Obiit




Une masure sur les bords de la plage, non loin d’une crique à l’eau pure. Elle ne payait pas de mince, comme ça, mais elle recelait des accès souterrains permettant de vivre et cacher l’un des criminels les plus recherchés de cette blues. Il avait fallu presser la cadence pour arriver là, et en quelques jours, l’assassin avait pu profiter des convois révolutionnaires. Il avait, évidemment, cherché à contacter son frère mais il était resté sans réponse. Cesare répondait toujours. Il avait mis en doute les allégations d’Uther, s’effrayant à l’idée qu’il puisse encore contacter Céline comme il le volait. Mais il semblait dire vrai cette fois. Comment savait-il que Cesare avait survécu ? Comment le connaissait-il, d’ailleurs. Ils étaient jumeaux, certes, mais suffisamment différents pour qu’on ne les ait jamais formellement identifiés, même parmi les révolutionnaires. Si on voulait toucher Rafaelo, il était évident que c’était un point où frapper. Mais son frère était fort. C’était d’ailleurs la supériorité de Cesare qui avait poussé l’assassin à entreprendre sa quête de pouvoir, à la recherche de son fruit.

La porte de la cabane pendait encore sur ses gonds, et le sable s’était infiltré à l’intérieur. Les chaises étaient renversées et de nombreux impacts couvraient le mur. Des impacts de balles. Un morceau de la charpente avait même volé en éclat sous le coup d’un obus. Pas de doute possible, Uther et Cesare s’étaient battus. Il y avait du sang, mais pas assez pour un mort. Le mercenaire n’avait aucun intérêt à tuer Cesare pour l’instant, il voulait faire souffrir Rafaelo avant tout. Prendre son jumeau en otage était le meilleur moyen. Jurant entre ses dents, l’assassin fit basculer à terre l’étagère qui masquait le passage secret. À en voir les dégâts, le combat s’était poursuivi dans les pièces souterraines. Il sentait avec son mantra que plus personne n’était là depuis longtemps, mais il préférait rester prudent. Cesare avait pu laisser un indice. Il enjamba le meuble qui s’était brisé en basculant et s’engouffra dans les ténèbres.

L’endroit était encore illuminé, et on percevait très bien les gouttes de sang qui semaient le chemin de Cesare. De temps en temps, on pouvait apercevoir une empreinte rouge, bien dessinée. Uther l’avait suivi en marchant, débitant quelques moqueries dont il avait le secret. Rafaelo s’accroupit, observant le décor. Le mercenaire avait pris son temps pour traquer sa proie, il n’avait pas cherché à le blesser mortellement, seulement à lui faire mal. Les impacts et la position du tireur étaient éloquents. Il avait fait plusieurs fois exprès de rater sa cible. Il serra le poing, frappa le sol. La pierre se morcela sous la rage de l’assassin. Il se releva en inspirant profondément, chassant cette colère qui n’avait pas altéré son jugement depuis plusieurs années. Ce n’était pas le moment de perdre pied et de se laisser aller. Ce n’était pas le moment de commettre des erreurs.

Il fouilla l’endroit, guettant les traces carmines. Il connaissait suffisamment son frère pour savoir qu’il n’aurait jamais fui. S’il était descendu, c’était pour une raison spécifique. Que l’étagère ait été remise en place signifiait aussi qu’Uther avait pris soin de la remettre en place une fois son méfait accompli. Un frisson couru le long de l’échine de Rafaelo. Cela faisait tout de même beaucoup de sang. Trop de sang. Il pressa le pas, se glissant dans un autre passage secret. La salle des vitrines, comme l’appelait Cesare. C’était une pièce où de nombreux mannequins trônaient. Différentes tenues de l’Umbra trônaient là, certaines ayant été portées par l’un des frères, d’autre par les deux. De la simple tunique blanche à la tenue noire du maître de l’ordre. Toutes les étapes étaient là. Chacune des marches qu’ils avaient gravi à deux. Ramené à l’enfance par cette exposition, Rafaelo recula d’un pas, malgré lui. Il se revit une fraction de seconde sous les ordres de son maître voleur. Il n’avait pas encore de lames, à cette époque. Cesare, si. Une main ensanglantée décorait la vitre de la plus ancienne des tuniques. L’assassin s’approcha. Le sang était écaillé, le liquide avait séché en formant des crevasses. Cela datait de plusieurs jours, mais le message était clair. Cesare avait reconnu l’intrus, tenu ferme et réussi à donner suffisamment le change pour lui laisser un indice. Le révolutionnaire posa la main sur celle de son frère.

« Je te retrouverai, frangin. »

La dernière fois qu’il avait porté cette tenue, c’était ici même à Tanuki. C’était douze ans plus tôt, alors qu’ils faisaient fatalement parler d’eux. Dans un grand incendie, après avoir mis à mal la garnison. Une cible qui avait été prise au hasard, à l’époque. Beaucoup de risques pour peu de succès, au final. Mais on avait commencé à parler d’Il Assassino après cela. Comme un seul et même homme, alors qu’ils étaient deux. C’était la première fois que Rafaelo sortait de l’ombre au profit de Cesare, qui avait toujours préféré la pleine lumière. Les temps avaient beaucoup changé. Rafaelo était désormais un nom connu et craint. Célèbre à travers toutes les mers, et même sur Grand Line. Il avait siégé en face du leader de la révolution, ils avaient négocié le futur ensemble. Tant de chemin pour revenir au point de départ. Mais ce n’était pas ce qu’avait voulu dire Uther par un retour où tout avait commencé. Peut-être finirait-il par lui dire pourquoi il lui en voulait tant ? Quelque chose à voir avec son histoire, sa vie avant la Confrérie ? Quelque chose que Céline ignorait. Ou qu’elle avait voulu oublier et taire. Un frémissement chatouilla soudain sa perception, tandis que des lumières rouges s’allumaient un peu partout dans la pièce. Le mercenaire avait piégé l’endroit. La première détonation secoua les souterrains, commençant par les premiers couloirs. Uther s’était assuré que Rafaelo descende assez profondément avant de le piéger.

