C'est qu'y me convoquerait presque ce con. Après cette saine lecture, je craque une allumette, crame la missive que le coursier m'a apporté et j'oublie pas de payer grassement ce dernier. Toujours être généreux avec le petit personnel, c'est la garantie d'être servi rapidement.
Débarrassé de mon postier qu'est sorti presque en sautillant quand je lui ai glissé cinq mille berries de pourliche, voilà que je me tourne vers la fenêtre pour regarder la ville de Chom. D'ici à ce que le bureau me file une nouvelle affectation, je comptais rester dans ma piaule pour me reposer un peu. Une chambre, et trois repas par jour, j'en demande pas plus, surtout avec une vue pareille.
Seulement, y'a fallu que ce crevard de Mérose m'envoie cette putain de lettre. C'est que j'avais oublié jusqu'à son existence à ce con. On a un peu traîné nos guêtres ensemble quand j'étais dans la marine d'élite. C'est qu'en ce temps, on n'a jamais trop causé tous les deux, pas que je l'aimais pas, mais faut croire qu'on n'avait pas d'atomes crochus.
Et voilà que ce type m'écrit comme si on était des amis de vingt ans. Des points d'exclamation à la fin de la moitié des phrases, de l'entrain, c'est limite s'il m'a pas pondu un ou deux alexandrins. Et tout ça, pour me demander de rappliquer au Q.G de la trois-cent seizième division. Paraît qu'il est lieutenant là-bas. L'a dû lécher les culs qu'y fallait pour mériter tant de considération.
La lettre finit par se consumer entièrement dans la corbeille où je l'ai déposée, j'ouvre la fenêtre histoire que ça soit respirable en dedans. Que ce soit un ordre de mission ou un mot doux, je crame systématiquement, on n'est jamais trop prudent.
D'autant plus que cette connerie de missive tenait un double discours. Ma vue baisse, mais c'est pas ça qui m'empêche de lire entre les lignes, Mérose m'a pas invité pour boire le thé et parler du bon vieux temps, ça, je l'ai bien compris.
Je sais pas qui lui a dit que j'étais sur l'île, mais à part fouiller dans les dossier qu'y faut pas, je vois mal comment l'a pu apprendre que j'étais dans les parages. Si son excellence le lieutenant Méroze met son nez dans des dossier confidentiels relatifs au CP, c'est qu'y a quelque chose de mauvais qui se trame.
C'est à se demander si je devrais pas l'envoyer chier. Après tout, je suis pas son subalterne.
Mais en même temps... au milieu des relents putrides de son verbe étalé sur toute cette connerie de lettre, j'ai quand même humé l'odeur du pognon. C'est le flair, ça trompe pas, y'a une histoire de grisbi derrière cette invitation.
Je ferme la fenêtre et quitte ma chambre. Évidemment, je manque pas de mettre un bout de papier coincé dans l'interstice de la porte histoire de savoir en rentrant si j'ai pas eu des fouineurs par chez moi. À priori, y'a aucun risque, mais c'est le genre de déformation professionnelle qui sauve la vie, donc je vais pas m'en passer.
- S'cusez-moi m'dame, le Q.G d'la marine, c'par où s'vous-plaît ?
- Deeeeeeeerrick ! Je m'attendais pas à te voir si tôt. Entre ! Entre ! C'est un peu le bazar sur mon bureau, mais qu'est-ce que tu veux, l'administration est plus salissant que la marine d'élite, sauf qu'on disperse les dossiers à la place des entrailles hahaha ! Comment que c'est à part ça ?
Merde, j'ai beau essayer me souvenir, je me rappelais pas qu'il était aussi causant le Mérose. C'est les galons ça, ça rend confiant. C'est vrai qu'il a l'air d'avoir la confiance, y pousse le vice jusqu'à le tapoter le bras avec une condescendance que je lui connaissais pas. Je serais un peu soupe au lait que je l'aurais déjà balancé par la fenêtre.
Quelle dégaine de faux cul vraiment. Uniforme bien repassé, petites lunettes avec monture en or, y'a pas à dire, le travail de gradé administratif ça stérilise mieux son homme qu'un sécateur, j'ai vraiment l'impression d'avoir affaire à un eunuque.
- Ouais ouais héhé, qu'veux-tu, un c'marade m'appelle à l'rescousse, j'rapplique.
On se serre la main, y m'invite à m'asseoir, puis y ricane parce que mon gros cul peut pas s'encastrer entre les barreaux de la chaise. Hilarant putain, si l'avait pas été lieutenant l'aurait pu faire clown. Ou cadavre. Ouais, je le verrais bien en cadavre le camarade Mérose. Deux minutes que je l'ai en face et y me les brise déjà.
