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L'infortune comme compagne

Non loin de la plage de Kikai no Shima, sur la mer, un tonneau de rhum flotte avec tranquillité. Etant maintenant proche du rivage, le récipient d’alcool ne se déplace plus vraiment. Il faut dire que le courant n’est plus très fort et qu’il contient une cargaison très lourde qui nécessite un minimum de vagues. Cette cargaison n’est autre que Le Landstorm, le vieux frère de la côte somnole, imperturbable, dans un tonneau qui peine pourtant à soutenir son poids. L’équilibre y est pourtant impeccable, il faut dire que ce marin né semble en mesure de maintenir à flot n’importe quel esquif  et ce même s’il est complètement endormi.

Le marin finit pourtant par se réveiller. Mollement ses larges narines s’emplissent davantage de l’air marin. Cette sensation suscite aussitôt une joie parfaitement traduisible par un sourire qui se dessine sur son large visage. Il finit par ouvrir un œil pour regarder autour de lui avant de le refermer ; souhaitant terminer paisiblement sa nuit. Cependant, ce qu’il vient de voir le travail. Ne venait-il pas de se voir sur la mer alors qu’il était sensé se réveiller non loin des héritiers, dans une taverne de Rokade où l’alcool y était mauvais mais puissant ? Il ouvrit de nouveaux les yeux qu’il écarquilla finalement.

- MORDIOU !


Bien qu’il ait passé la majeure partie de sa vie sur les Blues, il ne connaissait pas cette île qui s’érigeait devant lui. Ce vent lui semblait tourner différemment également. Et à y regarder avec davantage d’attention, les vagues elles-mêmes semblaient se comporter avec nouveauté. Enfin, comble de l'improbable, il siégeait dans un tonneau en pleine mer !

- CAP DE DIOU ! Cette cuite m’a tout l’air de m’avoir bien cogné la tête. Sang-dieu, je ne reconnais même plus cette Blues ! Et qu'est-ce-que je fous ici !?

Landstorm se jeta finalement à l’eau et fut sur la plage en quelques instants. Ce nageur expérimenté avait prit le soin de ramener avec lui le tonneau de rhum car un marin n’abandonne jamais son embarcation à la mer si aisément. Arrivé sur la plage, il comprit vite que ce n’était pas une île des Blues et surtout pas Rokade.

- Je n’ai jamais vu cette île ! Qu’est-ce que c’est que cette sorcellerie !

Tout en s’exclamant, Benjamin mit la main à la poche de sa veste pour y chercher machinalement sa pipe. En lieu et place il y trouva un parchemin à l’écriture bien reconnaissable.

- Un coup de cet infâme Brixius ! Le mystère s’éclaircit ! AH LE COQUIN !



Baron Balthazar B. Brixius a écrit:ALORS, VIEILLE ÉPAVE, TU T'ES ÉCHOUÉ LOIN DE TES RÊVES ?
COMME TON FUMET DE SQUALE SÉNILE M'HORRIPILAIT AU-DELA DE TOUTE RAISON, j'ai profité durant notre fête de ta ridicule ivresse pour distiller de la PARESSE dans le répugnant breuvage alcoolisé dont tu gorgeais tes organes.
Après m'être assuré que Morphée t'avait convenablement happé, j'ai enfoncé ta carcasse maladroite dans ce toneau, ce qui ne fut pas de tout repos compte tenu de ta proéminente masse corporelle. J'en retire un ATROCE LUMBAGO que je m'appliquerai à te faire rembourser de ton âme si tu venais à revenir souiller mon épopée de ta présence.

POST-SCRIPTUM : JE SAIS QUE TONNNEAU SE SCRIBOUILLE AVEC DEUX N, J'AI VOLONTAIREMENT FAUTÉ POUR ME GAUSSER DES ÉVIDENTES LACUNES EN ORTOGRAPHE PROPRES A LA BASSE CASTE TEL QUE MAMAN ME L'A CONSEILLÉ.
POST-SCRIPTUM DEUX : J'ai piégé ce message en fourrant son papier du raffiné péché de la LUXURE. ENJAILLES-TOI BIEN.

Cordialement, dans l'expression de mes sentiments les plus sincères,
Baron Balthazar B. Brixius.
j'eSPERE QUE TU NE LIRAS JAMAIS CE MESSAGE ET QUE TA CHAIR AVINÉE EST AUJOURD'HUI SERVIE EN GRAS BANQUET AUX ABYSSES HURLANTES

Cordialement, dans l'expression de mes sentiments les plus sincères,
Baron Balthazar B. Brixius.


A mesure que Landstorm lisait la missive, sa bouche commençait à former une moue de dégoût qui en disait long. Lorsqu’il arriva au passage sur la luxure, il jeta la lettre au sol.

- PALSAMBLEU ! AH LE TRAINE-POTENCE ! TCHOUK-TCHOUK-NOUGAT !

L’agacement était totalement compréhensible, le marin connaissait bien le fruit du démon qu’avait ingéré l’infâme Baron Brixius. Avec celui-ci, le fieffé coquin était en mesure d’insuffler des vices au plus honnête marin qui soit. Le choix c’était manifestement porté sur la luxure, ce qui ne présageait rien de bon. Et effectivement, l’effet fut quasi-instantané. Benjamin posa son regard sur le tonneau de rhum qu’il venait de quitter. Il lui trouva une nouvelle forme d’attirance, ces courbes généreuses, ce bois si habilement travaillé, cette odeur de rhum mêlée de sel marin.

- Mordiou, le beau tonnelet que voilà.


Il s’en approcha, caressant avec douceur les aspérités du bois.

- La mer est mon premier amour mais foutre dieu ! Je me damnerai bien quelques heures avec toi !

La scène devint réellement gênante lorsque le massif Benjamin décida de littéralement besogner le tonneau. Le pantalon au niveau des genoux, torse tourné vers la mer, il semblait assouvir un pêché de luxure particulièrement virulent.

Malheureusement, au même moment une patrouille de la marine venait d’arriver sur la plage. Les soldats complètement désabusés arrivèrent sur Benjamin avec une célérité rare. Les fusils se levèrent et les canons luisirent.

- Holà le pervers ! Remontez moi ce pantalon !

Le charme se dissipa à ce moment précis et Benjamin se rhabilla avec force jurons. Il posa enfin son regard sur le premier marine venu.

- Bon, on va pas en faire toute une histoire ! J’étais ensorcelé, foi de Landstorm !
- On veut pas de ça sur Kikai No Shima !
- Sur quoi ?
- Kikai no Shima ! Bon sang, on a encore ramassé un ivrogne qui a tout perdu au casino.
- C’est sur quelle blues ça ?
- Sur quelle Blues ?! On est sur la quatrième voie de Grand Line, on se réveille !
- Sur Grand Line !? Vous délirez, j’étais à Rokade pas plus tard qu’hier !? Et j’aurai descendu Grand Line en tonneau en une nuit ?
- Bon, il est ivre mort, embarquez le !

Le surnombre était conséquent et Benjamin n’avait pas l’intention de mourir sur une île qu’il ne connaissait guère. Il se laissa donc emmener sans opposer de résistance.  

- Foutu Brixius...


Dernière édition par Benjamin Landstorm le Mer 7 Juin 2017 - 14:23, édité 1 fois
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Kikai ! Casinos ! Temples où les escrocs affluent pour vénérer leurs dieux dorés ! Accueillent une volière de pigeons qui ressortent dépouillés de toute fortunes et dignités ! Des parures de soies et des pierres précieuses habillent chaque mur de la structure, mais eux n'entourent qu'un ramassis exécrable de misérables et de voleurs.

Casinos ! Ces lieux saints où l'on nous propose d'acheter notre propre déchéance !

Balty ! Fripouille ! Âne gauche et boiteux dont j'aurais été bien avisée de me débarrasser dès que ses oreilles sont apparues dans mon bas ventre ! S'estime génie diabolique après avoir ravagé la seule famille qui a bien voulu de lui, les mal nommés Héritiers, boucaniers fébriles et malodorants, pour finalement échouer entre les griffes argentées des pirates les mieux habillés du globe : les croupiers !

Recouvert d'un ridicule capuchon en toile déniché dans la poubelle du casino, censé protéger ta honteuse identité, tu captes en fait l'attention de tout ton auditoire, surtout que c'est à ta table que l'on hurle le plus.


Aucune chance les gars ! Vous avez aucune chance !
J'vais m'refaire... J'suis le meilleur joueur de Grand Line...
Héhéhé... C'est qu'une mauvaise passade...

Ainsi, tu as imbibé chaque carte qui passait sous ta maudite main du péché de l'orgueil. Rapidement, les trois gueux se sont retrouvés complètement bouffis de fierté. Surestimant absurdement leurs jeux et passant plus de temps à entrechoquer leurs egos qu'à méditer leurs stratégies, ils se sont lentement laissés grignoter par leurs propres fautes et ne sont plus maintenant que des oies déplumées qui attendent qu'on les égorge. Ironique quand on connaît ton aversion presque maladive pour les cartes et par extension tout ces jeux prolétaires ridicules, que notre noblesse a toujours associée à rien de moins que des hochets que l'essaim décérébré de plébéins agitaient en s'amusant niaisement. Des jeux qui distraient les enfants, qui laissent ainsi les parents vaquer à leurs occupations lucratives en paix.

Ton besoin d'argent rapide t'a forcé à t'adonner à ces simagrées. Ton ego te martèle la tête sans arrêt. Tu bous, épris d'une envie d'exposer ton mépris à cette masse de coquins, mais cette brûlure narcissique ne saurait refroidir pour l'instant : tes compagnons de jeu sont très, trop attachés à toi et à tes "talents" pour te laisser t'en aller sans créer de scandales dans tout le casino.

Comme ils sont harassants à piailler sans arrêt qu'ils sont sur le point de remonter la pente, fourbus de trois ou quatre misérables jetons ! Comme ils sont fatiguants à te menacer de t'ouvrir le ventre si tu te lèves de leur table pour partir réclamer tes gains !

ILS SONT DEVENUS SOURDS AUX ORDRES DE LEUR SEIGNEUR, CES FRELUQUETS !
Toi, tu rives bien ton cul sur ton fauteuil et tu continues à miser !
C'est sûr que tu gruges, j'm'arrêterai pas avant de connaître ton truc !

Cesse de faire vibrer tes cordes vocales comme une infernale harpe. Que tu cries, que tu les saignes, que tu fuis, que tu te contentes d'être le purulent rat que tu es, tu finiras forcément par braquer de nombreux yeux et canons sur ton horrible carcasse. La seule question qui devrait subsister dans ta cervelle asséchée par l'inquiétude, c'est "comment m'en sortir sans laisser derrière moi trop de sang ?".

Sans compter cette grosse barrique à vin qui peut surgir à tout moment !


Landstorm ? Impossible ! Il doit se faire becqueter par un roi des mers à l'heure qu'il est ! Et plonger l'affreuse bête dans un TERRIBLE COMA ÉTHYLIQUE ! DEUX PARASITES ÉVACUÉS EN UNE SEULE MANOEUVRE !

Tais-toi.
Maxwell ?

Tu as vu, Maman... Saigné dans l'allégresse...
Tu causes à qui à voix basse, abruti ?
Il triche ouais, il triche c'est sûr...


Tu as bâclé le travail. Tu transpirais d'adrénaline au moment du meurtre. Tu l'as laissé se vider son sang sans l'achever. Tu l'as quitté alors qu'il était encore en vie.
Cela signifie qu'il existe un risque qu'il vive encore, bien portant et strié de souvenirs de ta traîtrise.


On ne survit pas à mes...

FERMES TA GUEULE ET MISES !
MISES ! MISES PLUS ENCORE ! J'MISERAI ENCORE PLUS !
SUIS-JE FATIGUÉ DE LEURS SOTTISES AU POINT DE M'IMAGINER QU'ILS M'ADRESSENT DES ORDRES, CES REJETONS INCESTUEUX DE VAUTOUR ?!

Tu vois le grand monsieur qui aborde votre table ? Il approchait déjà derrière ton dos avant que tu ne te mettes à déchiqueter ta couverture.

Un problème ici ?
Il triche !
Regardez tout les jetons qu'il a !
ADMETTEZ SIMPLEMENT VOTRE INCAPACITÉ A REJOINDRE MON CÉLESTE NIVEAU AU BRIDGE !
Bridge ?
C'est du poker !
DEVRAIS-JE ENCOMBRER MA PRÉCIEUSE MÉMOIRE DES JEUX STUPIDES SUR LESQUELS LES GUEUX PERDENT LEUR TEMPS ?!

Tu...

Monsieur, n'y voyez pas d'offense, nous allons procéder à un petit contrôle d'identité pour nous assurer que tout est en ordre.

Balty...
Tu te lèves et explose.

Je suis le BARON BALTHAZAR B. BRIXIUS ! J'ESCORTE LES ÂMES IMPUDENTES COMME LA TIENNE VERS D'INFERNALES ET INTERMINABLES ÉTERNITÉS !

Ta couverture réduite en cendres.

Il sort un den den. Balty, mon ignoble petit farfadet ! Je perçois sur ta grise mine en décomposition que le glas envahit enfin ta cervelle ! Tu t'es condamné avant l'heure !