Tant de matériel gâché pour la seule fin de lui nuire. Le mercenaire devait se douter que Rafaelo en sortirait vivant. Il devait certainement vouloir l’affaiblir. Mais cela ne marcherait pas. Concentrant ses forces, l’assassin fit jaillir sur sa peau un fluide noir et visqueux qui gagna ses bras. Il expira, sans se préoccuper des détonations qui se rapprochaient. Un brouillard tout aussi noir commença à s’échapper de lui. Puis, en un éclair gris et noir, il envoya une puissante nappe de fumée remonter le conduit de ventilation. Il disparut alors, emportée par le brouillard. Ce fut un Rafaelo fumant qui roula à terre, devant la cabane. Il se releva, profitant de son élan et toussa. Tout son corps portait des marques de son passage à travers les explosions, sauf ses bras. Mais ce n’était pas fini. Obéissant à son instinct, il se mit en garde.

« Abattez-le ! »

Un véritable parcours du combattant. Mais ça ne l’empêcherait pas de retrouver Cesare et de mettre fin une bonne fois pour toute aux agissements d’Uther.

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Les dards passèrent à travers l’assassin, ricochant contre les murs. Il tendit la main et enveloppa l’un de ses assaillants dans un carcan de fumée puis, en une fraction de seconde, fut sur lui, sa lame secrète remontant de son menton à son orbite. Il frappa du talon un autre des envoyés d’Uther puis disparut de nouveau, en plongeant toute la scène dans un brouillard épais. Deux gargouillis d’agonie se firent entendre, puis le son d’un os brisé suivi d’un cri de douleur étouffé. D’un geste, l’assassin rappela la fumée à lui. Trois corps gisaient à terre et un autre se tordait de souffrance, son tibia plié dans un angle inquiétant. Quatre dagues volèrent en direction des autres assassins. Surpris par la soudaine disparition de la fumée, ils ne réagirent pas. Cela leur fut fatal. On leur avait certainement confié que le révolutionnaire ne se battait qu’en comptant sur les pouvoirs de son fruit, et que l’explosion le laisserait affaibli, à leur merci. Erreur de débutant. Le pouvoir n’était qu’un moyen, qu’un outil. La véritable arme, c’était encore lui. Du talon, il écrasa les doigts du survivant, qui lâcha alors la grenade qu’il tentait d’armer. Il hurla de nouveau de douleur, tandis que ses phalanges se disloquaient sous le pied de Rafaelo. Pour faire bonne mesure, ce dernier sortit sa rapière et l’enfonça entre l’humérus et la clavicule du bras valide de son agresseur. La lame s’enfonça dans le sable, glissant jusqu’au pommeau. Epinglé à terre comme un vulgaire insecte.

« Où sont-ils ? »

L’assassin serra les dents, bien décidé à ne rien dire. Rafaelo lui offrit un revers de son gantelet d’arme, faisant sauter quelques dents. Il en profita pour enfoncer ses doigts dans la bouche de sa victime, lui arrachant sa capsule de poison avant qu’il n’ait l’idée de s’en servir. Il ne se ferait pas avoir une seconde fois.

« Où sont-ils ? »
répéta-t-il.

Le pauvre hoqueta de douleur, la peur se faisant un chemin dans sa cervelle. Sans poison, il savait qu’il souffrirait jusqu’à révéler les moindre détails des plans d’Uther. Il ne comprenait pas comment ils avaient pu se faire avoir si facilement. Rafaelo était sorti plus indemne qu’il ne l’aurait pensé de l’explosion.

« Uther vous a envoyé ici pour me tester, rien de plus. Alors si tu penses avoir eu l’honneur de pouvoir me tuer, tu te trompes. Ce pourri ne laissera personne d’autre tenter de me tuer. Vous n’étiez là que pour attester de mes capacités. Il doit nous observer non loin d’ici, je parie. »

Joignant le geste à la parole, le révolutionnaire lança dans les hauteurs une nouvelle dague. Celle-ci s’enfonça dans quelque chose d’assez vivant pour lâcher un petit cri d’agonie. Un visio denden s’écrasa à terre, glissant hors de la roche. Uther avait certainement dû enregistrer le combat, de façon à voir ce que ce nouveau Rafaelo, deux ans plus tard, avait à offrir. C’était bon signe : il avait peur. Son sous-fifre, quant à lui, n’en avait pas fini de trembler. Ses yeux s’écarquillèrent d’horreur lorsqu’il comprit qu’il avait été simplement envoyé à l’abattoir.

« Alors, j’attends ? »

« Il … il est dans le fort … avec la Marine … »


Toujours à se planquer. Il avait dû tenter de refourguer Cesare en espérant une prime ? Ou alors les avaient-ils corrompus ? Un mystère qui serait éclairci sous peu. L’assassin hoquetait de douleur, mais il lui restait toujours une lueur d’espoir.

« Ne sois pas stupide. » trancha Rafaelo, avant de lui enfoncer sa lame secrète dans la gorge.

