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Ma copilote pour une virée en enfer

J'entends des hurlements gicler de l'arène, des olés et des cris de babouins fous. En tendant l'oreille, je distingue en plus quelques craquements, d'os sûrement, des colonnes vertébrales qui se font nouer ou bien des genoux moulus à la hache peut-être.

C'est bizarre j'ai l'impression de me réveiller à nouveau à chaque fois que je cligne des yeux. Mon corps est creux, glacé, et muet. C'est enrichissant de naître en mourant en même temps. On a l'impression d'avancer dans un rêve, où tout est léger, où rien n'a d'importance, où les flaques de sang qui éclaboussent le bas de mon froc sont des salissures anodines. C'est comme planer, c'est comme être drogué, mais expérimenter des sensations beaucoup plus franches et pures. Mourir, c'est le pied.

Dead End, ça s'appelle. Il paraît qu'ici tout le monde est un peu mort de l'intérieur ! Mais ils pourront pas être plus morts que moi. Rien ne peut être plus cadavérique que moi car je suis le centre du monde, et le monde est un énorme cimetière plein de condamnés en sursis. C'est le bédouin du désert qui me l'a martelé à Alabasta.

Il avait raison. La Mort, c'est chouette à vivre. Rien n'a d'importance...

Pas même cette agression à mains armées d'un pauvre type en guêtres à l'entrée d'un hôtel sans nom.

J'les ai pas ! J'les ai pas !
Bien sûr que tu les as gardés !

L'un d'entre eux a une hache, l'autre un tesson de bouteille. La victime est désarmée, juste munie de ses poings ensanglantés bariolés de poudre d'os. Sa vie risque bien de cesser d'une seconde à l'autre, et pourquoi ? Pourquoi ces deux psychos aux traits porcins vont le saigner comme un drôle de cochon humain ? J'en sais rien, et alors, je m'en fiche, c'est pas ma vie, vu que j'en ai plus.

Oui, c'est une bonne façon de penser. C'est une façon de penser qui fiche la paix.

GRAAH !

Son sang est écarlate. Quelle chance ! Le mien est boueux.

Je sais pas trop où aller. Il paraît que je pourrais trouver des réponses ici. Dans l'arène. Le bédouin du désert d'Alabasta m'a dit : se battre, transpirer, saigner, s'exténuer pour protéger sa chair, c'est égal à Vivre, ça pourrait me réapprendre à Vivre. Mais je sais pas si je suis encore capable de faire tout ça.

Je fais le tour de l'arène. Avant d'y faire quoique ce soit, j'aimerais essayer de dormir. Mes paupières pèsent, lourdes de pus et de fatigue.
Mais je veux pas d'un hôtel devant lequel on se fait poignarder.


Dernière édition par Doppio le Ven 24 Fév 2017 - 21:43, édité 2 fois
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Eh, en fait il les avait pas.
Oups...
Pas grave. On aura essayé.
Nadia va devenir folle ! Ces contrats c'est toute sa vie !
Ben écoutes, on fait ce qu'on peut.
Je me demande comment autant d'intestin peut tenir dans un seul petit ventre tout sous-alimenté comme le sien.
Je sais pas du tout. On demandera à Nadia.
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Bonjour je voudrais une chambre.
Ça fera un million de berrys.
C'est cher non ?
Pas vraiment, le berry c'est pas une monnaie très forte mon pauvre monsieur.
1 000 000 c'est pourtant un grand nombre. Si vous comptiez H24 de 1 à 1 000 000, vous en auriez au moins pour une semaine.

C'est l'auberge la plus luxueuse de l'île, sûrement, je le sens parce que les bougies qui s'élèvent du comptoir sont toutes parfumées, et que le vieillard croûteux qui m'adresse la parole porte un déguisement de groom.
La clientèle est moins classe, par contre.

-Tu te bouges le poiscaille ?! Y en a qu'ont une cuite à décanter !!
Faites la queue, comme tout le monde. Je bavarde avec le monsieur.
Si vous voulez mon avis, c'est pendant le siècle oublié que le berry a gonflé. Ouaip. C'que veux nous cacher le gouvernement, c'est une honteuse inflation et une hausse catastrophique du coût de la vie.
Inflation, ça se traite avec les anti-inflammatoires c'est ça ?
Les crises boursières ça s'traite avec le soulèvement populaire, vous devriez savoir ça.
Pourquoi je devrais le savoir ?
Z'êtes révolutionnaire, Craig Kamina.

Ah, il connaît Craig Kamina. Me faire confondre avec mon alter ego va devenir routine. Et impossible de faire comprendre au monde que son âme s'est propulsée loin d'ici, dans l'Espace profond, dans le silence et la paix éternelle, mais qu'un résidu de conscience pourri subsiste en son corps.

Je suis pas Craig Kamina, mais son sosie.
Vous êtes sûr ? J'étais prêt à faire une réduc au Grand Craig Kamina. Mais pas à un sosie.
Bon d'accord, je suis Craig Kamina. Vous m'avez percé à jour, bravo.
Sûr sûr ?
Oui.
Prouvez le.

