Chantage aléatoire

Océans sont vastes mais statiques. Science grandit plus vite.

Tu penses que ça va marcher ?
Oui.
Mais c'est qu'un gadget dangereux. Qui t'as filé un budget pour développer ça ?
M-Moi.
Tu as volé de l'argent pour...

Grand ventilateur flottant générateur de siphons. 100m de diamètre. Potentiel 200 tours/minute. Invention récréative non conventionnée. Distraction ludique. Le rire sera assurément au rendez-vous d'après mes calculs.

Pas v-volé. Consid-d-dérant répartitions des d-dépenses annuelles de brigade scient-tifique. 78% des fonds sont d-distribués dans initiat-t-tives inutiles. Exemple : mise à jour machine à caf-fé/augment-tations salaires/c-congés payés/frites illimités à la cant-t-tine.
Ça te donne bonne conscience de taper dans les vacances de tes collègues pour acheter de la merde ?
Valeur(exc-créments de science) > Valeur(c-congés).

J'ai mandaté agent du cipher pol pour m'aider à mobiliser moyens de mener mon test prototype. Agent Cortez est outil gentil et serviable. Il est aussi agréable à regarder car il a trou béant dans la joue. Laissant sa mâchoire et le profil de sa langue observable en permanence. Intéressante anatomie.

Je hais ces regards au coin que tu me balances.

Est pas agent CP pour rien => sait repérer comportements suspects. J'aimerais collecter quelques données sur sa joue étrange et il l'a remarqué maintes fois en perçant micro-expressions sur mon visage pourtant si flasque.

T-Tu as aphte mineur d-dans gencive sous incisive 11. Surp-prenant que t-tout soit pas grang-gréné.
Les hommes sont prêts à démarrer ton bidule.

Pourquoi il change tout le temps de sujet ?
Cortez petit agent CP instructif et bien aidant mais. Tout profane concernant enjeux science.
Bidule est pas un terme très adapté à ma machine.

Bidule = Gyrozéro A ?
Lui-même.
Il faut l'app-peller Gyrozéro A.
Alors, je donne quels ordres ?
1/ T-Tout le monde d-doit appeler Machine "Gyrozéro A".
Mouais. Et ensuite ?
2/ Lancement mot-teur primaire.
3/ Lancement mot-t-teur sec-condaire.
4/ Contrôle des d-données vit-tales de Gyrozéro A (T°, t/min, sens etc) t-toutes les 136 secondes.
5/ Ob-bservations.
Hmmf.

Eh, TOI ! AU PIED !

Sbire CP accourt. Sbire CP = Chien dressé par un habile équilibre de patriotisme et de terreur. De l'ensemble de la mission. Ils sont sans conteste les variables les plus fiables.

Chef ?
Les plongeurs sont sous le gyromachin ?
Gyrozéro A.
Oui en place, ils attendent vos ordres.
Qu'ils lancent le moteur primaire, puis le secondaire.
+ qu'ils app-pelent machine Gyrozéro A.
Docteur Romanov, nos directives n'émanent pas de vous...
Transmets message Cortez.
Put... Moui. Appelez son truc Gyrozéro A.
Compris...

Sbire s'en va. Cortez tête triste. Inexplicable. Lui qui participe à grande oeuvre qu'est apprentissage de la manipulation des courants marins. Il est triste. Tristesse entre en collision avec joie immense que je ressens lors d'essais empiriques d'amusantes théories. Tristesse crée paradoxe.

T-Tu fais tête t-triste.
Après m'avoir extirpé ma fierté et balancé ma carrière dans une fosse sceptique, alors que tu tiens ma vie entre tes putains de palmes d'erreur de la nature, tu te permets de m'humilier devant mes hommes.

Ah. Fragment de mémoire manquant. Son récit active quelques uns de mes neurones qui valident son authenticité. Mais aucun détail refait surface.

Nécessite act-tualisation de m-mémoire.
Encore une amnésie ?! Tu te fous de moi ? Tu veux m'faire revivre encore et encore ma chute ? Tu te lasses pas de me regarder tomber, connard ?
Ab-bsurde : émotions faib-bles = immunité au sad-disme. Je v-veux juste récup-pérer souvenirs.

