, depuis qu’elle fut membre de la Guilde des Espions. Les exercices de théâtre et d’élocution, de profiling et de déductions l’avaient grandement aidée à se former, mais il était clair que ça ne suffisait pas.
La jeune femme pensa au carnet relié de cuir rouge qu’elle avait entreposé en lieu sûr, après en avoir compris la teneur. La révolution avait mit sa tête à prix. Et un agent du Cipher Pol la tenait visiblement en laisse. Et le truc bizarre qui s’est passé dans la Grande Allée. C’est bizarre. Elle était assez certaine que si traverser la Grande Allée était un jeu, elle avait triché. Ce qui lui mettait sans doute les gars qui étaient au courant pour la Grande Allée sur le dos. Le type.
La détective regarda le ciel bientôt pluvieux. Plus elle y pensait, plus elle voulait se tirer ce coin là. Rokade, Armada, ou même revenir à Zaun, ou sur une île paumée… Il y avait moins de chances qu’elle se fasse suriner. Mais au fond d’elle, elle savait que c’était faux. On sait où est la Mort quand on la regarde droit dans les yeux, pas quand on se terre dans un trou à rats. Et puis… Elle tourna sa tête vers la vieille bâtisse en tôle, et le vieux néon scintillant « Pink’s detective agency ». Ce n’était pas grand-chose, mais elle était utile. Mieux valait vivre une courte vie avec une mort violente mais courte, qu’une non-vie longue, avec éventualité de torture à la clé. Une goutte d’eau s’étala sur le nez de Kassandros.
La pause était terminée.
Elle sourit d'un air entendu, sans répondre au magrichon. L'été était passé bien trop vite. La relative sécurité du jour disparassait très tôt, maintenant, et les clients affluaient. L'Agence Pink ne s'occupait que du menu fretin, et, amusément, tout le monde était content. Les gros réseaux ne supportaient pas la présence des parasites que nous nous faisions une joie d'éclater, et il fallait admettre qu'il était nécessaire, pour les couches populaires insulaires, d'avoir un peu de place pour respirer sans se faire trancher la gorge. Ces dernières acceptaient cela sans trop de vagues, d'ailleurs. Qu'un détective retourne bredouille, ou qu'il annonce "C'est la bande de Rexxie qui a pris votre mari, nous sommes désolés", pour l'habitant, c'était la même chose. Il y avait des forces qu'il était inutile d'affronter à Lynbrook, et c'était normal : Les guildes étaient fondatrices de Lynbrook, et leur existence, l'intérêt même de cette île. On s'écrase, et on accepte. Faut vraiment être con, pour accepter un contrat social pareil, se dirait n'importe qui des Blues. Mais lorsque l'on voit qui habite Lynbrook, l'on comprend vite que la vie est faite de nuances qu'un abruti qui n'a connu que des plantations d'orangers à perte de vue ne pourrait saisir.
Kassandros leva la tête.
"Pause clope, se mura-t-elle. Je lis les déclarations quand j'aurais fini le paquet."
Pink hocha la tête, resigné à l'insolence perpetuelle de Johanna. Elle sortit alors, se pencha sur un mur, et commença son activité cancérigène journalière, regardant les passants. Lynbrook était un catalyseur de talent. Du moins, c'était vendu comme ça. Comme pour citer le grand homme, vous savez faire des bulles de chewing-gum ? Grâce à Lynbrook, vos bulles seront plus grandes, plus résistantes, et éventuellement explosives. Le concept est assez beau, mais le souci, c'est que certains ont pris la citation de manière un peu trop... Littérale. Un défilé de passants surgit. Un homme de bonne constitution, mais complètement roué, tiré par une de ces abominations culturistes signée Guilde des Videurs. laissant une traînée de sang derrière lui, on pouvait l'entendre gémir. Supplier qu'on lui vienne à l'aide. Johanna hocha la tête. Sûrement un de ces lutteurs de foires pensant que la Guilde des Videurs ferait quelque chose de lui. Hélàs, non. Mais il reviendra à la charge, après s'être entraîné d'arrache-pied. Peut-être qu'il réussira à entrer, peut-être pas. De l'autre côté de la rue, un stand de barbecue faisait sentir son odeur jusqu'a la baraque. Une odeur de viande très assaisonnée. Et si l'on avait le nez fin (ou partagé quelques verres avec le vendeur), l'on comprenait vite que la "viande" en question avait miaulé, avant de se faire abattre. Mais c'ést pas cher, alors les gens achètent...Et ne partagent plus de verres avec les vendeurs dans les stands.