Demande renforts à la table 77. On a un original armé qui se fait menaçant. Magnez vous !
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Benjamin avait donc été conduit en prison. Jugé de manière expéditionnaire pour exhibitionnisme il avait écopé d’une condamnation rondelette de trois mois de cabane. Il fut donc incarcéré dans la prison de Kikai no shima. La spécificité de l’île étant d’accueillir des individus aux poches bien remplies, les conditions de détention étaient somme toute raisonnables. La prison était une sorte de grand cube de béton d’un classicisme à toute épreuve. L’environnement était propret et les gardes assez souples. Mais les prisonniers étaient maintenus en cellule la majorité du temps. Les cellules étaient exiguës, accueillaient en moyenne cinq individus et comble de l’horreur : elles n’avaient pas vue mer.

Benjamin avait déjà tiré un mois de sa peine et commençait à montrer des signes de fébrilité. Ces compagnons de cellules étaient au nombre de trois.

Il y avait Alexandre, un bourgeois graisseux qui suintait l’or par tous les pores. Il venait d’arriver et manifestement n’avait jamais tâté de l’emprisonnement. Il restait la majeure partie du temps dans un coin de cellule et évitait soigneusement le regard de ses codétenus. Sa condamnation était de 2 mois pour atteinte à l’autorité mais il affirme avoir simplement refusé de graisser la patte de plusieurs soldats.

Le second détenu se prénommait « Hm », c’était la seule onomatopée qu’il proférait. Hm était un large homme chauve et musculeux. Le genre d’homme qu’on ne cherche pas à emmerder mais qui a la grande sympathie de vous rendre cette politesse. Hm n’embête personne, ne parle à personne, mange et dort avec régularité et semble imperméable aux conditions de détention. Il se ballade majoritairement torse nu comme pour rappeler à tous qu’ici c’est lui qui a la meilleure plastique.

Reste enfin Queroch, un trentenaire à l’œil louche, aux dents jaunes et au rire strident. Le genre de gaillard que l’on n'aimerait pas croiser dans une ruelle sombre. Benjamin s’en méfie comme de la peste car il semble imprévisible. Condamné pour plusieurs attaques violentes aux abords de casinos, il est là pour deux années. Il en a déjà tiré une et semble au fait de tout ce qui se passe dans l’endroit. Il a les ongles taillés en pointe comme s’il voulait s’en servir comme d’armes, il les garde particulièrement crasseux pour d’obscures raisons. Son activité favorite est de dévisager les gens en entonnant son rire de dément. Cette dernière activité fait qu’Alexandre s’enfonce encore plus dans son coin tandis qu’Hm renâcle avec dangerosité.

Cette fois-ci pourtant, le regard lourd pesait sur Benjamin.

- CAP DE DIOU ! Vas-tu détourner cet infâme regard !

Le Landstorm tâchait d’avoir l’air dangereux mais il n’en menait pas large. Son adversaire le répugnait au plus haut point. De surcroit, il n’avait pas d’armes pour se défendre efficacement et par dessus tout : il ne souhaitait aucunement mourir dans une geôle, loin de la mer. Benjamin allait reprendre mais il fut interrompu par l’arrivée d’un garde qui donna de la matraque sur les barreaux de la porte de la cellule.

- Place ! Voilà un nouveau compagnon de cellule pour vous autres !

Il allait ouvrir la porte mais finalement s’élança dans le couloir en grognant de telle sorte que les prisonniers le perdirent de vue. On entendait des hurlements à n’en plus finir, à n’en pas douter le nouveau donnait déjà du fil à retordre à l’administration carcérale. Benjamin leva une oreille, intrigué ; Alexandre s’enfonça tellement la tête entre les épaules qu’il ressemblait maintenant davantage à une grosse boule flasque ; Hm se contenta d’un cinglant « Hm, Hm… » ; Queroch s’était approché de la porte pour tenter de voir cette nouvelle distraction.

- IMPUDENTS FAQUINS ! CESSEZ DONC DE POSER VOS MAINS SUR MON ILLUSTRE PERSONNE !

Ces paroles éveillèrent en Benjamin quelque chose d’indescriptible. Sa mâchoire se referma et il sauta sur ses jambes avec une agilité qui étonnèrent Hm et Queroch. Proche de la porte, il pouvait voir que l’homme que l’on amenait se démenait comme un beau diable. Il ne parvenait pas à discerner son visage, pourtant ses paroles, ce style, le faisaient penser à quelqu'un qu'il haïssait. Landstorm doutait évidemment, ce Baron hantait ses journées depuis trop longtemps, peut-être hallucinait-il simplement... Mais les gardes vinrent à bout du récalcitrant et ils l’introduisirent dans la cellule avant de refermer la porte dans un grand fracas.

- BIEN ! FUYEZ DONC ! RETOURNEZ DANS CETTE FANGE QUI VOUS A VUE NAITRE ET QUE VOUS AIMEZ TANT ! PORCS INDIGNES DE CET AIR QUE JE RESPIRE !

Sans nul doute, cet homme qui hurlait, c’était Balthazar B Brixius. Le démon a qui Benjamin devait cet enfer. Le marin n’en croyait pas ses yeux, il parvint tout de même à éructer une sentence dont il a le secret.

- SANG-DIEU ! AH LA VILAINE BÊTE QUE VOILA ! EST-CE LA PROVIDENCE QUI T’AMENE POUR QUE JE T’OUVRE LE VENTRE !? SIMILI-MARIN A LA GRAISSE DE CABESTAN ! SOUS-PRODUIT D’ECTOPLASME ! IMMONDE JUS DE POUBELLE !


Dernière édition par Benjamin Landstorm le Mer 7 Juin 2017 - 14:27, édité 1 fois
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Cet encombrant passé accroché à ton futur comme une gourmande gangrène t'a bien accablé au procès. La découverte de ton passif de chasseur sanguinaire et du ravageur excès de colère qui t'a conduit à désintégrer la miteuse cité de Bull Town a complètement désorienté l'assistance. Ils ne jugent pas tout les jours des coupables de destruction massive ! Si bien que leur législation inadaptée t'a gratifiée de leur peine maximale : cinq ans. Fort misérable comparé à ce que la Marine aurait pu te réserver, ils en avaient conscience et ont très longuement hésité à t'offrir en pâture aux pauvres mouettes ! Je conçois effectivement que l'idée de porter en leur prison un cafard dégénéré tel que toi pendant cinq ans, soixante mois entiers, ne leur était guère amicale.

Heureusement, pour toi du moins, un obscur politicien local avait un point de vue fort différent sur ta situation : avoir capturé un marouflard de ton acabit allait offrir une savoureuse publicité à la sécurité de l'île, et il aurait été criminel de te léguer au gouvernement alors que ta tête est un si joli trophée à exposer aux touristes.

Hinhin.

Ils t'ont proposé ça dans l'enrobage d'une chance unique, une chance de croupir cinq ans, soixante mois entiers, dans la fraîcheur agréable d'une prison laxiste qui ne connaît quasiment pas la violence, si ce n'est celle de quelques gardiens excentriques. Alors bien sûr, avec l'hiver approchant la température risquait de dégringoler dans les geôles, mais devinez quoi, t'ont-ils dit ? Il y a même le chauffage central là-bas qui se charge de maintenir le thermomètre au-dessus de 0 ! Si tu t'y tenais à carreaux, cette peine ressemblerait presque à des vacances payées par le contribuable comparé à ce que tu as vécu cette dernière décennie.

Mais cinq ans, soixante mois entiers, c'est trop, toujours bien trop pour une boule de haine aussi agitée que toi.

Cette inattendue compagnie risque de rendre le temps encore plus long.


COMMENT OSES-TU REVENIR ME DRAINER MA BONNE HUMEUR, VIEUX TÉNIA ?
POURQUOI N'ES-TU PAS EN TRAIN DE TE DÉCOLLER LE CUIR DANS LE BAIN GASTRIQUE D'UN ROI DES MERS ?

Une rancoeur brûlante illumine les pupilles desséchées de ce désagréable porc. Sa rage semble le faire hésiter entre un bombardement de jurons ou de violence, sachant qu'il est tout à fait prêt à céder aux deux à la fois. Tout à fait toi, Balty ! Ta négligence t'a rattrapé ! Ça cherchait le mot d'esprit et l'ironie tragique en envoyant ce croûton délabré aux fonds marins, ça ne trouve qu'un retour en force plus furieux que jamais !

GHINHINHIN ! IL N'Y TROUVE RIEN A REDI...

Tes chicots volent en éclat sous le poing crasseux du babouin. Tu décolles du sol et lévite sur un ou deux mètres, avant qu'un mur ne t'empêche de visiter l'horizon.

Ecornifleur d'eau douce, crème d'emplâtre à la graisse de baleine, BOUGRE D'ESCOGRIFFE INVERTÉBRÉ !

Il n'en a pas fini avec toi ! Te bondit dessus, te serre par le col et fait rebondir une dizaine de fois ton crâne mou sur le rieur pavé de la prison.

Oh, mais vous n'êtes pas seuls ici, dis moi ! Trois petits cochons vous épient ! Un gros, un grand, un musclé ! M'est avis que cela fait trop de nouveaux amis et de chaleureuses retrouvailles pour un seul jour, Balty !

Tu fiches du sang partout !


VAS-AIE ! TU BIEN AIE ! DÉCOLLER TES SALES AIE ! PATTES DE MA AIE ! DÉLICATE AIE ! GORGE ! AIE !

Alors fuses un serpent blanc à quelques centimètres des joues rondelettes de Landstorm, qui provoque une surprise générale dans la conviviale assemblée ! L'affreux petit porcin pousse un gémissement semblable à celui d'un bambin que l'on s'apprête à étrangler ! Et le grand tas de pectoraux laisse s'échapper un "Hm" qui me rappelle l'amer souvenir de Fallanster.

Fruit du péché ! Le même qui a dû conduire notre hôte dans cette cellule ? La libido déréglée du boucanier d'opérette a du mécontenter les gardiens de la paix et de la décence ?

Peut-être a-t-il tenté de copuler avec le tonneau dans lequel tu l'as séquestré ? Non, ce serait trop burlesque...

Lui-même bien étonné, Landstorm bondit en arrière et t'offre une pincée de secondes pour te hisser à nouveau sur tes échasses grelottantes.


Ce damné pouvoir de malheur ! Ils te l'ont pas confisqué ?

Tu as heureusement pu conserver un atout au milieu de tout ce jeu bien maladroit. Ils t'ont retiré tes répugnantes dagues et ces vieilles fripes nobles qui se décomposent sur ton cuir depuis dix ans. Ils t'ont aussi extrait ta dignité en procédant à une fouille au corps aussi douloureuse qu'approfondie ! Mais sur mes conseils, tu as pu conserver ce qui pourrait bien devenir ton passeport pour le dehors !

Mires-moi en entier de tes yeux globuleux, crapaud décrépit ! Pas la MOINDRE ONCE de granit marin à la surface de ce CORPS SCULPTÉ PAR LES DIEUX !
Ces corniauds t'ont laissé ton fruit ?
ILS NE SAVENT MÊME PAS QUE J'EN AI UN, LES SOTS ! J'AI MOBILISÉ LES PLUS PROFONDES ARCANES DE MANIPULATION POUR ENTOURLOUPER LA SOLDATESQUE ! GHINHINHIN...


Ces phalanges reviennent de nouveau à la rencontre de ta joue dans un craquement lassant.
Ainsi tu retournes embrasser la glaciale pierre de tes lèvres rouges.


En sourdine, crédiou de rat ! Si les geôliers t'entendent...

En dehors de Landstorm, l'intérêt que te porte les trois autres maroufles est lui aussi grandissant, oscille entre terreur concernant le sac à viande en redingote et... curiosité ? Appétit ? Plaisir sadique ? Difficile de traduire le regard reptilien du grand crétin. On dirait qu'il veut te dévorer. Mais personne de sensé ne voudrait mordre dans une mégalopole de bacilles telle que toi, Balty. Que c'est effrayant !

Et Maxwell ?

Voici la question qui va faire polémique ! Je l'attendais avec impatience. Comment crois-tu qu'il réagira, ce morse pataud ? Va-t-il se jeter sur toi en beuglant ? Verser une larmichette ? Ne pas boire une seule goutte du venin que tu baves ? Oh, certainement pas ! Il te croira. Tu es de la race des rats sincères, Balty, celle qui assume pleinement sa félonie, qui s'en glorifie même à l'occasion.

Avant de répondre, tu prends tout de même soin de te relever ! En ricanant, évidement.

Hinhinhin.
Je l'ai TUÉ, le doux rêveur, il a eu TOUT LE TEMPS de contempler ses entrailles FLÉTRIR AVANT QUE JE NE L'AUTORISE A OUVRIR LES PORTES DE L'OUTREMONDE !

Écarquillement fugace de ses paupières, puis le néant. Notre gros Benjamin est à peine piqué par ta révélation.

...
...

C'est assez gênant.

TON CAPITAINE N'EST PLUS QU'UNE SUCRERIE DE VAUTOUR ! Dois-je t'enfoncer la vérité dans les tympans à coup de DAGUES pour que tu daignes l'entendre ?

Tu n'as plus de dagues.

Ah oui...
Si tu l'as tué avec la même clairvoyance que tu m'as évincé moi, j'me fais pas d'souci pour mon ami !
Tu INSINUES QUE j'aie été INCAPABLE de crever ses si FRAGILES RÊVES PAR LE FER D...
Cap de diou, oui j'te l'insinue ! T'fais rien de bon, pauvre diable, et même dans le Mal, tu es mauvais ! Aucune chance que Maxwell soit tombé dans un d'tes pièges !
Il te connaissait beaucoup trop bien pour ça !