C'est aussi dans mon intérêt de prouver que je suis Craig Kamina, parce que je viens de me rendre compte que j'ai pas la moindre piécette à lui filer, je suis fauché dans tout les sens du terme. Me reste que le talisman doré magique filé par le bédouin du désert d'Alabasta pour stabiliser mon état mort-vivant. Mais c'est magique, il faut respecter.

Même tête, même regard, même corps. Je crois que c'est très rare pour un homme-poisson d'avoir un vrai sosie.
Oui mais rare ne veut pas dire impossible. Vous savez, je connais la vie de Craig Kamina par coeur. Sans me vanter, c'est pas improbable que je sois son plus grand fan.
Considérant le petit nombre de fans qu'il a dans le monde, c'est pas improbable du tout je suppose.
Comment va votre frère ? Lui aussi, je l'adore. Je sais tout de lui.

Mon frère ? Veux-tu dire que mon sale ADN se paye le luxe de s'être répandu deux fois hors de Maman ?

Oui mon frère bien sûr. Il va très bien.
Ça m'étonnerait, aux dernières nouvelles il était devenu esclave et gladiateur.
Ah bon.
Vous ne saviez pas ?
Non !
Mais ça n'a pas l'air de vous choquer.
Ben ça fait longtemps qu'on s'est pas vu. Mais ça me choque oui. Ça me choque dans mon coeur.
Vous ressemblez à Craig Kamina mais vous n'êtes pas Craig Kamina, vous avez failli m'avoir. Votre nom ?

C'est une bonne question. J'ai pas réfléchi au nom que je souhaitais accrocher à ma nouvelle âme. Le bédouin du désert d'Alabasta m'avait appelé Doppio, ça veut dire Double, dans sa langue. Je trouvais ça mignon. D'un niveau de mignon qui correspond bien au désespoir joyeux dans lequel je nage depuis ma résurrection. Ce désespoir joyeux qui me martèle qu'après tout, rien n'a d'importance, et que c'est quand on a tout perdu qu'on devient purement libre.

Libre au point d'avoir le loisir de choisir mon nom.

Doppio.
Doppio. Soit vous payez en avance, soit vous me donnez un objet de valeur en guise de gage.

Je lui donne mon talisman. Tant pis pour la magie, j'ai besoin de dormir.

D-De l'or ?
Oui.
Suite de luxe, monsieur Doppio.
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Je le suis dans l'escalier. Escalier miteux dont les fissures sont planquées sous des tapis bruns. Je sais qu'il y a des fissures parce que ça craque comme si tout le bâtiment allait s'écrouler à chaque nouveau pas que je risque. Sinon, c'est classieux. A chaque pallier il y a un lustre qui distribue de la lumière éblouissante dans le couloir.

Jusqu'au moment où l'escalier ne monte plus, on se retrouve face à un gros 4 et à une porte en un bois différent de la friandise pour termites en quoi le reste de l'auberge est fait. De l'acajou peut-être.

Quatrième étage, suite de luxe. Rentrez, je vous prie.

Je le laisse pousser la porte pour moi. On débouche sur une grande pièce très grande et très vide, avec un lit à balequin crasseux dans un coin, une baignoire avec des seaux dans un autre, une bibliothèque bondée de grimoires verts et marrons dans le troisième, et un canapé dans le dernier. Au milieu de tout ces coins, le néant, un néant gênant comme seul sait l'apprécier un mort-vivant. Je vais me bien plaire ici. Il y a de la place.

Une fenêtre immense de la taille de la porte en face de l'entrée. Ça complète ce fragment de paradis d'une vue sur les poubelles de l'auberge, sur le toit des voisins débordant de sacs de toiles ensanglantés, et tout au loin de l'arène du Crack, lanterne flamboyante sous la lune, qui m'attire comme si j'étais un con de papillon de nuit.

C'est joli.
Merci. J'espère que vous passerez un bon séjour. Vous possédez cette chambre pour une semaine : au-delà, il faudra repayer le même tarif.
Ok.
Je vous conseille de visiter l'arène du Crack demain. C'est l'attraction incontournable du quartier.
J'avais des choses à y manigancer.
Vous venez pour affaires ? Parce qu'un investisseur fait ses courses à Dead End en ce moment, il squatte l'arène.
Drôle d'endroit pour faire des commissions.
Cette île a une économie florissante malgré son apparence de taudis. Il suffit de savoir où creuser pour découvrir d'incroyables gisements d'argent. D'argent sale.
Il cherche des guerriers alors ?
Oui. Vous en êtes un ?
Je sais pas trop.
Ne vous lancez pas dans l'arène du Crack sans vous en être assuré. Avant les amateurs avaient leur place mais depuis quelques mois, le niveau a considérablement monté. D'où les investisseurs.
Hmm...
C'est pas que vous m'êtes désagréable, Doppio, mais j'ai une auberge à gérer. Bonne nuit.

