Ta cible s'appelle Jordan "Jojo" Jazbay. Le pirate primé à un million est un cambrioleur et ce n'est pas avec tes cinq hommes sur le dos que tu réussiras à le capturer mort ou vif. Ce n'est pas assez discret, lui c'est d'homme à homme en solitaire que tu l'auras. Raison pour laquelle tu te donnes une semaine maximum pour l'avoir, ce même temps que tu as dit à tes hommes pour qu'ils s'entraînent durant ton absence avec obligation de te faire un rapport détaillé.
Nul besoin d'uniforme qui serai la première chose qui prouverai ton identité. La seconde, c'est le den-den qui est resté au bureau. La troisième et dernier détail, c'est tes armes puisque selon toi voir un mendiant armé, c'est quand même suspect. Ainsi déguisé avec un pantalon en toile gris et un tee-shirt blanc où aucun des deux vêtements n'est plus minable que l'autre, tu attends. Étant allongé sur le chemin de l'une des multiples rues pavées de Logue Town.
Recouvert intégralement d'une miteuse couverture, cela fait déjà deux jours que tu attends. Sans boire. Sans manger. Sans te plaindre. Tu t'es fais accoster les premiers jours par les patrouilleurs du secteur, à ta gueule balafrée ils ont vite compris que tu es en filature. Une mission où une patience olympienne est nécessaire et tu t'en sens capable. Ton ventre grogne et ta gorge est sèche mais le mental reste bon car tu sais pertinemment qu'il représente 80% de la force complétée de 20% par la physique.
Tu ne possèdes rien de plus et dans ton jeûne tu te rends compte que ne pas pouvoir fumer te stresse. Mais tu es en mission, l'argent de sa prime t'importes peu, ce sera la clope ta récompense. Et assurément une bonne douche carbonisante pour dégager la crasse accumulée sur le corps.
Les gens passent le jour, également la nuit avec une moindre fréquence, et toi tu restes couché en leur donnant l'impression que tu es toujours endormi. Pourtant tu es réveillé et te repose par intermittence. Tu sais que Jojo est ici et tu scrutes discrètement les chaussures que portent les gens. Noires. Noires. Blanches éblouissantes à 100%. Grises claires à 10%. Noires. Grises foncées à 75%. Noires. Noires. Grises à 25%. Sur l'encadré de l'avis de recherche, alors que sa prime à augmentée à quatre reprises, il portait toujours des chaussures jaunes. C'est ce détail son point faible alors tu continues la calme observation dans cette troisième journée.
La nuit tombe et ce n'est pas anodin de t'être placé non loin d'un lampadaire pour discerner au mieux les couleurs. Soudain, des chaussures blanches à 75% passent et s'arrêtent net. Ton palpitant bat rapidement et tu te forces à respirer profondément et silencieusement. Grâce au reflet d'une fenêtre et avec la certitude que ce qu'il porte au pied est jaune tu sais que le primé est là. Mais que fait-il à ne pas bouger ? Il observe le lampadaire au globe de verre et la lumière qui en émane. Dos à toi. Il se retourne. S'accroupit et te regarde.
- Eh clampin des rues. Je vois bien que tu dors pas.
Il te tâte avec le bout d'une épée et déplace la couverture avec l'arme. Ton ventre crie de plus belle ton appétit et tu réfléchis comment le chopper sans armes. Agile et doué au combat qu'avec un katana tu te rends compte qu'avoir un simple couteau ou fourchette en guise d'arme blanche n'aurai pas été idiot.
- T'as faim ?
Ton regard gris fade croise le sien. S'il peut lire dans tes pensées tu es un homme mort. Mais apparemment il ne sens pas que tu es un prédateur prêt à lui bondir dessus.
- Tiens. Mange.
Loin d'être bête, la chocolatine qu'il t'offre peut être empoisonnée. Il cache peut-être ses émotions sous son air calme et gentil. Sûrement une façade pour baisser la vigilance. Comme ça il n'a pas l'air méchant. Jordan est peut-être dans la catégorie de voleurs qui le font car ils n'ont pas le choix. A le voir de près, il n'a pas l'air tourmenté ou fier d'avoir la tête sur une affiche de recherche. Il semble normal mais tu n'en a rien à faire. Alors avant qu'il suspecte ton silence tu réponds d'un air méfiant.
- Manges en la moitié.
- Tu es sûr ? Ça sera une moitié de moins pour étancher un peu ta faim.
Ouais. Manges un morceau. Ça te fera une main occupée, une en moins à me soucier vu que l'autre reste en joug sur son épée.
- Certain.
- Comme tu voudras.
Et il mange. Je lui saute dessus et l'étrangle du mieux que je peux. Je sens une vive douleur à travers mon épaule. Sa tête grimace et son souffle s'arrête. Je baisse la tête et voit le réflexe qu'il a eu en me plantant l'épée qui me traverse. Je sens son pouls diminuer. Ses forces lui échapper. Ses muscles se relâcher. Je le lache et le laisse tomber. L'épée se retire. Le sang jaillit de part en part de mon épaule. Je sens ma main droite perdre sa motricité et devenir inutilisable. La vue se floute. Je tombe à genoux. Je ramasse l'épée et dans un cri qui déchire la nuit je la replante au même endroit pour que le sang s'échappe moins. Une patrouille arrive et je me sens partir dans l'évanouissement.
- Eh Yuki ! On va te soigner !
- Je l'ai. Eu. Jordan Jazbay au. Milion. Vérifiez. Son pouls.
La tête m'élance et la douleur me maintient finalement éveillé. Ils m'aident à me relever et je marche en m'appuyant à l'un d'eux comme si mon seuil de tolérance à l'alcool a dépassé de loin ses limites.
- Je sais. Comment me soi. Gner. Vous auriez pas. Du tabac ?
Malgré les paroles fragmentées par la faible cadence de tes pieds qui fait ressurgir la douleur à chaque pas, tu n'as pas perdu la tête et désire ta toxique récompense.