Je reconnais sans mal à Maxwell qu'il était doté d'un don particulier à savoir bien lire les créatures humaines. Il est évident qu'il savait qu'un jour ou l'autre, tu commettrais un irréparable, et tout ses efforts se concentraient sur le recul de cette échéance. Balty, on peut te flatter, on peut te nourrir et caresser ton pelage poisseux, mais jamais, ô grand jamais, on ne peut te museler. J'en ai fais l'amère expérience, mon sanguinaire bourricot.

Par les saintes fèces des dragons célestes ! Et si je t'envoyais promptement folâtrer avec ton capitaine dans l'outremonde pour que tu constates par toi-même mon IMPLACABLE OEUVRE ?
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Le retour du Baron Brixius dans la vie de Benjamin ne pouvait être qu’annonciateur de malheur. Et effectivement, il ne fallut pas longtemps à l’importun pour qu’il s’emporte et fasse de nouveau des siennes. La première journée était passée dans l’inconfort d’une retrouvaille douloureuse. La seconde journée fut diamétralement différente. A peine levé, Queroch gratifia Brixius d’un classique regard sournois. Quelques secondes plus tard le Baron lui enfonçait ses propres doigts dans les yeux en vociférant comme un beau diable.

- LA FAUNE SOUS TES ONGLES REPUGNANTS EST PLUS CIVILISÉE QUE TOI, INDELICAT VOYEUR !

- MORDIOU BRIXIUS !

Benjamin s’était déjà jeté sur l’insupportable mais le mal était fait, Queroch ne se relèverait pas de ce dernier regard… La garde vint donc cueillir Brixius et Benjamin : les deux hommes couverts de sang dans la cellule. Les deux gaillards se retrouvèrent dans ce qui s’apparente communément à une salle de torture. Il y avait tout le nécessaire du petit tortionnaire, chaines, instruments de toutes sortes. Les deux hommes furent dénudés et enchainés, bras en l’air, collés à un mur crasseux. La fesse poilue de Benjamin accostant celle livide de Brixius.

- COMMENT OSEZ-VOUS DENUDER UN ÊTRE QUI VOUS EST SI SUPERIEUR !?
- Veux tu bien te taire à la fin !? Crédiou cette séance ne va pas être de tout repos, économise tes forces…

Effectivement de la force il en fallait car les deux comparses furent copieusement fouettés pendant la majeure partie de la journée. Brixius continuait pourtant de gesticuler, il était parvenu à insuffler de la paresse dans les geôliers ce qui leurs donnèrent un temps de répit. Les gardes fumaient une cigarette à côté des deux victimes comme si de rien n'était.

- Finalement tu sers à quelque chose. Même si je ne serai pas là sans tes accès de rage !
- Que m’importe ton exécrable avis !

S’emportant quelque peu, Brixius délivra des rayons emplis de colère qui vinrent s’entrechoquer sur les geôliers.

- CREVINDIOU ! C’est une plaisanterie !

Et ce fut l’avalanche de coups, les hommes semblaient galvanisés par les lambeaux de peau qui volaient en tous sens. Benjamin se mordait les lèvres de dépit et de rage. La douleur était intense mais en tournant la tête, il pouvait voir à quel point Brixius souffrait également, ce qui curieusement le satisfaisait par delà la douleur.

Un interrogateur vint finalement rompre la monotonie de la journée. Il s’installa sur une table de bois et s’affubla de lunettes minuscules.

- Je ferai office de juge pour cette nouvelle accusation à votre égard. Vous êtes accusés d’avoir tué un détenu au sein de votre cellule. Que plaidez-vous ?
- CAP DE DIOU ! SIMULACRE DE JUSTICE ! ON NOUS FOUETTE EN NOUS JUGEANT !?
- Calmez moi celui-là.

Le geôlier devenu bourreau administra une bonne trentaine de coups à Benjamin sous les rires goguenards de Brixius.

- Flattez donc aussi le dos de celui-ci qui semble un peu trop heureux d’être ici.

Ce fut le tour de Benjamin de s’esclaffer à gorge déployée. Le juge déposa ses lunettes sur la table en montrant une impatience bien réelle.

- Très bien, délivrez moi vingt coups supplémentaires à celui-là !

Plus personne ne riait maintenant et le silence s’imposa bien naturellement.

- Qui est le dénommé Brixius ?
- IMMONDE FAQUIN ! CONTINUE DONC À T’ADRESSER À MON SÉANT !
- Vingt coups…

Le fouet s’abattait avec une répétition telle que le bourreau commençait à s'ankyloser l'épaule.

- Ouais, c’est lui ! On va pas y passer la journée...

Le juge se tourna vers Benjamin.

- Vous semblez plus coopératif Monsieur Landstorm. Une vérité clamée de votre part pourra vous épargnez bien des souffrances et être considérée dans le verdict.
- Mordiou ! Je vous écoute avec attention alors !
- Brixius a-t-il tué le dénommé Queroch ?
- Hm…
- Vingt coups geôlier je vous prie, j’ai une journée chargée.
- AH OUAIS !? LA NOTRE AUSSI A ÉTÉ PASSABLEMENT CHARGÉE ! LISEZ DONC LE RÉSUMÉ SUR NOS DOS !
- Disons cinquante, histoire de faire bonne figure.
- ECONOMISE TES FORCES ! HINHINHIN ! CET IMBECILE NOUS PREND POUR DES TENDRES !
- CREDIEU ! ON LE DIRAIT BIEN ! HAHAHAHA !

Les deux comparses riaient à gorges déployées, la journée avait été éprouvante et les nerfs venaient tout simplement de lâcher. Le juge n’en croyait pas ses oreilles et brisa tout bonnement ses lunettes. Devant lui, les deux gaillards nus s'esclaffaient de plus belle, convaincus qu'ils ne plieraient pas si aisément.

Ce qui suivit rentra dans les annales de Kikai no Shima comme la plus longue distribution de coups de fouet de l’histoire. Plusieurs geôliers durent se relayer pour parvenir à distribuer une quantité astronomique de coups. On changea même les fouets à mi-parcours pour plus de sécurité. Finalement les deux hommes n’étaient maintenant plus que deux lambeaux pendant à une chaîne.

- Monsieur LANDSTORM ! Je repose ma question. Brixius a-t-il assassiné Queroch ?

Landstorm ne tenait même plus sur ses jambes et n’avait plus vraiment la force de faire grand chose. Mais devant cet infâme juge, il n’était pas tout à fait résolu à vendre Brixius.

- Le crever, comme ça, de sang froid, sans être tout à fait de l’assassinat, y’aurait quand même comme un cousinage…

Le juge avait perdu toute patience devant une réponse si inconsistante, il hésita bien à relancer une nouvelle salve de fouets mais les gardes semblaient exténués et les détenus risquaient de s’évanouir ce qui conduirait à renouveler le même théâtre la journée suivante.

- BIEN ! CINQ ANNÉES SUPPLÉMENTAIRES POUR LES DEUX ! POUR ASSASSINAT ET COMPLICITE D’ASSASSINAT !

Habituellement les deux hommes se seraient copieusement insultés mais le cœur n’y était plus. Ils venaient de voir leurs peines prorogées et le juge leur avait promis ce genre de sévices jusqu’à la fin de leur peine. Ils furent non pas emmenés mais trainés jusqu’à leurs cellules et jetés là.

Les deux hommes se regardèrent, leurs yeux jetaient des éclairs. Mais nuls ne sut s’il s’agissait là d’une haine dirigée l’un envers l’autre ou dirigée communément vers ce juge et ses bourreaux…


Dernière édition par Benjamin Landstorm le Mer 7 Juin 2017 - 14:35, édité 1 fois
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Ton premier réflexe lors de ton retour en cellule fut de fracasser un pied de ton lit, de ramasser les éclats. Chaque parcelle de ton esprit suppurant d'une rage terrible qui n'avait pas atteint cette apogée depuis des années.  

TA CEINTURE, MAROUFLE !

Le petit bourgeois boudiné prend lentement conscience, durant une ou deux secondes, que c'est à lui qu'est destinée ton impétueuse requête. Lorsqu'il se rend enfin pleinement compte que sa minable existence se dandine au bord d'un précipice, il se hâte de défaire sa ridicule bouclette représentant ironiquement un serpent se mordant la queue. N'est-ce pas tout à fait ce que tu es, Balty ? Ton insatiable appétit de gloire t'a conduit à collectionner en une seule journée au moins la moitié des coups de martinets que j'ai pu t'administrer lors de ta piteuse enfance.

Ils ne savent pas, tes bourreaux, oh non ! Ils n'ont pas conscience, tes bourreaux, que ta fierté est un gaz hautement volatil et explosif ! Ils ont joué avec le feu !
Et t'acculant dans les recoins de ta démence, ils ont allumé en toi une étincelle terriblement sauvage ! Tu n'es qu'un pâté difforme de sang, de sueur et de bave mêlées, s'esclaffant du même désespoir ivre que celui d'un damné lors de son entrée au purgatoire, animé d'intentions dont la perversité s'étend bien au-delà des frontières que les mots nous permettent de décrire !

Tu vas leur faire payer, ah ! Balty ! Tu veux leur faire rembourser cet ego stratosphérique qu'ils t'ont fracassé ! Et dans cette entreprise, jeune et triste âne, tu es prêt sans hésitation à troquer ta stupide vie contre une vengeance bien sentie ! Quel ahuri tu fais ! Toi qui a encore tant d'horreurs à accomplir en Notre Nom !

Tu fracasses la ceinture par terre, en récolte soigneusement les fragments dorés les plus tranchants. Un à un, tu les enfonces dans ta paume pour en éprouver le mordant. Quand dans ta main lépreuse se dessinent des stries saignantes, tu es heureux, affiche un sourire d'enfant satisfait de ses bêtises.
Sous le regard hagard du petit bourgeois, tu bricoles un vrai petit instrument de mort artisanal.

Tu en as l'expérience ! C'est le propre de la vermine difficile à exterminer : elle est inventive et confectionne elle-même les armes qui la protègent du monde extérieur.

Digne successeur de mes dagues !

Une couronne d'or présentée comme des griffes, fixé au sommet d'un manche de bois au moyen d'une grotesque boucle de cuir. Un surin malformé mais que tu devines complètement capable de s'inviter sous la viande des gueux qui t'ont relâché ici avec un dos si écorché qu'il ressemble à une toile monochrome !

Animé d'une unique flamme qui incendie tout ton être, V e n g e a n c e  !

LANDSTORM !
MASSACRONS-LA, CETTE FARANDOLE DE GUEUX ÉPRISE DE JUSTICE SAIGNANTE !
JE FERAI SAUTER LEURS CABOCHES COMME DES BOUCHONS ET ME GORGERAI DE LEUR BREUVAGE VITAL DE LA MÊME MANIERE QU'ILS ONT OSÉ GOÛTÉ AU MIEN !


Le silence qui te répond est plutôt explicite.

LANDSTORM, GROS MORSE VEULE !

Le bourgeois pataud aimerait devenir plus petit que sa redingote pour pouvoir échapper à ton regard enflammé !

Poses ça, Brixius, t'auras perdu c'qui t'reste de peau avant qu'les gardes déboulent en paquets de dix !
Tu suggères de nous affaler sur les paillasses et de nous offrir un PETIT SOMME BIEN MÉRITÉ, JEAN-FOUTRE ?
Ouais, c'est l'idée.
J'IRONISAIS !
En temps voulu nous sortirons d'cette crédiou de prison et leur rendrons au centuple chaque coup d'cravache auxquels ils ont cru bon d'nous convier, camarade. Pour l'moment, on a des plaies à panser.


"Camarade" ! Voilà une familiarité sérieusement mal dosée ! Croit-il que crier à l'unisson vous a rapproché au point de vous faire basculer dans la "camaraderie" ? Grossier scélérat dont la douleur a fait oublier la place !

Hm, hm...

Je l'avais oublié, ce cabotin-là ! A-t-il un commentaire à faire où cherche-t-il à apprendre d'autres consonnes ?

Hm...

Campant toujours l'excès, Balty, tu te désintéresses aussitôt de Landstorm pour partir vomir une salade de fiel au visage de l'armoire à glace.

CROIS-TU QUE LA JOVIALE SÉANCE DE BADINAGE DONT JE RESSORS ME DISSUADERA DE T'ÉPLUCHER LA LANGUE SI TU CONTINUES A M'IMPORTUNER AVEC TES GÉMISSEMENTS ?
Balthazar, bougre d'âne !


Hm ouvre grand la bouche et dévoile un dérangeant creux. Un palais aride de toute chair charnue à tronquer, Balty !

... On t'a coupé la langue ?
Hm.


Son énorme tête pivote de haut en bas sur son cou monté sur pistons.

C'est quand même pas c'juge fantoche qui t'a fait ça ?
Hm.
CAP DE DIOU ! PRISON D'BOURGEOIS, QU'ILS DISAIENT !
J-J...

Allons bon ! En voici un autre qu'on n'imaginait pas capable de communiquer ! Le petit tas de tissus hors-de-prix décide lui aussi de prendre part au sympathique débat.

J-J'ai moi-même été leur victime.
PLUS EXPLICITE, TOQUARD DES BOULEVARDS ! SOIS PLUS EXPLICITE !
Kikai, c'est... c'est luxueux, c'est civilisé, c'est propre, en apparence...
seulement en apparence...
C'est une minutieuse et lucrative horlogerie qu'ils préservent des scandales par tout les moyens, y compris par... par...