Il y avait même des épiciers. Un peu partout dans l’île, ils se ravitaillaient grâce aux navires vendant déposant régulièrement leurs marchandises, alimentant en nourriture et en objets divers et variés l’île. Un épicier de luxe importait des articles doscariens relativement précieux, mais ceux-ci étaient souvent réservés à ceux qui réussirent à tirer leur épingle du jeu. L’un des salons du Savoir Lounge fut d’ailleurs décoré grâce à cette marchandise, témoignage du prestige de l’établissement fournisseur.
Enfin, des scieurs d’os. Certains plus compétent que d’autres, d’autres plus honnêtes (les deux caractéristiques étant, assez étonamment, assez indépendante l’une de l’autre), leur importance était complètement relativisée par l’interrogation suivante : Que viendrait faire un véritable docteur dans ce bouge géant ? Un autochtone n’allait chez le médecin que s’il n’avait vraiment aucun choix. En général, la plupart des Lynbrookiens savaient soigner les plus grosses blessures, et quant aux maladies, ça passait, ça s’endettait pour acheter de la véritable aspirine ou de la quinine chez le doscarien, ou tout simplement, ça cassait.
Des enfants jouaient avec un amas de chausettes savamment gluées pour en faire un ballon. Des enfants de la rue, sans doute, les autres en général étaient enfermés à quadruple tour à la maison pour éviter tout drame. Orphelins, condition souvent due à l’irresponsabilité de ceux venus pour tenter leur chances, à l’innocence bien souvent retirée trop tôt. Vivant souvent en petits groupes, ils se retrouvent face à deux choix : Tenter le passage clandestin à bord des navires marchands, ou alors le repère du type. Le quidam au courant savait qu’il fallait d’ailleurs éviter de leur chercher trop de noises, de peur de se faire balancer à leurs instit’ du repère.
Kassandros tenta de faire une volute de fumée, mais comme souvent, en vain. Le repère du type. L’école des talents. Elle y était souvent allée, depuis qu’elle fut membre de la Guilde des Espions. Les exercices de théâtre et d’élocution, de profiling et de déductions l’avaient grandement aidée à se former, mais il était clair que ça ne suffisait pas.
La jeune femme pensa au carnet relié de cuir rouge qu’elle avait entreposé en lieu sûr, après en avoir compris la teneur. La révolution avait mit sa tête à prix. Et un agent du Cipher Pol la tenait visiblement en laisse. Et le truc bizarre qui s’est passé dans la Grande Allée. C’est bizarre. Elle était assez certaine que si traverser la Grande Allée était un jeu, elle avait triché. Ce qui lui mettait sans doute les gars qui étaient au courant pour la Grande Allée sur le dos. Le type.
La détective regarda le ciel bientôt pluvieux. Plus elle y pensait, plus elle voulait se tirer ce coin là. Rokade, Armada, ou même revenir à Zaun, ou sur une île paumée… Il y avait moins de chances qu’elle se fasse suriner. Mais au fond d’elle, elle savait que c’était faux. On sait où est la Mort quand on la regarde droit dans les yeux, pas quand on se terre dans un trou à rats. Et puis… Elle tourna sa tête vers la vieille bâtisse en tôle, et le vieux néon scintillant « Pink’s detective agency ». Ce n’était pas grand-chose, mais elle était utile. Mieux valait vivre une courte vie avec une mort violente mais courte, qu’une non-vie longue, avec éventualité de torture à la clé. Une goutte d’eau s’étala sur le nez de Kassandros.
La pause était terminée.