Elle se stoppa net, immobile, persuadée d'avoir entendu un bruit. Un claquement de porte peut-être, probablement pas un coup de vent. Une minute passa donc avant que la lumière dansante d'une flamme ne fisse son apparition sur l'un des murs en pierre noircie de la prison. Dans le couloir séparant le dédale de cages en acier.
Plongée dans l'ombre, l'albinos pouvait remercier sa bonne étoile : l'absence de lumière dans les geôles humides et sales de l'épais bâtiment qui servait de bagne à la ville pirate poussait les gardes à venir accompagnés de torches. C'était là le seul réconfort qu'elle pouvait éprouver en voyant l'un de ses geôliers, gros, gras, pervers et impotents. Et moches de surcroît. S'ils avaient été placés à un poste aussi ingrat, ça n'était décidément pas sans raison. Et ils étaient deux, comme si une entité mystique gouvernant le monde ne s'était pas dit qu'un seul de ces énergumènes aurait largement suffit.
Des fois, l'un des deux, le plus jeune, s'arrêtait devait les barreaux, jugeant l'effort accompli et celui restant à accomplir. Partir puis revenir, c'était trop dur pour ses petites jambes courtaudes et arquées. Alors il s'asseyait sur une chaise traînant là et lorgnait d'un œil peu scrupuleux la codétenue de l'agente... dont le seul uniforme était la peau revêtant ses os. Et la paillasse sur laquelle elle s'était recroquevillée, pauvre chose fragile.
- Héhé ma mignonnette, s'tu savais c'que j'te f'rais. intervenait-il des fois... avant de se rappeler sa simple condition de garde et le courroux que pourrait exprimer McKlayn en apprenant ce qu'il aurait fait.
Alors son visage redevenait sombre et il repartait, lugubre.
Cette fois-ci ce n'était pas lui, heureusement. Ce fut l'autre gros gaillard dégarni qui, lui, n'avait pas de temps à perdre au fin fond de ces cachots puants. Il avait au moins le mérite d'être rapide dans ses visites. Sa flamme vacilla donc dans un sens puis dans l'autre, tandis que sa démarche ridicule l'amenait jusqu'au bout du corridor et le faisait revenir. Il ne daigna même pas jeter un regard aux prisonnières. Celui-là ne les regardait jamais et c'était tant mieux. Sa venue leur avait toutefois donné un peu de lumière aux captives, permettant à Anna d'observer sa compagne de cellule. Cette-dernière n'avait rien dit depuis sa défaite, elle était restée muette et molle comme une vulgaire poupée. On l'avait assise là et elle était tombée sur le sol. Depuis deux jours elle n'avait ainsi rien bu, rien mangé et n'avait même pas exprimé le besoin d'aller à la selle une seule fois. Elle avait abandonné tout espoir et se laissait mourir... sans même chercher à comprendre ce que faisait sa codétenue. Elle ne la regardait pas de toute manière, elle ne regardait que le mur devant elle.
La lumière s'échappa par où elle était venu et le cliquetis léger recommença.
Les menottes en granit marin dévastaient l'énergie de la CP9 dont le fruit du démon tenait plus de la malédiction qu'autre chose sur le moment. Les mains liées devant elle lui permettaient au moins de s'allonger sur le dos ou bien de se tenir contre un mur... ainsi que de voir l'avancée de son crochetage. De la deviner, tout du moins. Et pour ce faire elle avait été obligée de fouiller dans son bras cybernétique amoché durant la bataille pour en ressortir deux longs éléments métalliques qu'elle conservait cachés en cas de besoin. Par chance, les pirates n'avaient pas été inspecter ses blessures pour se rendre compte de cette petite spécificité.
Seule la Bourgeoise était au courant, mais cela ne semblait pas particulièrement l'émouvoir. Elle était perdue au fond du gouffre de son désespoir. Tout du moins, c'était ce que s'imaginait la prétendue pirate. Car quand le cliquetis se stoppa en rencontrant finalement les dernières résistances de la serrure de l'une de ses menottes, la Maire ne put retenir un soupire de soulagement :
- Ah, enfin... J'ai cru que vous n'y parviendriez jamais.
L'agente resta circonspecte pendant une longue minute, persuadée qu'un fantôme venait de lui adresser la parole. Puis, libérant sa main droite, elle s'efforça de faire de même avec la gauche. Sans espoir : ses doigts mécaniques étaient bloqués, rigides. Seuls l'index et le pouce fonctionnaient encore... à peu près. Elle perdit ainsi de précieuses minutes... jusqu'à ce que la silhouette roulée dans un coin de la pièce ne décidât de se lever et de venir à sa rencontre.