Ah les brigandaux à la graisse de moine ! Ils croient qu'le fouet et les lames sont un remède à leur folie !
Ils ont dit qu'ils m'isoleraient de leur monde ici pendant deux mois. C'était surtout pour que je puisse apprendre à...

Il déglutit et contemple le culturiste muet.

... tenir ma langue.
Tenez vous aussi tranquille que moi et... tout ira bien, pour tout le monde, d'accord ... ?


Son gentillet argumentaire se heurte à une série de regards tranchants comme ton surin, Balty ! La Noblesse connaît par coeur le profil de cette race d'arriviste embourgeoisé dont la plus grande hantise est de se retrouver face à un problème plus large que leur gras bedon ! Prêt à tout pour vous convaincre de ne rien tenter qui compromettrait sa langoureuse tranquillité, ils fonctionnent par opportunisme, non par ambition !

Hilarant car cette fourberie déguisée en inconditionnelle courtoisie est l'exacte antagoniste de ta sournoiserie à toi, Balty !


Je vais DÉPECER ce gros ventre DODU et vérifier la teneur de TES ENTRAILLES, MINABLE PETIT FARFADET, VÉRIFIER A QUEL POINT ELLES DOIVENT ÊTRE MAIGRES ET RIDICULES !
AAAAAH !
Alexandre, c'est ça ? Tu m'as tout l'air d'être un bon gros pied tendre, j'te conseille de retourner dans ta bulle et d'plus en ressortir avant qu'un camarade et moi on t'y invite.
Oui. Oui.
Car que ça t'plaise ou pas, on va déguerpir d'ce maudit aquarium.
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Malgré la résolution chevillée au corps, Benjamin et Balthazar ne parvinrent pas à s’évader. Les journées défilaient à une vitesse ahurissante et ils avaient, peu ou prou, perdu toute notion du temps. Landstorm, qui n’avait plus vu la mer depuis bien trop longtemps, était devenu une sorte de bête farouche. S’enfermant de plus en plus dans son mutisme, il devenait presque aussi silencieux que son muet compagnon de cellule. Pour parachever cette situation, comme promis par le juge, les deux condamnés étaient régulièrement « visités » par des geôliers en mal de torture.

Balthazar éructait toujours autant de rage, celle-ci décuplée par l’affaissement progressif de son comparse. C’est ainsi que les semaines, puis les mois, s’engrangèrent sans que leur quotidien ne soit réellement changé. Ils mangeaient toujours une nourriture peu abondante et de très mauvaise qualité. Ils dormaient mal tant leurs corps meurtris ne semblaient pouvoir connaître le repos. Et ils rêvaient toujours autant de liberté, voire de vengeance…

Finalement, le salut mental de Benjamin vint avec un petit carnet sale qui lui fut offert par Hm. Nul ne sait où le massif muet avait conservé cet objet. L’odeur nauséabonde indiquait à Landstorm qu’il valait mieux ne pas savoir. Toutefois, muni d’un petit bout de graphite, il commença à tenir une forme de journal, pour tenter de maintenir ses idées à flot.


Je pense pas qu’on puisse sortir de cette geôle, j’ai pas assez de force. Balthazar m’épuise. Les tortures semblent de plus en plus régulières. Inventent toujours un nouveau truc. Préfère la simulation de noyade, me fait penser à la mer au moins. On sortira jamais d’ici. Je tiendrai pas cinq ans sans voir l’océan. J’peux pas mourir sur terre, c’est trop cruel. Je dois partir. Balthazar. Crétin. Crétin. Doit économiser le papier. Si je meurs, donner à un frère de la côte, me venger de ce juge et de ses bourreaux. Commence à délirer, l'impression de sentir les embruns. Dois sortir. Crétin. Mer.

La lecture de ces gribouillages était complexe. Benjamin écrivait pour lui et cela semblait lui donner une forme de réconfort. Souvent le Baron regardait par dessus son épaule ce qu'il écrivait. Parfois même s'emparait-il du carnet. Finalement le carnet était devenu un exutoire pour les deux hommes. Un moyen de garder l'esprit mais aussi un moyen de se souvenir de tout pour pouvoir plus tard, peut-être, payer ses dettes.


Dernière édition par Benjamin Landstorm le Ven 16 Juin 2017 - 9:35, édité 1 fois
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C'est une nécessité de faible d'esprit de devoir conter sur papier les tourments qui assèchent ta caboche, jour après jour, qui simplifient tes pensées jusqu'à en faire des fractions irréductibles, de simples pulsions dont la somme est Vengeance. Ta prose sue d'une rancoeur acide qui troue le papier. Ah littéralement, tu appuies comme un sagouin sur ta plume, rêves-tu d'empaler tes tortionnaires ou simplement cet innocent carnet ? Tu perds un temps qui te manquera un jour ou l'autre, Balty.

Liste des rats à éplucher à mains nues
JE SERAI JUGE ET BOURREAU DES ÂMES ÉGARÉES SUIVANTES
LE JUGE GRAS DE BEDON : QU'ON LUI FASSE GRIGNOTER SA PROPRE BIDOCHE
LES TORTIONNAIRES TAQUINS : INVERSONS LES RÔLES EN CHOEUR
LES GARDIENS LÉTHARGIQUES : RÉVEILLONS LES AU SURIN

Les ambitions que tu nourris gravitent uniquement autour de la vengeance désormais.

Ce n'est pas le cas du vieux hibou, que votre petite sauterie semble avoir particulièrement affaibli. Le fier navire n'est qu'une épave rongée par l'écume des jours qui s'entassent et se ressemblent !


LES POUPÉES DE CHAIR AVEC QUI NOUS PARTAGEONS CE SINISTRE LOGIS :
ÉPONGES A COLERE

Et voilà. A appuyer sur ta plume comme un sagouin, tu as transformé toute une page en mare d'encre bouillante.

Brixius, ce carnet... On le partage... J'aimerais éviter de le retrouver en charpies.

Quel mollusque. Il n'a déjà même plus la force de t'insulter et de venir t'arracher son confident des mains. Je crois que plus encore que les sévices récréatifs de vos bourreaux, c'est l'éloignement de la mer qui scie son moral de vieux chêne. Te souviens-tu de nos prisonniers, Balty, du temps où j'étais encore en chair pour me régaler pleinement des douleurs de mes semblables ? C'était les marins les plus fragiles, ancrés à la terre ferme : ils se laissent mourir.

Devrais-je t'éventrer et te secouer tes tripes devant les yeux pour que tu te souviennes que tu en as, vieux cachalot ? Nous avons d'INFERNALES REPRÉSAILLES à SATISFAIRE !

Le silence comme seule réponse ! Bah ! Ne t'occupe pas de ce cadavre, il a pourri avant même de mourir. Il devient urgent de quitter ce lugubre palace. J'observe ta santé mentale, mon vénal chacal, dégringoler à son niveau le plus bas jamais atteint depuis des années. Ces yeux hagards, cette peau rougeoyante, cette salive qui déborde par cascades de ta bouche remplie de venin, ce démon qui se débat en toi ne se contentera pas d'une maigre évasion !

... Il le devra pourtant, à moins que tu ne veuilles enchaîner les allers-retours en salles de torture.


Maman, cette HAINE qu'ils ont cultivé en moi DEMANDE UN ABONDANT ARROSAGE DE SANG !
Hm.

Hm. C'est Hm qui te contemple, assis dans son coin de la cellule d'un air mi-curieux mi-compatissant. Hm. Tu dois regretter de ne pas pouvoir trouver de langue à arracher en sa personne, Balty ?

DÉTOURNE LE REGARD LORSQUE JE PSALMODIE, MARAUD !
Hm, Hm.

De son grand index boudiné il t'invite à visiter son coin. Quelle arrogance ! Toujours assis, il t'attend. Et toi, tu accours, en bon caniche.

J'espère que tu ne me FAIS PAS DÉPLACER MA SOUFFRANTE CHAIR pour RIEN, sa...
Hm.

Grand index boudiné devant ses lèvres, il t'invite maintenant à souder ton clapet. Il est vrai que ça rend subitement cette cellule beaucoup plus supportable !

Arrivé à son niveau, tu le poignardes du regard en t'impatientant.
Lui se contente de se lever. Et se faisant, il libère une bouche d'aération qui exhale un souffle frais. Eh bien ! Un paysage d'opportunités se dessine à vous, Balty.
Le ciment calleux qui encercle cette grille est bouffi d'humidité. Quelques outils adaptés associées à quelques semaines de travail suffiront probablement à libérer cette voie de secours, aidant à relâcher les chiens dans la nature. Qu'en penses-tu, Balty ? Un peu de travail manuel ? Cela fait trop longtemps que tu n'as pas eu à user de tes obscènes paluches pour autre activité que le meurtre sanglant.

Hm.
METTONS NOUS DE SUITE A L'OEUVRE ! DÉMONTONS LES LITS ET...
Hm !

Hm se précipite sur ta bouche, te la couvre d'une main émanant d'étranges relents organiques.
Un gardien fait tinter vos barreaux de son sabre.

Qu'est-ce que vous manigancez ?

Balty...

Hm.
Veux-tu m'empêcher de DISSÉQUER ces lits miteux pour me CONSTRUIRE UN EUPHORISANT LIT A BALUSTRE MIEUX ADAPTÉ A MON RANG, chapon-maubec ?
Touche pas au matériel ou on se retrouvera là-où-tu-sais, chapon-maubec.


Puis il s'éloigne en ricanant. Une tentative d'esprit pitoyable mais peu surprenante de la part d'un molosse nourri pour surveiller d'autres molosses.

Hm...

Blague à part, Balty, tu veux donc commencer à déconstruire cette prison avant même d'avoir établi un plan solide ? Tu ne sais même pas où conduisent ces canalisations.

Hm.

Hm souligne à raison un autre problème. Malgré les apparences, il n'est pas la moitié d'un idiot, lui arracher la parole a du l'aider à développer sa pensée.
Il pointe le petit bourgeois du doigt. Si discret, mais si dangereux.

Q-Que...

Je suis persuadée qu'il vous dénoncera en échange de quelques privilèges ou remises de peine.
Un vautour bien habillé !

J-J'ai rien vu ! J'ai rien vu !
Si je t'incite à MÂCHER tes globes occulaires, je pourrai en avoir la CERTITUDE !
Oh non, oh non, non non non...


Le petit obèse aimerait se carapater mais ! Je crois bien qu'il manque d'issues !

Je sors b-bientôt ! J'ai bientôt purgé ma peine ! J'ai aucune raison de vous balancer !
Justement, une fois dehors, LOIN de ma JUSTICE VINDICATIVE, qu'est-ce qui t'EMPÊCHERA de POIGNARDER NOS ESPOIRS, GROTESQUE PETIT PHOQUE ?

Je le surveillerai, Brixius. Laisse ce pauvre bougre tranquille.

Landstorm ! Qui braille depuis les abysses dans lesquelles son esprit s'est perdu !

Retourne dans ta catatonie, vi...
Si nous le tuons, nous sommes bons pour la potence. Mourir est une forme d'évasion, mais j'créverai pas sur la terre ferme. Pas sur la... terre...

Un plan de cette envergure requiert de la lucidité. Sais-tu ce qu'est la lucidité, Balty ?
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Le beau navire Landstorm s’était échoué sur la plage depuis bien trop longtemps. Et comme tout navire qui reste trop longtemps en cale sèche, il perd une partie de son âme. Sa coque semble se morceler, les cales se vident petit-à-petit puisqu’elles n’ont plus d’utilité, aucun marin ne reste à bord ; bref, la vie quitte le navire. Pour Benjamin cette captivité était passée de contraignante à difficile, de difficile à insupportable. Il était dorénavant dans une situation de morne résolution où il accueillait toutes les nouvelles avec une platitude sans borne.

La découverte de cette pseudo-échappatoire était restée anecdotique. Landstorm se doutait bien que Hm n’était pas resté sur un tel trésor sans avoir tenté quelque chose. Non, sans nul doute cette grille était bien scellée, ce conduit menait directement à la salle de torture ou était-ce une idée de ce juge machiavélique qui n’attendait qu’une nouvelle incartade pour procéder à des allongements de peine.

A l’inverse, Brixius semblait revigoré par cette découverte. Du reste il était resté plein de vie depuis le début. Mais pour Benjamin, la raison était simple, ce Brixius de malheur au sang noir et à la peau livide n’était déjà plus humain, c’était un être débilitant présent sur cette terre que pour le tourmenter et le voir souffrir. Et soudain, la fatigue et un début de folie s’emparèrent de Benjamin.

- LE JONAH !*

« Le Jonah », le grand mot était lancé. Cette superstition réputée chez les marins qui veut qu’un homme porte en lui une malédiction qui les condamne tous. Brixius était incontestablement cet homme voué à la perdition. Benjamin, le solide marin, à la recherche d’un destin légendaire et d’une mer infinie venait de tomber sur l’une des plus grande malédiction de son temps. Mais plutôt que de s’affaisser, cette nouvelle réalité lui provoqua quelques soubresauts de courage et d’énergie. Il se leva comme une grand voile prise par un fort vent en poupe. En deux enjambées il fut sur Brixius qu’il commença à étrangler. Il le secouait en tous sens mais le bougre se débattait avec une énergie surprenante.

- ALLONS BON ! GROTESQUE BARRIQUE QUI NE SE MEUT QUE POUR TUER SON ESPOIR !