Chantage. Oui. Chantage si intense qu'il fait craquer agent cipher pol Cortez vétéran. Soleil se reflète dans ses globes oculaires humides. Il se cambre sur la balustrade de navire et cache son visage dans ses paumes. Puis pousse couinements.
Je me demande ce que je lui ai fais ?
Je me le demande puis ensuite je reviens à Gyrozéro A.
Entré en rotation, il gronde en éclaboussant partout.
Produit minisiphons qui avalent des sbires CP.
Gyrozéro A = invention la plus prometteuse et amusante du mois ?

Nakamura a accompli de grandes oeuvres pour la paix, on lui doit tous beaucoup.
Est-ce vrai que c'est à lui que l'on doit l'acquisition sous notre drapeau de la majeure partie des blues ?
Effectivement, toute sa vie a été consacrée à la construction d'une paix mondiale, uniquement par le biais de mots judicieusement choisis.
Dommage que le gouvernement contiennent plus de guerriers que de diplomates.

Quatre endimanchés échangent des banalités auprès de la table ensevelie de petits fours. Aucun n'est vraiment convaincu de ce qu'il raconte, mais ils ont tous conscience que ces réceptions officielles sont plus des prétextes à se faire bien voir en se reflétant dans des chaussures bien cirées. Et des chaussures, ils en cirent beaucoup.

Sous un brouhaha de rires distingués et de murmures nobles, les quatre compères piaillent joyeusement, au chaud dans leur bulle d'amitié simulée. Car dans ces réceptions officielles, tout n'est qu'illusions plus ou moins douces, jusqu'aux moindres émotions des convives.

Et vous, John ? Qu'est-ce que vous avez fait cette année ?
Nous avons démarré un proj...
Un projet ?! Au CP1 ?
Ne vous moquez pas, c'est tout un projet de dépoussiérer leurs bureaux.
... projet d'exploration...
Explorer quoi ? Des îles désertes ?
Allons, vous savez comme moi qu'il ne reste plus rien à explorer sur nos belles mers cartographiées jusqu'à la moindre cave marine.
... sur le nouveau monde.
Le CP1 sur le nouveau monde ?
Hahaha ! Je me méfierais, si j'étais vous !
Oui, ils ont peut-être décidé de vider pour de bon les locaux en envoyant les derniers locataires à l'abattoir.

Tout le monde rit au dépens de tout le monde, c'est drôle tant que l'on est pas celui visé. L'ambiance est jouasse mais une ombre plane malgré tout. Sur les quatre amis, un n'ouvre pas du tout la bouche.

Cortez ?
Tu n'es pas très loquace aujourd'hui.
Contes nous donc le trépidant quotidien d'un agent du CP9, Cortez. Ça intéressera plus ces rustres. Tu tues combien d'innocents tout les jours ?
Tu vas bouder ?
On était juste un peu taquins, Johnny...

Entendre son nom semble avoir réveillé Cortez, ses yeux jusqu'alors éteints brillent subitement d'une nouvelle lueur. Et sa langue redémarre. Pas néanmoins pour offrir des anecdotes croustillantes à ses compagnons.

Mes amis, j'ai une envie pressante. Je reviens.
Tu vas manquer la sérénade de Nakamura sur la fraternité entre les peuples !
Je n'en ai vraiment pour pas longtemps.
Il préfère sa vessie à tonton Genji...

Quelqu'un rebondira sûrement sur la remarque pour placer un mot d'esprit délicieux, mais Cortez n'a bizarrement pas faim de ça. Il se dirige vers les coulisses des invités, met le cap sur les toilettes homme. Il a prétendu que c'était sa vessie la raison de son mutisme, mais la réalité est qu'aujourd'hui, le trou béant qui aère sa bouche au niveau de la joue lui est particulièrement douloureux. Et que parler lui fait la sensation d'un millier d'aiguilles se glissant à toute vitesse à travers ses gencives.

Ça doit être un aphte

Qu'il en pense.

Manger affublé de cette blessure est un exercice compliqué qu'il a mis des mois à maîtriser, il doit tout mâcher du côté de sa joue intacte, sinon les précieux nutriments s'échappent de sa bouche sous forme de pâte odorante transportée dans une cascade de salive. Mais fatiguer toujours le côté gauche de sa gencive a les conséquences évidentes d'y déposer deux fois plus de saloperies qu'elle ne peut en supporter et qu'un bon brossage de dents ne peut nettoyer. Alors régulièrement, ça s'infecte, puis ça fait mal.

Il arrive dans les toilettes en un coup d'épaule costaud dans la porte à battant. Personne en vue, les sanitaires déserts luisent d'un blanc immaculé : tout le monde est au garde-à-vous dans le grand hall, impatient d'écouter les niaiseries du tonton Genji. Cortez va pouvoir s'occuper de sa joue traumatisée sans s'attirer de regards curieux.

