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Délivrance

Elle se stoppa net, immobile, persuadée d'avoir entendu un bruit. Un claquement de porte peut-être, probablement pas un coup de vent. Une minute passa donc avant que la lumière dansante d'une flamme ne fisse son apparition sur l'un des murs en pierre noircie de la prison. Dans le couloir séparant le dédale de cages en acier.

Plongée dans l'ombre, l'albinos pouvait remercier sa bonne étoile : l'absence de lumière dans les geôles humides et sales de l'épais bâtiment qui servait de bagne à la ville pirate poussait les gardes à venir accompagnés de torches. C'était là le seul réconfort qu'elle pouvait éprouver en voyant l'un de ses geôliers, gros, gras, pervers et impotents. Et moches de surcroît. S'ils avaient été placés à un poste aussi ingrat, ça n'était décidément pas sans raison. Et ils étaient deux, comme si une entité mystique gouvernant le monde ne s'était pas dit qu'un seul de ces énergumènes aurait largement suffit.

Des fois, l'un des deux, le plus jeune, s'arrêtait devait les barreaux, jugeant l'effort accompli et celui restant à accomplir. Partir puis revenir, c'était trop dur pour ses petites jambes courtaudes et arquées. Alors il s'asseyait sur une chaise traînant là et lorgnait d'un œil peu scrupuleux la codétenue de l'agente... dont le seul uniforme était la peau revêtant ses os. Et la paillasse sur laquelle elle s'était recroquevillée, pauvre chose fragile.

- Héhé ma mignonnette, s'tu savais c'que j'te f'rais. intervenait-il des fois... avant de se rappeler sa simple condition de garde et le courroux que pourrait exprimer McKlayn en apprenant ce qu'il aurait fait.

Alors son visage redevenait sombre et il repartait, lugubre.

Cette fois-ci ce n'était pas lui, heureusement. Ce fut l'autre gros gaillard dégarni qui, lui, n'avait pas de temps à perdre au fin fond de ces cachots puants. Il avait au moins le mérite d'être rapide dans ses visites. Sa flamme vacilla donc dans un sens puis dans l'autre, tandis que sa démarche ridicule l'amenait jusqu'au bout du corridor et le faisait revenir. Il ne daigna même pas jeter un regard aux prisonnières. Celui-là ne les regardait jamais et c'était tant mieux. Sa venue leur avait toutefois donné un peu de lumière aux captives, permettant à Anna d'observer sa compagne de cellule. Cette-dernière n'avait rien dit depuis sa défaite, elle était restée muette et molle comme une vulgaire poupée. On l'avait assise là et elle était tombée sur le sol. Depuis deux jours elle n'avait ainsi rien bu, rien mangé et n'avait même pas exprimé le besoin d'aller à la selle une seule fois. Elle avait abandonné tout espoir et se laissait mourir... sans même chercher à comprendre ce que faisait sa codétenue. Elle ne la regardait pas de toute manière, elle ne regardait que le mur devant elle.

La lumière s'échappa par où elle était venu et le cliquetis léger recommença.

Les menottes en granit marin dévastaient l'énergie de la CP9 dont le fruit du démon tenait plus de la malédiction qu'autre chose sur le moment. Les mains liées devant elle lui permettaient au moins de s'allonger sur le dos ou bien de se tenir contre un mur... ainsi que de voir l'avancée de son crochetage. De la deviner, tout du moins. Et pour ce faire elle avait été obligée de fouiller dans son bras cybernétique amoché durant la bataille pour en ressortir deux longs éléments métalliques qu'elle conservait cachés en cas de besoin. Par chance, les pirates n'avaient pas été inspecter ses blessures pour se rendre compte de cette petite spécificité.

Seule la Bourgeoise était au courant, mais cela ne semblait pas particulièrement l'émouvoir. Elle était perdue au fond du gouffre de son désespoir. Tout du moins, c'était ce que s'imaginait la prétendue pirate. Car quand le cliquetis se stoppa en rencontrant finalement les dernières résistances de la serrure de l'une de ses menottes, la Maire ne put retenir un soupire de soulagement :

- Ah, enfin... J'ai cru que vous n'y parviendriez jamais.

L'agente resta circonspecte pendant une longue minute, persuadée qu'un fantôme venait de lui adresser la parole. Puis, libérant sa main droite, elle s'efforça de faire de même avec la gauche. Sans espoir : ses doigts mécaniques étaient bloqués, rigides. Seuls l'index et le pouce fonctionnaient encore... à peu près. Elle perdit ainsi de précieuses minutes... jusqu'à ce que la silhouette roulée dans un coin de la pièce ne décidât de se lever et de venir à sa rencontre.

La jeune femme se posa devant elle, en tailleur, et saisit les deux tiges métalliques sans prévenir ni mot dire. La CP9 ne fit rien, persuadée que l'entreprise de la noble était vouée à l'échec. A cause des ténèbres, à cause de la maîtrise du crochetage...

Clac.

Une fois de plus, le visage d'Anna afficha une mine déconfite. Et visiblement sa compagne était elle aussi nyctalope puisqu'elle remarqua le changement d'expression de son interlocutrice et daigna lui répondre, cynique :

- Vous me preniez pour une sorte de princesse ? Je vous rappelle que nous sommes dans le Nouveau Monde : on n'est jamais à l'abri de se faire kidnapper et enfermer dans une cave ma petite dame.

Clac. Clac.

Moins d'une minute après, les deux femmes étaient débarrassées leurs fers. Pas tout à fait remises, c'était comme si on venait de retirer un poids immense leur comprimant les poumons. Comme lorsque l'on retirait une pointe de flèche ou une balle d'une plaie avant d'enfin la désinfecter. Le pire était derrière.

- Bon, maintenant, il ne me reste plus qu'à trouver des vêtements. fit la blonde en essayant de se lever...

..avant d'être soudainement rattrapée par la douleur qui lui tailladait la jambe. Pas un simple spasme qui l'immobilisait de temps à autres, non : outre la blessure qui s'était rouverte, la pauvre devait désormais faire avec un fémur et un tibia brisés en mille morceaux qui l'empêcheraient probablement de pouvoir remarcher normalement de toute sa vie. Elle s'écroula, donc, les dents serrées et le visage comprimé par la douleur.

L'agente la considéra comme un poids mort l'espace d'un instant, ce que Fleur ne put s'empêcher de remarquer, grondant de colère et de rage.

- Ne me laissez pas ici...

L'albinos ignora la supplication, s'avançant d'un pas certain vers les barreaux de la cellule. Et tandis qu'elle posait ses mains sur l'acier, elle entendit un déclic au loin. Un garde-chiourme approchait... et vu son aura et ses intentions palpables à des kilomètres, il s'agissait du plus jeune. Elle eut donc tôt fait d'utiliser quelques zestes de son pouvoir pour tordre le métal. Lorsque ses mains cessèrent d'émettre une lueur bleue, il y avait assez d'espace pour que la jeune femme pusse passer de l'autre côté, laissant sa codétenue dans les ténèbres.

Quelques instants plus tard, celui que tous appelaient le Gros Gilles s'avança dans le couloir. Cette fois-ci c'était la bonne, il avait pris sa décision. Il allait se la farcir, cette foutue Maire. Il allait lui faire comprendre à quel points ses désirs étaient ardents et les autres cesseraient enfin de se foutre de sa gueule en l'appelant le "Gros Puceau".

Mais lorsqu'il se présenta devant la cellule, des deux femmes emprisonnées, il n'en restait désormais plus qu'une. Le bonhomme s'adressa tout d'abord à sa première victime, immobile sur sa paillasse dont elle n'avait vraisemblablement pas bougé depuis qu'on l'y avait jetée.

- Beh. Où c'qu'elle est ta copine, dis ?

Aucune réponse. Inconscient, le gros lard ouvrit alors la porte de la zone de confinement, persuadé à ce moment là qu'il s'agirait d'une bonne idée. Mais sitôt celle-ci déverrouillée, quelque chose dans son dos le poussa violemment à l'intérieur de l'espace clos où il roula stupidement... jusqu'à se retrouver face à la blonde allongée. Le visage de la belle se mua alors en quelque chose de monstrueux : une gueule immense qui vint enserrer entre ses crocs le faciès de l'homme bedonnant dont les cris gutturaux ne tardèrent guère à s'éteindre.

La bête, qui n'avait alors pas pris de repas depuis deux jours, dégusta un véritable festin.

***

La CP9 avait récupéré les clés et la torche du garde ; la Bourgeoise, elle, avait trouvé le moyen de récupérer les haillons ensanglantés du bonhomme pour se les enrouler autour de ses parties charnelles. Toujours aussi mal en point, elle parvenait désormais à faire contrepoids grâce à la lance du défunt, avançant cahin-caha devant sa comparse.

La confiance ne régnait pas au point que l'agente tournât le dos à son alliée du moment. Toutefois elle l'avait attendue et progressait à son allure. Deux c'était mieux que un. Et toutes deux avaient la même motivation, les mêmes objectifs qui les empêchaient de s'entretuer. Pour ce qu'il leur restait à accomplir, elles pouvaient compter l'une sur l'autre, presque comme deux vieilles amies. Pour le moment elles évoluaient dans les ténèbres, mais petit à petit se rapprochaient de leur but.

Tuer Ethan McKlayn.


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Jeu 9 Mar 2017 - 0:26, édité 1 fois
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- « Alors c’est ça le nouveau monde hein… Vous y êtes déjà venu, Amiral ? »

- « Jamais. Mon terminus a toujours été Marie-Joie. »


Ma déclaration eut pour effet de surprendre pas mal de monde sur le pont alors que nous observions l’île qui se profilait à l’horizon. Même Taizo, l’un des mes membres réputés pour son mutisme et son flegme a tout épreuve afficha une mine stupéfaite. Pour ma part, je continuais de fumer en regardant paresseusement droit devant moi. Le nouveau monde ne m’avait jamais spécialement attiré. C’est pas si on gagnait vraiment quelque chose à venir ici, même si j’étais parfaitement conscient qu’il y avait pas mal d’innocentes personnes de ce côté de Grand Line et qui pouvaient potentiellement être opprimés chaque jour. Enfin… Après, j’avais appris à arrêter de trop rêver et d’être le parfait héros idéaliste qui pense qu’il peut faire le bien partout où il passe. J’avais fait tellement de conneries dernièrement que j’étais plutôt blasé. Et n’eut été cette foutue albinos, je n’aurai surement pas mis les pieds ici. Je l’aurai peut-être fait cette même année pour d’autres bonnes raisons, mais bon. D’ailleurs, il y avait une chose qui m’intriguait : Que le Cipher Pol lui-même me contacte pour lui prêter main forte. Ils avaient des couilles ces gens-là. Et si jamais refusé, comment l’aurait-il fait ? Passer par le haut-commandement ? Ils n’étaient si influençables que ça, surtout quand on connaissait bien l’amirale en chef qu’on se payait. M’enfin bref…

- « Prenez la direction est messieurs. On a des consignes bien précises… »

L’affaire en soi était assez cheloue. Mais j’avais refusé de connaitre certains détails. J’me fichais complètement des raisons de la présence de l’autre folle sur ces terres. L’idée était de l’aider à nettoyer cette île et rien d’autres. D’ailleurs, parlons-en de cette île. Si je connaissais pas mal d’îles du nouveau monde de par leur renommé et parce qu’on en étudiait certaines dans les classes de la marine, celle qu’on contournait doucement par le nord ne me disait rien. Absolument rien. Bien évidemment, le je-m’en-foutisme a ses limites : J’avais essayé de me documenter un peu pour la forme et pour ne pas être trop dépaysé. On parlait quand même du nouveau monde ! L’eldorado de tout pirate qui se respecte ! J’eus quand même un frisson en imaginant quand même que l’impératrice devait être quelque part, pas très loin, à la portée de ma modeste lame. Mais le moment n’était pas encore venu. Pas encore. J’avais encore un petit bout de chemin à parcourir avant de pouvoir prétendre à l’inquiéter. Là actuellement, je me ferai surement dévorer tout cru. Pas très intéressant comme perspective, vous en convenez. Un constat qui me froissa légèrement à mesure qu’on s’approchait peu à peu de l’extrême est de l’île. Bah au moins, je connaissais mes limites. Mais vite fait, je fis de l’ordre dans mes pensées et je m’évertuai à appeler ceux qui s’occuper de la diversion.

- « Pas de problème ? »

- « Aucun monsieur ! Le navire longe doucement. On devrait voir Alsbrough dans plus d’une bonne heure à ce rythme ! »

- « Bien. Prévenez-moi lorsque vous serez en approche. »

- « Aye sir ! »


Je n’étais pas du tout habitué à procéder selon des consignes aussi méticuleuses, surtout qu’elles ne venaient pas de mes supérieurs, mais ça allait être la première et la dernière fois vu qu’il s’agissait de sauver son petit cul. Là, j’eus un petit sourire, avant d’ordonner à mes hommes d’accoster rapidement. Une fois sur terre, je pris tout l’effectif avec moi. Pas moins d’un millier de gars armés jusqu’aux dents et gonflés à bloc pour leur toute première mission sur le nouveau monde. Comme si ça changeait vraiment quelque chose, hé… Enfin, ils étaient assez chauds et c’était ça l’important. Bien entendu, je laissai quelques hommes sur mon cuirassé au cas où, puis je pris la tête de ma petite armée pour m’enfoncer dans les terres de cette gigantesque ile sauvage. Au bout de dix minutes, premier point de passage : Vertforêt. Une forêt de tout ce qu’il y a de plus classiques. Si l’on exceptait quelques animaux qui subsistaient dans le coin et qui voulaient nous bouffer. Une plaie, j’vous jure. Mais mes hommes étant coriaces et bien cordonnés, il n’eut aucune perte à déplorer. Mes lieutenants les plus balaizes veillaient au grain de toute façon. Pas de temps à perdre dans ce coin donc. La traversée de cette petite forêt assez dense nous grignota quand même une bonne dizaine de minutes également, jusqu’à ce que nous débouchâmes enfin sur un sentier ou ce qui en restait.
- « Prochaine étape selon la carte ? »

- « Vertville Monsieur. Un village probablement en ruines. »

- « Tout est pourri ici de toute façon. Allez, on se magne les gars ! »


J’avais la nette impression d’être le moniteur d’un groupe en colonie de vacances. Tant de détours pour quedal. Dire que j’aurai pu la rejoindre directement avec la vivre card qu’elle m’avait donné il y a longtemps. Et puis question diversion, j’aurai bien pu faire l’affaire avant que mes hommes ne rejoignent la bataille. Des méthodes qui convenaient clairement à des CP9 mais pas à des marines. Soupir. Je finis par m’arrêter au grand étonnement de l’armée derrière-moi et m’allumai une clope pour m’aider à faire le vide, à souffler pour ne pas faire une connerie comme courir directement là où elle se trouvait. Quelques secondes suffirent à tempérer mes ardeurs de soldats de première ligne avant que je ne reprenne ma marche rapidement. Hermest voulut me demander ce qui se passait, mais il se ravisa en voyant ma gueule. Après avoir loupé Mahach et perdu l’un de mes plus précieux éléments à cause d’un corsaire de pacotille que je n’avais finalement pas pu tuer, j’avais un réel besoin de me défouler. Pirates, révos… J’allais tous les bousiller si j’en rencontrais. Ça m’aiderait volontiers à me reprendre en main. Au bout d’un moment, nous vîmes à l’horizon le fameux village de loin. Il avait pas l’air bien glorieux. Pas un souffle de vie. D’ailleurs, c’est grâce à mon haki de l’observation -qui couvrait toute l’ile pratiquement- que nous pouvions avancer sans risquer une mauvaise surprise.

