Roy avait quitté Hinu Town en catastrophe.
Sans savoir s'il avait ou non des gens à ses trousses, il n'avait pas lambiné, se dirigeant directement vers les navires amarrés en quête du premier d'entre eux à quitter l'île. Manque de chance, le jour de son départ la mer était agitée et le ciel couvert. Une tempête était prévue et de ce fait tous les navires avaient été consignés au port, personne n'étant autorisé à lever l'ancre. Désespéré, il avait écumé les docks de long en large et en travers, promettant de payer plus cher si quelqu'un acceptait d'appareiller un bâtiment. Heureusement pour lui, il avait fini par trouver la perle rare.
Un navire seulement avait reçu l'autorisation exceptionnelle de quitter l'île. Un capitaine marchand avait signé une décharge, relevant toutes responsabilités au port en cas de chavirement de sa frégate, et avait entrepris d'appareiller son bâtiment. Trop heureux d'avoir trouvé une échappatoire, Roy n'avait appris que bien plus tard durant la traversée la raison de cette attitude des plus téméraires de la part du capitaine. C'était en fait le résultat des conseils d'un jeune homme, Moria Brittania, qui avait soutenu qu'il était possible de lever l'ancre malgré le temps. Apparemment réputé, les marins lui avaient fait suffisamment confiance pour croire en ses paroles et le capitaine avait suivi.
ous c'était effectivement passé sans encombres. Ils avaient tout de même essuyé une sévère tempête durant la traversée mais cela n'avait été que des jours plus tard, sans le moindre lien avec le mauvais temps lors de leur départ. Durant cette tempête, l'expérience maritime et météorologique de Moria les avait une fois de plus sortis du pétrin.
Étant monté sur le seul navire disponible, le pirate n'avait évidemment pas pu choisir sa destination et il l'avait rapidement regretté en découvrant Las Camp pour la première fois. Les récits morbides que les matelots lui avaient servis à propos de cette ville ne lui avaient pas rendu justice. Sachant se défendre, Roy ne s'était pas pas vraiment inquiété pour sa sécurité. Il aurait cependant préféré atterrir sur une île avec un petit peu plus de charme pour la toute première escale de son voyage. Fidèle représentation du climat d'anarchie qui régnait dans les rues et le port, l'amarrage de la frégate s'était fait dans le chaos le plus total. Le désordre avait été tel que Roy avait perdu le navigateur prodigue de vue. Simple matelot, le pirate n'avait pas une seule fois eu l'occasion de discuter avec Moria durant la traversée (à part peut-être lorsqu'ils avaient traversé la tempête), et il avait raté sa seconde chance lors de leur arrivée.
Cela faisait à présent plusieurs jours qu'il était sur Las Camp. En théorie, il aurait très bien pu quitter l'île immédiatement et sans un regard en arrière. Mais son voyage à bord de la frégate marchande lui avait rapidement fait comprendre qu'il n'était pas apte à partir à l'aventure de lui seul. Ses connaissances théoriques ne parvenaient absolument pas à pallier son manque d'expérience en matière de navigation. Il était capable de nommer la quasi-totalité des pièces d'un navire mais n'était pas fichu de tendre les voiles dans le bon sens, ou de faire le moindre nœud. Et si naviguer était déjà si dur sur les Blues, quand était-il de la Route de tous les Périls ? Il avait besoin d'un navigateur. Et il voulait Moria Brittania dans son équipage, personne d'autre.
Cependant, ce dernier s'était envolé. Depuis son arrivée à Las Camp, Roy avait fouillé la ville de long en large et en travers et n'avait pas trouvé traces de cet homme. Bravant les rues sordides et pleines de mystère de la ville, le pirate avait cherché, demandant à tous les gens qu'ils croisaient s'ils n'avaient pas vu le navigateur et récoltant des ennuis au passage (il avait même failli se confronter à un célèbre chasseur de primes, le Dragon Endormi) mais étrangement, personne ne l'avait vu ou savait où il se trouvait. Du moins jusqu'à aujourd'hui.
Alors qu'il descendait de la chambre qu'il avait louée dans une auberge miteuse, un solide gaillard l'apostropha depuis une table. Acceptant l'invitation, Roy rejoignit Marius et vint s'asseoir en face de lui. Refusant la bière que le marin de cent kilos lui tendait, il demanda à la tenancière de lui amener un verre et un pichet d'eau.