C'est ce à quoi il pense quelques secondes.

Puis derrière lui il entend la porte battre à nouveau, bien plus timidement cette fois.

Un homme-poisson de petite taille rentre dans le sanctuaire de carrelage immaculé.

L'homme-poisson le scrute quelques secondes tandis qu'il est penché au-dessus du lavabo à appliquer sa lotion antidouleur sur sa gencive apparente.

La tranquillité de Cortez est torpillée, sombre dans les abysses sans espoir de repêchage.

C'est quoi, son problème ?

C'est quoi, ton problème ?

Intéressant humain mutilé. Rencontre de spécimen rare dans les toilettes. Moi qui m'ennuyait fortement auprès de tout ces petits notables sans personnalité ni curiosité scientifique. J'ai beau être perpétuellement à l'affût du moindre pas potentiel que la science peut faire. J'imaginais pas pouvoir rencontrer telle anomalie anatomique dans sanitaires masculins = sanitaires masculins les plus intéressants du monde ?

J'ai p-pas de problème mais t-t-toi tu en as un.
Quoi ?
T-Tu as plaies ouvert-tes dans la joue d-droite.
Merci de me prévenir.

Détection du sarcasme.

= Malformation naissance ou b-blessure non cicat-t-trisée ?
Monsieur, je ne crois pas que l'on se connaisse assez pour que vous puissiez vous permettre de m'aborder sur un sujet pareil devant un lavabo.

Effectivement protocoles sociaux désapprouvent ce genre d'initiatives curieuses. Ma hâte d'en savoir plus sur sa particularité m'a poussé à l'erreur. Je rectifie.

O-Oui. B-Bonjour.
Bonjour ?
Je v-vous avais pas d-dis bonjour. V-Vous me répond-d-dez maintenant ?

Je deviens expert des protocoles sociaux. Mais il me manque certains réflexes de courtoisie.

Bon, j'y vais. Au revoir.

Il semble très pressé tout d'un coup. Hypothèse : gêné par ma demande car l'incite à se remémorer d'origines douloureuses de sa difformité. Si j'insiste il se renfrognera et je saurai jamais ce que sa joue trouée cache (à part gencives + chair + dents + tartre). M'intéresse d'en savoir plus sur son absence de cicatrisation et/ou de décès suite à cette anomalie.

Quand je suis curieux des obsessions naissent et gouvernement mes gestes et mes mots.

Exc-cusez-moi.

Premier étape de l'investigation = admettre mon erreur.

Je suis très int-téressé par t-ton anatomie et souhait-terait l'ét-tudier. = rémunération ?
Ça sonne salace votre proposition, là.
T-Trou dans la joue.
Ouais, ouais, j'avais compris. C'était un sarcasme.

Sarcasme avec fonction de le relaxer ? => Ne se dirige plus vers la porte de sortie : est maintenant immobile au milieu de la pièce et me fixe.

Votre nom ?
Zéro.
Votre vrai nom ?
Classifié.
Votre fonction ?
Ingénieur en chef.
Ingénieur anatomiste ?
Ingénieur p-polyvalent.
Vous avez un témoin de votre identité ?
J'ai un b-badge.

Badge dans ma poche. Je montre badge.

Hm.

Forte méfiance palpable. Il veut laisser planer aucun doute sur ma vraie identité. C'est mal parti.

Nakimura devrait bientôt commencer son discours. On fera ça tout à l'heure.

J'avais pas prévu qu'il soit d'accord aussi facilement. Le secret de sa joue est pas si secret que ça alors.
Discours Nakimura m'intéresse pas du tout. Je peux prédire avec 87% de précision le contenu de ses propos. Le reste sera que manipulation de syntaxe pour émerveiller le public.

On p-peut faire ça t-tout de suite.
Ne tirez pas trop sur la corde, qui que vous soyez.

Mon hypothèse : va se servir du temps gagné pour enquêter sur moi. Rien à craindre car j'ai répondu juste à toutes ses interrogations. Rien à cacher non plus. Il se rendra vite compte que j'ai pas de poignard à lui enfoncer dans colonne vertébrale. Et que tout ce qui m'intéresse chez lui : c'est le puits noir dans sa joue.