Nulle pitié pour les traîtres.
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Ce n’était qu’un cheval qu’il avait trouvé dans un champ, sur les hauteurs de la falaise. Il lui avait grimpé sur le dos et déjà, ils filaient à travers les arbres. Galopant comme jamais, sans bride ni selle, l’animal filait droit sur la cité. Les deux gardes factionnés là, appuyés sur leurs armes, levèrent à peine la peine, faisant un léger signe pour demander à l’intrus de s’arrêter. Emoussés par des années d’inaction, ils ne comprirent pas. Ils ne purent réagir lorsque l’équidé sauta par-dessus la barrière sommaire qui se dressait sur son passage. Pour eux, ce n’était qu’un fou qui se ruait dans la ville. Pour lui, ce n’étaient que des imbéciles en faction. Sautant de sa monture avant de s’enfoncer dans les masses de civils, l’assassin roula à terre puis poursuivit sa course à infernale. Il courrait donnant des coups d’épaule à ceux qui étaient sur son chemin. Il n’avait pas de temps à perdre : la vie de son frère était en danger !

« Mais qu’est-ce que … »

Déjà l’assassin grimpait sur les bâtiments, se hissant sans peine sur les toits de Tanuki.

« Il doit être cinglé … »

« Hep, vous là ! »


Un garde factionné. Pas de temps à perdre. Une dague perça les airs, le cueillant à l’épaule et le faisant tomber à terre. Suffisamment haut pour l’assommer, pas suffisamment profond pour le tuer. On s’attroupa autour du corps tombé à terre, inconscient. La milice stationnée en bas leva les yeux, mais l’agresseur avait déjà disparu. Ils prirent le pouls de leur camarade, il vivait encore. Ce fut seulement à cet instant qu’ils perçurent le symbole sur la dague. Le symbole de l’Umbra, organisation criminelle. La journée n’était pas terminée. La garnison de la Marine surplombait la ville par ses murs et son donjon. Une véritable place forte. Les gardes en patrouille sur les toits, sur le chemin du fort, tombaient un à un. Jamais tués, mais nul n’aurait pu identifier leur agresseur. Celui-ci semblait désireux de presser les choses et à peine l’alerte fut donnée dans les premiers quartiers de la ville portuaire de Tanuki qu’on trouvait d’autres victimes de ce mystérieux agresseur. La cloche sonna pour la première fois depuis longtemps.

L’un des soldats en faction passa nonchalamment la tête par-dessus les remparts, afin de contempler ce qu’il pouvait bien se passer en contrebas. Mal lui en pris. Cette vision lui resterait longtemps dans l’esprit. Un homme qui grimpait le long du mur, à une vitesse telle qu’il semblait marchait dessus. D’un bond, l’intrus se propulsa sur lui. Il attrapa sa gorge et enroula son bras autour de sa nuque. Le ramenant sur son dos, il attendit que le marine sombre dans l’inconscience. Trop émoussés pour penser à patrouiller par deux, son camarade, situé de l’autre côté de la muraille, contemplait la ville, cherchant ce qui avait pu déclencher l’alerte. L’assassin se glissa derrière lui, frappant son casque du coude. L’homme s’effondra. Le révolutionnaire leva les yeux vers le fort. C’était là qu’était son frère, il en était persuadé. Il traînait certainement dans les geôles depuis plusieurs jours, protégé comme jamais Il était impensable qu’ils le logent non loin des quartiers du Colonel, sauf si ...

De là où il était placé, Rafaelo pouvait voir les meurtrières qui menaient aux quartiers inférieurs. Il fit un rectangle avec ses pouces et ses index, afin de bien viser sa cible, puis il prit trois pas d’élan avant de sauter dans le vide. Un saut d’une longueur impressionnante qui assurait une réception douloureuse. Mais à l’instant où il dut rencontrer le mur, ce ne fut pas un homme mais une traînée grise qui s’engouffra par la meurtrière.

« Que … ? »

C’était dans une salle de garde que la traînée vaporeuse s’était rassemblée pour former un homme. Dans un claquement qui rappelait celui d’une détonation, un cercle de fume s’échappa de la silhouette, repoussant tout le mobilier et le personnel contre les murs. La violence du choc suffit à les envoyer tous dans les vapes. Sans perdre de temps, l’assassin reprit sa course infernale. Il ouvrit la porte à la volée, s’appuyant sur un mur pour envoyer un autre garde dans le pays des rêves, d’un coup de poing. Il tourna dans le couloir, s’engouffra dans les escaliers. Passant par-dessus la rampe, il se laissa tomber jusqu’aux étages inférieurs et atterrit sans mal au sous-sol. Empruntant de nouveau sa forme de fumée, l’assassin se glissa à travers la serrure de la porte, assommant les deux soldats en faction. Ils tombèrent de leurs tabourets, envoyés avec force contre le sol. L’assassin se redressa. Devant lui s’étiraient des geôles vides. Toutes, sauf une.

« Cesare ? » murmura-t-il, attrapant un trousseau de clefs pour ouvrir la porte.