La jeune femme se posa devant elle, en tailleur, et saisit les deux tiges métalliques sans prévenir ni mot dire. La CP9 ne fit rien, persuadée que l'entreprise de la noble était vouée à l'échec. A cause des ténèbres, à cause de la maîtrise du crochetage...
Clac.
Une fois de plus, le visage d'Anna afficha une mine déconfite. Et visiblement sa compagne était elle aussi nyctalope puisqu'elle remarqua le changement d'expression de son interlocutrice et daigna lui répondre, cynique :
- Vous me preniez pour une sorte de princesse ? Je vous rappelle que nous sommes dans le Nouveau Monde : on n'est jamais à l'abri de se faire kidnapper et enfermer dans une cave ma petite dame.
Clac. Clac.
Moins d'une minute après, les deux femmes étaient débarrassées leurs fers. Pas tout à fait remises, c'était comme si on venait de retirer un poids immense leur comprimant les poumons. Comme lorsque l'on retirait une pointe de flèche ou une balle d'une plaie avant d'enfin la désinfecter. Le pire était derrière.
- Bon, maintenant, il ne me reste plus qu'à trouver des vêtements. fit la blonde en essayant de se lever...
..avant d'être soudainement rattrapée par la douleur qui lui tailladait la jambe. Pas un simple spasme qui l'immobilisait de temps à autres, non : outre la blessure qui s'était rouverte, la pauvre devait désormais faire avec un fémur et un tibia brisés en mille morceaux qui l'empêcheraient probablement de pouvoir remarcher normalement de toute sa vie. Elle s'écroula, donc, les dents serrées et le visage comprimé par la douleur.
L'agente la considéra comme un poids mort l'espace d'un instant, ce que Fleur ne put s'empêcher de remarquer, grondant de colère et de rage.
- Ne me laissez pas ici...
L'albinos ignora la supplication, s'avançant d'un pas certain vers les barreaux de la cellule. Et tandis qu'elle posait ses mains sur l'acier, elle entendit un déclic au loin. Un garde-chiourme approchait... et vu son aura et ses intentions palpables à des kilomètres, il s'agissait du plus jeune. Elle eut donc tôt fait d'utiliser quelques zestes de son pouvoir pour tordre le métal. Lorsque ses mains cessèrent d'émettre une lueur bleue, il y avait assez d'espace pour que la jeune femme pusse passer de l'autre côté, laissant sa codétenue dans les ténèbres.
Quelques instants plus tard, celui que tous appelaient le Gros Gilles s'avança dans le couloir. Cette fois-ci c'était la bonne, il avait pris sa décision. Il allait se la farcir, cette foutue Maire. Il allait lui faire comprendre à quel points ses désirs étaient ardents et les autres cesseraient enfin de se foutre de sa gueule en l'appelant le "Gros Puceau".
Mais lorsqu'il se présenta devant la cellule, des deux femmes emprisonnées, il n'en restait désormais plus qu'une. Le bonhomme s'adressa tout d'abord à sa première victime, immobile sur sa paillasse dont elle n'avait vraisemblablement pas bougé depuis qu'on l'y avait jetée.
- Beh. Où c'qu'elle est ta copine, dis ?
Aucune réponse. Inconscient, le gros lard ouvrit alors la porte de la zone de confinement, persuadé à ce moment là qu'il s'agirait d'une bonne idée. Mais sitôt celle-ci déverrouillée, quelque chose dans son dos le poussa violemment à l'intérieur de l'espace clos où il roula stupidement... jusqu'à se retrouver face à la blonde allongée. Le visage de la belle se mua alors en quelque chose de monstrueux : une gueule immense qui vint enserrer entre ses crocs le faciès de l'homme bedonnant dont les cris gutturaux ne tardèrent guère à s'éteindre.
La bête, qui n'avait alors pas pris de repas depuis deux jours, dégusta un véritable festin.
La CP9 avait récupéré les clés et la torche du garde ; la Bourgeoise, elle, avait trouvé le moyen de récupérer les haillons ensanglantés du bonhomme pour se les enrouler autour de ses parties charnelles. Toujours aussi mal en point, elle parvenait désormais à faire contrepoids grâce à la lance du défunt, avançant cahin-caha devant sa comparse.
La confiance ne régnait pas au point que l'agente tournât le dos à son alliée du moment. Toutefois elle l'avait attendue et progressait à son allure. Deux c'était mieux que un. Et toutes deux avaient la même motivation, les mêmes objectifs qui les empêchaient de s'entretuer. Pour ce qu'il leur restait à accomplir, elles pouvaient compter l'une sur l'autre, presque comme deux vieilles amies. Pour le moment elles évoluaient dans les ténèbres, mais petit à petit se rapprochaient de leur but.