Oui bonne nuit. Il me laisse seul en tête à tête avec la fenêtre. Mes yeux peinent à quitter cet édifice qui s'accapare tout le paysage au-delà des toits. J'irai combattre là-dedans. Mais mon hôte a soulevé une question à laquelle je suis forcé de me bricoler une réponse.

"Guerrier" ça me travaille. Je me demande si j'en suis un. Craig Kamina en était un, mais moi ? Me reste-t-il autre chose qu'un corps marécageux ? Il a raison, je dois pas me lancer à l'aveuglette dans une entreprise de violence avant d'être certain d'avoir les compétences pour la mener à bien.

Trêve de réflexions, il existe plein de moyens très simples de jauger ma hargne. Je sors de ma piaule par la fenêtre car perte de temps de reprendre l'escalier et traverser le hall. J'ai besoin d'une réponse immédiate et claire. Chute de 4 étages, pas bien méchant. Mes jambes s'écrasent en une ventouse boueuse au milieu des ordures. Ça crée un bordel bruyant. Un vacarme métallique éclate tandis que les poubelles s'effondrent une à une comme des dominos. Et à la fin de ce jeu de cymbales, un nouveau son apparaît, c'est une voix. Cette voix sort d'une bouche.

Euh, ça va ?

Cette bouche est fixée sur un visage dur, taillé à l'épée, strié de cicatrices infectées dont sortent quelques bulles jaunes. Les bras sont musclés, à l'air libre, comme son torse nu, j'entrevois un fantastique panorama de biscotos. C'est tout ce que mes yeux sont capables de percer à travers l'obscurité grasse de la ruelle. Mais mon esprit, lui, illumine sans mal mon chemin. Je vais me battre avec ce mec dont la carrure suggère un bon calibre, compter chaque coup que je lui porte et chaque coup que j'encaisse.

Toi. Bats toi avec moi.
C'quoi ton problème ?
Je t'agresse. Donc tu dois te battre avec moi.

J'attrape une carcasse de poubelle vide et la balance sur lui. Il l'esquive dans la plus plate indifférence. Il est le test qu'il me faut.

J'aime pas m'battre avec des dingues.
J'suis pas dingue.
Tu pues la merde et t'as les restes d'une banane pourrie dans les cheveux.
C'est parce que je suis tombé dans les ordures, ça fait pas de moi un dingue. Alors, on se bat ?

Il me tire dans la tête, je l'ai même pas aperçu dégainer son flingue. Je sens sa balle s'infiltrer à travers mon crâne, invitant un courant d'air à la suivre. J'ai le front aéré d'une douce brise. C'est une sensation agréable de recevoir un petit cadeau d'acier brûlant dans le cerveau.

Mon logia me permet d'en profiter.

Ton front vient de bouffer ma balle ? T'as la tête dure.
Non en fait, elle est plutôt molle.
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Toujours en dégainant aussi vite, il fourre des noyaux dans tout mon corps, les jambes les bras le torse la tête alouette. Mais invariablement toutes les balles disparaissent dans mon Bourbier.

Qu'est-ce qui va pas avec ton corps ?!
Je sais pas trop.

C'est un fruit du démon croqué par Craig Kamina le gourmand. Aucune idée duquel il s'agit. Sûrement un zoan de la boue ?
Je décide qu'il est temps d'attaquer, car la meilleure défense c'est l'attaque. Et en plus n'oublions pas que l'agresseur c'est moi.
Je me liquéfie et dégouline vivement dans sa direction. Si je réduis la distance entre lui et moi, il sera à portée de ma curiosité, aka mes poings, car je dois juger du contenu de mes muscles. Ils ont dû commencer à pourrir pendant ma mort, et il vaut mieux être fixé de suite plutôt que face aux toxicos d'adrénaline de l'arène.

Conscient que les crachats de son flingue n'entravaient pas du tout l'envol de la colombe zombie que je suis, mon bienveillant ennemi m'invite à découvrir un nouveau pan de son arsenal en la personne d'un chalumeau incrusté dans la paume de son bras droit.

Et là mon entrain se laisse remplacer par une inquiétude car, il paraît que le feu contre la boue, c'est le feu qui gagne en asséchant la boue. En tout cas mon instinct me sussurre cette astuce car j'aurais pas deviné tout seul.

Mais instinct et réflexes sont deux choses différentes, le temps que je passe à penser à tout ça égale celui qu'il prend à barrer ma route d'une énorme flamme bleue qui siffle une menace.

Ça fait moins le fanfaron, pas vrai ?

Craig Kamina avait peut-être déjà eu affaire à ce type de contre-mesure et avait sûrement trouvé une parade, mais moi je suis pas lui, et sa mémoire est tassée dans un coffre-fort qui me reste inaccessible. Alors en restituant ma forme solide et en exécutant quelques bonds penauds de recul, je me demande, "si je cuis, est-ce que je remeurs ?" mais il vaut mieux ne pas connaître la réponse.

Des tentacules boueuses naissent dans mon dos, affamées. Je les envoie explorer son feu, prendre la température avant de plonger dans le grand bassin. Instantanément elles flambent, réduites en croûtes calcinées, émanant un délicat fumet d'excrément frit.