Le dénouement était proche.
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A la sortie du premier couloir, un long dédale les avait accueillies, tel un serpent aux nombreuses ramifications au sein duquel elles devaient progresser dans une semi-pénombre ponctuée d'humidité. Devant Anna, la bestiole marchait de guingois sans se plaindre, malgré la douleur. Une attaque aussi puissante que celle qu'avait assénée l'agente du CP9 laissait forcément des séquelles à vie... mais plus ça allait et plus la bonne femme se rendait compte de ce que son pouvoir impliquait, en terme de destruction. Car si même une femme aussi forte que la Maire du Seizième avait été aussi blessée, alors cela faisait d'elle une arme encore plus dangereuse que son adversaire.

De temps en temps, le "plic ploc" singulier des gouttes suant des murs, des plafonds et des nombreuses grilles rouillées bloquant les espaces sombres des cellules étrangement vide résonnait.

Puis, quand un garde avait la malchance de pointer le bout de son nez au loin, au détour d'un coin de mur, la louve sortait ses griffes et le bonhomme trouvait systématiquement la mort l'instant d'après. Elle en était à trois. Trois victimes dont deux violemment harponnées par la lance qui lui servait de canne. Et elle se remettait à marcher.

Dix minutes de plus s'écoulèrent dans l'espèce de labyrinthe de corridors, de portes et de torches en bois. Toutefois les jeunes évadées en étaient déjà à leur troisième cage d'escalier, ce qui devait probablement les rapprocher de la surface. Anna n'était pas bien sûre de pouvoir situer l'endroit, vu de l'intérieur, mais visiblement sa comparse connaissait. Elle y avait d'ores et déjà délivré en mains propres des... "marchandises".

- C'est une sorte de palais, il devait probablement servir à l'ancien Maire, à l'époque où la ville fleurissait d'honnêtes gens. Mais l'endroit a visiblement été réaménagé en Quartier-Général des Sunset.

L'albinos peina à dissimuler sa surprise : elle pensait qu'un tel nom revenait obligatoirement au Phare qui se dressait en plein milieu du "quartier résidentiel". La boiteuse ricana un instant, puis secoua la tête :

- Non, ça c'est juste les appartements de McKlayn. Mais il aime bien avoir de la... compagnie.

Arrivée à terme, la discussion cessa, succédée par un long silence qui habita les dernières minutes pendant lesquelles les deux femmes progressaient vers un point un peu plus lumineux. Et débouchèrent enfin sur un hall. Elles ne firent qu'entrouvrir la porte, toutefois, le temps de déceler d'éventuelles présences ennemies ; ce qui n'était pas une véritable difficulté pour l'agente, dont la maîtrise sur son don de l'observation l'amenait à être de plus en plus précise pour une consommation moins gourmande en énergie. Elle n'avait plus la tête qui tournait désormais, lorsqu'elle découvrait son sixième sens à tout un bâtiment comme celui dans lequel elles se trouvaient. Et à leur grande surprise, alors que les deux prisonnières s'attendaient probablement à devoir affronter tout un tas d'ordures sur leur chemin...

...elles ne trouvèrent qu'un petit peloton d'hommes encapuchonnés, poireautant devant les portes du hall, à l'entrée.

- Je vais me les faire. entama la chasseuse sitôt que sa compère lui fit le point sur la situation.

Mais une main soupçonneuse ne tarda pas à se poser sur sa poitrine pour la stopper dans son mouvement. Non, il y avait quelque chose dans les auras des cinq personnages que la prétendue pirate parvenait à reconnaître. Et puis, grâce à sa prothèse oculaire dont l'une des fonctions lui permettait vraisemblablement de voir plus loin, comme à travers une lorgnette, elle remarqua quelque chose d'autre. Ou plutôt plusieurs autres petits tas de vêtements étendus sur le sol, autour des gardes présumés.

Des tas de linges sales qui n'étaient autres... que des gardes égorgés et soigneusement tués dans la discrétion la plus parfaite. Elle comprit dès lors à qui elle avait à faire et obligea la lance de Fleur à retrouver sa place, au sol.

- Ce sont des alliés.

Les yeux de la bonne femme s'écarquillèrent de surprise avant de laisser place à une profonde expression de perplexité. Elle n'espérait probablement pas trouver des alliés puisqu'elle n'avait plus que des ennemis, maintenant que les siens avaient été décimés. Elle suivit toutefois la donzelle du regard, tandis que celle-ci avançait en direction des silhouettes qui levèrent d'abord les armes avant de la reconnaître, enfin... et de retirer leurs capuchons.

L'instant d'après, une lance vola à quelques centimètres au-dessus du crâne d'Anna et fut stoppée in-extremis par une main habile ayant prévu le coup. L'agente redressa alors le bout de bois à la verticale pour l'empêcher de menacer plus longuement la vie de son amant.

- ...qu'est-ce qu-

- YAAAAAAAAAAAAAHHHHH !! gronda progressivement une voix provenant de derrière l'albinos, brutalement interrompue dans son début de conversation.

Ce qui était tant mieux puisqu'elle détestait ce genre de situations et n'avait pas spécialement envie de fêter une quelconque retrouvaille avec les révolutionnaires. Ces idiots, en venant ici, s'étaient fourrés dans de beaux draps. Mais qu'importe.

Une lance, toujours la même, eut tôt fait de ralentir voire bloquer la course de Joliteint qui en avait visiblement après la petite troupe de Dystopiques... ou du moins ce qu'il en restait. Et tout particulièrement Jim, évidemment. Une patte griffue s'empressa de démontrer le mécontentement du monstre rugissant dans le dos de sa comparse en venant lui enserrer l'épaule. Une simple pression qui semblait capable de l'envoyer valdinguer d'un seul coup, si on ne savait pas de quoi était capable l'agente. Mais au lieu de laisser l'autre blonde lui dicter ses manières, Annabella tourna simplement la tête pour plonger ses grands yeux vides d'émotion dans ceux rutilant de hargne de sa compagne.

- Retire ta main. prononça lentement celle qui était le plus en position de force, tandis qu'une lueur bleue semblait se propager depuis sa paume droite crispée jusqu'à la pointe de la javeline qu'elle tenait fermement.

Après quelques mûres secondes de dures réflexions, la boiteuse capitula. Et ce fut à l'autre loup de commencer à aboyer.

- Fleur ! Fleur Joliteint ! Elle n'est pas morte ?! Eleanor, qu'attends-tu pour la tu-

- Il est hors d'question que j'fasse quoi qu'ce soit. Nous avons plus important à faire désormais que régler vos petites histoires. coupa sèchement la voix de l'albinos dont le regard inexpressif voguait désormais de visage en visage. Pourquoi vous êtes là ?

Ça n'était pas pour la sauver, ça non. La révolution avait beau être un sacré tas de corniauds, bien gentils comme il fallait, ils étaient toutefois assez malins pour savoir qu'une vie ne valait pas la peine d'en sacrifier cinq.

- Des confrères et consœurs retenus prisonniers... commença-t-il avant de voir les traces de menottes sur les poignets de la blonde platine. Tu t'es échappée ? Tu les as vus ?!

La jeune femme fit non de la tête. Il n'y avait décidément personne ici. Même les gardes semblaient en sous-effectif. Si l'on gardait des captifs en proportions importantes, on devait les conserver dans quelque chose de plus sécurisé.

Ce fut une voix inattendue qui vint donner la réponse inespérée. Fleur pesait chaque mot comme si cela devait lui arracher la figure de les prononcer, mais finit tout de même sa phrase dignement.

- Les esclaves sont enfermés sur les quais.

Il ne fallut qu'une seconde à Annabella pour comprendre, tandis que les cerveaux des hommes, encore un peu embrumés par la bataille, semblaient peiner à saisir la subtilité dans l'annonce de la Maire. Abandonnant espoir, la pirate traduisit :

- Ils ont capturé les autres pour en faire des esclaves et doivent probablement les confiner dans des cont'neurs sur les quais, en attendant d's'en débarrasser.

Après tout, tous n'étaient pas des prisonniers de premier choix. Ils ne pouvaient pas se permettre le luxe d'avoir une cellule, une paillasse et un repas froid à moitié rongé par la moisissure par jour. S'il y avait bien une chose dont les deux femmes pouvaient se réjouir au sujet de leur captivité...

- Bien... alors, qu'attendons-nous ? fit un Malbouffe excédé par l'idée d'attendre davantage.

L'aristocrate adopta une posture à laquelle Annabella n'avait encore jamais été habituée, faute de la connaître : celle du noble qui pense avoir un pouvoir de décision capital.

- Hors de question que je vienne, je n'ai que faire de vos abrutis de petits copains révolutionnaires.

- Bien alors vous n'avez qu'à res-

- Elle vient. On vient tous. Et ensuite nous irons faire connaître nos intentions à McKlayn. conclut l'agente qui, désormais, laissait bien entendre que c'était elle qui tenait les rênes.

La bouche de Jim s'ouvrit puis se referma à deux reprises sans émettre le moindre son... avant de capituler. La blondinette, pour sa part, resta coi, mais n'émit pas non plus la moindre protestation. Ils savaient désormais où aller, il leur fallait désormais un plan pour pouvoir y parvenir.

Un plan qui ne tarda pas à se déclencher sous le hurlement des sirènes de la ville, au-dessus de leurs têtes. Un tintamarre violent qui sonnait l'alerte, l'attaque. L'arrivée du vice-amiral, de son escadron... et de son leurre, comme Annabella l'avait si bien orchestré quelques jours plus tôt.
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- « Vous êtes sûrs que c’est la bonne façon de procéder… ? »

- « Des consignes que j’ai reçu. On verra bien si ça marche ou pas… »


La loque venait d’ouvrir la bouche pour la première fois depuis que nous étions arrivés sur le nouveau monde. C’était une lieutenante-colonelle fort belle, mais définitivement bizarre. Et pas qu’elle. Tout son équipage était bizarre. Il y avait des beautés qui l’accompagnaient et qui firent baver un nombre conséquent de mes soldats, sauf qu’elles me rendaient sceptique pour ma part. Ce n’était pas de la méfiance et je ne doutais aucun instant de leur intégrité ; mais il n’empêche que j’avais une impression bizarre en les regardant. Déjà, pourquoi est-ce qu’on autorisait la formation d’un équipage peuplé uniquement de femmes ? Pour promouvoir les droits de la femme et prouver au monde entier que la faction n’était pas du tout machiste ? Un caprice de l’amirale en chef actuelle ? Va savoir… Ensuite, pourquoi avait-il fallu que ce soit elles qui soient choisies pour compléter ma flotte malheureusement limitée ? J’avais franchement beaucoup de questions en tête alors que nous étions en position dans les dunes de sables d’argent -Après avoir traversé pas mal de villages en ruines depuis perpet’-, attendant patiemment le signal pour bouger. Au bout de quelques longues minutes d’attente, mon den-den muchi sonna enfin. Mes gars étaient fin prêts de l’autre côté de l’immense île.

- « Nous sommes à portée de tir, amiral ! »

- « Beau boulot. Désertez le bateau et planquez-vous dans un coin. Ça va pas être long ! »


A peine avais-je donné mes dernières directives à ceux qui faisait diversion pour nous, que les sirènes de la ville à assiéger retentirent enfin ! Il était là, le fameux signal.


« ON FOOOOOOOOONNNCE ! »


Des cris de guerre se firent entendre derrière moi alors que j’avais commencé à courir en direction d’Alsbrough sans perdre de temps. Toute mon armée se mit également en mouvement. A notre rythme et vu la distance qui nous séparait de la ville pirate, il nous faudrait environ un quart d’heure pour gagner le coin. L’espace d’une seconde, je déplorai presque l’absence de chevaux, mais le sentiment de regret disparu aussi vite qu’il fut apparu, avant que je ne réfléchisse à la suite. Si on partait du principe que la plupart des forces de ces cons de forbans était concentrée à l’ouest, bien occupées à canarder un navire vide, nous ne devrions pas avoir de soucis pour pénétrer la ville forteresse par l’est sans essuyer trop de pertes. C’était l’idée. Car une vague aussi massive de marines allaient certainement se faire repérer par des sentinelles, ce qui occasionnerait une riposte et donc des pertes. Il n’y avait pas de guerre sans pertes et je m’en étais fait une raison depuis que j’avais intégré l’amirauté. Après avoir dépassé la zone désertique en seulement sept minutes, nous vîmes enfin la ville pirate se dessiner à l’horizon. Plus que jamais, je fis usage de mon haki et je comptai une dizaine de vigies perchées sur les tours de la muraille. Une muraille pas si grande que ça…

Celle de Kanokuni était cent fois plus impressionnante !

Finalement, j’allais p’être pas perdre de gars au tout début de cette bataille.

En utilisant une longue vue, l’une des sentinelles paniqua et avertit ses potes qui firent passer la nouvelle par escargophone au centre de commandement. En moins de trente secondes, les sirènes retentirent une nouvelle fois. L’alerte fut donnée. Mais… « Trop tard les mecs… » A cette allure, seules cinq petites minutes suffiraient aux plus rapides pour atteindre la muraille droit devant nous. Pour moi ? Quatre fois moins de temps. C’est d’ailleurs avec un gros sourire aux lèvres que je me mis à enchainer soru et geppou pour multiplier ma vitesse. Les gardes encore sur place et qui purent plus ou moins suivre mes déplacements essayèrent de m’arroser de balles, mais rien à faire. Une fois proche de la muraille de pacotille et armé de mon sabre, je balançai une lame d’air gigantesque et destructrice qui rasa complètement une bonne partie du rempart, emportant également dans son sillage tous les gardes qui avaient voulu me tuer. L’attaque fut tellement puissante que la destruction de l’édifice devant moi avait provoqué un boucan énorme qui avait dû interpeller tous les habitants de la ville. Et comme à la manière d’une fumée après explosion, un écran de poussière assez conséquent se forma et s’éleva dans les airs. Alsbrough était définitivement attaqué !

- « Oooh… Alors, c’est à ça que ça ressemble… ? »

C’est après m’être extirpé de la poussière que j’avais occasionné que j’eus le loisir de contempler l’endroit pendant quelques secondes. La ville était pas mal du tout. Bon, un peu sale, mais plutôt bien foutue pour un repaire de pirates. Après, on parlait du nouveau monde. C’était clairement pas du même niveau que la première moitié de Grand Line. J’eus un petit rire et je fis usage de mon haki… Pour la sentir à quelques kilomètres pas loin de ma gueule. Son coordinateur ne m’avait pas menti. Comment il s’appelait déjà, le type ? Je fermai les yeux tout en me grattant une tempe pour me souvenir de son nom, mais je finis par hausser les épaules après plusieurs secondes de réflexion. Peu importe. Je me rappellerai de lui plus tard. Alors que j’étais maintenant en plein camp ennemi, je m’allumai une cigarette avant que ne débarquent pas mal de citadins du coin armés jusqu’aux dents. Ils furent tout d’abord étonnés de me voir tout seul et se mirent à ricaner malgré le fait que pas mal d’entre eux aient reconnu ma gueule de vice-amiral. Une première ! Comme quoi, le nouveau monde, c’était vraiment d’un tout autre niveau ! Mais alors qu’un officier normal aurait flippé sa race devant tant de bandits et d’hostilités, j’eus un sourire moqueur aux lèvres…

Car lorsqu’un coup de vent plus fort que la normale balaya les dernières volutes de poussière, les pirates purent voir le monde posté derrière moi et prêt à engager le combat.