- La bonne journée p'tit gars ! le salua le gaillard. Alors, la forme ?
- Ouais, j'ai de l'énergie à revendre, répondit le pirate, les deux cernes qui encadraient ses yeux démentant ses propos. Alors, tu as des nouvelles pour moi mon ami ?
- Tout juste ! s'écria le type. Toute la ville en parle depuis hier soir, Rainbow Moria a refait surface et il l'a pas fait à moitié le saligaud !
Le regard soudain alerte, le pirate se pendit à ses lèvres. Après des jours sans la moindre nouvelle à se mettre sous la dent, il s'apprêtait enfin à faire des progrès dans sa recherche. L'épithète que Marius avait utilisée juste avant de parler du navigateur prouvait qu'il s'agissait bien de la personne que Roy cherchait.
- Dis-moi tout, exigea-t-il impatiemment. Qu'est-ce qu'il fabriquait et où puis-je le trouver ?
- Ah par contre j'préfère te prévenir, l'avertit Marius, ça va pas te plaire. Il est en prison.
L'arrivée de la tenancière avec le verre de Roy et un pichet d'eau fut la seule chose qui l'empêcha d'exploser en entendant cette nouvelle. Quand elle fut repartie, il avait les yeux fermés et se pinçait l'arrête du nez avec deux doigts, tentant de garder son calme.
- Pardon ? reprit-il au bout d'un moment. Et comment se fait-il ?
- Ben c'est qu'une rumeur hein..., expliqua Marius en prenant ses précautions, mais à ce qui paraît, il a séduit une gosse de riche, et ça a pas plu aux parents de la p'tite.
- D'accord..., fit Roy, peinant à voir le lien entre les deux, et donc ?
- Ben il s'est enfui avec la donzelle le con, ricana Marius en continuant son explication, sauf qu'ils ont dû se faire repérer, parce que la p'tite a disparu de la circulation, et le joli cœur s'est fait embarquer par la Marine. Les riches familles d'Las Camp étaient sur les nerfs putain...
Cabotant sur les îles environnantes depuis près de quarante ans, Marius connaissait cette ville comme sa poche. Il avait fait un cours accéléré à Roy sur tous les événements qui s'y étaient déroulés ces cinq dernières années et on pouvait dire qu'elles avaient été mouvementées. Malgré cela le pirate ne comprenait pas du tout l'explication du marin. Il le dévisagea pendant quelques instants, lui signifiant son incompréhension avec en haussant un sourcil.
- Nan mais faut qu'tu piges plus vite petit, le sermonna Marius. Dans cette ville, les familles riches c'est les familles des mafieux ! C'est des gens à qui y faut pas se frotter, et ton pote bah il a salement fait l'con.
- Attends attends, l'arrêta Roy, levant sa main pour lui faire signe de ralentir. Quel rapport entre la mafia et le fait que la Marine ait embarqué Moria ?
- Ah ! Mais regarde autour de toi mon con ! s'écria Marius en désignant la porte de sortie de la taverne et les rues morbides de Last End qui s'étendaient au-dehors. La Marine c'est la mafia, c'est la même sale race !
Son coup d'éclat lui avait attiré le regard noir de la tenancière, qui lui intima silencieusement de baisser le ton. Marius lui présenta son doigt avant de reprendre son sujet favori.
- Ah ouais c'est sûr, continua-t-il, dans les beaux quartiers de Last Joy y'a deux ou trois patrouilles qui s'amusent à faire les cakes mais c'est tout. Dans le reste de la ville c'est toujours la même merde. Les magouilles et compagnie... elles se sont pas enfuies avec l'aut' connasse de Sissy qu'est-ce que tu crois ? Y'en a toujours dans les sous-sols et la moitié des fonctionnaires sont pourris. Envoyer un connard en prison ? Une broutille pour ces mecs-là.
- Mais pourtant tu m'as parlé du colonel là... Matheson, fit Roy, décidant de suivre le cours de la conversation (il aurait préféré parler du navigateur, mais autant en apprendre le plus possible sur cette ville). Ce n'était pas sa principale prérogative de maintenir l'ordre après le départ de Sissy ? demanda le pirate.