Mon rival anonyme voit sa témérité gonfler en percevant ma détresse, il fait enfin quelques pas à ma rencontre. Il ne glousse pas, ne ricane pas, affiche juste un sourire agacé, ceux qu'on fait aux enfants en quête de reconnaissance.

Pas bête, moi j'ai déniché une riposte, je shoote dans une poubelle pour lui envoyer à la tronche lorsqu'il ne se tient plus qu'à une sixaine de mètres devant moi.

Encore ?!

Il pare de nouveau avec son bras droit, son plus solide vu que truffé de ferraille chauffée à blanc. Pendant une seconde et demie, la flamme s'élève loin de moi, assez pour contourner son bras et me retrouver à portée de cogne.

Alors je le cogne...


Dernière édition par Doppio le Mar 28 Fév 2017 - 23:32, édité 3 fois
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Miss Nadia !
On a pas retrouvé ces papelards qu'on vous a volé.

Femme aux cheveux bleutés et au regard glacial. Elle fixe les hommes de main en souriant.

Pas grave, le gars que je dois rencontrer aujourd'hui n'est pas du genre à tenir aux formalités. Je suis pas sûre qu'il sache tenir un stylo.
Ben oui mais bon.
Vous nous avez envoyé en mission et on vous rapporte rien. On mérite d'être punis non ?
Puisque je vous dis que c'est pas grave !
C'est qu'on a l'impression de servir à rien quand on échoue et que vous gueulez pas.
C'est pas qu'une impression.

Nadia aimerait bien trouver un copilote plus compétent qu'eux pour la diriger vers les montagnes d'or.

Vous allez faire quoi ?
Attendre Tonio.
Tonio l'Allumeur !
Conquérant des Coeurs !
Hérault de la Peur !
Tonio l'Allumeur !
Oui, Tonio, quoi.

Surtout leur manie de réciter des slogans qui est très agaçante.
Tonio est un champion de l'arène de Dead End, un multivainqueur habile en armes lourdes qui font pam, boum et froutch dans un déluge de feux d'artifices.
Car c'est également un pyromane averti !

Le monde est quand même vraiment petit, car avec Tonio déboulera celui qui deviendra le nouveau chouchou de Nadia.

Dites on se demandait, vous savez comment ça tient dans nos bides tout cet intestin ?
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J'arrive pas à rassembler dans mes souvenirs les évènements qui m'ont poussés à me retrouver effondré à l'envers contre un mur couvert d'une doublure de moisi dans laquelle j'ai imprimé ma silhouette. Ça s'est passé très vite, je l'ai cru proie à un instant où il ne l'était pas du tout, résultat je me retrouve les os en poudre et des geysers de sang fusent un peu partout de sous mes écailles.

La défaite a un goût très rance lorsqu'on la mélange à l'orgeuil. Je croyais que ma nature marécageuse me rendait invincible, j'ignorais qu'on pouvait toujours trouver plus invincible que nous.

Mon bourreau affiche un air satisfait avec une pointe de désintéressement au coin, comme si écraser des moucherons bruyants tels que moi faisait partie de sa routine. Mon test a tourné de façon catastrophique, j'ai découvert que j'étais une merde et qu'en plus ce type allait probablement tirer la chasse d'eau pour m'envoyer peinard visiter les canalisations infernales.

Forcément parler d'Enfer a aucun sens quand on est déjà mort une fois et qu'on a même plus d'âme pour qui craindre. Si ça se trouve, l'Enfer, c'est de là que je viens.

Si tu me tues, je reviendrai pour te hanter. J'ai déjà arpenté les sentiers de l'au-delà, j'saurai faire demi-tour.

Ah mais pour hanter, il faut aussi une âme non ? Merde, cette course au néant commence déjà à me fatiguer.

Tu te bats pas trop mal, pour un amateur.
Je suis prêt à t'épargner si tu acceptes de venir répandre ton sang dégueulasse dans l'arène du Crack.


Il me saisit par une guibole pour me secouer, provoquant une neige mêlée de détritus, de moisi et de sang autour de moi, ensuite me lance sur le sol derrière lui avec l'espoir que j'accepte de me hisser sur mes deux jambes. Mais je reste affalé, préférant contempler mes dernières forces plutôt que de m'en servir. Je savoure ma situation.

On manque de bons bizuts en ce moment, la plupart arrivent même pas jusqu'à l'arène et crèvent dans les vestiaires. Tu te rends compte ? Mourir ailleurs que sous les huées de la foule, quelle misère !

Je noie des mots dans le marais de sang et de boue qui s'est formé dans ma gueule. Ils voudraient sortir mais s'entassent sur ma langue. Une étincelle dans mon esprit incendie chacun de mes muscles engourdi. Je plante mes ongles retournés dans le mur de mon hôtel, son bois doux m'aide à me relever. Hop, je tire dans le même temps un gros mollard bouillant sur mes godasses, faisant la vidange de mon palais. Enfin, la voie est libre pour ma requête.