- Alors comme ça j'ai entendu dire que t'étais allé voir du côté du Cipher Pol. CP2 même hein ? Impressionnant !
Y perd pas son temps celui-là. Y sait très bien que l'affectation des agents du Cipher Pol est censée être confidentielle et y me parle de ça comme si j'étais devenu pêcheur de colin. Je pensais qu'y m'offrirait un café avant de mettre ça sur la table, mais non, d'emblée. Je me contente d'opiner du chef sans rien ajouter. Et là, je le sens enfin nerveux. Regard fuyant, mains croisées sur son bureau légèrement agitées, lui, il a le comportement d'un type qui a fait une connerie.
- T'es doué pour trouver des fonds pour le G.M, c'est ça ?
- C'est c'mme qui dirait mon boulot ouais.
Allez, crache le morceau. T'as détourné des fonds c'est ça ? Je sens que le vice se monte à plusieurs millions.
- Je dois admettre qu'en t'invitant ici, j'avais une arrière pensée...
- Oh ?
Parce qu'y s'imagine peut-être que qui que ce soit aurait pu croire qu'un bâtard de lieutenant en papier mâché invite un ancien collègue par altruisme ? Y me fait perdre mon temps celui-là alors. Et toujours pas de café sur le bureau. C'est encore ça le plus impardonnable dans l'affaire.
- C'est à propos de la garnison. L'heure est grave.
Ça j'aime. Un gradé, quand ses hommes réussissent une opération, y trouve moyen de s'attribuer les mérites, à lui et à lui seul. J'ai connu ça en bossant pour la mouette d'élite. En revanche, dès que ça commence à être la mouise, il s'agit de "la garnison" toute entière qui est concernée. Privatiser les succès et collectiviser les emmerdes, c'est encore ce qu'un lieutenant comme lui est capable de faire de mieux.
- Tu vois... Y'a eu un souci de gestion...
Nous y voilà. Le fameux souci de gestion. C'est dur de contenir un sourire quand j'entends ça, d'ailleurs je me retiens pas, je souris à pleines dents. C'est limite si je me marre pas en fait. T'embête pas mon pauvre Mérose, je le connais ton souci de gestion. On t'a laissé en charge de la comptabilité, et puis t'as fait quelques dépenses malheureuses, et on veut pas trop que ça se sache en hauts lieux.
- C'est à cause d'une grosse opération anti-flibuste d'il y a trois mois, on a eu les yeux plus gros que le ventre, et résultat... On n'a plus les fonds pour boucler l'année fiscale avant que le G.M ne nous renfloue.
- Et t't'es dit, "l'gros Derrick va n'ttoyer mes conn'ries". C'ça ?
C'est qu'il a presque sursauté quand j'ai pris la parole, il a pas la conscience tranquille celui-là. Enfin là, y sait que son blabla je m'en fous et que j'y crois pas un instant à ses histoires anti-flibuste. Assis derrière son bureau, je me demande ça fait combien de temps qu'il a pas vu un pirate. Est-ce qui se souvient seulement à quoi ça ressemble ?
- Non ! Non ! Je suis pas comme ça. C'est juste que... je me suis dit... en souvenir du bon vieux temps, tu pourrais me rendre un service.
Le bon vieux temps c'était celui où on te laissait pas en charge de la comptabilité mon petit père. Va savoir si je suis nostalgique, mais même si je trouve qu'une loque pareille fait pitié à voir, j'arrive pas à m'ôter de la tête que ça a été un camarade. Ensemble on en a bouté du justicier autoproclamé et autres écumeurs à la manque. J'en reviens pas que je m'apprête à dire ce que je vais dire.
- Y'a p't'êt' moyen qu'j'arrange un truc en vitesse. D'quoi alimenter l'engrenage avant qu'ta hiérarchie sache qu'tu confonds l'z'additions et l'soustractions.
Et voilà que je vais me donner du mal pour ce con. Faudrait pas être sentimental, ça je vous le dit. Ah, enfin le café qu'est servi, pas trop tôt. Là-dessus, on discute de mes honoraires. Je veux bien être nostalgique, mais moyennant finances. Faut pas déconner non plus.
Puisqu'il a pas les moyens de faire le difficiles, il accepte toutes mes conditions une fois que je lui ai exposé mon plan. Rien de bien compliqué, juste de la magouille de bas étage pour transiter les fonds d'une garnison à l'autre. C'est même si peu compliqué que c'est presque légal.
On se quitte sur ces malversations après qu'il m'ait filé un dossier.
Ouais un dossier. Je lui ai demandé la liste des chasseurs de prime stationnés dans le coin. Y'a qu'un seul nom évidemment, sinon ça aurait été trop facile. Faudra que je fasse avec ce.... Noob ?