Mais il eut été bien vain de se débattre, le marin savait encore tenir un poisson visqueux pour qu’il ne s’échappe pas. L’infortuné Baron ne tint sa survie qu’à l’intervention du massif Hm qui avait reconnu en cette perte de raison un mal de prison bien commun. Il empoigna Benjamin par les côtes et le souleva à son tour, le comprimant avec suffisamment de force pour le faire lâcher prise. Brixius glissa comme une anguille sur le sol et, tout en se tenant fermement la gorge, jetait des œillades terribles à destination de Benjamin.

- QUE NE T’AI-JE EXPÉDIÉ LORS DE NOTRE PREMIÈRE RENCONTRE ?! INFÂME CACHALOT !

Et Brixius envoya un serpent en forme de paresse de tout premier choix qui fit s’affaisser Benjamin. Le solide marin décida aussitôt d’ignorer toute la salle pour faire une sieste qu’il jugeait alors d’impérieuse nécessité. Le sort fut tellement puissant qu’il dura plusieurs jours, favorisé par un Landstorm très affaibli et donc très vulnérable au fruit de Brixius. Tant est si bien que Benjamin offrit à la cellule quelques anecdotes premier choix.

Lorsque les gardes passèrent pour une nouvelle séance de torture, Benjamin commença par décliner poliment, prétextant une luxation du dos qui avait un peu de mal à guérir. Cela lui valut une double ration de fouet qu’il accepta avec une forme de morne impatience. Et lorsqu’il fut raccompagné à sa cellule, il ne manqua pas de faire remarquer aux geôliers que la séance fut probablement la plus ennuyeuse qu’il ait eu jusqu’alors.

Lorsque on lui apportait sa nourriture, Benjamin refusait avec ennui, faisant remarquer qu’une nourriture non apportée jusqu’à sa bouche était une mauvaise nourriture. Il fit par là de nombreux heureux chez ses codétenus qui se partagèrent son plateau. Entendons par là que Brixius emporta la majorité du plateau, le gros marchand d’Alexandre craignant trop des représailles et Hm souhaitant avant tout manger le dessert qui lui fut céder par Brixius dans une remarque acerbe.

- Mange donc ce sucre qui va te pourrir les dents, grand imbécile ! Tu perdras le peu qu’il te reste d’utile dans cette vilaine bouche !

Et finalement, lorsque le juge passa non loin de leurs cellules, il vint se rendre compte de l’état de ses petits « préférés ». Brixius le couvrit d’injures ce qui était bon signe mais il fut plus intrigué par Benjamin qui paraissait adossé au mur. Le juge connaissait bien l’impact de la mer sur le marin et fut surpris de ne pas le voir plus décomposé que cela, il l’interrogea donc.

- Comment va ce petit séjour Monsieur Landstorm ?
- Boarf…
- La mer ne vous manque-t-elle pas ? Questionna le juge dans une expression de terrible jubilation.
- BARF ! La mer est loin… J’aime bien mieux cette cellule où l’on ne bouge pas trop trop…

Le juge aurait bien pu croire à un mensonge mais il savait le marin homme de parole. Il fut donc particulièrement agacé par une telle nonchalance.

- Si vous vous sentez trop bien dans cette cellule je peux toujours vous organisez des séances de fouets supplémentaires.

Brixius lançait des éclairs terribles à destination de Benjamin, s’imaginant déjà copieusement fouetté pour les inepties de son compagnon de cellule.

- Ma foi, si vous voulez. Tant que ça ne dure pas trop longtemps. J’aime bien rester à ne rien faire ici. C’est reposant. Et on est jamais vraiment ennuyés vous voyez ? Une petite séance de fouet et retour à la cellule. Un traitement de princes.
- DE PRINCES !?
- Pour sûr votre excellence m’sieur le juge. C'est que même en torture, c'est plutôt le geôlier qui se fatigue.
- AAAH ET BIEN NOUS ALLONS VOIR ! LE SYSTÈME CARCÉRAL VA VOUS REMETTRE SUR LE DROIT CHEMIN, IL Y A DU TRAVAIL FORCÉ DANS L'AIR.

Benjamin afficha une peur panique bien réelle toujours tirée du sort de paresse de Brixius.

- AH NON ! Pitié ! M’sieur le juge ! Fouettez moi autant que vous le voulez, moi bien tranquillement attaché. Noyez moi tout votre saoul ! MAIS PAS QUESTION DE TRAVAILLER ! QUEL NON SENS !

Le juge, habitué à déceler le vrai du faux, vit que le Landstorm parlait à cœur ouvert, il n’en jubila que plus encore.

- VOUS SEREZ AU TRAVAIL DÈS DEMAIN !

Brixius qui comprenait avec intelligence ce qui était en train de se tramer ne put réprimer un rire rauque et mauvais à destination de Benjamin. Le juge le remarqua et, toujours échaudé, ne s’y fit pas reprendre une seconde fois.

- PARFAIT ! NOTRE DUO INFERNAL ! QU’ON METTE DONC AUSSI CE MONSIEUR BRIXIUS AU TRAVAIL, QU’IL NE PENSE PAS QUE NOUS L’AVONS OUBLIÉ.

Et sans attendre, sans écouter, le juge tourna les talons, ravi de sa nouvelle punition.
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Les pechenauds vénèrent le labeur pour se fabriquer une maladroite contrefaçon de liberté. Ils ont transformé leur routine d'esclave en saine valeur, la valeur sacrée du travail ! Et si le travail est honorable, n'est-ce pas une vie d'homme juste d'en rester prisonnier toute sa vie ? Hinhinhin. Candides paysans. Touchants de stupidité, leur cervelle est une pâte à modeler dont nous autres faisions tout ce que nous voulions.

Cette époque me manque, Balty, mais te voir ainsi suer sous cet agréable zénith déterre d'hilarants souvenirs de serfs se tuant à la tâche. Accélère le rythme, ces cailloux ne vont pas se diviser en plus petits cailloux tout seuls.

Toujours plus petits, les cailloux. Plus vite !
Autour de toi des dizaines d'autres fameux camarades parmi lesquels je distingue Hm, invité lui aussi à votre petite sauterie méridienne. Pas de signe d'Alexandre, dommage ! Cela aurait été distrayant d'observer ses larmes et sa sueur bouillir sous le Soleil. Quant à Landstorm, ce boulet, ce poids mort, cette ancre qui empêche ton décollage, introuvable. Probablement a-t-il déniché un coin d'ombre où aller faire mijoter la paresse dont tu l'as bourré, affalé sur le sable frais comme un cadavre de morse échoué.

Les gardiens éparpillés aux quatre coins de la cour ne disposent pas d'un panorama complet sur votre joyeuse bande. Voici donc bien la signature d'une geôle de troisième zone peu habituée à recevoir des invités de ton mortel statut. Nous trouverons bien quelques défaillances de sécurité dans lesquelles nous engouffrer.

Gorgé d'une admirable vigueur, tu investis un grand zèle dans la tâche. Visualisant, à la place des rochers, les visages boursouflés de tes détracteurs, tu les massacres de coups de pioche, ne laissant que du gravier que tu continues à matraquer.


JE M'IMAGINER MINER L'OPULENTE MASSE DE BOURRELETS DE NOTRE BON JUGE,
A LA RECHERCHE DE SA BEAUTÉ INTÉRIEURE, GHINHINHIN ! J'imagine sa disgracieuse bedaine DÉGOULINER à mes pieds !

... Hm.

Hm, Hm, Hm ! Il s'enjaille bien moins que toi. C'est une architecture de muscles dont la toiture présente un cerveau bien agencé. Mais quel manque flagrant d'imagination ! Quel manque de créativité récréative ! Moi-même je commence à me prendre à ton petit jeu ! Oh, regarde celui-ci ! Il ressemble à s'y méprendre à la grosse tête flétrie de Landstorm.

Il capte aussitôt ton attention. Tu te détournes de ton océan de picaillons pour préparer un jouissif coup de pioche.


DISPOSES DONC D'UN FRAGMENT DE MA HAINE, VIEUX CROTALE !
CCRAC

La pioche vengeresse descend déchiqueter la caboche, elle éclate en une constellation brune.
L'un des débris, plus stratège que ses camarades, propulsé dans le masque de carnaval qui te sert de faciès, extrait de ta gorge de multiples cris de porcin.


GRAAAAAAH ! Ce damné CHACAL me porte DÉVEINE même lorsque je m'en prends à lui MÉTAPHORIQUEMENT !


Avance !
Qu'on te reprenne pas à t'assoupir dans le gravier !


Quand on parle du chacal ! Le voici qui revient enguirlandé de deux larbins clignotants de colère.

Le directeur attend de vous deux une demi-tonne de gravier par jour.
Vous les ferez, même si on doit vous faire bosser jusqu'à minuit et vous supprimer vos repas.

Pataugeant dans ta propre piscine de gravier, vestiges et témoins de la rage qui hante ta pioche comme un horla, les deux bergers d'agneaux enragés s'extasient aussitôt devant l'ampleur de la besogne que tu leur présentes.

Wow. Prends exemple sur ton collègue, il a compris, lui. Pendant que tu pionçais, il a envahi son carré de caillasse...
Qu'on me laisse RÉDUIRE LES OS de tous les CONVIVES ICI PRÉSENTS EN POUDRE, et j'inonderai CE NID DE CHAROGNARDS DE GRAVIER JUSQU'A CE QUE VOS POUMONS EN DÉBORDENT !
Putain, il met un sacré coeur à l'ouvrage. T'as vu tout ça ? Si ça se trouve il nous a déjà miné notre demi-tonne... en une matinée...
Faut en parler au boss, on en a un qui travaille trop et l'autre pas du tout. Bordel.


Oh ! Une matinée ? Elle a glissé si vite sous notre impatience. S'amuser tue le Temps. Mais le Temps, ce sauvageon, ripostera rapidement si tu ne te dépêches pas de sortir d'ici, Balty.

Prends ta pioche et bouges ton gros cul !
Bah, c'bon Balthazar en a fait plus qu'assez, et m'imaginer tout ces gestes qu'il a dû faire avec sa pioche pour en arriver là, ça m'vide. J'crois qu'il va être temps d'prendre une pause.

Hinhinhin. Il n'a pas saisi le concept de pause.

Il me gonfle. Il se bougera pas. Il préfère se laisser cogner que de bosser, tu as bien vu.
C'est reparti pour un tour, alors !


Balty, as-tu vu ? As-tu vu ce qui pendouille à la ceinture de ces gardes ?
Un sabre, une dague, un trousseau, un den den. Nous avons là tous les ingrédients pour nous concocter une savoureuse évasion.

Un sabre est dégainé, sa garde vient à la rencontre de la mâchoire de Landstorm.


HOUMF ! MOLLO ! Si c'est pour m'assommer, j'fais aussi bien de r'tourner à la sieste !

Balty ? Balty, tocard, pourquoi me regarder avec ces deux yeux de crapaud sénile ? Tu tiens là une occasion d'enrichir ton plan, il te suffit de tendre la main à sa ceinture tandis qu'il s'emploie à ouvrir le museau de Landstorm comme un robinet. Son sang bourbon jaillit à en remplir des tonneaux. Hinhin, il adore ça, les tonneaux, ce vicieux phacochère.

Prends ça ! Et ça ! Et ça !
Ça sert à rien j'te dis, tu vas juste le rendre encore plus con.

Oui, oui. Plus proche. Ne te précipite pas. Délicatement tu enroules ta paluche poussiéreuse autour du manche de sa dague.

Con, con, con, faut l'dire vite, moussaillon. J'dirais que le plus lucide c'est c'lui qui économise l'mieux ses efforts.

Maintenant, tu tires sur le manche en suivant la direction donnée par le fourreau. N'applique aucune contrainte. Fais glisser la lame. Du doigté. Mon sombre caneton, tu fais preuve d'une surprenante dextérité, toi habituellement si gauche et...

J'ai pas raison, Balthazar ?

BOUGRE D'ÂNE !
A l'annonce de ton prénom, tu as achevé ta besogne d'un coup sec et bâclé, déchirant l'arrière de la ceinture du petit soldat. Dans ta cervelle étroite, l'alerte rouge rend tes mouvements patauds et saccadés. Maladroitement, tu enfonces la dague dans ta manche, avant de frotter ton long front gluant de sueur.


Hmm ?
Quoi ?
Ma ceinture a bougé, j'ai eu l'impression de perdre quelque chose.
C'est le soleil qui t'tape sur la tronche. On va retourner à l'ombre.
Je vous suis, messieurs.
Restes-là, fumier, tu...
Garde-à-vous !

Nos deux sentinelles bien dressées, fières sous leurs uniformes bariolés de dorures, à l'entente de l'autoritaire vocalise de leur supérieur, se crispent, se figent et se plantent comme deux cactus noirs au milieu du désert.

Le juge !
Notre bon juge.
Notre gros juge.
Bouffi d'orgueil, convaincu d'avoir muselé le Baron Brixius, monstrueux eldritch vomit par les Enfers que même la Mort n'a su dompter.
Notre bon juge.
J'entends d'ici l'orage qui secoue tes nerfs, Balty. Contiens-toi, tu détiens sous ta manche l'une des clés de ta liberté. Il s'agit de ne pas la perdre prématurément.
Je n'ai cependant pas l'assurance que ton ami la baleine amorphe ne t'attirera pas plus de guigne que tu n'as déjà.


Repos, messieurs. Je passais voir comment nos deux troubadours s'acclimataient à leur nouvelle activité.
Euh, à propos de ça...
Sacré b-bonsoir !
Oui, à propos de ça...
Ils ont déjà miné tout ça ?!
C'est Brixius, euh, il était plus motivé qu'on le pensait.