Tu veux bien me frapper encore ?

Il a l'air étonné.
C'est parce qu'il est pas à ma place.
Jusque là je sentais rien. J'étais froid. Endormi. Enfermé dans un cercueil de chair putréfié. Je percevais les sons comme des mélodies distordues et agressives, mais elles ne me faisaient pas souffrir parce que la souffrance est inconnue à Doppio. Craig Kamina était partenaire de la Douleur, mais elle n'était pas capable de se faire entendre de Doppio. Ajouté à ça ce fruit du démon qui m'interdisait de pisser le sang !

Sans Souffrance, une conscience n'est rien d'autre qu'une mauvaise blague sans chute. C'est la Souffrance qui transporte, qui transcende, c'est la Douleur, physique ou morale, qui inspire l'Art et motive l'Invention. Les seules paquets d'organes et de carbone qui se permettent d'ignorer la Sainte Souffrance sont les Morts.

Je croyais être condamné à vivre mort.

Mais tout les robinets de mon corps sont ouverts, je suis couvert de cascades de sang, j'ai l'impression d'irriguer chacune de mes écailles de ce douloureux breuvage. Oui douloureux. C'est perçant, c'est strident, ça envahit chacune de mes cellules. Je redécouvre la SOUFFRANCE, elle me catapulte au septième ciel. De ces hauteurs, tout paraît encore plus minuscule qu'auparavant, c'est comme si j'étais l'entité la plus légère de cet univers.

Libre et intense.
Absolu et complet.
Durant une pincée de secondes, alors que mes plaies criaient à l'unisson, je me régalais de leur symphonie.
Mais déjà tout ce Mal est en voie d'extinction. J'ai moins Mal. Le Mal s'ennuie et va partir. Je veux le garder.

Je sais pas comment tu as fais pour me frapper. Fais-le encore.
T-Tu as mouillé ton froc ?!
C'était vraiment, vraiment bon.
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Il me trimballe fier de sa prise, prétendant m'accompagner vers un avenir radieux. J'y crois pas trop. L'arène c'est pas radieux. On y distribue de la violence au pechenaud qui a payé sa place pour avoir sa dose de frissons. On fait dans le service public. Dans le fond c'est sympa, ça apaise la populace et lui évite d'avoir à se soucier de réfléchir. Elle n'a qu'à s'asseoir et regarder des pauvres types se farfouiller les entrailles sur le sable brûlant.

Mais c'est pas "radieux". La gloire qu'on récolte à l'arène pourrit aussitôt qu'on quitte le camp des vainqueurs. J'suis pas assez con pour croire au contraire.

Mais je m'en fiche ! Je veux rentrer dans l'arène pour me laisser emporter dans des tornades de douleur. Que les humiliations fissurent mon âme tandis que les coups m'arrachent des écailles. Que je sente mon sang amer dégouliner sur mes papilles en extase.

Le bédouin du désert d'Alabasta avait raison. Vivre c'est ça. Vivre c'est mourir. La mort, c'est la Vie. Ça marche dans tout les sens.

Tu vas rencontrer Nadia. On connaît pas son nom. On sait pas vraiment qui elle est non plus. Mais elle paye suffisamment bien pour que personne en ait rien à faire.
Elle fait quoi ?
Elle collecte les jeunes talents et les envoie à la boucherie.

J'aime pas la viande.

Il y aura des entraînements, un programme de combats, un salaire à la fin du mois.
Ok.
Si tu te blesses, Nadia finance tes soins avec ton fric.
Ok.
Si tu meurs, Nadia finance ton enterrement avec ton fric, mais ça pose souvent moins de soucis.
Ok.
Ça fait quatre mois que Nadia a ouvert ce business, elle s'est déjà fait des centaines de millions.
Ok.

Je m'en fous des détails moi. Ce qui m'intéresse c'est mon sang sur le sable. Irriguer l'arène. Y voir pousser une gloire malingre. Élever une forêt de gloires malingres dans l'arène. M'y réfugier quelques temps, quelques mois, quelques années, jusqu'à m'être lassé de ces douleurs et partir piocher des sévices ailleurs.

Un menu de tortures sur-mesure.

C'est dire si elle est douée pour parier sur les bons étalons.
Elle organise des tiercés ?
Façon de parler...
Franchement, moi je veux juste me battre et me faire battre. Le reste je m'en tamponne relativement.

Il grimace mais ne dit mot. Qui ne dit mot consent. Et il n'a pas d'autres options que consentir, car il a entraperçu mon potentiel. Mon potentiel de molosse de combat. En guise d'os, je ronge mes propres crocs. Ils repoussent quand ils pètent, ça c'est pratique.

On arrive devant une baraque. Baraque complètement banale. Si Tonio s'était pas arrêté net devant, je l'aurais pas remarquée. Une baraque banale, laide et insalubre.

C'est notre QG !
Votre QG pue la merde.
C'est pas un palace, mais c'est vachement confort et bien équipé, tu vas voir...
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Tu vas m'attendre ici, le temps que je t'introduise à Nadia.
Ouais.