Débarrassé de mon postier qu'est sorti presque en sautillant quand je lui ai glissé cinq mille berries de pourliche, voilà que je me tourne vers la fenêtre pour regarder la ville de Chom. D'ici à ce que le bureau me file une nouvelle affectation, je comptais rester dans ma piaule pour me reposer un peu. Une chambre, et trois repas par jour, j'en demande pas plus, surtout avec une vue pareille.
Seulement, y'a fallu que ce crevard de Mérose m'envoie cette putain de lettre. C'est que j'avais oublié jusqu'à son existence à ce con. On a un peu traîné nos guêtres ensemble quand j'étais dans la marine d'élite. C'est qu'en ce temps, on n'a jamais trop causé tous les deux, pas que je l'aimais pas, mais faut croire qu'on n'avait pas d'atomes crochus.
Et voilà que ce type m'écrit comme si on était des amis de vingt ans. Des points d'exclamation à la fin de la moitié des phrases, de l'entrain, c'est limite s'il m'a pas pondu un ou deux alexandrins. Et tout ça, pour me demander de rappliquer au Q.G de la trois-cent seizième division. Paraît qu'il est lieutenant là-bas. L'a dû lécher les culs qu'y fallait pour mériter tant de considération.
La lettre finit par se consumer entièrement dans la corbeille où je l'ai déposée, j'ouvre la fenêtre histoire que ça soit respirable en dedans. Que ce soit un ordre de mission ou un mot doux, je crame systématiquement, on n'est jamais trop prudent.
D'autant plus que cette connerie de missive tenait un double discours. Ma vue baisse, mais c'est pas ça qui m'empêche de lire entre les lignes, Mérose m'a pas invité pour boire le thé et parler du bon vieux temps, ça, je l'ai bien compris.
Je sais pas qui lui a dit que j'étais sur l'île, mais à part fouiller dans les dossier qu'y faut pas, je vois mal comment l'a pu apprendre que j'étais dans les parages. Si son excellence le lieutenant Méroze met son nez dans des dossier confidentiels relatifs au CP, c'est qu'y a quelque chose de mauvais qui se trame.
C'est à se demander si je devrais pas l'envoyer chier. Après tout, je suis pas son subalterne.
Mais en même temps... au milieu des relents putrides de son verbe étalé sur toute cette connerie de lettre, j'ai quand même humé l'odeur du pognon. C'est le flair, ça trompe pas, y'a une histoire de grisbi derrière cette invitation.
Je ferme la fenêtre et quitte ma chambre. Évidemment, je manque pas de mettre un bout de papier coincé dans l'interstice de la porte histoire de savoir en rentrant si j'ai pas eu des fouineurs par chez moi. À priori, y'a aucun risque, mais c'est le genre de déformation professionnelle qui sauve la vie, donc je vais pas m'en passer.
- S'cusez-moi m'dame, le Q.G d'la marine, c'par où s'vous-plaît ?
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- Deeeeeeeerrick ! Je m'attendais pas à te voir si tôt. Entre ! Entre ! C'est un peu le bazar sur mon bureau, mais qu'est-ce que tu veux, l'administration est plus salissant que la marine d'élite, sauf qu'on disperse les dossiers à la place des entrailles hahaha ! Comment que c'est à part ça ?
Merde, j'ai beau essayer me souvenir, je me rappelais pas qu'il était aussi causant le Mérose. C'est les galons ça, ça rend confiant. C'est vrai qu'il a l'air d'avoir la confiance, y pousse le vice jusqu'à le tapoter le bras avec une condescendance que je lui connaissais pas. Je serais un peu soupe au lait que je l'aurais déjà balancé par la fenêtre.
Quelle dégaine de faux cul vraiment. Uniforme bien repassé, petites lunettes avec monture en or, y'a pas à dire, le travail de gradé administratif ça stérilise mieux son homme qu'un sécateur, j'ai vraiment l'impression d'avoir affaire à un eunuque.
- Ouais ouais héhé, qu'veux-tu, un c'marade m'appelle à l'rescousse, j'rapplique.
On se serre la main, y m'invite à m'asseoir, puis y ricane parce que mon gros cul peut pas s'encastrer entre les barreaux de la chaise. Hilarant putain, si l'avait pas été lieutenant l'aurait pu faire clown. Ou cadavre. Ouais, je le verrais bien en cadavre le camarade Mérose. Deux minutes que je l'ai en face et y me les brise déjà.
- Alors comme ça j'ai entendu dire que t'étais allé voir du côté du Cipher Pol. CP2 même hein ? Impressionnant !