Un carnage sans précédents se profilait.
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- J'maintiens qu'on irait quand même plus vite sans elle

- Ferme la Malbouf, t'as pas entendu c'qu'a dit Eleanor ?

- P't'être bien mais...


- Ton ami a raison, vous devriez la fermer. Tous.

Les sept silhouettes avançaient en frôlant les murs dans l'une des principales artères menant au port. C'était à dire : la direction opposée de celle que prenait la majorité des pirates, alertés par les bruits lancinants émis depuis les escargomégaphones. Un tel remue-ménage pour un seul navire, c'en était presque rocambolesque. Et pourtant.

C'était bien à l'ouest que les remparts de la ville étaient les moins hauts. La zone uniquement défendue par un vieux fort en ruines. Si la Marine devait attaquer, il valait mieux ne pas leur laisser trop d'avance. Puis un premier coup de canon retentit au loin. Son projectile heurta la surface bleutée à plusieurs lieues du cuirassier qui n'avait pas bougé d'un cil, qui attendait les ordres. La balistique n'était pas parfaite elle ne le serait peut-être jamais. Car le navire avait pour ordre de rester hors de portée des canons jusqu'à ce que le vice-amiral donnât l'ordre d'en faire autrement. Au moins le temps de faire diversion, donc.

Un main surgie de nulle part empoigna la veste de l'albinos plongée dans ses pensées et la tira dans sa direction.

- Où c'est qu'tu vas toi ?! L'combat c'par l-argh

Si la cohue n'avait pas été aussi conséquente, probablement que l'onde de choc serait moins passée inaperçue. Dénuée de ses lames, la jeune femme devait faire avec les moyens du bord, même si cela lui coûtait davantage en énergie. Cependant ce ne fut pas le micro-séisme qui eut raison du pauvre hère, mais une poigne de fer issue d'une main gantée de noire venue lui écraser la caboche comme si elle n'avait été qu'un fruit mûr.

Transporté par un geste dédaigneux, le cadavre s'écroula silencieusement le long de l'un des nombreux bâtiments bordant la chaussée. Sous les regards mi-terrifiés-mi-ébahis des compagnons de l'agente. Qui, par réaction naturelle, pressa le pas pour ne pas avoir à subir trop de rencontres du même style. Par chance, la Maire indiqua une rue adjacente moins bondée à quelques intersections de là.

- Ça nous rallongera, c'est sûr. Mais au moins on n'aura plus à évoluer à contre-courant d'une marée de pirates armés jusqu'aux dents. commenta-t-elle à l'attention de sa codétenue.

Celle-ci hocha la tête, indifférente, dans la lune. Si ça n'était pas pour les révolutionnaires, elle aurait d'ores et déjà pris à gauche pour se rendre jusqu'au phare. Mais elle se sentait comme engagée dans quelque chose... dans une cause qui ne devait pourtant pas être la sienne.

Son travail de Cipher Pol incluait qu'elle les assassinât tous, là, mais elle ne pouvait étrangement pas s'y résigner. Elle qui avait tué père et mère. Avait-elle changé ? Non... il restait encore du chemin à faire avant de se poser la question. Ils n'étaient pas encore arrivés jusqu'aux quais, les révolutionnaires n'étaient clairement pas sortis d'affaire. Mais tout de même : si Larson avait été là, il aurait dit à la folle furieuse qu'elle s'était ramollie en débarquant sur cette île.

La ruelle dans laquelle s'engouffra le groupe était définitivement moins accueillante mais, en quelque sorte, plus sûre. Probablement le genre d'endroit où il valait mieux ne pas traîner en temps normal mais qui avait le mérite d'être désert en plein jour, au beau milieu d'une attaque. Les quelques bandits, violeurs et assassins qui y stagnaient régulièrement devaient avoir plié bagages vers leurs trous à rats ou bien rejoint le front pour y assumer leurs vices infâmes. La suite du voyage jusqu'aux quais se fit donc sans accroc, au rythme de la boiteuse, tandis que les détonations à l'ouest se multipliaient et provoquaient l'émanation d'une odeur de poudre dans l'air citadin. Les pirates semblaient avoir l'ascendant désormais, l'illusion devait être parfaite à bord du navire désert, les lorgnettes ne devaient pas voir la différence. Et quand un fin filet de fumée se mit à tortiller au-dessus de l'horizon, la jeune femme sut que le vice-amiral avait donné le signal. Alors à nouveau, les alarmes se mirent à retentir.

A l'est de la ville cette fois-ci.

***

Si Alsbrough n'avait rien d'une cité gigantesque, son espace portuaire s'avérait toutefois assez impressionnant. Des quais, Anna s'attendait à en voir deux ou trois grand maximum. Mais ce fut ne dizaine de pontons solidement conçus, bordés de navires de tailles variables qui s'avançaient dans la baie. C'était certain, l'endroit manifestait une certaine beauté typique des grands ports comme pouvaient l'être Logue Town ou encore le Cap des Jumeaux... si les effluves relâchées par les vaisseaux abritant peste, choléra et autre scorbut n'avaient pas été présents pour gâcher ce moment.

- Quelle terrible odeur ! ajouta l'aristocrate tout en se pinçant le nez, forcée à continuer dans la lancée d'Annabella qui semblait bénéficier d'un odorat moins douillet.

- Pour une fois, je suis d'accord avec la bourgeoise.

La blonde en tête ne releva pas plus la surenchère de son amant, sa progression demeurant imperturbable. Son regard avait identifié l'épaisse caisse bleue. Son haki y avait perçu les silhouettes entassées des multiples esclaves à l'intérieur. Et une chose était sûre : il y avait des révolutionnaires... mais pas que. Malgré tout, ses pensées n'étaient pas dirigées vers ce qu'elle s'apprêtait à faire : à savoir libérer les prisonniers. Non, la question du sort des Dystopiens la tourmentait. Car beaucoup de navires semblaient déserts et leur offraient une opportunité de survie. Et car elle-même constituait l'option inverse, mais ne pouvait se résoudre à faire un choix.

Ce furent deux mains noircies par le fluide surhumain qui se posèrent sur les poignées de fer des grandes portes du conteneur, verrouillées par une épaisse chaîne en acier solidement cadenassée. Il ne suffit pourtant que d'un minime effort...

Clong !

...pour faire voler le tout en éclat et offrir la lumière aux opprimés.

"Entassé" était un bien maigre mot pour exprimer la misère qu'avaient dû subir les esclaves, les corps rentrés les uns dans les autres. Non, "emboîtés" collait même davantage à la situation, même si cela n'avait plus grand chose d'humain... Beaucoup ne trouvèrent même pas la force de se déplacer vers la sortie. Encore plus se voilèrent les yeux face à tant de lumière. D'autres, qui étaient là depuis moins longtemps, sur le dessus du paquet, reconnurent aussitôt certains de leurs sauveurs.

- Ri... Richards ?! s'étonna une femme parvenue à se défaire du méli-mélo de détenus. T-tu es en vie ?

- Tché. Comme si j'allai vous abandonner ici ! répondit le Leader tout en dévoilant un sourire immaculé et affreusement commercial mais typiquement révolutionnaire.

Alors la jeune femme lui sauta dans les bras. Mais ce ne fut que la première d'une longue série avant que la blonde ne se décidât à mettre le holà, histoire de ne pas oublier que le moment n'était certainement pas aux réjouissance.

- Non... Tu as raison. Il est grand temps de nous veng-

Le coup partit sans prévenir, sans laisser le temps au beau brun de finir sa phrase. Puis le corps s'étala de tout son long, la blessure à la tête encore fumante. Les regards étaient désormais braqués vers l'agente qui venait de s'en prendre au Leader avec un sang froid à toute épreuve. Aucun ne remarqua le sourire discret dévoilant les dents blanches de sa comparse, exultante. Ce fut finalement Malbouf qui brisa le silence.

- Bordel, Bonny, qu'est-ce qu'y t'a pris putain ?!

- Il n'aurait jamais accepté d'fuir, j'nous ai facilité la vie à tous. répondit-elle tout en se penchant pour saisir à bras le corps le pauvre homme. Maintenant écoutez-moi bien, j'me répéterai pas. La Marine va pas tarder à attaquer. Me dites pas comment je le sais, je le sais c'est tout. Bientôt l'endroit va être envahi par les tuniques bleues et vous comme moi savons le sort qu'elles réservent aux révolutionnaires. De là j'veux pas dire que c'est du tout cuit pour eux, mais c'est tout comme. Alors soit vous choisissez de vous battre pour rien et vous mourez aujourd'hui, dans le pire des cas. Soit vous prenez l'un d'ces gros navires qui mouillent derrière moi et vous taillez la route avec votre crétin d'chef.

Anna n'avait pas le chic pour gueuler ni faire de longs discours. Toutefois elle arrivait parfois à donner assez d'impact à ses mots pour bien se faire comprendre. Ce qui arriva sans peine, car personne dans l'assemblée n'osa protester. Finalement ce fut un révolutionnaire qui entama le mouvement de foule en la rejoignant pour réceptionner le corps sonné de son supérieur et le porter difficilement en direction de l'un des bateaux heureusement déserts.

Il y avait bien d'autres auras calfeutrées à fond de cale dans certains des bâtiments amarrés, mais il devait s'agir des pires trouillards de la flotte puisque aucune n'osa pointer le bout de son nez dehors pour savoir à quoi tout cela pouvait bien rimer.

Du gros groupe d'esclaves libérés ne resta bientôt plus qu'une dizaine d'hommes et de femmes dont les tenues en haillons évoquaient une richesse d'autrefois. Ceux-ci s'étaient regroupées autour de la Maire pour l'étreindre et lui chuchoter des mots doux. Toutefois la blonde les pria assez tôt de rejoindre leurs codétenus pour mettre les voiles aussi vite que possible.

- Ce n'est plus votre combat désormais. Fuyez donc cette maudite île tant que vous le pouvez encore... il n'y a plus rien pour nous ici.

Le discours se voulait volontairement défaitiste, bien qu'animé par une pointe de vérité. Dans le scénario prévu par l'administrateur, il n'y avait aucune place pour les Bourgeois ni les révolutionnaires. L'île ne serait plus jamais comme avant, en quelque sorte. C'était, tout du moins, le peu de choses dont était au courant la simple agente dont la mission était de pacifier la zone pour en faire un terreau fertile au Gouvernement Mondial. Et elle était désormais assez proche du but.

Guidée du doigt par leur chef, la dizaine de clampins rejoignit finalement le vaisseau prêt à larguer les amarres pour les laisser toutes les deux, seules, sur les quais. Presque désolées d'être là. L'espace d'un instant, l'agente fut persuadée de voir une larme couler sur le visage du monstre qui se tenait à ses côtés. Mais celle-ci fut bien vite effacée tandis qu'elle se retournait dans sa direction. Annabella s'était d'ores et déjà mise en chemin.

- Et maintenant ? demanda l'handicapée qui avait vaillamment réussi à se hisser à ses côtés, tant bien que mal.

Elle connaissait la réponse à la question, mais souhaitait être sûre. C'était de mots qu'elle avait besoin, pas d'une marche forcée dans le silence et l'amertume. Annabella sourit simplement du sourire qu'on lui connaissait tous. Et lorsqu'elle répondit, sa voix avait quelque chose de changé : elle n'avait plus besoin de rentrer dans son rôle désormais. Ses mots, elle les mâchait correctement d'une voix moins gaillarde mais pas nécessairement plus douce.

- Maintenant on retrouve McKlayn et on le saigne à blanc.
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- « Woow… »

Finalement, ce ne furent pas les locaux qui m’impressionnèrent, mais bel et bien toutes les membres de cet intriguant équipage féminin qui s’était greffé au mien le temps d’une mission. Elles faisaient un carnage et semblaient resplendir sur ce champ de bataille. Pour ma part, c’est limite si j’avais rien à foutre. Il m’arrivait de taillader et de décapiter pas mal de zouaves qui avaient les yeux plus gros que le ventre (Attaquer un membre de l’amirauté, ça faisait apparemment pas peur), mais concrètement, les femmes sur place se chargèrent de tout. C’était ma foi, assez spectaculaire. Il faut dire que des femmes fortes, j’en connaissais pas tellement. Si on omettait les CP que je connaissais, l’impératrice Kiyoshi et les deux amirales (Boïna et Kenora), ça se tenait quoi. Je pouvais citer Lust aussi et deux ou trois colonelles d’élites, mais voilà quoi… Le nombre n’atteignait même pas une quinzaine. La loque qui semblait molle se défendait pas mal. Celles qui faisaient le plus de boucan étaient une rousse armée d’ustensiles de cuisine -Elle me rappelait vaguement Koko, ma cuisinière personnelle- et une autre meuf armée de bras géants qui balayaient tous les mecs qui s’approchaient d’elles. Après, je dirais que la seule ombre au tableau, c’est que ces mecs étaient pas mal distraits par la joliesse des femmes qu’ils affrontaient. Normal quoi…

- « Maaah… Ça devrait pas être bien compliqué pour nous de s’occuper de tous ces chiens… »

C’est presque d’une voix assez lasse que je fis ce constat. J’eus même l’envie de foncer direct vers la CP9, mais il fallait bien que quelqu’un reste sur place pour commander les troupes et faire en sorte qu’elles soient normalement coordonnées. C’était ça le truc. De plus, il y avait pas mal de bandits qui arrivaient petit à petit. On allait être surmenés à ce rythme-là, ce qui justifiait ma présence sur les lieux. Au total ? Pas moins de 1000 vaillants marines au prise avec le double ou le triple de notre effectif global ; mais somme toutes plus que jamais décidés à en découdre. Tout ça pour un petit cul. Qu’est-ce qu’on n’ferait pas pour une meuf, bordel… L’idée m’agaça et je la chassai de mon esprit en profitant d’une nouvelle cigarette après avoir distribués quelques estocades qui mirent tous mes ennemis au tapis, carrément. Nouveau monde ou pas, le menu fretin restait du menu fretin quoi. Ils avaient eu les couilles de me défier, mais la force ne suivait pas, n’y était pas. C’était pas pour rien que les vice-amiraux et colonels d’élites étaient comparés aux lieutenants d’empereurs. D’ailleurs, si ça se trouvait, j’avais peut-être dépassé ce stade. Talonner les amiraux et les empereurs faisaient pas mal rêver, j’devais avouer. M’enfin… Mieux valait ne pas y penser. Je ne voulais pas souffrir d’un péché d’orgueuil. L’homme et sa folie des grandeurs, hein…

- « Amiral, on en a terminé ici ! On va avancer au fur et à mesure ! »

- « Restez sur vos gardes ! »


Je sentais les différentes oscillations de la voix d’Annabella, mais je n’avais pas le luxe de me préoccuper d’elle pour le moment. De toute façon, elle était assez grande pour ne pas clamser bêtement. Il n’empêche que si elle avait besoin d’aide, c’est qu’il y avait de gros poissons dans le coin. Et c’était bien ces derniers que j’attendais. Histoire de voir de quel bois les vrais pirates du nouveau monde se chauffent. Les hommes et femmes devant moi trucidaient la flibuste qui progressait vers nous. C’était toute une ville contre un peu plus d’un millier d’hommes. Je savais que si nous débutâmes en fanfare, la suite pouvait s’avérer moins glorieuse. Ces gars aller essayer de nous avoir à l’usure du fait de leur nombre, mais aussi de leur connaissance du terrain. Pour autant, aucun élément n’était prêt à rebrousser chemin. Je pouvais sentir dans chaque cœur des marines, une vive détermination. J’eus un sourire plus que jamais ravi, mais ce sourire disparut en un clin d’œil lorsque des explosions virent souffler l’avant-garde de mon armée. D’autres immeubles s’écroulèrent sur mes éléments qui firent ma fierté il n’y a même pas une seule seconde. Je venais encore de faire une grosse gaffe : Celle d’exulter ou presque avant la fin de la bataille. La loque à mes côtés écarquilla ses yeux de terreur. Elle non plus ne s’y était pas attendue. Le spectacle devant nous était horrifique !