Je vais patienter devant une porte toute aussi pourrie que le reste du bâtiment. Pour une dame qui engrange des centaines de millions, on peut pas dire qu'elle expose son succès.

***
Son bureau est effectivement angoissant de sobriété. Elle n'est pas du genre à fricoter avec les apparats, en plus d'être extrêmement radine concernant les petits extras. Une table, une chaise, quelques casiers desquels dépassent de la paperasse curieuse. Et un néon grésillant au plafond.

Nadia ! Je te dérange ?
Disons que tu as dix minutes avant que tu ne commences réellement à me déranger ?
Je t'amène une nouvelle recrue. Il s'appelle Doppio. Je me suis battu avec dans la rue et il a tout. Une hargne, une verve, un fruit du démon qui fait le show. Il est un peu mou et ne maîtrise pas le haki mais ça doit pouvoir très vite s'arranger après quelques exercices.
Tu sais qu'on est presque complets, là ? Il faut qu'il soit sacrément incontournable, ton bonhomme, pour que je le fasse rentrer dans l'écurie.
Je sais, je sais, mais j'me porte garant. Il est sympa et étrange, il a pas peur de se faire mal. Et puis c'est un homme-requin ! Un homme-requin avec un fruit du démon !
On en a pas des comme ça, effectivement.
Et il m'a dit que l'argent et la gloire ne l'intéressait pas. Ça en fera plus pour toi !
Bon, on verra. Fais-le entrer.

Tonio hurle un caverneux "Entre !" en ouvrant la porte de bois bouffée par un troupeau de termites. Dévoilant le colis surprise. Doppio peut enfin prendre connaissance de la figure que Tonio lui vantait comme plus grande businesswoman de la région ces temps-ci.

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Salut, Doppio.

Il ne lui suffit que de quelques secondes pour prendre conscience que cet homme-requin n'est pas du tout né Doppio.

Craig Kamina. Qu'est-ce que c'est que ces conneries ?
Quoi ?
Oui je l'ai été, mais plus maint...
Tu m'as menti sur ton identité, connard ?
Laissez moi finir, je suis p...
Primé à 105 millions. Tu me prenais pour une conne ? Bien sûr que ta gueule me revient.
Qu'est-ce que tu viens foutre ici ?
Eh bien je...
Tu l'as pas reconnu, abruti ?
Si vous me permettez une objection, je...
Nan mais j'connais pas tout les révos du monde par coeur !
Concernant cela, il s'avère que...

Il m'attrape le bras et commence à me le tordre, me plaque brutalement sur le bureau, ce qui est dégradant vous en conviendrez.

JE SUIS UN SOSIE !
C'est ce qu'on va vérifier. Tonio m'a dit que tu avais mangé un fruit. Fais-moi voir ça.

J'aurais dû garder ce truc en sourdine.
Mais c'est tellement tentant de s'en servir.
J'étale ma palme en petit marais sur le bureau. Il dévore un pot à stylos.

Tocard ! Mes stylos !
Oh non ! Les stylos de Nadia !
Je peux les faire revenir.

Je les fais revenir. Ils émergent tranquillement de leur bain de boue.

Fruit du Marais. Autant dire la carte d'identité de Kamina.
C'est un peu plus compliqué que ça, euh...
Vas-y, expliques.
Craig est mort, et moi je suis Doppio, une seconde personnalité, un amnésique, un revenant, un zombie ou une liche. Je sais pas trop. Vous voyez ? Limpide.
Tu m'as l'air bien vivant, pour un mort.
Oui, on me le dit souvent.
Ceci dit c'est tellement grotesque que j'imagine mal Kamina baser une infiltration sur un baratinage pareil. Et puis, quel intérêt aurait-il à s'infiltrer ici...

Elle m'adresse un clin d'oeil après avoir pris soin de vérifier que Tonio était plus concentré sur le noeud de mon bras que sur sa tronche. Je comprends pas ce qu'elle veut dire.

Tu peux le relâcher.
Ok.
Tu lui as pas cassé le bras, j'espère ?
Non, je crois pas.
Ça aurait été bête qu'il débute sa carrière sur un accident de travail.
Quoi ? Tu l'engages ? Mais c'est un foutu révo ! Et un foutu menteur !
Peu importe les noms et les passifs, si c'est ce qu'il désire et qu'on peut en tirer quelque chose en arène.
Cool.
Par contre je t'aurai à l'oeil. Tout le monde ici t'aura à l'oeil. T'amuses pas à gambader hors des ordres que je te donnerai.
Ça me va.

C'est ainsi que j'ai gagné ma place au paradis.
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Je vais te présenter aux autres.

Tonio dit ça froidement, comme si ça l'emmerdait de m'accueillir sous son toit. Il a pas digéré mon histoire et je lui en veux pas, elle est effectivement un peu trop grasse pour passer sans encombres.