Un pressentiment l’arrêta. Un augure qui suspendit son geste. Il maintint la clef à quelques centimètres de la serrure et traversa les grilles en se changeant en fumée. Le trousseau tomba à terre. Du pied Rafaelo retourna le corps à terre. Un sourire sanglant s’étirait sur ses joues, sa bouche étant chargée de métal. Un fil de métal s’étirait jusqu’à la porte, quasiment invisible à l’œil nu. Ce n’était pas son frère. Il ne le connaissait pas, mais il ne fallait pas être devin pour savoir de qui il s’agissait. Pour qu’Uther puisse agir à sa guise, il n’y avait qu’une seule personne à supprimer dans tout ce fort. Maintenant, il savait précisément où était son frère. C’était à se demander depuis quand l’Umbra avait pris possession de cette garnison. Puis, pour donner bonne figure au plan d’Uther, l’assassin tira sur le filin. Autant laisser croire que les manigances du mercenaire avaient marché. L’explosion fut quasiment instantanée, ravageant toutes les geôles. Le métal se tordit, les pierres se fendirent. Le corps du Colonel vola en éclat. Plus haut, à l’étage, c’était un assassin furieux qui reprenait forme humaine. La manie d’Uther à tout faire exploser commençait à lui courir sur le système.

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Il était temps que son adversaire prenne mesure des changements. Qu’il apprenne à qui il avait à affaire. Finies les ombres, terminés les mascarades. Reprenant sa folle course, Rafaelo grimpa les étages en ne laissant derrière lui qu’une mince traînée de fumée. Les gardes stationnés-là étaient légion. Il passait d’homme en homme sans se retenir à présent. Os brisés, fractures inutiles. Personne ne fut épargné : ne pouvant savoir s’il s’agissait d’assassins ou de soldats, il s’assurait de les laisser incapables de se déplacer. Sans les tuer. Pour ceux-là, il avait un autre plan. Ils étaient du menu fretin. Ils auraient pu l’inquiéter des années plus tôt, mais aujourd’hui il n’était plus véritablement humain. Du moins, plus sur la même échelle qu’eux. S’ils surclassaient la plèbe de leurs talents, Rafaelo était à la mesure de faire sa route dans le nouveau monde, de tutoyer les Atouts de la Révolution. Pourtant, Uther s’entêtait à mettre des hommes sur sa route. Espérait-il l’épuiser ? Gagner du temps ? La porte du bureau du Colonel vola en éclat sur ces considérations, révélant un sinistre tableau.





La fenêtre donnait sur la cour intérieure, auréolant de lumière une silhouette en contre-jour. Les mains croisées dans le dos, le regard perdu dans les méandres du bâtiment. Le bureau avait été repoussé contre le mur et une autre silhouette était agenouillée là, les mains attachées en hauteur. Du sang maculait son visage et sa tenue d’assassin du torse aux genoux. Retenu par ses liens, il pendait là, inconscient. L’homme encapuchonné se retourna avec nonchalance. Il contempla la porte enfoncée et l’intrus auréolé d’un halo diaphane.

« Bienvenue, Rafaelo. »

L’assassin serra le poing. Uther se retourna avec nonchalance. Il fit un geste vers Cesare.

« J’espère que tu ne m’en veux pas d’être allé déterrer tes petits secrets. Comme quoi, quand on y met les moyens, rien n’est hors d’atteinte. »

Un sourire fugace se dressa sur les traits d’Uther, qui enleva sa capuche avec douceur. Il révéla un visage marqué par les épreuves, une légère barbe trahissant le peu de repos qu’il avait dû s’octroyer ces derniers jours. Son regard de vipère détaillait son alter ego, essayant de passer chacune de ses faiblesses au crible. Il n’était pas nécessaire d’être devin pour comprendre qu’il était déçu de le voir si peu affaibli par les diverses embûches qu’il avait semé sur son passage.

« Voyons, je ne vais pas faire la conversation tout seul. Que dirais-tu d’une tasse de thé ? » proposa l’assassin, avant de se décaler pour révéler une petite table faisant face à la fenêtre, à proximité de laquelle trônaient deux chaises en osier.

« Je suis plutôt café. » répondit froidement Rafaelo, rengainant la lame secrète qui saillait de sa gaine.

Il ne se détendit pas pour autant. Le révolutionnaire se redressa, étendit son mantra pour attester de l’état de son frère. Cesare vivait, mais était dans un état proche de l’inconscience. Il avait dû souffrir entre les mains d’Uther. Son jumeau ouvrit un œil, caillé par le sang. Il toussa, un filet de bave et de sang s’échappant de ses lèvres.

« Comme tu l’attesteras, nous avons eu le plaisir de discuter, Cesare et moi. Crois-moi, c’est fou ce qu’on peut apprendre avec un peu de doigté. » s’amusa Uther, en versant l’eau chaude dans la tasse de Rafaelo.

« Tu m’excuseras, je n’ai pas de café. » fit-il une fois cela fait, invitant l’assassin à s’asseoir en face de lui.

Uther, tout comme lui, avait toujours eu le plaisir de la mise en scène. La disposition de la scène ne laissait rien au hasard. En se mettant au niveau de la fenêtre, il exposait Rafaelo mais l’informait surtout que la fenêtre de tir était dégagée sur son frère aussi. Aussi rapide qu’il soit, il ne pouvait couvrir la distance le séparant de Cesare et l’empêcher de se faire descendre. Il prit sur lui. Il pensait user de vitesse pour surprendre le mercenaire, mais c’était toujours lui qui avait le contrôle de la situation. L’assassin s’approcha tout de même de son frère. Il lui redressa le menton de la main, cherchant son pouls.

« Hé. Salut p’tit frère … » marmonna-t-il, avec un sourire goguenard.

« Allons, Raf’, ça va refroidir. » ordonna Uther, faisant apparaître un bouton au creux de sa main.