- « Les filles… »

Sa voix vacilla et je sentis la colère monter dans son cœur devant l’énorme brasier dans lequel flambaient les corps inertes de nos camarades. Elle voulut s’y précipiter, mais je réussis à la retenir par l’épaule. Cette fois-là, son visage qui ne retranscrivait jamais rien que de la mollesse se froissa pour laisser afficher la haine qui l’habitait. Un changement radical qui avait de quoi effrayer. Pourtant, lorsqu’elle sentit ma poigne se resserrer sur son épaule et qu’elle vit ma mine serrée qui contemplait toujours les hautes flammes à trente mètres devant nous, la jeune lieutenante-colonelle se calma instinctivement. Tout comme elle, je ne fus pas loin de laisser la rage m’inonder, sauf que j’avais plus ou moins réussi à me contenir. Lorsqu’elle se radoucit, j’ôtai ma main tremblante de son épaule légèrement endolorie non sans quitter du regard, le four ardent devant nous. Si les victimes furent majoritairement des marines, les explosions successives avaient également buté des pirates. Les gars qui venaient d’agir devaient être des dingues. Des fous furieux. D’ailleurs, deux personnes finirent par contourner les flammes, non sans le rire moqueur de circonstances. Deux mastodontes qui effrayèrent le reste de mes hommes à l’avant encore en vie ; au point que ces derniers finirent par reculer prestement jusqu’à notre niveau. Ces types-là étaient forts… Je le sentais.

- « BOUM ! BOUM ! BOUM ! T’AS APPRÉCIÉ L’COUP, CAP’TAINE ?! »

- « ET COMMENT NATT ! ET COMMENT, WAHAHAHAHAHAHA !!! »


Le dénommé Natt qui avait été le premier à ouvrir son clapet était un humain. Un gros lard de ma taille dont le corps était truffé d’explosifs et de bombes en tout genre. A ses côtés, il y avait un type à la peau verte tout aussi baraqué et bien plus grand encore que son acolyte. Un duo assez impressionnant. Certains pirates vinrent bientôt s’agglutiner autour d’eux tout comme l’étaient les marines autour de la lieutenante et moi. C’était sans aucun doute le premier vrai défi qui s’imposait à nous. Un défi que nous allions relever avec bon cœur, histoire de bien honorer la mémoire de nos défunts camarades qui avaient combattu à nos côtés. « HE ! MAIS C’LE VICE-AMIRAL FENYANG ! QU’EST-CE QU’UN VICE AMIRAL FAIT DANS C’COIN PERDU ?! » Je fronçai alors mes sourcils. Ce genre de provocations ne m’atteignait pas généralement, mais là, j’avais envie de rabattre le caquet de ce fils de pute qui venait de faire sauter nos éléments. Ceci étant dit, si je me fiais à ses dires, le gars tout en vert était bien plus dangereux du fait de son statut : « Je vais éloigner Natt d’ici et tu iras toi et tes soldates t’occuper de lui. Ça te va ? » Elga -C’était le nom de la lieutenante- eut l’air ravi et c’était tant mieux. De ce fait, c’est sans perdre une seule seconde de plus que j’usai d’un soru et que je me retrouvai d’un coup devant l’artificier. L’armement recouvrit mon bras droit…
Et ledit bras s’écrasa contre la tronche de ma cible qui traversa d’innombrables bâtisses et qui échoua à 500 mètres plus loin !

Étonné par ma rapidité d’exécution, le géant vert voulut répliquer m’assenant un immense coup de hache que je contrai à l’aide de mon épée !


« MAINTENANT ! »



Mêlée générale !

Si les femmes de la 346ième division se hâtèrent vers la direction de l’artificier avec Elga à leur tête, mes soldats eux, virent se frotter aux pirates du bâtard contre qui j’allais maintenant me battre.

La bataille devenait on ne peut plus sérieuse.
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A l'aller le petit groupe s'était fait des plus discrets. Au retour, il en avait été bien autrement. Tandis que chaque pas rapprochait inexorablement les deux femmes de l’imposant bâtiment crevant le ciel à plusieurs bons pâtés de maisons de là, la rue se voyait de plus en plus submergée par les corps humains inanimés tombant les uns après les autres dans le sillon des envahisseurs. Et si Fleur avait ses méthodes, Anna possédait aussi les siennes : plus rien ne pouvait la retenir de venger son confrère et de nettoyer l'affront qu'elle avait subi. Non, plus rien. D'autant plus qu'elle s'était découverte une nouvelle capacité. Et qu'elle s'émerveillait à en étudier les moindres détails sur les corps déchiquetés des pauvres hommes et femmes qui se mesuraient naïvement à elle.

Un nouveau Jugon brisa le mur du son... et le corps qu'il percuta violemment au passage. Le transperçant incroyablement comme s'il se fût agi d'une feuille de papier. L'étrange couleur sombre qui tachetait la main de la jeune femme y était décidément pour quelque chose. Elle n'était toutefois pas aussi surprise que lors de sa découverte de l'Observation : depuis plusieurs mois elle avait d'ores et déjà dû se confronter à une large panoplie d'adversaires maîtrisant ce don. Elle avait témoigné de son aspect offensif redoutable... et de l'étrange solidité qu'il prodiguait au corps humain.

Une balle vibra dans l'air. Annabella ne fit rien pour l'esquiver ni la parer. Elle ferma simplement les yeux et se concentra pour que sa peau devienne comme l'acier, là où son mantra venait prédire l'impact. Alors non seulement le projectile ricocha... mais sa forme n'avait désormais plus rien à envier à une pièce de monnaie. Comme de l'acier hein ? Probablement plus comme du titane. Mais un titane encore incertain, au vu de la fine marque de brûlure résultant du choc ; elle était encore loin de pouvoir miser sa vie sur cette nouvelle aptitude.

Le fusiller n'eut pas le temps de prendre ses jambes à son cou. Un peu à l'est, les bruits de canon retentissaient furieusement. Loin derrière, elle pouvait sentir leurs présences, la présence du vice-amiral. Mais elle avait d’autres chats à fouetter sur le moment.

***

La CP9 posa le pied sur l'une des marches menant à la grande porte du phare. Comme prévu, celle-ci était barrée de l'intérieur et semblait impossible à ouvrir. Annabella aurait très bien pu la démolir grâce à ses pouvoirs du fruit du démon... mais faire s'effondrer l'édifice n'était pas le but final. Non, elle s'était amusée à transformer ses ennemis en compote grâce à l'Armement jusque-là, il était temps de rencontrer une vraie difficulté.

De son côté, Fleur poireautait en se léchant les plaies. Il apparut rapidement à sa comparse que ses blessures n'étaient qu'infiniment superficielles et que la jeune femme était en réalité en train de se faire un brin de toilette... ou bien d'avaler goulument le sang humain qui lui dégoulinait des bras.

Si quelqu'un s'était trouvé de l'autre côté de la porte à ce moment-là, l'œil rivé sur le judas, il aurait juré ne pas pouvoir reconnaître l'allée que venait d'emprunter les deux femmes, tant celle-ci était jonchée de cadavres morcelés et inondée d'hémoglobine. A cet effet, une petite voix étranglée peina à se faire discrète en avalant bruyamment sa salive à la vue de la jeune femme aux cheveux blancs comme neige s'avançant dans sa direction. Fort heureusement, dix pouces de bon acier les séparaient... mais tout de même.

Tout en s’approchant de la porte, Anna s'échauffait l'épaule en faisant des moulinets avec son bras droit. Elle n'était pas certaine d'y arriver du premier coup mais espérait bien faire connaître ses intentions au maître des lieux. Après quelques secondes d'échauffement superflu ponctué d'allers et retours incessants, elle se tint finalement face à la porte et prit de l'élan, occasionnant de l'autre côté la débandade du serviteur apeuré. Le bras fusa vivement dans un sens... puis dans l'autre. D'abord l'élan puis le geste décisif, archétype du bon direct dans la poire appliqué sur du mobilier solide. Puis le choc.

Les phalanges striées de taches brunes s’écrasèrent bruyamment contre l’une des deux plaques massives, venant provoquer un bourdonnement tonitruant qui résonna dans tout le quartier. Un « Bong » immense qui vrilla les oreilles des deux guerrières pendant près d’une minute avant de se calmer. Une telle attaque aurait aisément percé un mur, ravagé une porte normale… Mais c’était encore loin d’être suffisant pour celle-la. Quelque part derrière, on relâcha un petit rire nerveux en voyant que le métal, bien loin d’être indemne, n’avait toutefois pas cédé à la pression de l'Armement imparfait.

- Alors ? On n’a pas toute la journée non plus. ricana la blonde en voyant que les efforts de sa collègue n’avaient pas spécialement porté leurs fruits.

Celle-ci n’avait pas bougé. Droite, immobile, elle regardait son Durcissement qui n’était qu’un imbroglio d'épaisses marbrures noires sur son bras. Elle avait décidément encore des choses à apprendre. Cependant la frustration se dévoila assez rapidement sur son visage tandis qu’un second coup et un nouveau « Bong » vint s’opposer à la résistance de la porte. Puis un troisième, puis un quatrième. Jusqu’à ce que derrière celle-ci, une petite voix guillerette informe :

- Vous n’arriverez jamais à percer le blindage, gnihihi.

Entre temps des renforts s’étaient amenés. Par groupe de quatre ou cinq, ils étaient venus se confronter à Joliteint qui les repoussait de plus en plus difficilement : elle épuisait les forces qu’elle comptait garder pour le combat final. De temps en temps un homme essayait de s’en prendre à l’agente, lui décochant une balle ou un coup de sabre, mais les tentatives pour l’écarter de la porte demeuraient vaines. Elle enrageait, ce qui était rare. Un sourire crispé poignit sur son visage, s’ajoutant à l’expression froncée qui le précédait déjà, elle étira à nouveau un bras droit sanguinolent secoué par des spasmes de douleur et l’abattit en direction du métal déjà bien cabossé.  

- TU VAS T’OUVRIR PORTE DE MEEEEEEEEEEERDE !!!

Des fois il suffisait juste d’y mettre la forme.

Les sentiments avaient souvent l’effet de catalyseurs, Anna en avait longuement fait l’expérience : sa folie lui avait permis de développer toutes sortes de capacités surhumaines…  Et cette fois-ci, grâce à sa colère noire, la porte voltigea dans un grincement sonore terrible pour venir balayer la petite silhouette campée derrière. Celle-ci couina brièvement avant de finir aplatie contre un mur dans une large tâche de sang à l’autre bout de la pièce.

- C’est ouvert. lâcha finalement l’albinos tout arrangeant habilement une mèche rebelle lui obscurcissant la vue, avant de se retourner vers sa camarade.

Celle-ci laissa spontanément tomber le bras déchiqueté qu’elle était en train de mâchouiller et reprit une apparence normale. Aidée d’un fusil à long canon récupéré sur l’un des nombreux corps sans vie parsemant le sol carmin, elle avança en prenant appui sur sa béquille improvisée et franchit le seuil la première.

- Alors ne perdons pas de temps !

Comme lors de sa première visite, l’agente découvrit à nouveau l’étrange architecture des lieux, mais porta davantage d’attention aux détails ; elle était aux aguets. Le hall d’entrée constituait une vaste salle circulaire où se trouvait uniquement un mobilier purement décoratif, si l’on ne tenait pas compte de la peinture rouge toute fraiche autour du bout de métal incrusté dans l’un des murs. Il n’y avait, à priori, aucun comité d’accueil dépêché pour les recevoir, ce qui n’était clairement pas bon signe. Parallèlement, Fleur s’apprêtait à poser le pied sur la première marche de l’escalier menant aux étages supérieurs, lorsque Anna eut une vision.

Bondissant telle une lionne assistée d’un Soru, celle-ci réceptionna la chasseuse avant que les lames en fer ne surgissent du mur latéral pour la transformer en gruyère. La victime peina à comprendre ce qu’il venait de se passer pendant près de dix secondes, tandis que la CP9 promenait un œil inquisiteur tout autour d’elle. Après avoir décelé un piège, on ne pouvait qu’avoir un regard nouveau sur l’infrastructure.

- Pas besoin de gardes quand le phare lui-même est capable de se défendre, on dirait. expliqua-t-elle tout en enjambant une nouvelle dalle, faisant signe à la boiteuse de soigneusement suivre chacun de ses pas.

Des pièges, avant d’arriver en haut des marches, l’agente n’en compta pas moins de quatre. Et pas des plus nigauds, qui plus était, elle faillit elle-même se faire brûler vive de peu. Les murs étaient truqués au même titre que le sol, les portes et même une partie du mobilier. McKlayn avait bien reçu leur message visiblement puisqu’aucun de ces mécanismes ne s’était activé lors de la dernière visite de la prétendue pirate. Et c’était comme cela qu’il s’était préparé à recevoir ses ennemis dans son humble demeure.

Le premier étage n’était pas plus formidable : un corridor de portes fermées où se trouvaient nombre de chambres pour loger les visiteurs. Annabella avait séjourné dans l’une d’entre elles pour une nuit qu’elle n’oublierait jamais : celle qu’elle avait passé à ressasser la mort de son collègue. Y repenser l’anima d’une envie irrépressible de mettre fin à cette mascarade en transformant l’endroit en tas de ruines… mais si la porte du phare avait pu résister aussi longtemps à ses assauts, il n’était pas certain que la bâtisse elle-même soit moins solide. Elles n’avaient pas le choix, elles devaient continuer à faire attention où elles marchaient tout en cherchant des signes révélateurs. Ce qui courrouçait énormément la femme armée de sa béquille.

- J’en ai ras le cul de ce petit jeu ! Ce n’est pas une façon loyale de se battre !

- Le combat à la loyale n’est qu’un prétexte inventé par les lâches et les faibles. A la guerre tous les coups sont permis et c’est pas un pirate qui va s’en priver. répondit paisiblement une Annabella concentrée à déterminer son prochain mouvement.