Ils sont tous gladiateurs. Mais Nadia peut réquisitionner n'importe quand pour lui filer des petits boulots d'homme de main, ça fait partie du contrat. Même si dans les faits c'est toujours les mêmes qui s'y collent, huhu.

Il m'amène dans une grande pièce mi-salle de conférence mi-restaurant, avec un comptoir de bar en faux marbre sur lequel le moisi bronze à la lumière des néons grésillants, des tables et des chaises cabossées qui témoignent probablement de la tendance que les gens du coin ont à les balancer à la tronche de leurs camarades, un jukebox qui toussote en gémissant une chanson inaudible, et du monde.

Puis du brouhaha, des ricanements et une ambiance festive qui rappelle qu'on peut habiter dans l'ombre du monde mais être heureux malgré tout. Tout ça est trop chaleureux pour moi, je vais me brûler.

Votre attention les gars, j'amène de la chair fraîche.

Des yeux curieux viennent se poser sur moi.

Il s'appelle...
Doppio.
Mouais. Vous aurez peut-être reconnu Craig Kamina, mais c'est pas lui.

Sois plus convaincu quand tu poses une info aussi capitale !

C'est pas moi.
Présente toi vite fait en quelques mots, puis j'te fais faire un tour de table.
Je m'appelle Doppio. J'aime le combat, saigner, et l'eau gazeuse. A priori je n'ai pas d'âme alors n'hésitez pas à me martyriser.
Bon, ça suffira je crois.

Le premier est un borgne unijambiste maculé de croutes brunes, une vraie glace à la souffrance qu'on aurait envie de lécher.  

Ma copilote pour une virée en enfer 3112efd26433f3f6442c93e826cbe3b3
Lui c'est Bagarre, meilleur barman que gladiateur.
C'est pour ça qu'il lui manque des bouts ?
Je vous emmerde.
Il sert 16 types d'alcool, 8 types de jus et des produits laitiers.
A volonté, mais il faut payer.
C'est moi ou il a que trois doigts à chaque main ?
Tu serais surpris de savoir ce qui lui reste dans le slip.

Qu'est-ce que vous vous racontez en catimini, salopiauds ?
Je lui disais que tu savais faire d'excellents cocktails.
Mouais. Mais faut payer.

Tout à fait le genre d'épave que je deviendrai si je navigue trop longtemps dans mon océan de violence gratuite.
Ensuite on accoste un gars tout vert avec du bambou sur la tête et un strabisme dégueulasse dans les yeux.

Ma copilote pour une virée en enfer Pork_pie_hat_kid
Lui c'est Turo.
Turo.
On est pas encore assez familiers pour que j'te laisse abréger mon prénom. C'est Turokyrkayz'tyuvart pour toi.
A tes souhaits.
Je suis l'deuxième plus balèze ici derrière Tonio. On dirait pas hein ?
Non, on dirait pas.
Tu dois être pas mal doué pour que Nadia t'ait accueilli aussi vite. Il faudra qu'on s'entretue à l'occasion pour mettre à jour le top 3 de l'écurie.
Avec plaisir.
Ses spécialités sont le camouflage et le gobage de mouche. Un vrai petit caméléon.

Il fait rouler ses yeux dans ses orbites à toute berzingue comme pour appuyer le propos de Tonio. J'suis pas fan des reptiles.

La prochaine escale m'est beaucoup plus familière. Une femme-poisson en blouson de cuir et au regard austère qui sème des ères glaciaires.

Ma copilote pour une virée en enfer Asari_by_sirtiefling-d6oddyn
Salut.
Je te prés...
Je suis présidente du SGSDE.
C'est le Syndicat des Gladi...
Syndicat des Gladiateurs Solidaires de Dead End. Le nombre de gladiateurs professionnels a quadruplé en trois mois. Il est important que le cadre de leur métier soit précisément dessiné pour éviter tout débordement et...
C'est très intéressant.
ET QU'ILS prennent dès maintenant le réflexe de se battre pour leurs droits, droits que Nadia a tendance à oublier. N'hésites pas à me voir pour tout conseil juridique et avant de signer le moindre contrat de Nadia, car elle essayera de te blouser. Mais moi j'ai l'oeil, moi j'ai l'oeil !
Je prends note.
Euh... Bref, cette bonne femme, c'est Karla Marx.
Tonio, je n'ai pas encore reçue ta cotisation mensuelle de solidarité active.
Je reviens tout de suite Karla ! Je finis la... la... visite !
N'oublies pas de lui donner les tracts !

Mes droits, je me torche un peu avec. Il est vrai que je suis tombé amoureux des coups de bâtons et ferait un très mauvais défenseur du prolétariat, moi le taré maso et égoïste pour qui l'univers n'est qu'un gros tas de molécules et de consciences étrangères qui gravitent autour de ma petite personne.

On continue le tour de table. On passe à côté d'un petit nain roux qu'on ignore. Lui nous remarque.