- Mais il fait pas le poids... qu'ess tu crois ? répondit Marius en baissant le ton, la tenancière armée d'un chiffon s'étant approché de lui, l'air menaçant. Jusqu'à maintenant il a passé les trois quarts de son affectation au plumard l'enfoiré. Maintenant il va mieux, alors du coup on pensait qu'il allait se bouger le derche, mais en fait que dalle. Il peut pas bouger avec tous les hommes pourris qui sont sous ses ordres. Nan j'te dis, les marines sont pas coordonnés et ils font que d'la merde. En plus de ça les citoyens les détestent et préfèrent régler les choses entre eux, du coup ils ont aucun pouvoir.
Depuis la levée de la Loi Martiale, il semblait que la Marine perdait peu à peu du terrain et que les gangs refaisaient surface. Rien que cette année, un quartier entier s'était effondré sur des gens innocents à la suite d'un transfert de prisonniers qui avait mal tourné alors même que les militaires avaient promis aux civils qu'ils n'avaient rien à craindre. Cet incident avait démoli le peu de confiance que les citoyens de Las Camp avaient développé pour leur gouvernement grâce à la loi Martiale.
Cette dernière avait été levée à la suite d'un monstrueux règlement de comptes entre gangs qui, s'il avait permis à la commandante Sissy de démanteler le Lotus Pourpre, la principale organisation criminelle de Las Camp en son temps, avait mis la ville à feu et à sang. Pour couronner le tout, le colonel Matheson avait failli se faire tuer par un pirate en fin d'année, le faisant passer pour un clown devant toute la ville. Avec toutes ces informations en tête, le pirate comprenait le pessimisme du marin.
- D'accord si tu le dis, accepta Roy en prenant une gorgée d'eau. Mais en quoi le fait de s'amuser avec une gosse de riches vaut d'aller en prison ? demanda-t-il ensuite, redirigeant la conversation sur le point qui l'intéressait le plus.
- Bah y'a les mariages arrangés et compagnie..., tenta d'expliquer Marius, je sais pas trop comment ça fonctionne à Las Camp après mais bref. En tout cas ton Moria là... et ben il aurait jamais du toucher à la donzelle. Il s'est mis des connards puissants à dos et ils l'ont fait morfler.
Le marin ponctua ses mots en prenant une grosse lampée de bière, qui lui rafraîchit la gorge après le laïus qu'il avait servi au pirate.
- Petit, reprit Marius en reposant sa choppe, après ce que la commandante Sissy a fait pour nous on a cru pendant un temps que les choses allaient s'améliorer, mais les gangs ont pas disparu, certains ouais mais pas tous... et la moitié des fonctionnaires sont corrompus. Ton pote a une petite réputation, c'est la seule raison pour laquelle il s'est pas fait descendre d'emblée, ça aurait fait chier des gens et ça aurait soulevé des questions. Alors du coup ils ont magouillé pour qu'il se retrouve en taule et dans quelques jours il va morfler, crois moi bien.
- C'est malheureux de voir une ville entière partir en vrille à ce point, déclara le jeune homme, le regard absent.
- Ha ha ! ria Marius. Hé, t'es sûr que t'es un pirate toi ? demanda-t-il avec un sourire entendu. Dans ta profession on se laisse pas attendrir comme tu le fais mon con, t'es au courant ?
- Un pirate c'est juste un type qui peut naviguer où il veut, quand il veut, expliqua Roy en souriant, et qui parle quand il a un truc à dire. Et j'ai pas mal de trucs à dire sur cette ville, ajouta-t-il en jetant un regard déterminé sur la porte de sortie.
- Ah hé t'es con..., ricana Marius en lui mettant une petite claque affectueuse. C'est pas grave hein, mais t'es quand même foutrement con. Hop hop hop hé ! l'apostropha-t-il quand le pirate fit mine de se lever. Tu m'avais pas parlé d'une compensation si je te trouvais des infos mon gars ?
Hochant la tête en se rappelant sa promesse, Roy alla chercher cinq billets dans ses poches qu'il offrit au marin.
- Quoi ? 50 000 c'est tout ? se plaignit ce dernier. Vas-y mon gars soit pas radin, ça t'a pas plu mes jolies infos ?
- Évite d'abuser Marius, prévint le pirate avec un sourire. Apparemment toute la ville dispose de ton "information" alors estimes-toi heureux que je te donne quelque chose.
- Ouais OK, c'est réglo, acquiesça-t-il en retournant à sa bière. Bonne chance pour la suite p'tit, et fais pas de conneries.
Roy quitta l'auberge sans répondre. Inutile de faire une promesse qu'il n'allait certainement pas tenir.