- Mais d’ici à ce qu’on arrive, McKlayn aura bien eu le temps de se carapater ! Ça m’étonnerait pas qu’il y ait des passages secrets au sein d-

- Des passages secrets… interrompit l’autre blonde, dans ses pensées, comme si elle fouillait son crâne à la recherche de quelque chose ; et puis un détail lui revint brutalement en mémoire, lui obligeant une expression désabusée. Mais oui, comment ai-je pu oublier ?!

- Hein ?

La CP9 contourna prudemment une étrange armoire à glaces située au milieu du couloir et ouvrit l’une des nombreuses portes, débouchant sur une pièce curieuse et aérée où se trouvait massivement du linge propre étendu sur de nombreuses cordes. Le fait qu’il se fût agi d’une buanderie coïncidait avec la proximité du conduit, raison pour laquelle elle fit le tour de la pièce en éloignant les vêtements et draps du revers de la main.

- Que fais-tu ? demanda craintivement la silhouette qui s’efforcait de la suivre à travers le labyrinthe de tissu.

Une dernière chemise repoussée dévoila à la boiteuse sa comparse en train de contempler une drôle de trappe incrustée entre les pierres du mur. A côté de celle-ci se trouvait une plaque en acier garnie de boutons. La Bourgeoise avait déjà vu ce genre de mécanismes et en possédait même un dans son ancienne demeure, désormais rasée. Elle comprit là où voulait en venir sa consœur.

- Un monte-charge hein… tu crois qu’il va jusqu’en haut ?

L’albinos dévoila l’un de ses sourires des plus carnassiers.

- Je ne crois pas, j’en suis sûre.
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- « WAHAHAHAHA ! MCKLAYN VA PAS EN R’VENIR QUAND J’VAIS LUI PRÉSENTER TA TÊ- »


BIIIIIIIIIIIIIIM !!!


Avant d’avoir pu terminer sa phrase, mon adversaire que je surnommerais le géant vert, avait tout simplement fini contre le mur d’un bâtiment environnant. Bâtiment qui s’écroula joyeusement sur lui d’ailleurs. La raison de cette fin impitoyable ? Eh bien… Je l’avais juste repoussé à l’aide de mon épée. Ça paraissait simple, mais j’avais quand même mis plus de la moitié de ma force pour l’éjecter. Ceci étant dit, il était quand même fort le bougre. Il était non seulement en vie, parce que je pouvais clairement sentir sa présence via mon mantra, mais il n’avait pas non plus traversé une multitude de maisonnées à l’instar de son subordonnée de tout à l’heure. Les gravats d’une bâtisse dans la gueule, ça doit p’être faire mal, mais pas au point de le buter, ça c’était sûr ! On est quand même sur le nouveau monde. C’est donc en posant ma longue épée sur mon épaule droite que je l’attendis patiemment. Durant ce laps de temps, deux ou trois de ses sbires virent m’attaquer, mais une pichenette sur le front de chacun d’entre eux après esquive de leurs attaques, et le tour était joué ! Pas bien compliqué de se débarrasser de ce genre de petites bestioles.


« FEEEEENYAAAAAAANG ! TU M’AS ENERVÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ !!! »


Comme d’habitude quoi. Tronche de dépit. Ça allait être barbant. Un énième pirate à buter quoi. Normal vu qu’il s’agissait de mon job, sauf que je commençais sévèrement à me faire chier. Pas étonnant que je pensais dorénavant à l’impératrice. Je sentais que j’allais bien me marrer avec elle ! C’était peut-être aussi à cause de cet ennui que je n’avais pas hésité à rejoindre Annabella. Hormis le fait que je le faisais pour son cul, il y avait aussi la recherche de nouveautés, de sensations fortes. Je n’étais pas un sanguinaire, loin de là, mais j’étais un sabreur qui aimait les bastons à leur juste valeur. Sinon pour le machin vert qui s’était farouchement extirpé des décombres, je pouvais peut-être essayer de le faire prisonnier… Quoique non. Mauvaise idée. Avec tous les gars que son artificier avait fait sauter, il n’y avait pas moyen qu’il reste en vie. C’était l’honneur de leur mémoire qui était en jeu. Mon ennui ne devait pas prendre le pas sur mon désir de vengeance. Il n’était peut-être pas ardent -parce que je me savais fort et que je me voyais le battre dans 100% des cas-, mais il était réel. C’était clairement de la prétention, mais j’étais sûr de moi.

Si je ne battais pas une mocheté de son genre, comment pourrais-je aspirer à Kiyori ?

- « PRÉPARE-TOI ! »

A foncer sur moi comme ça sans réfléchir, il me fit penser à un autre pirate du nom de Balior. C’était un pote de Mahach (L’une de mes nombreuses proies) qui avait pris cher en pensant qu’il jouait dans ma catégorie. Celui-là aussi se faisait des idées. Le géant était assez puissant, certes, mais pas au point de pouvoir m’effrayer. Du coup, lorsqu’il vint m’assener une multitude de coups à l’aide de sa hache, je l’évitai ou le contrai le plus simplement possible. Par contre, à force de gueuler et de crier sa colère, il postillonnait presque sur moi ce qui était assez dégueulasse vu sa gueule puante. Etait-il un humain d’ailleurs ? Sa tronche me faisait douter. Mais sur Grand Line, c’était la « normalité » qui était « bizarre », donc il n’y avait pas trop à se poser de questions. Alors que je revenais un peu dans le combat, le gars recouvrit son arme de fluide et m’assena un coup que je réussis à contrer, mais qui me fit quand même ployer, si bien que je m’enfonçai dans la terre et qu’un cratère se forma autour de moi. La puissance de son attaque ne fut pas négligeable. Elle lui arracha un sourire alors qu’elle m’engourdissait presque le bras.

Hormis mon moment de faiblesse, la collision de nos deux forces provoqua un espèce de souffle qui balaya sauvagement la zone. Mes hommes comme les siens eurent du mal à lutter contre cette onde de choc qui faillit les faire voler comme de vulgaires petits objets…

- « Hééééé. T’es à fond dedans… C’est quoi ton nom d’ailleurs ? »

- « HEIN ?! T’AS JAMAIS ENTENDU PARLER DU GRAND SERJ GRAW- »

- « Non, jamais. Désolé. T’es sensé être si fort que ça ? »
L’interrompis-je.

La question était presque un affront pour le géant vert qui passa encore une fois du sourire à la colère noire. Je venais de me mettre dans la merde… Ou pas. Toujours est-il qu’il redressa très rapidement sa hache abimée par d’innombrables batailles et enchaina encore une fois coup sur coup. Bon Dieu ! On aurait presque dit un marteau qui s’acharnait sur un clou. A ce rythme-là, il allait même briser mon épée l’enfoiré ! Mais bien avant qu’il ne put le faire, j’avais exécuté un soru pour m’extraire du cratère qui devait beaucoup plus large et plus profond. Je jetai un coup d’œil à ma lame qui fut abimée par ses assailles et j’eus un soupir. J’avais plusieurs solutions de rechange, mais celle-là allait me servir à tuer cet imbécile qui me chargeait une énième. Une fois que je fus à sa portée, il voulut me faire manger son arme, mais j’exécutai un soru pour apparaitre tout juste derrière lui, non sans lui lacérer profondément le dos. Le gros tas eut un gémissement de douleur très explicite et enchaina par un revers à l’aveugle pour m’avoir, sauf que j’avais disparu une énième fois pour trancher violemment la poitrine. Une gerbe de sang me macula le visage.

Dégueu…

Serj lui, tituba, tomba sur un genou, grogna et se releva aussitôt !

- « JE VAIS TE BUTER ! »

S’il y a une chose sur laquelle je ne crachai pas chez ce type, c’était sa détermination qui faisait plus obstination qu’autre chose. J’eus un sourire à cette pensée et je fonçai à mon tour vers lui. Puisqu’il semblait tant vouloir me buter, j’allais enfin lui montrer de quoi un vice-amiral était capable. Sans attendre, je l’inondai d’estocades visant à lui percer n’importe quel membre. Le bougre malgré ses plaies, faisait preuve d’agilité et de réflexes tout à fait remarquables pour éviter ou bloquer mon offensive dans son intégralité. Plutôt agréablement surpris, je continuai de l’assaillir d’attaques en intensifiant la cadence. Au bout d’un moment l’homme ou plutôt l’ogre fut submergé par mon sabre qu’il avait l’impression que j’avais multiplié pour le combattre. La pointe entama plusieurs fois sa peau sans pour autant la percer comme je le voulais. Il s’était protégé de haki. Néanmoins, il souffrait quand même. Mes attaques étaient lourdes et résonnaient presque dans son corps. Ses jambes étaient flageolantes. Au fil des secondes et malgré sa ténacité, le géant vert commençait à comprendre qu’il y avait un écart de puissance trop conséquent entre nous.

La peur l’envahissait peu à peu…
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Ding !

- Déjà ?

- Il y a dû y avoir une erreur. Tu es sûre d'avoir appuyé sur le bon bouton ?

- Ben oui. Attends, tu sens ce que je sens ?

- On dirait... de la soupe à l'oignon... Chttt.


L'espace était étroit et pourtant les deux jeunes femmes avaient maladroitement réussi à s'y confiner. La jambe "morte" de la Maire n'avait pas été bien facile à recroqueviller sans que l'autre poussât un gémissement, mais elles y étaient parvenues. L'odeur n'était pas bien féminine dans cet étrange cagibi montant et descendant, mais les épices commençaient désormais à se faire sentir, pénétrant par l'interstice de la trappe. Il faisait d'ailleurs plutôt chaud, ce qui témoignait de l'ascension progressive de la dalle vers les étages supérieurs, confortablement chauffés.

Derrière la petite porte coulissante, une voix retentit. Celle d'un homme à la voix chantante que l'on aurait aisément pu imaginer avec un certain embonpoint et une épaisse moustache brune. La silhouette que Anna percevait à travers son Haki semblait plus ou moins se conformer à ce drôle de stéréotype.

- Maaa. Mario, tu es vraiment sûr que la sauce elle est prête, hein ?

- Oui chef.

- Que je n'y retrouve pas des cheveux comme l'autre fois, hein ? Tu te rappelles ce qui est arrivé à Fabio la dernière fois, hein ?

- Oui chef.

Ainsi donc, tandis que la bataille ravageait les rues de la ville et que la Marine réduisait en charpie les flibustiers qui n'avaient pas encore pris leurs jambes à leur cou, le Commandant des Sunsets se faisait servir une soupe. Il y avait de ces choses dans le monde que l'agente ne parviendrait jamais à comprendre. Toutefois ses pensées furent brusquement redirigées vers l'extérieur du conduit lorsqu'une main potelée vint saisir la petite hanse permettant de soulever la trappe, de l'autre côté. Le geste fut prompt et automatique, tellement le chef avait eu à le faire durant une bonne partie de sa vie. Mais son visage se décomposa en voyant les deux hurluberlus crasseuses et dépenaillées qui occupaient son monte-charge. Sa mâchoire se décrocha et sa voix, nasillarde, ne put qu'émettre un très court "ah !" en découvrant la scène.

L'instant d'après, le pauvre homme gisait à même le sol dans une marre de sang, l'orbite crevé par une blessure qui, on le jurerait, aurait pu être provoquée par un l'enfoncement brutal d'un doigt solide comme le roc. Le pauvre Fabio n'eut pas plus de chance, ni les quatre autres aides de cuisine l'accompagnant. Et en l'espace de quelques minutes, la gigantesque pièce s'était transformée en champ de bataille rouge et blanc, ponctué de fracas d'assiettes en porcelaine et de choppes de verre. Poêles et casseroles gisaient par terre aux côtés des derniers survivants qui avaient trouvé bon de chercher à se défendre avec les ustensiles qu'ils avaient sous la main. Et lorsqu'il ne resta plus âme qui vive, l'agente en profita pour chaparder une pomme qu'elle essuya prestement pour en retirer les gouttelettes de sang la maculant avant de la croquer énergiquement... et défoncer d'un coup de botte la porte joignant le réfectoire. Celle-ci vola et partit s'encastrer dans un mur, comme sa grande sœur quelques étages plus bas.

- Je ne suis pas persuadée que le Haki était nécessaire cette fois-ci. ajouta la blonde qui venait de récupérer une pelle de panetier pour remplacer son fusil laissé en bas.

- On n'est jamais trop prudents.

Tandis que les deux bonnes femmes meublaient le vide pour soigner leur entrée, près d'une dizaine de paires d'yeux les dévisageaient depuis la grande table sise au milieu de la salle. Car s'il était courant de voir les cuisiniers s'entretuer dans la cuisine au cours des repas, il l'était moins de voir deux nanas couvertes de sang y laisser derrière elles un carnage à vous en couper l'appétit. Pourtant elles avaient frappé à la porte... mais personne n'avait répondu. A croire que les invités n'étaient décidément pas bien accueillis ici. Il y eut ainsi un court instant de flottement durant lequel les deux camps se fixèrent l'un l'autre, dans l'expectative. Puis un pirate plus vaillant que les autres se dit finalement qu'il devait être de bon ton de dégainer son arme.

- Tobu shigan.

Une simple pichenette de l'albinos et le bonhomme s'écroula, le crâne perforé par un projectile invisible. Le temps de laisser aux autres moussaillons l'opportunité de saisir mousquets et épées, de les brandir. Puis de contre-attaquer.

***

- Ah. gémit Annabella tout en s'essuyant le front d'un revers de la manche. Ils étaient coriaces ceux-là.

Suite à cette action, son regard se porta un bref instant sur ladite manche et contempla l'hétérogénéité des couleurs qui composaient la couche de crasse qu'elle venait de retirer. Puis il en revînt à la silhouette bien plus cambrée qu'elle qui peinait à retrouver son souffle.

- Parle pour toi, si j'avais eu mes deux jambes je n'en aurais fait qu'une bouchée de ces marmots.

Et elle n'avait clairement pas tort.

Les cadavres épars semblaient tous avoir atteint pas plus de la vingtaine avant de rencontrer leur funeste destin. L'agente considéra la chose comme une énième insulte du capitaine pirate qui venait d'abattre non pas les plus mauvaises de ses cartes... mais certainement les plus jeunes. Depuis leur entrée dans le bâtiment, il s'était enorgueilli à les sous-estimer et à les mépriser, ne levant même pas le moindre petit doigt pour leur faire concurrence. C'était presque s'il leur faisait une haie d'honneur pour les accueillir, même.

- Tant qu'à faire, il aurait pu y mettre des rambardes dans ses foutus escaliers. geignit Joliteint tout en s'appuyant de plus en plus lourdement sur sa pelle qui avait miraculeusement résisté à l'assaut.

Marche après marche, les deux bonnes femmes arrivaient jusqu'au dernier étage. Elles ne prenaient même pas la peine de se dissimuler, pas plus qu'elles ne l'avaient fait jusqu'à présent. Leur présence était signe de leurs désirs de vengeance mais leur visibilité volontaire était l'image de la mort marchant parmi les siens, dans son royaume. Et ça le capitaine n'y croyait pas, apparemment.

Ni son dernier acolyte.