Y perd pas son temps celui-là. Y sait très bien que l'affectation des agents du Cipher Pol est censée être confidentielle et y me parle de ça comme si j'étais devenu pêcheur de colin. Je pensais qu'y m'offrirait un café avant de mettre ça sur la table, mais non, d'emblée. Je me contente d'opiner du chef sans rien ajouter. Et là, je le sens enfin nerveux. Regard fuyant, mains croisées sur son bureau légèrement agitées, lui, il a le comportement d'un type qui a fait une connerie.
- T'es doué pour trouver des fonds pour le G.M, c'est ça ?
- C'est c'mme qui dirait mon boulot ouais.
Allez, crache le morceau. T'as détourné des fonds c'est ça ? Je sens que le vice se monte à plusieurs millions.
- Je dois admettre qu'en t'invitant ici, j'avais une arrière pensée...
- Oh ?
Parce qu'y s'imagine peut-être que qui que ce soit aurait pu croire qu'un bâtard de lieutenant en papier mâché invite un ancien collègue par altruisme ? Y me fait perdre mon temps celui-là alors. Et toujours pas de café sur le bureau. C'est encore ça le plus impardonnable dans l'affaire.
- C'est à propos de la garnison. L'heure est grave.
Ça j'aime. Un gradé, quand ses hommes réussissent une opération, y trouve moyen de s'attribuer les mérites, à lui et à lui seul. J'ai connu ça en bossant pour la mouette d'élite. En revanche, dès que ça commence à être la mouise, il s'agit de "la garnison" toute entière qui est concernée. Privatiser les succès et collectiviser les emmerdes, c'est encore ce qu'un lieutenant comme lui est capable de faire de mieux.
- Tu vois... Y'a eu un souci de gestion...
Nous y voilà. Le fameux souci de gestion. C'est dur de contenir un sourire quand j'entends ça, d'ailleurs je me retiens pas, je souris à pleines dents. C'est limite si je me marre pas en fait. T'embête pas mon pauvre Mérose, je le connais ton souci de gestion. On t'a laissé en charge de la comptabilité, et puis t'as fait quelques dépenses malheureuses, et on veut pas trop que ça se sache en hauts lieux.
- C'est à cause d'une grosse opération anti-flibuste d'il y a trois mois, on a eu les yeux plus gros que le ventre, et résultat... On n'a plus les fonds pour boucler l'année fiscale avant que le G.M ne nous renfloue.
- Et t't'es dit, "l'gros Derrick va n'ttoyer mes conn'ries". C'ça ?
C'est qu'il a presque sursauté quand j'ai pris la parole, il a pas la conscience tranquille celui-là. Enfin là, y sait que son blabla je m'en fous et que j'y crois pas un instant à ses histoires anti-flibuste. Assis derrière son bureau, je me demande ça fait combien de temps qu'il a pas vu un pirate. Est-ce qui se souvient seulement à quoi ça ressemble ?
- Non ! Non ! Je suis pas comme ça. C'est juste que... je me suis dit... en souvenir du bon vieux temps, tu pourrais me rendre un service.
Le bon vieux temps c'était celui où on te laissait pas en charge de la comptabilité mon petit père. Va savoir si je suis nostalgique, mais même si je trouve qu'une loque pareille fait pitié à voir, j'arrive pas à m'ôter de la tête que ça a été un camarade. Ensemble on en a bouté du justicier autoproclamé et autres écumeurs à la manque. J'en reviens pas que je m'apprête à dire ce que je vais dire.
- Y'a p't'êt' moyen qu'j'arrange un truc en vitesse. D'quoi alimenter l'engrenage avant qu'ta hiérarchie sache qu'tu confonds l'z'additions et l'soustractions.
Et voilà que je vais me donner du mal pour ce con. Faudrait pas être sentimental, ça je vous le dit. Ah, enfin le café qu'est servi, pas trop tôt. Là-dessus, on discute de mes honoraires. Je veux bien être nostalgique, mais moyennant finances. Faut pas déconner non plus.
Puisqu'il a pas les moyens de faire le difficiles, il accepte toutes mes conditions une fois que je lui ai exposé mon plan. Rien de bien compliqué, juste de la magouille de bas étage pour transiter les fonds d'une garnison à l'autre. C'est même si peu compliqué que c'est presque légal.
On se quitte sur ces malversations après qu'il m'ait filé un dossier.
Ouais un dossier. Je lui ai demandé la liste des chasseurs de prime stationnés dans le coin. Y'a qu'un seul nom évidemment, sinon ça aurait été trop facile. Faudra que je fasse avec ce.... Noob ?
Dernière édition par Derrick Oletto le Mar 07 Fév 2017, 11:33, édité 1 fois