Sans savoir s'il avait ou non des gens à ses trousses, il n'avait pas lambiné, se dirigeant directement vers les navires amarrés en quête du premier d'entre eux à quitter l'île. Manque de chance, le jour de son départ la mer était agitée et le ciel couvert. Une tempête était prévue et de ce fait tous les navires avaient été consignés au port, personne n'étant autorisé à lever l'ancre. Désespéré, il avait écumé les docks de long en large et en travers, promettant de payer plus cher si quelqu'un acceptait d'appareiller un bâtiment. Heureusement pour lui, il avait fini par trouver la perle rare.
Un navire seulement avait reçu l'autorisation exceptionnelle de quitter l'île. Un capitaine marchand avait signé une décharge, relevant toutes responsabilités au port en cas de chavirement de sa frégate, et avait entrepris d'appareiller son bâtiment. Trop heureux d'avoir trouvé une échappatoire, Roy n'avait appris que bien plus tard durant la traversée la raison de cette attitude des plus téméraires de la part du capitaine. C'était en fait le résultat des conseils d'un jeune homme, Moria Brittania, qui avait soutenu qu'il était possible de lever l'ancre malgré le temps. Apparemment réputé, les marins lui avaient fait suffisamment confiance pour croire en ses paroles et le capitaine avait suivi.
ous c'était effectivement passé sans encombres. Ils avaient tout de même essuyé une sévère tempête durant la traversée mais cela n'avait été que des jours plus tard, sans le moindre lien avec le mauvais temps lors de leur départ. Durant cette tempête, l'expérience maritime et météorologique de Moria les avait une fois de plus sortis du pétrin.
Étant monté sur le seul navire disponible, le pirate n'avait évidemment pas pu choisir sa destination et il l'avait rapidement regretté en découvrant Las Camp pour la première fois. Les récits morbides que les matelots lui avaient servis à propos de cette ville ne lui avaient pas rendu justice. Sachant se défendre, Roy ne s'était pas pas vraiment inquiété pour sa sécurité. Il aurait cependant préféré atterrir sur une île avec un petit peu plus de charme pour la toute première escale de son voyage. Fidèle représentation du climat d'anarchie qui régnait dans les rues et le port, l'amarrage de la frégate s'était fait dans le chaos le plus total. Le désordre avait été tel que Roy avait perdu le navigateur prodigue de vue. Simple matelot, le pirate n'avait pas une seule fois eu l'occasion de discuter avec Moria durant la traversée (à part peut-être lorsqu'ils avaient traversé la tempête), et il avait raté sa seconde chance lors de leur arrivée.
Cela faisait à présent plusieurs jours qu'il était sur Las Camp. En théorie, il aurait très bien pu quitter l'île immédiatement et sans un regard en arrière. Mais son voyage à bord de la frégate marchande lui avait rapidement fait comprendre qu'il n'était pas apte à partir à l'aventure de lui seul. Ses connaissances théoriques ne parvenaient absolument pas à pallier son manque d'expérience en matière de navigation. Il était capable de nommer la quasi-totalité des pièces d'un navire mais n'était pas fichu de tendre les voiles dans le bon sens, ou de faire le moindre nœud. Et si naviguer était déjà si dur sur les Blues, quand était-il de la Route de tous les Périls ? Il avait besoin d'un navigateur. Et il voulait Moria Brittania dans son équipage, personne d'autre.
Cependant, ce dernier s'était envolé. Depuis son arrivée à Las Camp, Roy avait fouillé la ville de long en large et en travers et n'avait pas trouvé traces de cet homme. Bravant les rues sordides et pleines de mystère de la ville, le pirate avait cherché, demandant à tous les gens qu'ils croisaient s'ils n'avaient pas vu le navigateur et récoltant des ennuis au passage (il avait même failli se confronter à un célèbre chasseur de primes, le Dragon Endormi) mais étrangement, personne ne l'avait vu ou savait où il se trouvait. Du moins jusqu'à aujourd'hui.
Alors qu'il descendait de la chambre qu'il avait louée dans une auberge miteuse, un solide gaillard l'apostropha depuis une table. Acceptant l'invitation, Roy rejoignit Marius et vint s'asseoir en face de lui. Refusant la bière que le marin de cent kilos lui tendait, il demanda à la tenancière de lui amener un verre et un pichet d'eau.
- La bonne journée p'tit gars ! le salua le gaillard. Alors, la forme ?