Le sommet de l'escalier débouchait sur une pièce circulaire de bonne taille faisant office de boudoir, en tout cas dans son esthétique. Richement décoré à la façon des pièces que l'on retrouve généralement chez les nobles, il servait de support à nombre de canapés, sofas et autres meubles en acajou exprimant la délicatesse d'un hôte bien pourvu niveau richesses. Et au milieu de tout cela, une jeune femme que l'agente reconnut aisément, en dépit de sa tenue de flibuste ; son véritable apparat. Ainsi que de son sourire et la satyrique révérence qu'elle dévoila à son invitée de choix.

- Bienvenue ma chère Eleanor... ou plutôt devrais-je dire Annabella.

Et elle se croyait encore maligne, c'était probablement ça le pire.

Il était de ces moments où la jeune femme devenait folle et riait sans que l'on sache pourquoi. La plupart du temps elle estimait un sourire suffisant pour exprimer son contentement. Mais cette fois-ci ce fut bel et bien une risée sardonique qui fit ployer l'échine de l'agente vers l'avant. Une réponse à laquelle ne s'attendait pas une demoiselle bien sûre d'elle qui afficha un regard sombre et atterré.

- Qu'est-ce qui te fait rire comme ça, pétasse ?!

L'insulte permit instantanément à la cheffe d'équipe de retrouver ses esprits et son calme olympien. Lentement elle se redressa en dissimulant progressivement son sourire pour finalement pivoter lentement son poignet et découvrir la paume de sa main droite dans un geste explicatif typiquement féminin... et hautain.

- Le hasard fait bien les choses, décidément. Tu vois ma petite Hermione, dans d'autres circonstances, je n'aurais pas pris la peine d'achever ta misérable existence... mais là...

La CP9 désigna du bout du doigt les deux fourreaux en cuir vissés à la ceinture de son interlocutrice qu'elle avait aisément reconnus comme ceux de Quart et Demi, ses propres lames. Elle s'était résignée à ne plus jamais les revoir après son passage par la case prison, mais l'espoir venait brutalement de ressurgir comme une bulle d'air remontant à la surface de l'eau. Avec l'ironie machiavélique voulant que son nouveau propriétaire ne fusse personne d'autre que la jeune pirate à qui elle devait sa très certaine victoire.

- Là, c'est différent. Il est temps de récupérer ce qui m'appartient.

Concluant le temps des dialogues inutiles, un rapide tapotement du pied vint résonner sur le sol avant que l'évadée ne se propulse instantanément en direction de son adversaire et ne tente de lui asséner un coup de poing dévastateur. Toutefois la seule résistance que celui-ci rencontra fut... celle de l'air ambiant précédant le contact avec une armoire ancienne décorant l'un des murs. Celle-ci se réduisit en petits copeaux d'acajou, violemment percutée par un Haki encore imparfait mais suffisamment vorace pour faire d'un arbre centenaire du petit bois pour le feu en quelques secondes.

- Ra-

-té ? Ce fut cette fois-ci un coup de pied retourné qui vint percuter, pour de bon, la poitrine à découvert de la pirate, pratiquement hors de portée. Même si "percuter" ne se révéla pas être le terme le plus pertinent au vu de la docilité avec laquelle la semelle se posa sur le poitrail de la victime. Celle-ci eut d'ailleurs le culot de se gausser :

- C'est tout ce que t-

- Ashmedai.

D'abord, il y eut les fissures. De toutes petites brisures bleues apparaissant dans la fine couche d'air séparant les deux corps. Puis la détonation, invisible mais plus efficace qu'une véritable explosion. Un choc sismique, pour ce qu'il en était, qui balaya la bonne femme jusqu'à l'autre bout de la pièce et lui fracassa le crâne contre l'un des murs duquel se disloquèrent nombre de pierres et de fins filins de poussière.

L'adversaire ainsi soufflée par la puissance de l'attaque, Fleur Joliteint qui s'était tenue pour spectatrice jusque là put enfin joindre des yeux la porte du bureau du Maire d'Alsbrough que plus rien ne protégeait à présent. Une initiative que l'albinos soutint du regard un bref instant avant de se concentrer à nouveau sur son ennemi du moment. La gamine n'était pas morte : groggy, elle pouvait encore tenir debout et s'était détachée de son support en briques. Fracturée de partout, elle pissait le sang par tous les pores pour ainsi dire ; son visage n'était plus qu'hémoglobine.

Elle ne put empêcher les portes en bois de sortir de leurs gonds sous la déferlante provoquée par l'unique coup de poing de la louve. Elle ne put non plus l'empêcher d'entrer dans la pièce suprême où patientait son divin supérieur, d'une démarche digne, le pas soutenu. Dans les décombres de l'entrée du bureau gisait la pelle à pain qui lui servait jadis de béquille, maintenant abandonnée.

Interloquée, la brune sentait désormais son heure venir. Elle avait peur de comprendre, mais posa tout de même la question :

- Qu'est... qu'est-ce que v-vous êtes à la fin... ?

Il y eut un silence. Dix secondes passèrent. Puis l'éternel sourire carnassier d'Annabella vint accompagner la réponse tant attendue jusque là.

- Des monstres.
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- « C-C'EST IMPOSSIBLE ! »

- « Qu’un vice-amiral soit aussi fort ? Remarque, je dois être le plus fort des douze actuellement. J’ai même surpassé mon père ! J’en suis pas peu fier tu sais ! »


Je me tapais une discussion avec mon adversaire, comme si c’était normal, alors que lui continuait de vouloir me cogner encore et encore. Depuis le début, Serj avait réussi quelques fois à me frôler, provoquant ainsi de grosses estafilades sur les parties atteintes, mais rien de plus. J’avouais bien volontiers que je ressentais parfois la portée de ses coups à travers mes os, mais ils étaient assez solides pour ne pas casser à cause de sa force. J’avais vu pire. J’avais vécu pire. Après mon combat monstrueux contre Rafaelo sur Kanokuni, je trouvais que le gars qui me faisait face ressemblait à un gamin qui ne savait pas à quel saint se vouer. J’étais un concentré de puissance, mais aussi d’expériences. Je jouais maintenant dans la cour des grands, dans la ligue ultime. C’était quelque peu jouissif de savoir que j’étais supérieur à cette mocheté qui ne savait rien faire d’autre qu’agiter son arme dans tous les sens, mais je savais pertinemment que ce n’était pas encore suffisant. Il en fallait plus. Encore un peu plus. Cette simple idée me ravit tellement que j’eus un sourire un peu flippant en générant une lame de vent bourrine que le géant vert esquiva de peu. Seulement, celle-ci partit s’écraser sur un nombre incalculables de pirates. Pâtée pour chiens…

- « Oups… »

J’eus un petit rire presque mignon en observant ce qu’ils étaient devenus, avant de reporter un regard assez moqueur vers mon adversaire. Le gars pour se venger généra lui aussi une multitude d’ondes tranchantes vers mes hommes qui n’eurent ni le réflexe, ni la force de bouger à temps pour l’esquiver. Sauf que soudain, j’étais réapparu devant eux et j’avais utilisé le plat de ma lame pour dévier tous ses projectiles. Soru oblige. Plus de peur que de mal de mon côté ! En les enjoignant d’exterminer le reste des forbans, je chargeai le sous-fifre du Mcmachin, et nous recommençâmes à échanger de violents coups qui résonnèrent dans toute la ville. C’était terrible ! Sous le feu de l’action, l’ogre réussit à me taillader l’avant-bras gauche. Il avait usé d’une feinte de corps inhabituelle pour me ficher sa hache dans l’avant-bras. Sauf que la plaie ne fut pas profonde. Je saignais abondamment, mais rien de bien grave. Pour Serj, me blesser rimait avec espoir ! S’il continuait comme ça, il pouvait avoir une chance de me buter ! C’était en tout cas ce que son visage rayonnant me disait. Sauf que sans comprendre pourquoi, l’homme fut déséquilibré, mais réussit à faire plusieurs bonds en arrière, avant de porter son regard au niveau de son torse.

Pas bien loin de son cœur, il y avait un gros trou dans sa poitrine.

- « QU- ?! »

Et il se mit à gerber du sang en grande quantité. Pauvre enfant. Tellement content qu’il n’avait pas senti que je lui avais troué la poitrine en un coup d’estoc plus ou moins précis. Plus ou moins parce que sa feinte lui avait permis « d’éviter » mon épée supposée percer son cœur. Bah, peu importe. Il n’était pas très loin de crever de toute façon. Je haussai les épaules avant de commencer à marcher doucement vers lui. La plupart de ses hommes qui le virent mal en points, délaissèrent mes éléments pour foncer sur moi, sauf que ce fut une très grosse erreur ! Si j’aurai pu m’en débarrasser d’un simple coup de vent, je ne le fis tout simplement pas parce que mes soldats, sans se gêner, les fusillèrent impitoyablement. Voilà pourquoi de tels ennemis étaient peut-être énervants, mais pas inquiétants. Ils n’avaient que la force. Aucune once d’intelligence. Aucune ruse. Juste de la force brute. S’il fallait tout simplement surpasser la force brute par la force brute et le haki par le haki, le résultat du combat était alors inévitable depuis le début : J’étais en tout point supérieur au géant vert. Celui-ci essaya de se relever plusieurs fois de suite et tendis sa hache vers moi comme pour me dire qu’il n’abandonnait pas. Admirable. Comme déjà dit, j’appréciais sa détermination.

Vraiment.

Même si sans la force, la détermination ne suffisait pas. Pas dans ce monde en tout cas…

Pessimiste ? Non. Fataliste ? Non plus. Mais réaliste jusqu’au bout des ongles. Si je pouvais constater ma force, en être satisfait et m’en vanter parfois, c’était bien parce que j’avais sué sang et eau pour en arriver là. Il était tout à fait naturel d’être fier et de récolter le fruit de ses efforts, quitte à en être parfois arrogant. Encore que je gardai quand même la tête sur mes épaules et que je connaissais mes limites. Mon adversaire finit par se relever, péniblement et courut vers ma direction, encore une fois. Pénible. Il ne retenait définitivement rien. Pour en finir, je décochai un cône d’air qui menaça de le charcuter comme un animal. S’il l’écarta d’un revers de sa hache en effectuant un geste de grande amplitude, il me laissa une ouverture dont je profitai en faisant usage d’un soru pour réduire la distance et en lui plantant mon sabre en plein cœur. Son haki de l’armement qui recouvrait sa peau n’avait pas suffi à bloquer ma lame et mon propre fluide. Fin logique donc. Un temps immobile –Il dut réaliser qu’il était un homme mort-, Serj eut un dernier sursaut et enfonça sa hache dans mon épaule la plus proche. Bien profond d’ailleurs. Gerbe de sang, clavicule hachée menu… Bref, il m’a bien eu sur ce coup-là, si bien que j’eus les yeux écarquillés de surprise…

- « PUTAAAAAAAIN ! »

- « Va te faire foutre Fenyang… »
Qu’il me murmura dans le plus grand des calmes, sourire sanguinolent aux lèvres… Avant que son corps sans vie ne finisse par tomber au sol devant moi.

Si mes hommes finirent par hurler de joie devant ma victoire après quelques secondes de silence précédant la mort de mon adversaire du jour, j’arborais une gueule sereine pour ma part. Coup de pute énorme de Serj. Après un petit moment de latence, je finis par rengainer mon épée et j’utilisai mon bras valide pour retirer son arme plantée dans mon épaule qui ruisselait de sang. C’était pas beau à voir. Fracture ouverte. Je grimaçai de douleur et balançai son arme plus loin, avant qu’une explosion n’attire mon attention. Les femmes étaient toujours en train de combattre l’artificier. Je regardai quelques secondes la direction où se trouvait la Cipher Pol, puis je finis par me retourner vers mes hommes. Après une revue d’effectif ou je constatai que nous avions perdu quelques 300 hommes en tout, je chargeai mes lieutenants de s’occuper de la troupe, puis je m’élançai vers le champ de bataille d’Elga et de ses subordonnées. Quelques pas de courses, quatre ou cinq geppo pour arriver au sommet d’un bâtiment qui surplombait l’endroit et je pus apercevoir les femmes qui se démenaient contre le kamikaze qui avait réussi à buter le tiers de l’équipage de la lieutenante. Je voulus les aider, mais je préférai me griller une clope tranquillement en attendant.

Dès que j’allais finir de fumer et si Elga n’avait pas vaincu ce type, j’allais m’en mêler pour sûr et en finir.
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Pendant ce temps, sur les quais...

- Y's'tenait, là voilà, comme j'me tiens d'vant vous.
Le gamin tendait sa main, disait qu'c'était le sien.
Mais l'a pas voulu écouter, l'a fait sa tête trancher.
Pis l'a envoyé à sa mère, 'ça car voulait pas l'él'ver.
Ah l'rouquin, ah l'radin,
C'capitaine quel fumier !


- Ca fait plaisir d'vous entendre chanter, M'sieur Daniel.

- Appelle moi Papy gamin. Et dépêche-toi d'larguer ces foutues amarres, on a pas toute la journée, hein !

Ainsi dit, ainsi fait. Le mousse s'activa et le papy chantait car il le pouvait. Plus de raison de traîner avec cette canaille, de supporter ces horribles tyrannies, d'ignorer ces nauséabonds spectacles. Alsbrough brûlée, voilà ce qu'il voulait voir. C'était dur, même, de devoir remercier la Marine pour un tel acte. Mais ses confrères n'étaient pas à déplorer parmi les victimes, car Papy avait senti le coup venir.

Et bien évidemment, il n'avait rien dit.

Le gosse était désormais dans les cordages, tandis que les hommes s'activaient ça et là. Le vieux Daniel regardait le bord s'éloigner, la pipe à la bouche, toujours à chantonner. Des chansons, il en connaissait plein, mais pour une fois il allait pouvoir dévoiler son registre. A ses hommes, à des femmes et même au petit Toreshky. C'était pas vraiment le marmot de l'Empereur, mais il avait servi sous son aile donc c'était tout comme. Et lui savait écouter.

Les voiles se gonflèrent sitôt qu'elles furent relâchées, amenant le navire plus en avant à travers les flots du Nouveau Monde et loin de cette île maudite sur laquelle le Papy espérait ne plus jamais remettre les pieds. Ah, il se sentait libéré d'un fardeau. Et si la tête d'Ethan venait à tomber aujourd'hui, ce serait le monde entier qui s'en verrait dédouané. Puis il pensa à cette jeune femmes aux cheveux blancs et aux prunelles rougeoyantes. A l'expression sur son visage quand elle était partie, ce jour-là, au petit matin. Une CP9 hein ? C'était dommage, elle faisait une bonne pirate pourtant... Peut-être qu'il valait mieux qu'il en soit ainsi.

Après tout, le vieux n'avait pas besoin de tout révéler, alors qu'il était au crépuscule de sa vie. Il n'allait sûrement pas avoir d'événement aussi plaisant à contempler de sitôt. Rien de plus magnifique que la fumée s'élevant d'Alsbrough, la seule opportunité de voir un enfer en train de brûler.

Alors une nouvelle chanson lui vint en tête et il se mit à en compter les syllabes des vers, pour en faire des couplets. La chanson serait chantée par tous les marins du Nouveau Monde au cours des mois suivants, car véritable récit héroïque dans ce monde de brutes. Un héros... non, une héroïne vainquant l'incarnation de Belzébuth.