L’assassin avisa une lumière rouge qui clignotait dans le dos de Cesare. Il y avait aussi cette solution, pas besoin de tireur et contrôle absolu réservé à Uther. Il ne savait pas que son fruit du démon lui permettait de créer des armes à détonation différée, c’était déjà un plus pour la suite du programme. Il obtempéra donc, foudroyant le mercenaire du regard, et s’assit en face de lui.

« Comment va ma chère sœur ? »

« Ne joue pas à ce jeu, Uther. Qu’est-ce que tu veux ? Tu aurais pu fuir, brouiller tes pistes et aller te terrer dans le plus infâme des terries, pourtant tu es là. »

« Pourquoi aller me terrer alors qu’il est si facile de retourner ton jeu ? Dès que j’ai su que tu étais en vie, ma foi … je me suis dit que j’allais te laisser tranquille, t’amuser dans ton petit coin. Faire des mioches, te la couler douce sur les îles célestes : j’en avais pas grand-chose à faire tu sais ? Reconnaître sa défaite est une preuve de grande sagesse. Mais nooooon … »
continua Uther en écartant exagérément les bras.

« Il fallait que tu viennes expressément ici, montrer ton nez à Kanokuni, à venir fouiller sur Goa ? Et pour quoi ? Hein ? La vengeance ? Bon sang … tout allait si bien, avec deux océans entre nous. Pourquoi ne m’as-tu pas laissé à mes affaires ? Oh, ce n’est pas si difficile de trouver de la chair à canon … mais les former. Du temps et de l’argent. Une perte monstrueuse, malgré nos bénéfices. » poursuivit-il, avant de prendre une gorgée de son thé.

« Bois, ce n’est pas empoisonné. Bois, je te dis. Merci. »

L’assassin porta la coupe à ses lèvres, sous la menace du détonateur. Il laissa ses papilles découvrir le liquide, ne croyant en aucune façon les mots d’Uther. L’eau chaude coula dans son œsophage puis, par une technique dont il avait le secret, s’écoula différemment dans son corps. Il sépara le liquide de son organisme, le condamnant à aller s’infiltrer entre les dalles de la pièce. En toute discrétion.

« Tu as mis en scène tout ça dans le simple but de m’intercepter avant que je ne t’attrape ? Toute une garnison prise en otage, tous ces hommes envoyés tester mes capacités. Tout ça pour ton propre jeu ? »

« Voyons, ne soit pas risible, Rafaelo. Si j’avais vraiment voulu, j’aurai pu t’envoyer Goa à tes trousses. Notre petit arrangement avec Fenyang est une vraie mine d’or pour moi. »


L’assassin tiqua légèrement, se redressa sur son siège. Il regarda son frère, revint vers Uther.

« Ton arrangement avec Fenyang ? Tu veux dire tes manigances pour le faire venir à Goa avant même que la révolution n’éclate ? »

« Et bien … pour tout t’avouer, c’est plutôt l’inverse. C’est toi qui es venu faire éclater la révolution avant que nous ne parvenions à nos fins, alerté par ton petit Vendetta qui s’est empressé d’aller courir dans tes jupes dès que la foule a commencé à gronder sous l’oppression. »

« Donc vous aviez prévu dès le départ de faire éclater la révolte pour organiser une passation de pouvoir. Intéressant. Je suppose que, n’étant pas noble de naissance, Mendoza voulait s’acheter les grâces du Gouvernement en faisant leurs les richesses de Goa. Profiter de la révolution pour … faire ce que j’ai tenté de faire et tout donner au Gouvernement. Des milliers de morts pour l’avarice d’un seul homme … »

« Allons, allons. Si ça peut te rassurer, dis-toi que ça m’aurait aussi profité. Imagine la publicité pour l’Umbra. Enfin bon … toute la gloire t’es retombée dessus. Bô et le roi des ordures étaient si proches de réussir … Si nous n’avions pas déjà fait nos plans, tu aurais peut-être réussi. Mais, malheureusement pour toi, le jour où tu as décidé de lancer l’offensive, nous travaillions déjà dessus depuis des mois avec Mendoza. »


Rafaelo adressa une œillade inquiète à son frère. Son frère souriait toujours.

« Donc, Mendoza et toi, vous avez prévenu Fenyang et lui avez promis de livrer Goa au Gouvernement contre sa protection et … des richesses. Et il a accepté ? »

« Difficilement, mais oui. C’était pour le bien du peuple, non ? Par contre, le massacre … ça, ça l’a un peu refroidi … hé hé … mais c’est plutôt efficace de tenir un gradé par les … Attends, mais pourquoi je te raconte tout ça moi ?! »


Comprenant que quelque chose clochait, et qu’il perdait la maîtrise de son jeu, Uther se leva de la table d’un bond. Rafaelo le prit de court et attrapa sa main avant qu’il n’appuie sur le détonateur. Il maintint sa main sur sa gorge. Le forçant à rester immobile.

« Tu pensais vraiment capturer Cesare et t’en tirer indemne ? »

« Le crétin s’est même pas emmerdé à me mettre des menottes en granit marin. »
murmura Cesare avec un rire qui sifflait, entre deux filets de sang.

« Un fruit … »

« Silence. »
fit Rafaelo en lui claquant la tête contre la pierre.

« Combien de temps Cesare ? »

« Je … je dirais deux semaines … »

« Lâche-moi ou il meurt ! »
rugit Uther, son visage tournant au cramoisi.

Deux points lumineux garnirent la poitrine de Cesare. Un silence s’étira. Rafaelo jura entre ses dents et lâcha le mercenaire. Celui-ci toussa en se massant le cou, non sans s’éloigner de quelques pas de l’assassin.