TU PRATIQUERAS TA PROPRE LIPOSUCCION AVEC UNE PAILLE, VIL C...

Contiens-toi.

C'est un véritable régal de contribuer ici à l'urbanisation de votre glorieux comptoir, gni, gni.
Vous les avez bien levé à 4h ?
Oui...
En six heures, il aurait donc...
Oui, m'sieur le juge.
Sachez que je suis gorgé de la plus saine motivation à ÉGORGER VOS CERBERES- à vous fournir suffisamment de gravier pour bâtir la route qui vous mènera parmi les vôtres dans les cieux, FISTULE DE DRAGON CÉLESTE. Je vous prie cordialement de me pardonner. Gni gni.

Quel remarquable acteur tu fais.

Merci.
A qui tu dis merci ?
Tsssk. Et vous donc, Landstorm ? Besoin de motivation ?
Il se GLISSE PARMI LES CAILLOUX POUR ATTAQUER MON BRILLANT VISAGE !
Ce n'est pas à vous que je parle !
'savez, m'sieur le juge, contempler c'bon vieux Brixius déverser son fiel sur de la caillasse, c'un peu monotone, un p'tit peu déjà-vu. Alors ses hurlements, c'est d'la berceuse pour des oreilles aussi blindées qu'les miennes. Voyez là, j'ai les paupières qui tooombent...
Vous me conster...


Le malheureux juge interrompu par la chute de pantalon d'un de ses subordonnés.

Q-Que...
Ouaaaah !
... Soldat Jibule, pensez-vous que ce genre de frivolité soit de circonstances ici ?
Un sacré slibard que tu ornes là, matelot, bien rembourré. Il me fait penser à un oreiller.

Effet secondaire de sa coupe de ceinture. Tu vois, Balty, j'aurais trouvé ça plus drôle si tu l'avais castré dans le même mouvement.

Allez vous changer. Et vous, surveillez les deux guignols. Et ne tournez JAMAIS le dos au petit âne. C'est le plus fourbe des deux.
C-Compris, chef.
J'sais vraiment pas c'qui s'est passé pour ma ceinture chef, elle était...
La ferme ! Avec des marioles comme vous, ces deux fous vont se croire chez eux ! Il leur faudra triple ration de fouet pour qu'ils reprennent confiance en leurs tortionnaires ! Croyez-vous que j'ai que ça à faire, que de passer ma nuit à distribuer des coups de fouet, crétin ?
Non chef ! Désolé chef !
Cassez-vous !

Le voilà tête baissé, déambulant dans la cour en remontant son pantalon, le soldat Jibule, traversant un nuage de sarcasmes généreusement dispensé à la fois par les bagnards et par ses solidaires collègues. Grotesque petit singe, il ressemble à un enfant toisé par ses petits camarades pour ne pas avoir su retenir ses selles ! Comme il est doux de se moquer de lui !

Défaisant les ruines de sa ceinture devant la grille d'accès à la cour de récréation, j'aperçois notre mignon gardien capturé par un doute. Mirant sa ceinture avec inquiétude, je devine qu'il fait mentalement l'inventaire du matériel qui devrait s'y trouver.

Il manque ta dague, Jibule, attendrissante petite souris craignant de se faire dévorer par le grand chat gradé. Ne désirant pas provoquer plus de vague, tu détales sans demander ton reste, impatient de te faire oublier.

Mais Jibule.
Cela ne fera pas revenir ta dague.


Hum.
Hum.
Pardonnez mon emportement.
Rassemblez le gravier dans les sacs et chargez le sur les chariots. Cela vous fera les épaules.
Vous m'avez l'air bien mal au point, Landstorm. Un peu d'exercice vous fera le plus grand bien, héhé.


La paresse s'est bien fixée en lui, Balty, j'en aurais presque l'impression qu'elle a élue domicile dans les plus profonds recoins de son âme. Un bon indicateur de l'état de délabrement dans lequel son esprit doit être actuellement.

Existe-t-il spectacle plus hypnotisant et poétique que celui d'un trop fier cuirassé lentement dévoré par les abysses ?
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Brixius papillonnait depuis qu’il avait l’opportunité de sortir. Cet homme goutait au plein air à nouveau. Sa jaunâtre bile semblait se vivifier et prendre une teinte plus proche de la pisse de cormoran. Il commençait également à s’agacer de voir le Landstorm si amorphe et lui injecta donc une nouvelle onde pernicieuse chargée d’avarice.

- Gros poulet paresseux ! Montre nous donc la vile avarice de ceux de ton espèce. Roule toi donc devant nous pour espérer glaner le prix d’une maigre pitance.

Landstorm, dépourvu de mer, ne pouvait pas vraiment résister à l’insolente capacité de Brixius. En quelques instants, son cœur se chargea d’une avarice lancinante. Il lui semblait devoir dérober et posséder la terre entière. Il commencerait donc par cette prison qui serait la première pierre de sa nouvelle richesse. Avec l’avarice était venue la fourberie et Benjamin feignait toujours d’être le plus paresseux des hommes.

Pendant une journée, il avait analysé avec méthode les hommes cassant des cailloux à ses côtés.

Le second jour, il prit le temps de casser quelques cailloux avec sa lenteur devenue proverbiale au sein de la prison. Il finit par persifler à l’oreille cireuse de Balthazar qui se trouvait non loin.

- Mordiou. Vil cabot, tu m’as l’air aussi pauvre que ta frêle chair le laisse à penser. Tu pourrais au moins servir à quelque chose ici !

Brixius afficha un air mauvais et dévoila l’espace d’un instant une dague à la lame luisante. Landstorm se lustra les incisives de sa large langue.

- Cap de diou ! Je m’en vais faire mes emplettes aussi, soit attentif !

Et ni une, ni deux, il s’approcha d’un groupe de prisonniers un peu à l’écart. En passant près des gardes, il affecta d’être au point culminant de sa paresse. Les hommes étaient bien trop épuisés à la rabrouer sans cesse et le laissèrent passer, convaincus qu’il faudrait donner du bras et du fouet dès que le juge passerait devant le très fatigable marin. Le groupe de prisonniers proche était constitué de trois individus, des hommes à l’air presqu’aussi sournois que Brixius. Ils étaient les individus spécialisés dans la contrebande et fournissaient aux forçats toutes sortes de choses. La monnaie locale était surtout des paquets de cigarettes, aisément dissimulables et très utiles pour tout type de troc. Et ce petit groupe était un peu le fournisseur en cigarettes ce qui faisaient de ces hommes les plus riches de la prison.

L’avare avait donc projeté de dérober ces paquets de cigarettes. Il y avait alors le risque de représailles qui l’avait jusqu’alors retenu. Mais le redoutable Brixius avait quelque peu changé la donne. Benjamin se trouva donc particulièrement confiant.

- Dégage l’marin ! T’as rien qui nous intéresse.
- Mordiou, je viens juste me mettre à l’ombre…

Et le solide marin s’installa sur le sol, la pioche à son côté. Les gardes fermaient les yeux sur le petit groupe de contrebandier, ce qui fait que Benjamin aussi se trouvait à l’abri des regards. Il faut dire que la surveillance n’était pas le point fort de cette prison. Les murs étaient hauts et épais, les sévices réguliers, de telle sorte que la perspective de fuite était mince et laissait à la soldatesque le loisir de se reposer.

Bien rapidement, les revendeurs détournèrent le regard de Benjamin qu’ils avaient trop régulièrement vu paresser de-ci, de là, indifférent aux coups de fouet qui lui tombait sur le râble. Leur inaudible conversation agaça fortement le marin qui était aussi avare en informations qu’en toutes choses. N’y tenant plus, il interpella une nouvelle fois les trois gaillards, après avoir fait un imperceptible signe au Baron de malheur.

- Hey les trois mousses ! Auriez par une cigarette pour s’bon vieux Landstorm ?
- Ta gueule ! T’as quoi a échangé pour ces cigarettes ?
- Bah faut voir, vous avez combien de cigarettes sur vous ?
- On a suffisamment de paquet pour acheter la moitié de l’île, alors parle nous plutôt de ce que toi tu as à offrir.
- Hm. Sacrévindiou ! M’avait l’air d’être trois triques bien dures ! Je veux pas échanger, je veux que vous m’donniez.

Les trois gaillards de regardèrent l’air interdit. L’un d’eux fit apparaître un petit surin qu’il fit tournoyer autour de son visage.

- On sait saigner les baleines ici, tu ferais mieux de te casser au plus vite.
- Cap de diou ! Un mort qui parle !

Les hommes ne comprirent pas cette dernière maxime. Jusqu’à ce que derrière eux, une ombre sournoise ne surgisse. C’était Brixius qui avait profité du détournement d’attention pour se faufiler derrière les trois hommes. En un éclair, il se colla au dos du porteur de surin. La lame du garde s’enfonça alors dans sa gorge dans un bruit de succion terrible. Puis plusieurs coups s’abattirent dans le corps déjà inerte du malheureux. Le sang giclait sur les deux autres vendeurs complètement déconcertés.

- Sens-tu la mort s’infiltrer par ses ouvertures béantes qui font rejaillir ce sang impur qui te sert d’essence vitale ? Maintenant chut… Meurt en silence et avec la fierté de mourir de la main d’un illustre aristocrate, d’un sang bleu si supérieur !

Et tout en parlant, Brixius vit les paupières de l’homme se clore définitivement. Aussitôt il attrapa le surin qu’il planta dans le torse de sa victime et rejeta le tout vers les deux hommes. Benjamin entra donc en scène alors que Brixius avait déjà quitté la scène et s’évertuait à éclater des rocs aussi gros que lui à l’aide de sa pioche.

- HOLA LA GARDE ! VOILA QU’ON ASSASSINE ! VOILA QU’ON TUE PENDANT MA SIESTE !

Aussitôt ce fut le branle bas de combat, les deux contrebandiers jetèrent au sol leurs nombreux paquets de cigarettes en homme qui ne veulent pas être prit pour contrebande en plus de meurtre. Benjamin, toujours allongé, s’en saisit avec rapidité, une lueur béate dans le regard. Les deux hommes rejetèrent ensuite le corps et jurèrent tous leurs saints qu’ils n’y étaient pour rien. Mais ils étaient recouverts de sang et autour d’eux il n’y avait que Benjamin, trop feignant pour une telle entreprise et Brixius, trop zélé pour se détourner de sa tâche.

On embarqua donc les deux hommes qui protestèrent un temps avant de se voir rouer de coups et de perde aussitôt l’envie d’hurler.

Ce qui laissa amplement le temps à Benjamin de contempler son butin. Il y avait là assez de paquets de cigarettes pour constituer un nouvel empire du crime. Il se pourlécha les babines mais cela ne dura qu’un temps. En effet, l’avarice qui l’animait s’échappa bien vite. Il se retrouva donc devant des paquets qui pour lui ne représentaient rien, il les jeta donc dans un grognement sous le regard ravi de Brixius.

Et quelques instants après, une main fines et jaunies emporta toutes les richesses…

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Notre cachalot, qui devient si friable lorsqu'on le laisse mijoter loin de son eau salée, est devenu un ustensile à part entière. Le voici capable d'apporter par lui-même un financement à ton projet de liberté. De là à affirmer qu'il t'es utile il n'y a qu'un pas, n'ayons pas peur des mots ! C'est une marionnette que tu imbibes de volonté par ton fruit. Tu lui as appris la sournoiserie et l'avidité, les deux grands moteurs de l'innovation humaine. Prudence ! Tu as enflammé sa détermination d'un brasier bien complexe à contrôler, ces flammes pourraient finir par se retourner contre toi.

Son ancienne avarice éteinte, tu l'as aussitôt rallumée. J'ai peur qu'elle finisse par te brûler, mais dans l'immédiat, elle rend ce stupide marin dépressif utile à ton entreprise. Ce risque t'a permis d'amasser un butin considérable.

Il s'agira d'investir judicieusement cet opulent capital, Balty. Peut-être en matériel ? Ou bien contre des vraies piécettes pour soudoyer quelques gardes avides et naïfs ? De multiples horizons s'ouvrent à toi, il ne te reste qu'un plan solide qui te permettra d'y naviguer. C'est ici que le bât blesse, mon ahuri petit mulet.

Voyons voir. Tu disposes
d'une dague bien aiguisé qui fait preuve d'une remarquable compétence pour déchirer les viscères des porcs.
d'une grille bouffie d'humidité qui ne résistera pas longtemps aux assauts de ta haine brûlante.
du pouvoir de l'argent, éternel et invincible.

La force,
La chance,
L'argent.
Si tu avais l'intellect tu aurais été sacré empereur des crasseux.
Tu baignes dans la bonne fortune, requin affamé que tu es, mais tu es si peu habitué que j'ai peur que tu t'y noies.

Dans un coin d'ombre de ta cellule tu rumines en ricanant. Ton esprit est une usine à perversités, des centaines d'idées s'extirpent de ta fange cérébrale.  


Maman ! Voici la CLÉ QUI ME PERMETTRA D'OUVRIR la porte de LUMIERE qui donne sur la liberté et la VENGEANCE !

Tu ne m'écoutais pas ?

C'est le SOCLE D'UN EMPIRE ! Ce VULGAIRE AMAS DE GOUDRON dont les malandrins se bourrent les poumons me propulse aux plus hautes CASTES de ces geôles !

Tu ne m'écoutais pas.
Comme le ciel me maudit de m'avoir retiré cette main si tendre qui trouvait si naturellement sa place à travers ton visage, lorsque tu te permettais d'être si insolent !