- Ouais, j'ai de l'énergie à revendre, répondit le pirate, les deux cernes qui encadraient ses yeux démentant ses propos. Alors, tu as des nouvelles pour moi mon ami ?
- Tout juste ! s'écria le type. Toute la ville en parle depuis hier soir, Rainbow Moria a refait surface et il l'a pas fait à moitié le saligaud !
Le regard soudain alerte, le pirate se pendit à ses lèvres. Après des jours sans la moindre nouvelle à se mettre sous la dent, il s'apprêtait enfin à faire des progrès dans sa recherche. L'épithète que Marius avait utilisée juste avant de parler du navigateur prouvait qu'il s'agissait bien de la personne que Roy cherchait.
- Dis-moi tout, exigea-t-il impatiemment. Qu'est-ce qu'il fabriquait et où puis-je le trouver ?
- Ah par contre j'préfère te prévenir, l'avertit Marius, ça va pas te plaire. Il est en prison.
L'arrivée de la tenancière avec le verre de Roy et un pichet d'eau fut la seule chose qui l'empêcha d'exploser en entendant cette nouvelle. Quand elle fut repartie, il avait les yeux fermés et se pinçait l'arrête du nez avec deux doigts, tentant de garder son calme.
- Pardon ? reprit-il au bout d'un moment. Et comment se fait-il ?
- Ben c'est qu'une rumeur hein..., expliqua Marius en prenant ses précautions, mais à ce qui paraît, il a séduit une gosse de riche, et ça a pas plu aux parents de la p'tite.
- D'accord..., fit Roy, peinant à voir le lien entre les deux, et donc ?
- Ben il s'est enfui avec la donzelle le con, ricana Marius en continuant son explication, sauf qu'ils ont dû se faire repérer, parce que la p'tite a disparu de la circulation, et le joli cœur s'est fait embarquer par la Marine. Les riches familles d'Las Camp étaient sur les nerfs putain...
Cabotant sur les îles environnantes depuis près de quarante ans, Marius connaissait cette ville comme sa poche. Il avait fait un cours accéléré à Roy sur tous les événements qui s'y étaient déroulés ces cinq dernières années et on pouvait dire qu'elles avaient été mouvementées. Malgré cela le pirate ne comprenait pas du tout l'explication du marin. Il le dévisagea pendant quelques instants, lui signifiant son incompréhension avec en haussant un sourcil.
- Nan mais faut qu'tu piges plus vite petit, le sermonna Marius. Dans cette ville, les familles riches c'est les familles des mafieux ! C'est des gens à qui y faut pas se frotter, et ton pote bah il a salement fait l'con.
- Attends attends, l'arrêta Roy, levant sa main pour lui faire signe de ralentir. Quel rapport entre la mafia et le fait que la Marine ait embarqué Moria ?
- Ah ! Mais regarde autour de toi mon con ! s'écria Marius en désignant la porte de sortie de la taverne et les rues morbides de Last End qui s'étendaient au-dehors. La Marine c'est la mafia, c'est la même sale race !
Son coup d'éclat lui avait attiré le regard noir de la tenancière, qui lui intima silencieusement de baisser le ton. Marius lui présenta son doigt avant de reprendre son sujet favori.
- Ah ouais c'est sûr, continua-t-il, dans les beaux quartiers de Last Joy y'a deux ou trois patrouilles qui s'amusent à faire les cakes mais c'est tout. Dans le reste de la ville c'est toujours la même merde. Les magouilles et compagnie... elles se sont pas enfuies avec l'aut' connasse de Sissy qu'est-ce que tu crois ? Y'en a toujours dans les sous-sols et la moitié des fonctionnaires sont pourris. Envoyer un connard en prison ? Une broutille pour ces mecs-là.
- Mais pourtant tu m'as parlé du colonel là... Matheson, fit Roy, décidant de suivre le cours de la conversation (il aurait préféré parler du navigateur, mais autant en apprendre le plus possible sur cette ville). Ce n'était pas sa principale prérogative de maintenir l'ordre après le départ de Sissy ? demanda le pirate.
- Mais il fait pas le poids... qu'ess tu crois ? répondit Marius en baissant le ton, la tenancière armée d'un chiffon s'étant approché de lui, l'air menaçant. Jusqu'à maintenant il a passé les trois quarts de son affectation au plumard l'enfoiré. Maintenant il va mieux, alors du coup on pensait qu'il allait se bouger le derche, mais en fait que dalle. Il peut pas bouger avec tous les hommes pourris qui sont sous ses ordres. Nan j'te dis, les marines sont pas coordonnés et ils font que d'la merde. En plus de ça les citoyens les détestent et préfèrent régler les choses entre eux, du coup ils ont aucun pouvoir.