« Deux semaines de quoi … Bordel, tu m’as fait quoi ? Hein, tu m’as fait quoi ?! » commença-t-il à s’emporter, perdant son calme olympien.

Le révolutionnaire s’éloigna de quelques pas, levant les mains en l’air pendant que d’autres points rouges s’allumaient sur lui.

« Tu vas me le dire ou je le fais exploser … » menaça Uther, faisant de nouveau apparaître le bouton des explosifs.

Cesare cracha un mélange de salive et de sang à ses pieds. Rafaelo baissa la tête.

« Cesare t’a inoculé ses cellules. Il t’a infecté depuis le premier jour où tu pensais l’avoir capturé. Et, petit à petit, il t’a apporté quelques modifications qui t’on rendu … comment dire, volubile. Vois-tu, mon frère est plutôt futé. Nous sommes jumeaux : il savait pertinemment que je viendrai le chercher. Tout ce qu’il avait à faire, c’était attendre. Attendre et te préparer pour moi, Uther. Parce que s’il y a une chose évidente aujourd’hui, c’est que tu viens de perdre ton seul intérêt à rester vivant à mes yeux. » fit l’assassin, avant de faire apparaître un denden enregistreur entre ses mains et de redresser la tête.

La bestiole disparut rapidement dans les méandres de sa fumée, mais déjà Uther reculait d’un pas. Se pourrait-il qu’il ait été pris à son propre jeu ?

« Vois-tu, il y a beaucoup de choses que l’argent ne peut acheter ... » reprit Rafaelo, foudroyant Uther du regard.

« Mais tes proches resteront toujours ton talon d’Achille, Rafaelo. À quoi bon être au sommet si c’est pour se laisser écraser ? En général, les modifications partent avec l’utilisateur, non ? » l'interrompit Uther, reprenant son petit sourire supérieur avant de baisser le bras.


Une détonation retentit au loin et l’un des points rouges s’éteint sur la poitrine de Cesare. Uther éclata d’un petit rire supérieur avant de faire disparaître la commande des explosifs. Une explosion, c’était facile à contrer pour quelqu’un comme Rafaelo, alors qu’une balle … L’assassin bondit en avant dans une explosion de fumée, la balle perça alors son épaule et continua sa course dans une gerbe de sang. Surpris par la douleur, l’assassin hoqueta de douleur. Il fit deux pas en arrière, mit genou à terre et garnit les dalles de son propre sang.

« L’argent permet d’acheter beaucoup de chose, mon cher. Comme les balles en granit marin. Et des armes à haute vélocité. » railla Uther, comme si l’instant où il avait été mis en échec n’avait été qu’un détail.

Grognant de douleur, Rafaelo se retourna alors que son sang s’évaporait en nuances carmines. Il avait encore ses pouvoirs, la balle n’avait fait que le traverser. Il avait pensé pouvoir changer la trajectoire ou sauver son frère mais il avait été trop lent. La balle avait été tirée à une telle puissance qu’elle avait détruit le support sur lequel il avait été attaché, en laissant un trou béant dans sa poitrine. Elle avait traversé, mais n’avait été ralentie en rien. Juste au-dessus du cœur de Rafaelo trônait un trou du même calibre. Quant à Cesare … c’était à la position exacte de son cœur. Il ne bougeait plus. Immobile. Sa voix s’amenuisait. Oubliant toute question élémentaire de sécurité, l’assassin se rua à côté de lui, le prenant dans ses bras. Un souffle ténu, ses yeux se voilaient.

« Merde … Cesare. Non. Pas comme ça, putain. Cesare ! » hurla-t-il, en secouant le corps immobile de son jumeau.

« J’avais tout une scène pour ça, dommage. » ricana Uther, ouvrant un trou de métal à l’intérieur de sa main.

Un sifflement aigu retentit, pendant que son bras se muait en un véritable canon. Le bout de ses doigts se garnit de noir avant de remonter jusqu’à son épaule. Le barillet se mit en place pendant qu’une ogive se glissait dans les rouages de la mécanique du mercenaire. Rafaelo était à genoux, tenant son frère dans ses bras, son propre sang se mêlant au sien. Il le serrait contre lui en murmurant des paroles inaudibles. Une fumée noire s’élevait peu à peu de lui.

« Pardon, tu disais ? » lâcha Uther retenant son coup une ultime seconde.

« Je vais te faire souffrir. » répondit l’assassin en fixant son regard dans celui du mercenaire.

Une haine froide coula le long de son échine. Une haine qui dépassait de loin tout ce qu’il n’avait jamais pu ressentir. Il avait osé attenter à son frère, toucher à l’intouchable. Uther avait osé faire de sa vie un cauchemar pour des plaisirs inconstants, pour la seule volonté d’interagir avec ce qu’il ne pouvait atteindre à la loyale. Cet homme était une plaie, une infamie. Un cafard …

« Nous verrons bien. » trancha ce dernier, actionnant le mécanisme de son arme.