Tuer Ethan McKlayn.
Plongée dans l'ombre, l'albinos pouvait remercier sa bonne étoile : l'absence de lumière dans les geôles humides et sales de l'épais bâtiment qui servait de bagne à la ville pirate poussait les gardes à venir accompagnés de torches. C'était là le seul réconfort qu'elle pouvait éprouver en voyant l'un de ses geôliers, gros, gras, pervers et impotents. Et moches de surcroît. S'ils avaient été placés à un poste aussi ingrat, ça n'était décidément pas sans raison. Et ils étaient deux, comme si une entité mystique gouvernant le monde ne s'était pas dit qu'un seul de ces énergumènes aurait largement suffit.
Des fois, l'un des deux, le plus jeune, s'arrêtait devait les barreaux, jugeant l'effort accompli et celui restant à accomplir. Partir puis revenir, c'était trop dur pour ses petites jambes courtaudes et arquées. Alors il s'asseyait sur une chaise traînant là et lorgnait d'un œil peu scrupuleux la codétenue de l'agente... dont le seul uniforme était la peau revêtant ses os. Et la paillasse sur laquelle elle s'était recroquevillée, pauvre chose fragile.
- Héhé ma mignonnette, s'tu savais c'que j'te f'rais. intervenait-il des fois... avant de se rappeler sa simple condition de garde et le courroux que pourrait exprimer McKlayn en apprenant ce qu'il aurait fait.
Alors son visage redevenait sombre et il repartait, lugubre.
Cette fois-ci ce n'était pas lui, heureusement. Ce fut l'autre gros gaillard dégarni qui, lui, n'avait pas de temps à perdre au fin fond de ces cachots puants. Il avait au moins le mérite d'être rapide dans ses visites. Sa flamme vacilla donc dans un sens puis dans l'autre, tandis que sa démarche ridicule l'amenait jusqu'au bout du corridor et le faisait revenir. Il ne daigna même pas jeter un regard aux prisonnières. Celui-là ne les regardait jamais et c'était tant mieux. Sa venue leur avait toutefois donné un peu de lumière aux captives, permettant à Anna d'observer sa compagne de cellule. Cette-dernière n'avait rien dit depuis sa défaite, elle était restée muette et molle comme une vulgaire poupée. On l'avait assise là et elle était tombée sur le sol. Depuis deux jours elle n'avait ainsi rien bu, rien mangé et n'avait même pas exprimé le besoin d'aller à la selle une seule fois. Elle avait abandonné tout espoir et se laissait mourir... sans même chercher à comprendre ce que faisait sa codétenue. Elle ne la regardait pas de toute manière, elle ne regardait que le mur devant elle.
La lumière s'échappa par où elle était venu et le cliquetis léger recommença.
Les menottes en granit marin dévastaient l'énergie de la CP9 dont le fruit du démon tenait plus de la malédiction qu'autre chose sur le moment. Les mains liées devant elle lui permettaient au moins de s'allonger sur le dos ou bien de se tenir contre un mur... ainsi que de voir l'avancée de son crochetage. De la deviner, tout du moins. Et pour ce faire elle avait été obligée de fouiller dans son bras cybernétique amoché durant la bataille pour en ressortir deux longs éléments métalliques qu'elle conservait cachés en cas de besoin. Par chance, les pirates n'avaient pas été inspecter ses blessures pour se rendre compte de cette petite spécificité.
Seule la Bourgeoise était au courant, mais cela ne semblait pas particulièrement l'émouvoir. Elle était perdue au fond du gouffre de son désespoir. Tout du moins, c'était ce que s'imaginait la prétendue pirate. Car quand le cliquetis se stoppa en rencontrant finalement les dernières résistances de la serrure de l'une de ses menottes, la Maire ne put retenir un soupire de soulagement :
- Ah, enfin... J'ai cru que vous n'y parviendriez jamais.
L'agente resta circonspecte pendant une longue minute, persuadée qu'un fantôme venait de lui adresser la parole. Puis, libérant sa main droite, elle s'efforça de faire de même avec la gauche. Sans espoir : ses doigts mécaniques étaient bloqués, rigides. Seuls l'index et le pouce fonctionnaient encore... à peu près. Elle perdit ainsi de précieuses minutes... jusqu'à ce que la silhouette roulée dans un coin de la pièce ne décidât de se lever et de venir à sa rencontre.
La jeune femme se posa devant elle, en tailleur, et saisit les deux tiges métalliques sans prévenir ni mot dire. La CP9 ne fit rien, persuadée que l'entreprise de la noble était vouée à l'échec. A cause des ténèbres, à cause de la maîtrise du crochetage...