C'est allé vraiment très vite : en une seconde il a dégainé un revolver, il lui en a fallut de deux supplémentaires pour ajuster sa visée et d'une dernière pour qu'un doigt empale son coeur. On appelle ça un shigan. Ensuite le terroriste s'est effondré et a commencé à repeindre de son sang le parquet luisant, sous une nuée de commentaires désabusés. Une tentative d'attentat un peu pathétique désamorcée presque instantanément par le troupeau d'agents gouvernementaux, toujours aux aguets même des petits fours entre les dents.

Tout cela s'est passé il y a une dizaine de secondes. Les coeurs continuent à palpiter très rapidement.

Un attentat pendant une conférence sur les progrès de la paix...
Ironie am-musante ?
Ça véhicule une déclaration de guerre.
J'espère que ça an-nule pas le rend-dez-vous.
Sérieusement ?
Q-Quarantaine de CP p-prêt à sécuriser lieux.
Et c'est une raison pour déserter mon devoir ?
Alors je rest-te avec toi jusqu'à ce que t-tu deviennes d-d-disponible.
Tsssk. Pas dans mes pattes.

Comment a-t-il dit qu'il s'appelait déjà ? Zéro ? Du peu d'informations qu'il a pu récolter avant que le déséquilibré n'invite toute l'assemblée à lui aérer les ventricules, Zéro l'ingénieur a un pedigree assez impressionnant. Mélange d'un intellect pur et d'une inconscience qui pousse au danger et à l'innovation, pour le meilleur comme pour le pire. Un élément intéressant pour le gouvernement mondial, pour peu qu'il apprenne à rester sage et à ne pas créer une vingtaine de scandales par mois.

Fricoter avec ce genre d'individu n'est pas bon pour l'anonymat.

Cortez essaye de centrer son esprit sur la situation plutôt que sur cet assommant poisson. Rejoignant son groupe de faux amis.

Vous le connaissiez ?
Non.
Probablement un révolutionnaire indépendant. Un anarchiste désorganisé, possiblement malade mental.
Il faut l'être pour tenter une attaque suicide dans une conférence si prestigieuse, pas vrai ?
A moins qu'il serve de diversion.
Eh oui.
C'est ce que tout le monde semble croire. On pensait se déployer autour du château pour vérifier par où il aurait pu s'introduire dans l'enceinte.
Des ordres sont tombés ?
Pas encore, mais le temps qu'ils tombent, ses hypothétiques complices pourraient être passés à l'acte.
C'est qui lui ?
B-Bonjour. Enchant-t-t-té.
Humf, Zéro. Un ingénieur de la brigade.
P-Police scientifique.
Déjà entendu parler, il paraît qu'il est efficace.
Il a intérêt. Si tu nous ralentis, on ne t'attendra pas.


Effectivement ils m'ont pas attendu. Vitesse Soru 36,5782 fois supérieure à ma Vitesse de pointe.
Circonstances m'empêchent de satisfaire curiosité mais crée sujets d'intérêt secondaires. Attentats toujours propices à nombreuses enquêtes intéressantes qui permettent entraînement ludique de Logique déductive.

Hall s'est vidé à 67% en moins de 30 secondes. Parce que 67% étaient convives connaisseurs de Soru. Le reste = (marines + division scientifique + staff civil) + Cadavre. Genji Nakimura aussi parti. Scène déserte. Y reste que le micro et les enceintes, qui produisent encore du bruit blanc. Évacuation du personnel politique toujours beaucoup plus rapide qu'évacuation citoyens.

M'approche de Cadavre. Encerclé par 3 badauds. 1 serveur + 1 marine + 1 biologiste de mon service.

Le Père Nakimura en a eu de la chance !
Où est l'arme de ce type ?
Sûrement déjà sécurisée par un CP.
J'en ai encore des frissons...
Y a pas de quoi ! Ce mec n'avait aucune chance. J'vois pas ce qui a pu lui passer par la tête.
Théorie : d-diversion.
Une diversion de 5 secondes qui met tout le monde sur le pied de garde sans faire aucun dégât ? Aussi débile qu'une attaque suicide !
J'reste ici jusqu'à ce que ça se calme, moi...
Je sais pas si c'est une bonne idée, on est complètement à découvert là...
Si c'sont les révos, ils tireront pas sur les civils ?
Eux sûrement pas, mais les balles perdues ont pas leur éthique.
Seigneur...
Vous inquiétez pas, on va vous amener en sécurité. Et vous aussi, les scientos.

Promesse de nuit très longue. Heureusement mon organisme secrète torrents d'adrénaline. Super.