Ma copilote pour une virée en enfer Poil_de_carotte___by_walbyx
Eh regarde, eh !
Oui ?
Mon doigt brûle !
Rigolo ça.
C'est Zippade. Il a mangé un fruit du démon.
... C'est le logia du feu ?
Si si !
C'est de l'artillerie lourde ça.
Non, c'est pas le logia.
Si...
C'est le fruit du zippo. Il peut juste brûler ce qu'il y a dans sa main.
Ah bon. C'est un peu naze quand même.
Dis pas ça...

Des larmes commencent à gicler des mirettes du pauvre homme-briquet. Des larmes d'eau sucrées. Si ça se trouve elles pourraient contrer son pouvoir pourri.

Ouais euh...
Désolé, j'espère que je l'ai pas cassé.
Il est assez sensible quand on critique son pouvoir. Mais il faudra bien qu'il admette un jour que c'est complètement inutilisable en combat.
BOUHOUHOUUU !!

J'ai beau avoir un pouvoir visqueux et malodorant à l'allure de chiasse carabinée, il est au moins d'une efficacité redoutable faute d'élégance. Il me correspond en fait si bien que j'en ai l'impression que le Destin l'a gentiment placé dans la bouche de Craig Kamina comme une compensation pour le déluge de merde qu'il lui a fait pleuvoir sur la tête depuis sa plus tendre enfance. Si un scénariste là-haut rédige mes aventures en tapant des mots maladroits de ses gros doigts boudinés sur un clavier poussiéreux, je peux vous affirmer qu'il sait parfaitement ce qu'il fait.

Oh ! Je les reconnais eux. Je les avais aperçus en train d'éventrer quelqu'un devant un hôtel pas plus tard qu'hier soir. Que le monde est petit.

Je te présente Noël et Halloween.
Les deux sous-chefs de l'écurie !
On est un peu les deux héros de Nadia ! Ceux qu'elle envoie lorsque la situation semble désespérée !
Eux étaient si mauvais et méprisés à l'arène qu'ils font maintenant uniquement le boulot crade. Si tu as toi-même quelques petites affaires salissantes à régler, considères les comme des gants que tu peux enfiler pour éviter de t'en foutre partout.
Elle met pas trop en valeur notre ingéniosité cette métaphore...
On est les hommes de l'ombre, inconnus et indispensables !
Des molosses quoi.
On va réfléchir à des comparaisons plus flatteuses.

J'aurais envie de leur demander comment ça fait de poignarder de sang-froid quelqu'un sans défense, à quel niveau grimpe la sensation de puissance, si l'hémoglobine fusante du bide de la victime fait office de douche bien chaude purifiant l'âme.

Mais ça serait pas trop courtois j'imagine. Je suis très au fait des conventions sociales.

Voilà. Tu as vu tout le monde.
Je vous pensais plus nombreux.
Mais on est les meilleurs de Dead End. Sans déconner. Cette petite troupe est la deuxième régionale, Turo, Karla, Zippade et moi sommes de vrais caïds dans l'arène ! Et on est bien partis pour conquérir la première place dans les prochains mois, ainsi que les coeurs des petits comme des grands. Je me suis pas vraiment présenté, en fait. Je suis la star de cette salle, le numéro 1. Si j'ai si bien réussi, c'est que j'associe mon esprit guerrier à mon sens du spectacle dans une synergie EXPLOSIVE ! Si tu veux en savoir plus sur moi, hésites pas à me poser des questions, j'adore les interviews.
Je t'ai vu te battre, ça me suffit.
Hinhinhin. Je suis sûr qu'on s'entendra bien, toi et moi, Doppio. Sauf si tu mijotes quelque chose qui va à l'encontre des intérêts de ma petite famille.
Si c'est le cas, je t'assure que je te cuirai à la broche. La friture de poisson, c'est mon péché mignon.

Il éclate de rire. Moi aussi, sans trop savoir pourquoi. Sûrement parce que j'avais quelque chose dans la gorge qui me démangeait.
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Les jours suivants, nous apprendrons comment faire durer un combat pour prolonger le spectacle.
A casser des os en maximisant le son qu'ils produisent malgré l'insonorisation apportée par la chair humaine.
A dépouiller des cages thoraciques comme du papier cadeau et à vomir sa rage à l'intérieur.
A repeindre de sang le sable de l'arène harmonieusement, le public aime quand ça laisse des motifs. Chacun a le sien ici : Tonio dessine des flammes de sang, Karla dessine le sigle de la SGSDE en sang, Turo gribouille des lézards de sang. Je pensais que moi, j'essayerais de peindre mon profil en sang, mais c'est peut-être narcissique, ça ferait mauvais genre.
Et puis forcément on apprend à encaisser les pires atrocités sans laisser s'échapper la moindre grimace.
Parce que les grimaces sont marques de faiblesse.
Le public abhorre les grimaces, le public les interprète comme synonymes de "je suis une fragile brindille sous une moissonneuse-batteuse, je me plie et je me brise sans dignité"

Je suis moi-même cette brindille !
Pourtant je ne grimace pas.

Je suis Doppio, Empereur du Sang, de la Boue et du Fun.
Et Nadia est ma patronne.
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