S-Soixante-deux paquets...

Te voilà adepte de la nicotine sans avoir porté une seule de ces friandises à la bouche. Tsssk. Benjamin le cachalot est aujourd'hui plus lucide que toi. Je n'en reviens toujours pas. En viciant son esprit d'avarice, tu l'as transformé en foudre de guerre. Malheureusement, la foudre ne frappe pas systématiquement là où on le souhaite.




A quoi sert l'argent si on ne le dépense pas ? Balty ne se sent pas vraiment concerné par la réponse.
Plus tard, au travail.




Tu dois être empli de courbatures.

La HAINE fluidifie mon SANG !

Ça ne te lasse pas de t'acharner sur ces minéraux en répétant toujours le même scénario ?

Mais Maman ! J'en suis à la SCENE où mon GLAIVE SACRÉ MÂCHE AVEC FOUGUE LE CROUSTILLANT CRÂNE DE CET INFÂME POR...
E-Euh mec. Excuses moi mec ?


Derrière toi, Balty. Un bagnard rachitique aux globes occulaires hideusement exorbitées. On aurait aussitôt envie de lui arracher. Mais attends peut-être avant de savoir ce qu'il te veut.

M-M-Mec ceeee-c'est toi qui a plein d'clopes mec ?
OSER VENIR M'IMPORTUNER DURANT MA RÉCRÉATIVE BESOGNE TE...
Je suis super en manque mec et j'ai plein de trucs à échanger m-mec. Fautfautfaut qu'on fasse affaire mec.


Calmes donc cette dague assoiffée, Balty.

J'peuxpeux te trouver des armes mec. Des outils. DDDDDes tuyaux sur la prison.
N'importe quoi c'que tu veux mec. Mais vite vite vite vite. Mec.


Plus d'armes te seraient inutiles. Et tu es devenu un subtil artisan capable de fabriquer par toi-même tes engins épandeurs de mort. Écoutes ta pauvre mère, Balty : tu dois pourchasser les informations.

Gnhinhin. Partages tes CONNAISSANCES de la STRUCTURE DE CETTE MÉNAGERIE.

Tu aurais aussi bien pu lui avouer tes projets de vagabondage. Tu partages la discrétion d'un chacal en rut, ainsi que ses relents.

Ouais. Ouais. Ouais. Mec. Dix paquets et j'te ffffile le secret le mieux gard-dé d'ce trou.
TRANSACTION CONCLUE, avec l'INEXORABLE condition d'une GRISANTE EVISCÉRATION EN PLACE PUBLIQUE si je ne suis pas satisfait de ta MARCHANDISE, colporteur !
Ouais. Ouais. Super. Donnes moi ces paquets mec. J'tiens plus. Dutoutdutoutdutout.
Euh...


Ignoble petit farfadet. Tu n'as amené aucun paquet au cas où une opportunité de ce genre se présentait ? Ton bon sens est donc à ce point rongé par les asticots ?

Je... C'était par PRUDENCE ! DIEU SAIT QUELS ROUBLARDS DÉMENTS ON PEUT RENCONTRER DANS CE TERRIBLE ENDROIT !
Tu papaparles tout seul mec ? T'es en manque aussi ?
Il s'avère que par SAGESSE j'ai laissé mes DEVISES DORMIR CONFORTABLEMENT DANS MA CELLULE.
Sérieux puputain ? C'tout d'suite que j'en veux moi mec !
Je t'ORDONNE d'attendre la prochaine SESSION DE RÉCRÉATION POUR...
Bah mec laisses tomtomber, j'vais al-l-lller voir quelqu'un d'autre, mecmec.
SI TU PATIENTES JE T'EN APPORTE VINGT ! NON TRENTE !
Ah bon. Ok mec. Mais...

Je savais tes initiatives hasardeuses. Mais devoir te prendre la main pour une décision si élémentaire ? Quel âge as-tu cette année, trente-six ans ? Je te conseille de périr lobotomisé, mon tendre mulet. La mélasse avariée qui stagne dans ta caboche défie toute science et je serais curieuse d'en observer physiquement les défauts de fabrication.

Tu largues ton poste de travail, ainsi que ton compère ahuri. T'en allant tambouriner à la grande porte de la cour, étrangement pressé de regagner ta cellule.


OUVREZ-MOI ! J'AI UNE OEUVRE URGENTE à ACCOMPLIR !
T'attendras l'retour en cellules pour aller pisser, connard, comme tout le monde.


Étonnamment, l'accueil glacial du garde ne te transporte vers aucun sommet de colère. Tu te contentes d'étaler sur ton front cette sueur grumeleuse qui gicle de tes pores.
Que crains-tu, Balty ? Penses-tu que ton butin est en danger, laissé à découvert dans ton pigeonnier, vulnérable à l'avarice de n'importe quel opportuniste ?

Aucun risque, j'insuffle la TERREUR dans les coeurs. PERSONNE N'OSERA PILLER LE TRÉSOR D'UN DRAGON !



Un petit peu plus tard.
On rentre du boulot.



Où est mon
MON TRÉSOR ?!


Volatilisé.
Tu grattes le pavé. Ici et là, quelques restes de nicotine. Pas de quoi satisfaire un homme d'affaire tel que toi.
Je ne sais que dire, Balty. Je ne suis pas énervée, ni même amusée. Peut-être blasée ? Ces situations sont si communes par chez nous.


Hm.
SI TU AS VU QUELQUE CHOSE, PARLES, OUTRECUIDANTE CARPE !

Il est muet.

Hm.

Et il hausse les épaules.

Alexandre, quant à lui, recroquevillé à l'opposé de la cellule, se tassant dans la périphérie de ton champ de vision. Effort plutôt vain puisque tu connais déjà le coupable.

Landstorm.

Il est vrai qu'il s'est fait bien peu remarquer aujourd'hui.

LANDSTORM.

Et que tu l'as gorgé de cette insatiable ambition qu'est l'Avarice.

LANDSTORM !

L'éclat gris du coutelas que tu dégaines fait pousser à Alexandre un adorable cri de porcin.

Brixius, jeune Brixius, tu vas m'faire quoi qu'ces troubadours m'ont pas encore fait ?
Me pendre avec mes tripes ? Me faire gober mes chicots ? M'ouvrir la cage thoracique et m'faire plonger la tête dedans ?


Béat ! Parce qu'il t'a volé tes menaces. Une manoeuvre qui a un goût relativement désagréable, c'est comme t'arracher la langue, à vif.

Moi j't'assure que tu m'feras rien, Balthazar. Parce que si tu m'envoies ad patrès,
tu sauras jamais où sont passées les clopes.


Tu l'as transformé du tout au tout.
Ce chacal manigançait un coup d'état !
Hinhinhin.
HIHIHIHI !
...
Un rire nerveux, Balty. N'y prêtes guère attention. Je suis encore de ton côté.
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Soumis à une avarice lancinante, Benjamin souriait avec avidité. Son large menton se trémoussait au rythme des froncements de sourcils de Brixius. Le marin avait simplement demandé à Hm de conserver les paquets de cigarette. Le muet détenu c’était toujours avéré être un personnage semblant libéré de tous les vices de la terre. A l’inverse Brixius le colérique et Benjamin l’avare s’affrontaient maintenant du regard hésitant à passer aux mains. Mais le marin souhaitait économiser ses coups, Brixius ses forces. Le baronnet décida donc d’attendre son heure.

Celle-ci ne tarda guère à se manifester. Un garde vint bientôt se présenter à l’entrée de la grille de leur cellule. Hm se leva en silence et sorti de l’on ne sait où une dizaine de paquets de cigarette qu’il tendit. L’officier s’empara du petit trésor et donna en échange un papier roulé en parfait état. Brixius écarquillait les yeux, Benjamin resta impassible.

- Enorme phoque écervelé ! Tu as donné les cigarettes au muet ?! ET LE GARDE !?
- Sangdiou ! Hm est probablement le plus fiable et le plus apte à partir d’ici.

Hm dodelinait de la tête en homme qui sait apprécier un bon compliment lorsqu’il est fait.

- Les gardes ici sont payés lamentablement et se prostitueraient presque pour quelques piécettes. J’ai eu tout le loisir de les entendre se plaindre de ces conditions lorsque je paressais à gauche à droite. Il faut dire que le coût de la vie sur Kikai est particulièrement cher. Je suis sûr que j’ai fais une très bonne affaire.
- MAIS J’ALLAIS AVOIR LES PLANS DE LA PRISON ! TRIPLE IMBECILE !
- MORDIOU ! LES VOILA TES PLANS DE LA PRISON ! ALORS CESSE DE CRIER IMMONDE CANCRELAT !
- MON INNÉ SENS DU MAQUIGNONNAGE NOUS AURAIT OBTENU CES PLANS A DE MEILLEURS TARIFS !

La mauvaise foi du baron était grande mais il se contenta de croiser les bras et de tapoter du pied. Intérieurement il songeait que Benjamin n’était que son instrument et que c’était toujours lui qu’il fallait complimenter pour cette action d’éclat. Il repensa également au prisonnier en manque qui lui avait proposé un marché pour trois fois plus de cigarettes. Mais alors qu’il rêvait de se faire un collier avec les tripes de ce détenu, Brixius fut sorti de sa rêverie par Benjamin qui commençait à analyser le plan. Au-dessus de lui, le massif Hm décrivait un chemin du doigt avec une forme d’expertise.

- Tu m’as l’air tellement bien renseigné mon bon Hm que je me demande ce que tu fais encore ici. Il faut croire que c’est la providence qui voulait que tu attendes notre arrivée.

Hm haussa les épaules, qu’il avait massives, et montra l’étroite embouchure qu’il dissimulait depuis le début. Cette petite grille ne laisserait pas passer un tel athlète. Benjamin siffla longuement.

- Ah je vois. Tu ne passes tout bonnement pas par la sortie mon brave… Mais si nous le pouvons, nous remontrons t’ouvrir la grille.
- Hinhinhin ! Bien sûr nous reviendrons te délivrer et ramènerons aussi quelques CROISSANTS POUR NOTRE SEIGNEUR CARPE !

Benjamin plissa les yeux, il lisait en Balthy comme dans un livre ouvert. Il y avait autant de chance que Brixius remonte aider un autre individu que de voir le juge ouvrir jovialement la cellule pour leur signifier que dorénavant la piraterie était religion d’état.  

- Concentre toi Balthazar ! MORDIOU ! Regarde cette carte avant que nous ne la faisions manger à notre ami Alexandre.

Le massif marchant suait déjà à grosse goutte et commença à trembloter lorsque son regard croisa celui de Brixius.

- Nous pouvons aisément passer par cette grille nous autres.
- Moi oui ! Mais toi et ton large séant de morse veule…
- Et bien je passerai premier ! Tu auras ainsi tout loisir de me pousser ! DONC ! Nous descendons par la grille qui mène à un couloir. L’inconvénient c’est qu’il n’y a qu’une issue et c’est la salle des gardes… En fait nous sommes juste au dessus de l’étage de torture. Il y a la salle des gardes et accolées à elle la salle de torture. Une fois en dessous, nous ne pourrons que remonter.
- Je vais donc devoir lacérer quelques porcs pendant que tu regarderas comme un couard !
- On a qu’un couteau ! Alors je resterai tranquillement derrière pour assurer tes arrières.
- TU VIENS DE DIRE QU’IL N’Y AVAIT RIEN DERRIERE !

Benjamin était du genre particulièrement couard lorsqu’il sentait que sa vie pouvait se terminer ailleurs que sur la mer. Et si Benjamin savait que Brixius ne remonterait pas aider Hm ; Brixius savait que Benjamin ne mettrait pas sa vie en danger même pour tenter de s’enfuir. Fort heureusement, le vil baron avait à l’esprit quelques utilisations retorses de son fruit du démon. Il se contenta donc d’hausser les épaules et de marmonner dans ses dents.

- Donc tu neutralises les gardes. Et nous pouvons accéder à la salle des tortures, histoire de vérifier que personne ne resurgira dans notre dos. Normalement on aura trouvé des armes dans la salle précédente.
- Evidemment ! C’est la salle des gardes !
- BREF ! Nous assurons la salle de torture et nous remontons à l’étage supérieur. De là on peut remonter le couloir jusqu’à l’extrémité est, il y a une échelle de service qui monte sur les toits.
-  Nous concevras-tu ensuite quelques AILES avec ta graisse pour nous ramener en sécurité sur la TERRE FERME ?
- On trouvera bien un moyen ! Puis en sautant on devrait peut-être pouvoir s’en sortir…
- UN PLAN RIDICULE ! IL ME RAPPELLE QUE TON CERVEAU DE MARIN DOIT ÊTRE BIEN RABOUGRI PAR TA CHERE IODE !
- FOUTREDIOU, j’en sais rien ! C’est ma première évasion alors je compose avec ce que j’ai.
- Cette grille endommagée a rendu NOTRE PLAN POSSIBLE ! J'espère que tu garderas bien en tête qu'elle est PLUS MERITANTE QUE TOI !
- Je te dirai bien qu’on a de la chance. Mais je te rappelle que je suis emprisonné ici suite à une dérive depuis les Blues et à une copulation accidentelle avec un tonneau. QUE DEPUIS JE ME FAIS FOUETTE A LONGUEUR DE JOURNEE. QUE JE SUIS DEVENU UN CASSEUR DE CAILLOU PROFESSIONNEL ET SURTOUT ! SURTOUT ! QUE JE N’AI PAS VU LA MER DEPUIS JE NE SAIS COMBIEN DE TEMPS ! ALORS BRIXIUS ! BORDEL ! LA CHANCE VIENT JUSTE DE TOURNER ET C’EST PAS TROP TÔT !
- Il n’empêche…

Benjamin se souleva et roula la carte avec précision, il se dirigea ensuite vers Alexandre tout en continuant la conversation.