Dans sa tête, ça donnait :

L'est arrivée dans ce monstre de fer,
Pis mis le pied sur l'horreur de la terre.
La fière Eleanor Bonny !

L'a sauvé des hommes et des femmes,
Emprisonnés par ces Bourgeois infâmes.
La vaillante Eleanor Bonny !

C't'en combattant qu'elle a élevé la voix,
Au milieu des cadavres de Limiers narquois.
La forte Eleanor Bonny !

Pis a conclu un pacte avec le démon,
Forgé dans le sang, la haine et le limon.
La frêle Eleanor Bonny !

Et pour mieux vaincre la tyrannie,
Qu'elle a failli perdre la vie.
La pauvre Eleanor Bonny !

Qu'elle fût par le démon trahie,
Mais consentie à un sursis.
L'indomptable Eleanor Bonny !

Et de ses chaînes se défaisant,
Mit l'enfer à feu et à sang.
L'incroyable Eleanor Bonny !

Avant de faire courber le diable,
Et tomber sa tête sur le sable.
La sanguinaire Eleanor Bonny !

Aujourd'hui a libéré un monde,
D'une engeance vilaine et immonde.
La pirate Eleanor Bonny !


Oui, l'histoire était plus belle ainsi. Et si un agent du Cipher Pol devait en récolter les fruits, eh bien peut-être. Qu'il en fusse ainsi.

Mais la symbolique profiterait, elle, à la piraterie.
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Ça aurait été mentir que d'affirmer le combat comme n'étant pas unilatéral.

Annabella, forte de son offensive et de son aspect démoniaque, ne cessait d'attaquer la pirate qui se défendait du mieux qu'elle pouvait. De temps à autre celle-ci parvenait à décrocher un coup à l'albinos, mais se voyait tout aussi régulièrement mise à terre par le revers qui l'accompagnait. Toute tentative menait à une ouverture qui se voyait automatiquement punie, si bien que la pauvre brunette ne pouvait rien faire d'autre sinon tenir aussi longtemps que possible pour laisser l'occasion à son capitaine de ne pas avoir à subir les assauts répétés des deux folles.

Car oui, elle en était persuadé désormais, l'agente du CP9 était définitivement détraquée. Autant que sa compagne.

Un bref coup d’œil vers le bureau de McKlayn permit aux deux belligérantes de comprendre que la férocité de leur combat n'avait rien à voir avec celle de la lutte opposant le Commandant à la Maire du Seizième. Bien que blessée, celle-ci se défendait courageusement et parvenait à multiples reprises à reprendre le dessus. Mais la plupart du temps, c'était bel et ben le flibustier qui possédait l'avantage.

Et puis les choses se gâtèrent sérieusement pour la blonde lorsqu'une chaîne renforcée à l'Armement s'enserra subitement autour de son avant bras et le déboita sèchement. Le bruit, suivi du cri de la bonne femme, parvint aux oreilles des deux ex-infiltrées qui ne purent réprimer, pour chacune, une moue de dégout. La stupéfaction d'Annabella, face à cette première défaite, lui valut d'ailleurs de laisser une ouverture à son opposante, qui n'attendit pas d'avoir une seconde chance, non. De l'un de ses poignards précédemment dégainés, la traître cibla précisément le sternum de la démone.

Un coup qui aurait dû être fatal.

Mais qui, au dernier moment, échoua à pénétrer profondément dans la chair de la jeune femme, bloquée dans une gouttelette de sang au milieu d'une chair noircie. Une simple entaille supplémentaire sur la liste de toutes celles qu'avait infligées la pauvre Hermione... Son coup de maître définitivement anéanti par les capacités surhumaines de son ennemie. La poussant subitement à abandonner toute emprise sur le pommeau de la lame et tenter de reculer. Mais l'agente fut plus rapide. Déjà les doigts de sa main droite se recroquevillaient tandis que son bras semblait prendre de l'élan.

- Jishin Kenpo... Jugon !

Hermione ne put qu'être spectatrice de sa propre mort. Car même si la vision lui permettait d'entrevoir ce qui allait se passer avec une précision démesurée, elle ne put esquiver le coup définitivement fatal porté par la blonde. Elle ne put que souffrir et hurler lorsque des doigts fin et gelés comme des lames de couteaux s'enfoncèrent dans sa cage thoracique, broyant ses poumons, ses os et son cœur pour au final expulser dans son dos une purée rouge compacte.

Elle eut tout juste assez de sursis pour admirer la blessure à son thorax, transpercé par un trou d'un diamètre incroyable, avant de s'effondrer instantanément.

Une victoire loin d'être totale, puisque les cris de la Lieutenante ne furent pas les seuls à s'arrêter spontanément à ce moment là. Après avoir prestement récupéré Quart et Demi, l'agente découvrit le morne spectacle qui l'attendait dans le bureau de son ennemi suprême.

Celui-ci se tenait au centre de la pièce face à ce qui semblait être une épaisse tâche de sang sur son tapis. En s'approchant davantage, l'albinos reconnut cependant plusieurs formes distinctes séparées les unes des autres. Puis elle vit les chaînes étalées dans le sang, dégoulinant encore d'hémoglobine et de lambeaux de chair. Alors elle sut.

McKlayn venait d'écarteler sa sœur d'armes, Joliteint.

L'agente ne ressentit que très peu d'émotions à l'égard de la chasseuse, mais vit dans sa perte une profonde désolation. Toutefois, la défaite de la jeune femme n'avait pas été en vain...

- Après la pluie... le beau temps c'est ça ? grogna l'ombre penchée au-dessus du corps démantelé.

Le Commandant se tenait une épaule profondément arrachée d'où perlaient des gerbes de sang. Avec un sourire malsain, il dévoila alors sa blessure pour replacer sa main le long de son corps et rappeler ses chaînes et ses cordes. Elles étaient innombrables.

- Tu penses t'en tirer mieux qu'elle, la CP9 ? Je vais te montrer à quel point tu te trompes.

Mais le chien pouvait aboyer tant qu'il le voulait, il ne pouvait pas ignorer la douleur lancinante qui émanait de ses tissus déchirés. Et son bras droit, immobilisé, semblait davantage peiner à faire appel à sa capacité. Une partie de ses vêtements n'étaient plus que lambeaux, si bien que le capitaine se défit de son manteau pour dévoiler une silhouette peu athlétique, un peu bedonnante, enrobée dans sa sempiternelle veste en cuir. Mais sur son crâne demeurait le tricorne, symbole de sa toute puissance. Peut-être plus pour longtemps.

Anna n'attendit pas davantage pour agir. Le combat contre Hermione n'avait été qu'une mise en bouche, elle avait recouvré bien assez d'énergie pour pouvoir se dépenser entièrement à ce moment-là. Et elle n'avait pas une jambe morcelée comme la défunte Fleur. Non, elle le montra directement à son opposant, agissant près d'une seconde avant que celui-ci ne levât son bras pour venir la saisir au cou avec ses cordes.

- Plus jamais !

La main de la blonde vola dans un revers fracassant, griffant l'air du bout des doigts, renvoyant les chaînes à leur expéditeur comme s'il s'était agi de fétus de paille. Et le temps que l'homme comprît ce qu'il était en train de se passer, les quatre traits fins bleutés avaient déjà commencé à percer.

- Leviathan !

Après une telle attaque, le sommet du phare n'allait sûrement pas rester en un seul morceau. Et ce fut le cas. Les conséquences de la gifle abattue dans le vide se muèrent en une série de séismes ayant pour hypocentre le bureau du Maire. Les vitres de celui-ci furent aussitôt soufflées vers l'extérieur et les murs se brisèrent pour expulser le toit et dévoiler une scène de bataille désormais à l'air libre. L'homme fut projeté contre l'un des rares murs qui ne s'envolèrent pas avec la toiture, sous l'effet de l'impulsion. Cependant il était loin d'avoir dit son dernier mot.

- Ground snake !

Reliées à la main gauche du capitaine, la plus valide, une demi-dizaine de cordages se colorèrent de nuances sombres tout en venant emprisonner les jambes de l'albinos. Un piège que l'homme avait soigneusement installé au moment où celle-ci avait mis les pieds dans la pièce. Bien évidemment, la jeune femme se débattit, puis chercha à couper ses liens... mais son Haki incomplet était loin de faire la différence. Les cordes étaient plus solides que n'importe quel acier. Et aussi fortes, une fois liées et nouées entre elles, que le bras d'un géant. Soulevée dans l'air comme une poupée de chiffon, la pauvre hère n'eut pas le temps de cibler son opposant pour l'obliger à lâcher prise qu'elle se retrouvait déjà écrasée contre le sol. La tête fichée dans le sang de sa pauvre codétenue qui, malgré sa blessure, avait bien bataillé pour faire face à pareil monstre.

- Je vais te fracasser contre le sol jusqu'à ce que ton crâne explose ! éructa le criminel dans un gargarisme moins proche du rire que de la quinte de toux.

Puis, dans les souvenirs d'Anna, il y eut un premier choc. Un deuxième. Et une suite d'autres occasions pour le sol d'imprimer son visage. Plusieurs fois elle réussit à reprendre le contrôle pour se protéger grâce au Durcissement... mais cela n'arriva qu'à deux reprises uniquement. Alors bientôt elle se sentit sur le point de défaillir, quand un énième choc semblait sur le point d'en finir avec les os de son crâne qu'elle voyait déjà se fissurer.

Non.

A force d'être cogné, le cerveau de l'agente finit par lui renvoyer la vision du cadavre de Chang en train de sourire malgré son état déplorable. Une image qui déclencha en elle l'apparition de sentiments puissants : la haine, la colère, la tristesse... et l'horreur. L'horreur de perdre face à un tel monstre qui en avait fait baver à bien plus qu'elle-même ne l'avait fait dans toute sa vie. Et pourtant la CP9 n'était pas un enfant de cœur, mais elle ne pouvait pas laisser un tel criminel continuer à exister. Ce qui suivit fut alors un enchaînement d'événements presque inexplicables, puisque Anna elle-même n'en eut pas totalement souvenir. Elle sut que, quelque part, son fruit du démon s'éveilla brutalement en elle de façon encore plus puissante, dévoilant une part de son pouvoir qu'elle n'avait pas exploité jusque là. Mais pas seulement.

Car la dernière fois où le visage de la belle vint rencontrer le sol, ce fut ce-dernier qui écopa des dégâts en rencontrant sa peau sombre. Entièrement sombre, sans aucune tâche, aucunement clairsemée d'épiderme rose ou blanc. Et il en allait de même pour le reste de son corps : la cheffe d'équipe s'était entièrement enrobée de Haki. Et à celui-ci vint s'ajouter une lueur bleue pourléchant l'ensemble de sa silhouette qui obligea les chaînes et les cordes à desserrer leurs étreintes sous le regard débile d'un McKlayn beaucoup moins hilare.

- C'est... C'est impossible !

Ainsi libéré, le corps de la belle chuta... mais parvint à se réceptionner de justesse sur ses genoux et ses avant-bras. La posture n'avait rien d'incroyable, elle était même humiliante, mais les traits d'expression sur le visage de la blonde n'avaient désormais plus rien d'humain et donnaient un côté véritablement menaçant à sa simple présence.

Hébété l'espace d'un instant, le Commandant reprit ses esprits... mais trop tard. Car un premier coup vint aussitôt se propulser dans son visage. Un coup sismique, cataclysmique et destructeur qui lui occasionna l'enfoncement d'une pommette et quasiment la perte d'un œil.

Le mur derrière lui ne résista pas davantage ; le duo fut projeté dans les airs.

- Je... vais... t'exterminer... parvint à exprimer la jeune femme au regard aussi sombre que sa peau.

Une silhouette brune de la tête aux pieds, si ce n'étaient ses cheveux d'un blanc éclatant, voilà ce qu'elle était. Et si certains de ses mouvements demeuraient handicapés par la migraine intense qui lui comprimait le crâne, probablement commotionné à tous les niveaux, elle ne laissa aucune occasion à son adversaire s'en placer une. Enchaînant Kamisori, Geppou et Soru, l'étoile noire virevoltait dans le ciel nuageux, frappant l'ennemi comme s'il se fût agi d'une pauvre marionnette. Et si l'absence de sol rendait les conséquences du Jishin Kenpo sur l'environnement moins visibles, le ciel parsemé de trous et de fissures laissait comprendre que l'espionne ne donnait décidément pas dans la demi-mesure. Chaque nouveau coup générait un effet supplémentaire dans l'épaisse couche de nuages gris, amenant avec eux une pluie qui se faisait tardive.

Au bout de trois minutes d'enchaînements ininterrompus, le débit subit enfin une baisse de régime qui laissa les deux corps reprendre pieds sur la plateforme en hauteur... qui n'était plus que les vestiges de ce qu'avait été le sommet du phare auparavant. Le bureau du Maire n'existait plus qu'à travers une maigre planche de parquet sur laquelle parvint à prendre équilibre la silhouette féminine, tandis que l'ennemi chutait un peu plus en contrebas.

Contre toute attente, l'ombre noire réussit toutefois à se relever et à brailler une suite de sons incompréhensibles. Des menaces probablement, des insultes très certainement. Il n'avait pas dit son dernier mot, qui fut :

- Engd obb Rowwbzzz1 !

Fusèrent alors comme de véritables feux d'artifices des dizaines, peut-être même des centaines de cordes et de chaînes de tailles, poids, consistances différentes. Toutes enrobées d'Armement, toutes sur le point de transpercer le corps aux couleurs désormais plus communes de l'agente... qui au lieu de chercher à esquiver les coups fit le choix de se laisser tomber en direction des projectiles.

Jamais Anna ne fit alors pareille utilisation du Haki de l'Observation, évitant dans son plongeon chacun des cordons, chacune des mailles pour finir sa course juste au-dessus du visage interdit du pirate, les bras tendus dans sa direction, parallèles l'un à l'autre.

- CH'ETT IMBBOSHIBBBEEEEEEEE2 !!

- Jishin Kenpo, ROKUOGAN !

La détonation fit l'effet d'une centaine de tirs de canons. Les deux poings, recouverts du Haki de l'Armement, atteignirent simultanément la poitrine du pirate pour s'en déloger quasiment aussitôt sous la force du coup, amené à rencontrer la résistance la plus élevée que l'air puisse avoir. L'impulsion généra alors une puissante onde de choc qui se répandit jusque dans les fondations du phare et continua sa route sur la majeure partie d'Alsbrough, soufflant hommes et débris sur son passage.

Grossièrement déshabillé mais toujours debout, McKlayn émit une longue supplique résultant de l'air peinant à rentrer dans ses poumons. Parvenant à survivre grâce à de minimes bouffées d'oxygène, asthmatique à souhait, le presque-mort possédait désormais une marque profonde dans sa chair au niveau du thorax : celle des deux poings de la jeune femme qui avaient déclenché l'une de ses attaques les plus ultimes. Une alliance de toutes ses capacités comme elle n'en avait jamais faite.

Tentée de s'asseoir pour mieux se reposer et mettre un terme au combat en regardant son adversaire, immobile, s'éteindre à petit feu, elle se reprit au dernier moment.

- Je... n'en ai pas... fini avec toi...