Depuis la levée de la Loi Martiale, il semblait que la Marine perdait peu à peu du terrain et que les gangs refaisaient surface. Rien que cette année, un quartier entier s'était effondré sur des gens innocents à la suite d'un transfert de prisonniers qui avait mal tourné alors même que les militaires avaient promis aux civils qu'ils n'avaient rien à craindre. Cet incident avait démoli le peu de confiance que les citoyens de Las Camp avaient développé pour leur gouvernement grâce à la loi Martiale.
Cette dernière avait été levée à la suite d'un monstrueux règlement de comptes entre gangs qui, s'il avait permis à la commandante Sissy de démanteler le Lotus Pourpre, la principale organisation criminelle de Las Camp en son temps, avait mis la ville à feu et à sang. Pour couronner le tout, le colonel Matheson avait failli se faire tuer par un pirate en fin d'année, le faisant passer pour un clown devant toute la ville. Avec toutes ces informations en tête, le pirate comprenait le pessimisme du marin.
- D'accord si tu le dis, accepta Roy en prenant une gorgée d'eau. Mais en quoi le fait de s'amuser avec une gosse de riches vaut d'aller en prison ? demanda-t-il ensuite, redirigeant la conversation sur le point qui l'intéressait le plus.
- Bah y'a les mariages arrangés et compagnie..., tenta d'expliquer Marius, je sais pas trop comment ça fonctionne à Las Camp après mais bref. En tout cas ton Moria là... et ben il aurait jamais du toucher à la donzelle. Il s'est mis des connards puissants à dos et ils l'ont fait morfler.
Le marin ponctua ses mots en prenant une grosse lampée de bière, qui lui rafraîchit la gorge après le laïus qu'il avait servi au pirate.
- Petit, reprit Marius en reposant sa choppe, après ce que la commandante Sissy a fait pour nous on a cru pendant un temps que les choses allaient s'améliorer, mais les gangs ont pas disparu, certains ouais mais pas tous... et la moitié des fonctionnaires sont corrompus. Ton pote a une petite réputation, c'est la seule raison pour laquelle il s'est pas fait descendre d'emblée, ça aurait fait chier des gens et ça aurait soulevé des questions. Alors du coup ils ont magouillé pour qu'il se retrouve en taule et dans quelques jours il va morfler, crois moi bien.
- C'est malheureux de voir une ville entière partir en vrille à ce point, déclara le jeune homme, le regard absent.
- Ha ha ! ria Marius. Hé, t'es sûr que t'es un pirate toi ? demanda-t-il avec un sourire entendu. Dans ta profession on se laisse pas attendrir comme tu le fais mon con, t'es au courant ?
- Un pirate c'est juste un type qui peut naviguer où il veut, quand il veut, expliqua Roy en souriant, et qui parle quand il a un truc à dire. Et j'ai pas mal de trucs à dire sur cette ville, ajouta-t-il en jetant un regard déterminé sur la porte de sortie.
- Ah hé t'es con..., ricana Marius en lui mettant une petite claque affectueuse. C'est pas grave hein, mais t'es quand même foutrement con. Hop hop hop hé ! l'apostropha-t-il quand le pirate fit mine de se lever. Tu m'avais pas parlé d'une compensation si je te trouvais des infos mon gars ?
Hochant la tête en se rappelant sa promesse, Roy alla chercher cinq billets dans ses poches qu'il offrit au marin.
- Quoi ? 50 000 c'est tout ? se plaignit ce dernier. Vas-y mon gars soit pas radin, ça t'a pas plu mes jolies infos ?
- Évite d'abuser Marius, prévint le pirate avec un sourire. Apparemment toute la ville dispose de ton "information" alors estimes-toi heureux que je te donne quelque chose.
- Ouais OK, c'est réglo, acquiesça-t-il en retournant à sa bière. Bonne chance pour la suite p'tit, et fais pas de conneries.
Roy quitta l'auberge sans répondre. Inutile de faire une promesse qu'il n'allait certainement pas tenir.
Dernière édition par Roy D. Aston le Lun 25 Déc 2017, 03:04, édité 4 fois