Le tir partit droit sur Rafaelo. D’un revers de la main, gorgée de haki, ce dernier écarta le projectile dans le mur opposé. L’ogive s’y enfonça et explosa en dévastant l’autre côté du bureau. Le souffle fit voler en éclat les fenêtres, ravagea les murs et fit trembler l’ensemble du bâtiment. La fumée s’envola partout dans la pièce, avant qu’une nouvelle salve de tirs ne l’emporte avec elle. Uther n’était pas du genre à prendre de risques. À chaque projectile allait une nouvelle explosion de l’autre côté de la pièce, chacune minant de plus en plus le bâtiment pour, au final, révéler un assassin fait de fumée, se dressant fièrement entre le corps inanimé de son frère et l’homme qui avait ruiné sa vie. Il n’était plus translucide, ni gris mais bel et bien noir. Sa forme n’avait plus rien d’humaine. Un fantôme dont les yeux luisaient d’une fumée éclatante. Il leva la main et arrêta un nouveau tir, attrapant le projectile entre ses doigts. L’explosion souffla la fumée autour de lui, sans même l’affecter. Uther recula d’un pas, avant qu’un poing de fumée ne vienne le percuter, sur un geste de l’assassin transformé. Le mercenaire traversa alors ce qui restait de la vitre pour aller s’écraser avec violence dans la cour intérieure. En une fraction de seconde, l’entité fut sur lui, enfonçant une épine de fumée dans son torse. Pour la première fois depuis des éons, Uther cracha du sang. Puis un coup de feu retentit. Puis deux … trois. Et la fumée s’envola pour ne laisser qu’un assassin à terre.

« Bon sang … c’était quoi ça ?! » hurla Uther en rampant hors de portée du révolutionnaire.

Celui-ci contemplait ses mains, ignorant le sang qui coulait sur ses habits. La fumée s’échappait de son corps, et il se sentit tout à coup très faible. Trop faible. Puis il se sentit mieux. Une balle venait de se faire un chemin à travers lui. Sans même réfléchir, un dard de fumée s’échappa de lui et perfora un tireur. Puis, aiguillées par le mantra, deux autres manifestations partirent cueillir les tireurs avant de s’évaporer, de retourner au néant. Une deuxième balle l’avait frappé dans le dos mais une troisième avait fait son chemin dans sa jambe … sans en sortir. À son tour, il cracha une gerbe de sang. La fumée s’envola en quelques secondes pour ne plus laisser qu’un révolutionnaire à genoux, le sang coulant le long de son corps.

Uther, toujours à terre, tenait son propre abdomen. Il se redressa et se mit sur ses deux jambes en titubant. Ses tireurs étaient morts. Le mercenaire se noua un bandeau autour de la taille, tentant d’arrêter l’hémorragie. Il souriait de nouveau d’un air satisfait. Malgré les imprévus, Rafaelo était immobilisé, il le tenait. Il était enfin à lui. Le granit marin logé dans son corps lui ôtait toute force. Ses tireurs étaient morts, mais leur sacrifice en avait valu la peine !

« Hé hé. Je dois avouer que tu as bien failli me surprendre, Rafaelo. Un peu plus et j’en étais cuit. » fanfaronna-t-il, en grimaçant de douleur.

L’assassin leva les yeux, complètement abattu par l’influence du granit marin. Il saignait, souffrait mais ne pouvait lutter contre l’affaiblissement. Il commença pourtant à sourire.

« Tu souris face à la mort. Sérieusement ? Tu es déjà résigné ? Mais franchement, tu n’as pas envie de savoir ce qu’il va devenir de tous tes amis, de ta petite famille ? Ou même de ta révolution ? Je suis … déçu. Je pensais que tu ragerais, que tu m’insulterais au moins. J’attends encore que tu me fasses ‘souffrir’, Rafaelo. Alors ? » ricana Uther, non sans garder une distance avec le révolutionnaire.

Rafaelo se contenta de continuer à le regarder en souriant, un peu hagard.

« Toujours aussi volubile, hein ? » réussit-il à articuler.

Uther plissa les paupières puis fronça les sourcils.

« Le granit te fait divaguer. Je ne … »

Une lame perça alors son torse. Longue et effilée.

« Que … Comment ? »

« Quand tu tiens ton ennemi, Uther, il faut l’achever vite et proprement. Sinon, il finit toujours par revenir dans ton dos. »
répliqua Cesare avec un sourire carnassier.

Il retira sa rapière et, tournant sur lui-même, trancha la gorge d’Uther qui tomba à terre. Le mercenaire commença à se vider dans son sang. Il ne comprenait pas encore comment il avait pu perdre. Son plan était pourtant parfait. Des snipers, des balles en granit marin, des otages, une garnison à ses ordres. Pourquoi avait-il perdu ? Rafaelo était encore à genoux, le regard perdu dans le vide. Il était passé si près de le tuer, de l’avoir.

« Alors, petit frère, qui sauve qui maintenant ? » railla Cesare, inspectant les blessures de son jumeau.

Il enfonça sa dague secrète dans la blessure à la jambe et fit sauter la balle en granit marin. Aussi tôt, le sang commença à s’évaporer. La faiblesse s’en alla, bien qu’il fut gravement blessé.

« Tu es *kof* bien en forme pour un type qui s’est fait éclater le torse. » articula Rafaelo, pendant que Cesare le chargeait sur son épaule.

« Oh, ça. En deux semaines, j’ai eu le temps de procéder à quelques petits changements pour éviter les désagréments que me réservait Uther. J’ai toujours aimé jouer à cache-cache avec mes organes. » ricana-t-il, en montrant le trou béant qui ne saignait plus, laissé par la balle.

Les capacités de régénération de Cesare avaient toujours été exagérées, mais il pouvait arrêter une hémorragie en claquant des doigts. Tout comme déplacer ses organes. Occultée par ses émotions, la logique de Rafaelo s’était effacée au profit de la colère. D’une rage meurtrière qui l’avait poussé dans cette frénésie sanglante.

« Allez viens, faut pas qu’on traine. »

« Tes blessures … » murmura l’assassin qui commençait à voir double.