Alors, pour le peu de cervelle qu'il devait rester au pauvre homme, celui-ci compris lorsque son assaillante vint récupérer Quart à sa ceinture et le présenter devant son front. Il tenta bien d'émettre une plainte mais cela ne donna rien d'autre qu'un hurlement étouffé. Il n'avait même plus assez de force pour cela. Et la jeune femme commença sa besogne de tortionnaire, profitant des quelques derniers instants de vie pour infliger au mécréant la torture qu'il lui avait fait subir à son collègue du CP9. C'était une promesse qu'elle s'était faite à elle-même et qu'elle comptait bien honorer. Les muscles tétanisés du Maire d'Albsrough continuaient de le porter, ce qui facilita grandement la tâche de l'agente. Elle savait qu'au moment où celui-ci mourrait, son corps refuserait de se maintenir davantage debout et l'entraînerait vers l'arrière... dans le vide. Toutefois l'homme montra une résistance hors du commun, à la hauteur de sa réputation, puisqu'il connut l'enfer sur terre plusieurs bonnes minutes après avoir été intégralement dépecé... avant de perdre mortellement pieds.

Et finir en tâche rougeâtre sur le sol, soixante mètres en contrebas, sous le regard contemplatif de son assassin.

- Bon voyage... en enfer... parvint finalement à dire une Annabella aux portes de la mort, le visage couvert de sang...

...avant de sombrer à son tour dans le vide.


1. "End of Ropes !"
2. "C'est impossible !!"
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J’étais comme qui dirait arrivé au bon moment : Celui de sa chute dans le vide.

- « J’pourrais la laisser crever, non ? »

J’eus un rire. Comme si je pouvais la laisser clamser comme ça… Alors que son corps tombait et menaçait de s’écraser piteusement au sol, j’avais fait usage de soru et geppo pour récupérer la Cipher Pol dans mes bras, tel un prince charmant. L’atterrissage avait fini en douceur, tout juste à côté de ce qui restait de son adversaire. Une personne normale aurait automatiquement gerbé en voyant une telle carcasse. C’était digne d’un film d’horreur. Moi, tout ce que j’avais fait, c’était de soupirer avant de quitter les lieux. D’ailleurs, ce qui restait du phrase ne tint plus. Le tout s’effondra dans un fracas assourdissant alors que je déguerpissais de la zone à coups de soru. La bataille était pour ainsi dire terminée. Je m’immobilisai à un moment donné pour la contempler longuement et j’en vins à me demander comment je pouvais avoir le béguin pour ce petit bout de femme. Enfin, petit bout de femme… Mouais… L’adage selon lequel l’apparence est trompeuse n’aura jamais été aussi vrai qu’avec cette meuf. Qui pourrait s’imaginer que derrière une telle bouille toute mignonne et tout, se cachait en fait un véritable monstre de puissance ? C’était hallucinant. Même moi, j’avais dû mal à y croire. Le Cipher Pol, j’avais beau ne pas l’apprécier, je devais reconnaitre que c’était quelque chose ! Arriver à faire d’une jolie jeune femme une arme aussi redoutable…

- « Maaah… Au moins, c’est terminé… »

Pour l’artificier ? Je n’avais pas eu à intervenir. Cet imbécile avait fait mumuse avec ses bombes jusqu’à ce que son stock s’épuise. Les forces combinées de la lieutenante et de ses sœurs d’armes avaient pesé dans la balance et l’homme avait fini acculé. Muni d’un dernier dispositif, il avait même voulu se faire sauter comme un bâtard et emporter avec lui un maximum de marines, mais la tireuse d’élite, Benett Fhira, une p’tite caporale assez mignonne lui avait logé une balle dans le crâne. Fin pitoyable pour un forban de son calibre. Ces femmes m’avaient en tout cas prouvé qu’elles étaient courageuses, même si elles avaient perdu un peu moins de la moitié de leur effectif. De soixante demoiselles, on passait à quarante, voire même une bonne trentaine. Sévère. C’était après la mort du kamikaze que j’avais senti des secousses effroyables et que j’avais enchainé soru sur soru pour finalement arriver à la toute fin du combat. J’aurai pu me question sur l’état de l’ennemi de l’albinos, mais je préférai finalement ne pas me triturer les méninges pour rien. Elle était du CP9. Ce simple fait expliquait tout ou presque : Les CP n’étaient pas des groupes d’enfants de cœur et pouvaient commettre les pires atrocités de ce monde. Préjugé, mais fondé. Des tarés mais du bon côté de la ligne quoi. Presque risible. Ces pensées me firent ricaner avant que je n’arrive vers mes hommes.

- « MAIS HÉ ! MAIS REGARDEZ DANS LES BRAS DU VICE-AMIRAL ! »

A peine débarqué que quelqu’un avait gueulé en me pointant du doigt sans gêne : La bonasse aux gigantesques bras robotiques. Ses copines (Toute la division d’intervention Carter restante quoi) fixèrent la personne dans mes bras, de loin, avant que des exclamations ne vrillent mes tympans. Et puis, comme de sauvages groupies, la plupart de ces meufs foncèrent sur moi en gueulant des trucs que je ne pris même pas la peine d’essayer de comprendre. Qu’est-ce qu’elles me faisaient là ? Solidarité féminine ? C’était poussé loin quand même si elles devaient s’émerveiller devant chaque femme sauvée. Mais très vite, mes suppositions furent vite balayées par une seule phrase toute simple : « Y’a pas de doute, c’est le commodore Holmes ! Vous auriez pu nous dire que c’est elle qu’on venait aider, amiral ! » Surpris ? Oui. Presque sur le cul même. Parce que je ne m’attendais pas à ça. C’était quoi cette histoire de commodore ? Une question que je me posai tout en observant la CP9. Je haussai un sourcil et reportai mon regard sur les meufs autour de moi qui semblaient avoir des étoiles plein les yeux, avant de leur passer le corps de l’albinos et de me soustraire de toute cette masse fanatique. Une couverture hein ? Ou bien savaient-elles la vérité sur celle qu’elles idolâtraient ? Dans le doute, je préférai ne rien dire et me dirigeai vers mes hommes, non sans me rallumer une clope.

- « Qui était-ce dans vos bras ? Ces femmes semblent assez heureuses… » Me questionna Hermest une fois que je fus à proximité.

- « Une commodore. Holmes qu’on l’appelle… »

Après ma phrase, j’eus un rire moqueur en posant mon cul sur l’un des nombreux gravats du coin, pendant qu’un toubib de ma flotte se précipita vers moi après avoir vu la gigantesque blessure que j’avais à l’épaule. A l’ouïe de ce nom, l’un de mes hommes vint à m’expliquer ce qu’était la commodore Amanda Holmes. Elle avait fait la une à un moment : Ses prouesses à Strong World, son ascension fulgurante au sein de la hiérarchie tout ça… Une p’tite génie quoi. Le sous-officier qui en parlait était presque tout rouge. Il ne manqua pas de louer également sa beauté, tout ça. Un discours bien rodé qui faillit m’arracher un fou rire. Enfin, il n’avait pas tort sur un point : Elle était jolie, Annabella. Ça, personne ne pourrait le nier. Ce qu’il ne savait pas, c’est qu’elle était une CP9 bien spéciale dans son genre. Par la suite, j’entendis encore plus de cris joyeux venant des carter. S’était-elle réveillée ? Bwarf. peu importe… « Trouvez-moi des bâtiments qu’on peut utiliser et dites aux gars restés sur les navires d’accoster au port de cette foutue ville. On va établir un camp provisoire. Qu’une équipe récupère les corps de nos camarades. Qu’une autre contacte nos dirigeants. On avisera ensuite. » Le tout était de panser les blessures, d’enterrer dignement nos collègues et d’attendre les consignes venant d’en haut, vu que l’île était maintenant « nettoyée ». Dure la vie de marine…
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On dit d'elle qu'elle s'était réveillée après la bataille, mais elle n'en garda pas souvenir. Pratiquement concassée, sa tête lui avait joué plus d'un tour, toutefois elle s'en était sortie. Miraculeusement, non : grâce à l'apparition éclair du vice-amiral venu la réceptionner. Celui-là... Elle avait bien failli rejoindre l'enfer dans lequel elle avait entraîné son ennemi, aussi ironiquement que ça pût être. Et il s'en était fallu d'un cheveux.

- Un sacré brin de femme, c'est certain.

Alitée, bordée et chouchoutée, l'agente pouvait toutefois sentir les remous sous la coque du navire. Elle en reconnaissait les moindres détails et avait parfaitement pu identifier sa cabine. Elle savait où elle se trouvait, mais ne comprenait pas pourquoi. Et y réfléchir lui faisait mal.

- Je n'ai jamais vu personne survivre à des blessures pareilles. C'est hors du commun...

Son visage la faisait douloureusement souffrir. Mais le pire était le sommet de son crâne qui semblait comme avoir pâti de la chute d'un piano. Des bandelettes en parcouraient soigneusement le diamètre, descendant jusqu'à ses oreilles incluses. Les voix semblaient ainsi parler à travers un filtre légèrement muet que la jeune blonde n'appréhendait pas. Elle était, elle aussi, heureuse d'être entourée de visage familiers. Encore un coup d'Alvaro ça, c'était sa marque de fabrique : les petits détails. Toutefois...

- Non... Ma Commodore, vous êtes censée rester allongée !

- Qui... donne les ordres... ici, Colonelle ? parvint finalement à grommeller la silhouette ridiculement recroquevillée, mais toutefois bien sise sur son derrière désormais.

Le lit était confortable, mais même son moelleux semblait douloureux pour la blessée. Elle luttait à chaque instant pour effectuer des mouvements simples sans rendre le frêle contenu de son estomac. Puis elle parvint enfin à lever la tête pour dévisager ses visiteuses.

- Où sommes-nous ?

Ce fut Browneye qui répondit du tac au tac, les mains occupées par un livre comme de coutume, l'esprit ailleurs mais toujours aussi vif.

- Ouest de l'île ma Commodore. Nous mouillons dans le port jouxtant la Capitale, à proximité de ce que l'on appelait il y a peu encore le "Seizième", il semblerait.

- J'ai encore du mal à croire que vous ayez fait tout ça. Et pourtant je vous connais... enfin je crois. se permit d'ajouter Vasilieva.

Son regard se voulait suspicieux, peut-être même goguenard. Elle savait quelque chose, ce qui était logique. Leur dernière mission sur les Pythons lui avait donné matière à réfléchir sur l'identité de sa supérieure, mais les raisons de sa présence dans les environs d'Arcadia avaient parfait l'idée qui avait commencé à germer dans son esprit quelques semaines plus tôt.

Anna soutint toutefois le regard de sa Lieutenante du mieux qu'elle put, et dieu savait à quel point ce fut une tâche ardue. Puis elle fut tentée de congédier Browneye pour en savoir plus sur les sous-entendus de la brune... avant de se rendre compte que cela devait être vain. L'intellectuelle devait avoir percé le secret de la Commodore et ce depuis son affectation à bord de la 346ème. Le genre de femme qu'il ne fallait pas sous-estimer mais qui s'avérait douée pour garder le silence lorsque les circonstances n'avaient rien à offrir dans le cas contraire. Maligne, elle avait les yeux qui pétillaient de malice en comprenant que sa place ne serait pas dehors pour la discussion qui allait suivre.

- Que croyez-vous, Elga ?

L'appellation de l'officière par son prénom rendait la chose à la fois moins solennelle et plus menaçante. Celle-ci plissa les yeux avant de prendre la parole. Chaque mot était soigneusement mâché pour ne pas prendre de risque : dire la vérité n'était pas dans son intérêt, mais la Lieutenante-Colonelle n'avait jamais pu se résoudre à vivre autrement. Mais elle acceptait, toutefois, car chacun avait ses petits secrets. La Commodore avait les siens ; elle aussi.

- Commodore, si je puis me permettre, je pense que vous êtes un agent du Cipher Pol et que la dénommée Amanda Holmes n'est qu'une couverture parmi... tant d'autres.

L'albinos, tassée contre son oreiller, gardait les yeux rivés sur son interlocutrice. Verra ne broncha pas un seul instant, élément du décors comme un autre : seule la tournure d'une page rappela sa présence l'espace d'un bref instant. Un long silence parcourut la pièce du capitaine avant que Annabella ne se décidât à s'humecter les lèvres et répondre d'une voix neutre et sereine :

- Oui.

Aussi simplement que cela. Elle n'avait pas à en dire plus mais elle ne pouvait se résoudre à en dire moins : la loyauté de ses femmes était en jeu. Bien évidemment, seules les deux têtes pensantes de la 346ème Carter étaient désormais au courant... et l'agente veillerait à ce que le mot ne se propageât pas. Toutefois, c'était bel et bien de ces deux femmes que découlaient les ordres de la Commodore, une force que la blonde souhait conserver le plus longtemps possible.

Cette couverture était, de loin, celle qu'elle préférait le plus. Une opportunité d'avoir une vie simple pour une espionne habituée aux intrigues compliquées. Aussi mit-elle les formes pour briser le silence qui ponctua longuement son aveu.

- Cela vous pose un problème, Colonelle ?

Celle-ci sembla soudain retirée de ses pensées, comme si la réponse de sa supérieure avait apporté de l'eau au moulin de ses réflexions.

- Aucun ma Commodore. J'estime qu'il est de bon ton de savoir aux côtés de qui l'on va  se battre.

- En voilà une tête bien pleine dans un corps saint. songea Anna tout en retrouvant progressivement la mobilité de ses membres.

Comme d'habitude, la vitesse de rétablissement de la jeune femme relevait de l'extraordinaire, mais certains métabolismes fonctionnaient mieux que d'autres. C'était le seul argument qu'avaient pu lui balancer les médecins s'étant penchés sur son cas. Seulement vingt-quatre heures s'étaient déroulées depuis la mort du Commandant des Sunset et Browneye avait déjà pu attester de la rapidité de la convalescence : les os de l'albinos reprenaient sûrement leurs place et avaient déjà commencé à se ressouder naturellement. Son diagnostic était simple : d'ici moins d'une semaine, celle-ci pourrait à nouveau être en état de se battre comme si de rien n'était.

- Une bonne leçon que certains feraient bien d'apprendre. fit la jeune femme, désormais occupée à déplacer les draps pour essayer de quitter le lit ; sans surprise, son corps endolori était pratiquement nu sous la couette.

Aussi, son adjudante qui comprit qu'il était inutile d'insister davantage pour que sa supérieure regagnât sa couche vint lui porter une main secourable... et quelques linges propres. Il leur fallut du temps, mais au bout d'une dizaine de minutes l'officière était à nouveau présentable... dans des habits plus seyants.

Sa tenue de Commodore, agrémentée de l'épais manteau blanc où étaient stipulés les légendaires glyphes signifiant "Justice" dans le dos. Seuls les bandages faisaient tâche sur le portrait tiré par l'officière.

- Bien, je crois que nous avons fait le tour du sujet. termina-t-elle finalement d'une voix déjà lasse et rodée. Évidemment, tout cela reste entre nous, n'est-ce pas ? S'il-vous-plaît, Colonelle, lâchez-moi le bras, je peux encore avancer toute seule... Oh et Lieutenante Browneye ?

- Ma Commodore ?

- Veuillez envoyer une missive au Vice-Amiral Fenyang. Faites ça vite et dites-lui... dites lui que je suis en chemin.
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