Clac.
Une fois de plus, le visage d'Anna afficha une mine déconfite. Et visiblement sa compagne était elle aussi nyctalope puisqu'elle remarqua le changement d'expression de son interlocutrice et daigna lui répondre, cynique :
- Vous me preniez pour une sorte de princesse ? Je vous rappelle que nous sommes dans le Nouveau Monde : on n'est jamais à l'abri de se faire kidnapper et enfermer dans une cave ma petite dame.
Clac. Clac.
Moins d'une minute après, les deux femmes étaient débarrassées leurs fers. Pas tout à fait remises, c'était comme si on venait de retirer un poids immense leur comprimant les poumons. Comme lorsque l'on retirait une pointe de flèche ou une balle d'une plaie avant d'enfin la désinfecter. Le pire était derrière.
- Bon, maintenant, il ne me reste plus qu'à trouver des vêtements. fit la blonde en essayant de se lever...
..avant d'être soudainement rattrapée par la douleur qui lui tailladait la jambe. Pas un simple spasme qui l'immobilisait de temps à autres, non : outre la blessure qui s'était rouverte, la pauvre devait désormais faire avec un fémur et un tibia brisés en mille morceaux qui l'empêcheraient probablement de pouvoir remarcher normalement de toute sa vie. Elle s'écroula, donc, les dents serrées et le visage comprimé par la douleur.
L'agente la considéra comme un poids mort l'espace d'un instant, ce que Fleur ne put s'empêcher de remarquer, grondant de colère et de rage.
- Ne me laissez pas ici...
L'albinos ignora la supplication, s'avançant d'un pas certain vers les barreaux de la cellule. Et tandis qu'elle posait ses mains sur l'acier, elle entendit un déclic au loin. Un garde-chiourme approchait... et vu son aura et ses intentions palpables à des kilomètres, il s'agissait du plus jeune. Elle eut donc tôt fait d'utiliser quelques zestes de son pouvoir pour tordre le métal. Lorsque ses mains cessèrent d'émettre une lueur bleue, il y avait assez d'espace pour que la jeune femme pusse passer de l'autre côté, laissant sa codétenue dans les ténèbres.
Quelques instants plus tard, celui que tous appelaient le Gros Gilles s'avança dans le couloir. Cette fois-ci c'était la bonne, il avait pris sa décision. Il allait se la farcir, cette foutue Maire. Il allait lui faire comprendre à quel points ses désirs étaient ardents et les autres cesseraient enfin de se foutre de sa gueule en l'appelant le "Gros Puceau".
Mais lorsqu'il se présenta devant la cellule, des deux femmes emprisonnées, il n'en restait désormais plus qu'une. Le bonhomme s'adressa tout d'abord à sa première victime, immobile sur sa paillasse dont elle n'avait vraisemblablement pas bougé depuis qu'on l'y avait jetée.
- Beh. Où c'qu'elle est ta copine, dis ?
Aucune réponse. Inconscient, le gros lard ouvrit alors la porte de la zone de confinement, persuadé à ce moment là qu'il s'agirait d'une bonne idée. Mais sitôt celle-ci déverrouillée, quelque chose dans son dos le poussa violemment à l'intérieur de l'espace clos où il roula stupidement... jusqu'à se retrouver face à la blonde allongée. Le visage de la belle se mua alors en quelque chose de monstrueux : une gueule immense qui vint enserrer entre ses crocs le faciès de l'homme bedonnant dont les cris gutturaux ne tardèrent guère à s'éteindre.
La bête, qui n'avait alors pas pris de repas depuis deux jours, dégusta un véritable festin.
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La CP9 avait récupéré les clés et la torche du garde ; la Bourgeoise, elle, avait trouvé le moyen de récupérer les haillons ensanglantés du bonhomme pour se les enrouler autour de ses parties charnelles. Toujours aussi mal en point, elle parvenait désormais à faire contrepoids grâce à la lance du défunt, avançant cahin-caha devant sa comparse.
La confiance ne régnait pas au point que l'agente tournât le dos à son alliée du moment. Toutefois elle l'avait attendue et progressait à son allure. Deux c'était mieux que un. Et toutes deux avaient la même motivation, les mêmes objectifs qui les empêchaient de s'entretuer. Pour ce qu'il leur restait à accomplir, elles pouvaient compter l'une sur l'autre, presque comme deux vieilles amies. Pour le moment elles évoluaient dans les ténèbres, mais petit à petit se rapprochaient de leur but.
Tuer Ethan McKlayn.
Dernière édition par Annabella Sweetsong le Jeu 9 Mar 2017 - 0:26, édité 1 fois