« T’en fais pas, je peux encore marcher moi. »
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Le ressac de la marée était hypnotique. Il allait et venait, berçant le hamac sans cesser. La chaleur estivale qui régnait là aurait fait somnoler n’importe qui. Une table sur la quelle reposait quelques verres vides. Cela aurait pu ressembler à une retraite paisible, loin de tout. Si ce n’étaient les bandages imprégnés de sang et les béquilles posées contre le palmier qui supporter la toile de tissu. Aux pieds du blessé trônait un homme aux crins blonds, sa couleur du moment, qui faisait glisser ses doigts sur une calebasse séchée et constellée de cordes sommaires. Il sifflotait un air antique, faisant écho aux mouettes du large. Un léger vent chaud faisait danser les grains de sable et il s’en amusait. Poète à ses heures, Cesare était un homme, comme tous les autres. Il avait une âme, un cœur. Et un frère.

« Quand as-tu appris à jouer ? » murmura le blessé, perdu dans les replis du hamac.

« Je crois que c’était vers 1617, il y avait une fille qui me plaisait bien. Mais bon, comme toutes nos histoires. Nous n’avons pu rester longtemps sur place, la cause, bla bla bla. Si tu commences à poser des questions, c’est que ça va mieux ? La musique adoucit les mœurs … » s’amusa le musicien, posant son instrument contre l’arécacée.

« Deux semaines, et ça ne s’est toujours pas refermé. Tu parles d’une plaie … Tu m’as apporté les nouvelles ? »

Pour toute réponse, Cesare attrapa quelques feuilles enroulées et les tendit à son frère. La gazette était peu explicite sur ce qui s’était passé à Tanuki, mais après quelques pages d’informations diverses et variées sur l’écologie de Grand Line venaient les titres des blues.

« Panique à Tanuki, guerrilla d'assassins. » lut Rafaelo.

« Dans une tentative pour prendre les commandes de la garnison de Tanuki, afin d’en faire un centre névralgique de son organisation, il semblerait que le leader de l’organisation criminelle Umbra ait trouvé la mort dans des circonstances mystérieuses. Accusé d’avoir participé à plusieurs activités criminelles à travers les blues, dont la controversée prise de contrôle de Goa, il semblerait que Uther Dol ait été abattu par un de ses propres hommes. Des preuves sur place tendent à montrer que les assassins de l’Umbra ont fait face à une attaque interne et préméditée qui a mis en péril leur opération. » reprit-il, avant de ricaner à la fin du premier paragraphe.

« Ils ne pensent pas si bien dire … Pour eux, nous avons toujours été des criminels. La version officielle est qu’Uther a pris ta place après ta mort. Ils ont encore du mal à enregistrer tout le mal que ce pauvre type a pu faire. » lâcha Cesare, touchant la cicatrice qui trônait au milieu de sa poitrine à présent.

« Cela sonne toujours plus cohérent qu’une vendetta personnelle contre un homme qui a causé un schisme idéologique dans une unité secrète révolutionnaire, agissant sous couvert d’une guilde d’assassins mercenaires. Qu’on prenne Uther pour un criminel, ça me va. Qu’il ne salisse pas nos idéaux encore plus. » répliqua Rafaelo en secouant le papier.

Un silence s’installa entre les frères. Suivi d’un long soupir de Cesare.

« Tu pensais vraiment qu’ils m’avaient tué ? » commença-t-il, posant sa tête contre l’écorce rugueuse du palmier.

« Non. Bien sûr que non. Tu sais bien que mon mantra … »

« … Je sais surtout que ton mantra vaut pas bézef dès que tes proches sont impliqués, Raf. Céline, tes gamins … ou moi. »
railla Cesare, avant de fermer les yeux.

« C’est pour ça que t’es resté loin, hein ? Ou que Céline est pas venue. Que ma famille est loin … Ecoute, Cesare. Ce n’est pas une faiblesse, vous êtes ma fierté. » reprit l’assassin, tentant de se redresser en grognant de douleur.

« Il n’y a pas de fierté dans la mort, petit frère. T'as été con de foncer comme ça. Avec le temps, ce que tu as vécu … je crois que ta place est sur le front. Pas la mienne. Dire que je te collais des dérouillées quand on était gosse. Hé, tu te souviens du chameau, quand Tana nous planquait encore à Fushia ? »


« Non. » mentit-il, avec un sourire.

Poursuivant la lecture, l’assassin soupira de plus belle en fermant la page.

« Leur spécialiste. Bon sang, ce qu’il ne faut pas lire. Aurait trouvé les armes de l’Umbra dans les corps de gardes, et de leurs propres assassins. Une explosion aurait emporté Uther. Ce sont vraiment des nullards ces journalistes. Ils ont dû dépêcher des unités CP et embarquer son corps. Par contre, ça doit commencer à flipper à Goa. Il ne va pas falloir que je tarde à prendre contact avec Aeden. J’ai peur de ne pas avoir le temps de me reposer, frangin. »

« Patience, patience. Le bateau sera là dans une semaine. Ça fait longtemps qu’on a pas passé du temps tous les deux. Tu me dois au moins une ou deux cuites. Et si t’es assez en forme pour causer, je te suggère de prendre tes béquilles. J’ai toute une tournée de cocktails qui m’attendent à la pergola. » lâcha Cesare en se relevant.

Il épousseta le sable qui s’était infiltré dans sa tenue et tendit les crosses à Rafaelo.

« Et quelques délicates fleurs, aussi. Panique pas, frangin, elles sont toutes pour moi, hé hé … »


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