- En libérant Hm, il nous trouvera surement un moyen de sortir par les toits. Au pire nous pourrons toujours nous servir d’Alexandre comme de matelas de réception.
- Moi !? M-m-mais ?
- Chut toi et mange moi cette carte !
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Un plan remarquablement tordu bardé de failles, qui laisse la part belle à une apaisante vengeance, et qui s'encombre de nombreux figurants. Notre bourgeois rembourré embarqué dans votre croûteuse chaloupe malgré lui s'est rongé les phalanges toute la journée, torturé par tes regards méfiants. C'est que ta dague t'a longuement chatouillé ! Cet adipeux réservoir à larmes pouvait à tout moment bavarder avec un garde et lui dévoiler le scénario. Or une lame en travers de la gorge constitue un barrage contre ce genre de désagréments.

Mais que serait devenu votre si beau plan, noyé dans le sang du bourgeois ? Un torchon illisible bien entendu.

Donc tu as pris ton mal en patience.
Tu l'as surveillé inlassablement.
Mirettes enflammées braquées comme phares sur le disgracieux bonhomme.
Inlassablement.
Toute la journée.
Puis tu t'es endormi.
C'est que ça faisait une semaine que tu ne prêtais guère de temps au sommeil.

Eh oui Balty. Aujourd'hui, mon emprise s'étend jusqu'à tes rêves.
Quoiqu'il en soit, il fut décidé d'en finir cette nuit. L'obscurité complice vous offrira couverture et temps.
 
Réveilles toi.


Réveilles toi, feignasse !
MAMAAAAAN ! INONDONS DE SANG ROTURIER CES IMPURS ERGASTULES !
Fermes-là ! Crédiou !

Landstorm bouche ton gosier de sa grosse paluche, dont parviennent tout de même à s'extirper quelques débris d'injures, tandis que dans un réflexe tu as dégainé ta dague en alpaguant un ennemi imaginaire. Tu n'as jamais été bien matinal, Balty.

Il est l'heure de s'tirer d'ce cachot ! Que j'sois damné si demain à l'aube, on est pas sur la plage à humer l'écume !

Mauvais rêve, Balty ? Ton ami à la lourde et sphérique bedaine s'écarte de toi. Se faisant, tu aperçois Hm accroupi, travaillant la grille d'aération. Une maigre éclaircie dans ton esprit encore nuageux impulse dans tes nerfs un orage violent. Eh bien oui, Balty, c'est aujourd'hui, si tout se passe bien, hinhin, que nous quittons ce charmant hôtel. Et nous remercierons notre hôte en passant, n'est-ce pas, c'est la moindre des politesses.

Sors donc de ce stupide rêve narratif qui t'avait happé. Maintenant démarre, en cette somptueuse nuit, un délicieux cauchemar dont tu seras le croque-mitaine.


Hm.
Ah, enfin ! Regardes, Balthazar, nous qui sommes restés enfermés dans le malheur des semaines durant, le destin s'est enfin décidé à nous ouvrir ses portes !


Le boucanier trépigne, hinhin, comme un enfant à qui on a promis d'aller sur la plage. Ce gueux invoque le destin avec tant de nonchalance, on dirait qu'il l'appelle en tant que vulgaire camarade !

Je préfère qu'on passe mon âme à la DIVINE BROYEUSE plutôt que d'en être réduit une NUIT à PRIER UN FUMISTE FATUM, CANAILLE !
Les vrais pirates, blanc-bec, sont des hommes de foi.
JE SUIS SEUL RÉALISATEUR ET ACTEUR DE MA GLORIEUSE ÉPOPÉE !
Baisses d'un ton !

Dans son regard surnage une pétillante démence. Je suppose que le simple espoir de revoir sa mer suffit à l'évangéliser. Un petit esprit étroit dans lequel la raison ne peut trouver sa place.

Bien, nous y allons. Nous reviendrons pour toi, Hm.
Hmm.

Comme escompté, Landstorm est le premier à s'engager afin de s'assurer que s'il venait à rester coincé, trois manutentionnaires seraient prêts à pousser sa lourde charge pour le dégager. De quoi peut bien se nourrir ce gigantesque poisson pour s'être doté d'une si massive bedaine ? Les hommes de la mer ne sont-ils pas censés périr du scorbut et finir avec leurs corps et leurs rêves naïfs émaciés ?

Sans surprise, le tonneau de rhum qui lui fait office de ventre le bloque dans l'entrebâillure. Avant même qu'une plainte n'ait temps de s'arracher de sa gorge, tu martèles de coups de semelle son gros derrière.

HMMF ! DÉMONTER TA CARCASSE BOUFFIE ici pour la RÉASSEMBLER DE L'AUTRE CÔTÉ SITÔT PASSÉ CETTE DOULOUREUSE ÉPREUVE aurait été plus judicieux ! HMMMF ! HMMF !

Étrange idée, Balty. Morceler Landstorm n'aurait résulté qu'en un immense puzzle interminable à résoudre.

Après une intense dizaine de secondes à travailler tes mollets, voici le morse enfin tassé de l'autre côté. Tes poumons, que tu monopolisais davantage à fleurir le silence ambiant de jurons plutôt qu'à t'assurer une saine respiration, semblent fondre dans ta poitrine. Voyons voyons, Balty, n'oublies pas ta tuberculose, tu vas finir par nous vomir du sang partout.


Dépêches-toi, corniaud !

A ton tour d'emprunter cet accueillant tunnel. Sans mal aucun, contrairement au balourd ton tour de poitrine doit à peine excéder celui d'un rat. Quelques gouttelettes de sang perlent le long de tes lèvres : rien d'alarmant. Tu t'extirpes aisément de l'autre côté, avant de t'écraser tête la première quelques mètres en contrebas. Ménages ton cerveau, Balty, ce n'est pas parce qu'il est la pièce la plus défaillante de ton être que tu peux le négliger ainsi. Cela reste un organe important.

Serviable, ton compère t'aide à te réinstaller droit sur tes guiboles, et ne montre aucune lésion ni hématome. Sûrement sa graisse qui a amorti sa chute.


J'espère que tu as pris du plaisir à me botter l'arrière-train, crénom d'profiteur.
Une seconde de plus et j'aurai GLISSÉ MA DAGUE POUR DÉCOLLER TES FESSES *keuf keuf !* et les apprêter en rôti... *keuf !* Glarg !
Mauvaise toux, t'as choppé la crève ?
LA TUBERCULOSE EST MOINS INTRUSIVE QUE TOI, SYCOPHANTE ! MÊLES-TOI DE... *keuf arrrgl !*
Mordiou, tu as intérêt à encore savoir courir. On a la salle des gardes à nettoyer, dégaines-moi ton épluchoir.


Tu t'exécutes. Oui, sers-lui de chien bien dressé à l'attaque, Balty, de toute façon, ton manque de souffle assèche ton réservoir à fiel. Ne me fais pas une syncope en pleine joute. Ça serait bien ton genre de nous faire une telle farce !

Vous galopez dans le couloir, toute notion de discrétion passée par-dessus l...


J'OUVRE LES VANNES NOIRES DE TA RANCUNE, QU'ELLE SE DÉVERSE A NOS CÔTÉS COMME UN INTARISSABLE RAZ DE MARÉE !
Qu'est-ce que t...
IRA !


Un serpent de colère s'en vient mordre le coeur de notre gros phacochère.
Hum. Balty... Pourquoi le maudire ?


Tu as raison, Maman, hors de question que je lui SERVE DE BÊTE DE COMBAT, il me DOIT DOCILITÉ ET...

Tu veux qu'il fasse sa part, moui, je comprends. Je comprends mais je n'approuve pas. Je n'approuve pas grand chose provenant de ton esprit suppurant, hum.
Landstorm t'inflige une lourde claque. Ton hémoglobine sombre s'envole de ta bouche sous forme d'un épais nuage.


QU'EST-CE QUI TE PREND, TRAINE-POTENCE ?!

Sa voix, jusque là paisible et adaptée à un enjeu d'infiltration, triple de volume et envahit les murs comme une série d'explosions.

Il n'en faut pas plus pour qu'au fond du couloir la porte s'ouvre, et qu'un brave sbire fasse son apparition, faciès choqué.


D-Des évadés !

Où est passée ta dague, Balty ? Fais attention à tes affaires...

SONNEZ L'ALA... GRAAH !

Oh, elle est dans le poitrail du petit soldat, au temps pour moi. Tu as fourré le gros Landstorm d'une haine qui le rend particulièrement réactif. Regardes le trouer ce minet ! Tout ses principes se sont comme évaporés. Cette colère était déjà dormante en lui, durant des semaines elle reposait, grandissante en silence, ronflante au rythme des coups de fouets et des humiliations.

Ton fabuleux pouvoir a infligé une pichenette décisive à un lion enragé, Balty.


LOI DU TALION ! POUR CHAQUE COUP DE FOUET QUE VOUS AVEZ EU LA GENTILLESSE DE M'INFLIGER, J'ÉCRASERAI L'UN DE VOS RATS DE CALE !

Il pénètre la tant attendue salle des gardes et poursuit son chef d'oeuvre.

CHATRONS ! CRASSES DE MEULE !

Il enfonce si profondément la dague dans le biceps de l'un de ces agneaux qu'elle y reste logée dans son os. Peu importe, il le finit en compressant son crâne entre ses deux énormes paumes gorgées de rage.

VOUS M'AVEZ VOLÉ LA MER, JE PRENDS VOS VIES ! VOUS M'AVEZ POUSSÉ DANS LA FOLIE, JE VOUS EMPORTE AVEC MOI ! VIENS PAR LA, PUTERELLE ! A TON TOUR !
Gnnn ! Des renforts ! FILEZ CHERCHER DES RENFORTS !

Non sans une certaine appréhension, tu t'engages dans la pièce et t'en va récupérer ta précieuse dague. Tu sens en toi bouillir ta propre haine. Une haine naturelle, sans injection d'aucun fruit du démon, une haine authentique, celle-là même qui possède ton corps et l'invite à empiler les cadavres.

Ne mens pas, tu adores ce sentiment, Balty. Le sang qui chauffe, tes organes qui s'entassent en une unique grappe palpitante, ton esprit où danse une farandole de perversions. Tu ne te sens vivant que lors de ces instants où ton infime portion de lucidité est gobée crue par toute cette rancune accumulée comme un trésor depuis des années.

Tu deviens léger.
Un animal gouverné par un seul instinct.
Par cet orgasmique désir de destruction.
Fracasser. Terrifier. Broyer. Déchiqueter ce monde ingrat.


BANG ! BANG !
Merde merde merde !


Un trublion a réussi à partir cueillir un fusil. Deux tirs en direction du boucanier enragé, sans faire attention à toi, nettement plus discret (pour une fois !) mais tout autant assoiffé. Tu fonds sur son flanc et creuse dans ses côtes une caverne rubiconde.

NOUS VOICI VENUS AU PROCES DES LÉONINS ! JE SUIS LE VINDICATIF BRAS DU CHÂTIMENT ! J'IMPRIME A MÊME LEUR VIANDE MON VERDICT ! *keuf !*

Ta dague en transe le lacère. Tu l'éventres, glousse devant l'épandage de boudins qui se déverse à tes pieds.

Puis tu passes au suivant. Un garde prêt à te résister, muni d'une épée. Tu bloques son épée à pleine main, ta paume se craquelle, en dégouline une cascade de sang. Mais ton autre main, la main qui juge, lui embroche le cou. Tu aimes les trachées. Tu aimes les trancher.

Allons bon. Suis-je la seule à conserver un tant soit peu de conscience ici ? Bande de sauvages.

Une bruyante cloche résonne. L'un de ces ratons a du s'échapper et parvenir à déclencher l'alarme.
Déjà votre plan déraille. La haine a pris les commandes de la locomotive. Et elle accélère, sans regarder devant elle, et vos ricanements surpassent même le vacarme de la cloche, et vous continuez à charcuter des gardes dépassés par votre hargne, et vous êtes désireux de tartiner sur cette nuit, délicieuse nuit, une écarlate sauce.
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Balthazar avait récupéré son coutelas dont il jouait joliment. Benjamin pour sa part avait opté pour une arme plus marine en s’équipant d'un grand sabre. Le solide pirate avait l’écume aux lèvres et taillait de belles tranches de jambon dans les cuisses des gardes. Notre second boucher n’était pas en reste bien que plus orienté sur les abats : pieds, tête, foie, tripes, Brixius lacérait avec une expertise redoutable tout ce qui passait à proximité de lui. Les hurlements de porcs firent s’ouvrir en furie la porte menant à la salle de torture. De là émergea la tête ahurie du juge accosté de deux bourreaux musculeux, torses nus et tisons enflammés à la main. Le plat de résistance venait d’entrer en scène et nos deux acolytes ne purent réprimer une exclamation teintée de joie en voyant là le juge.

Benjamin se décrocha presque la mâchoire !

- PAR LA SAINTE MER ! LE JUGE !
- VOUS QUI AIMEZ VOUS EMPIFFRER, LAISSEZ MOI VOUS FAIRE GOUTER LE COEUR DE VOLAILLE QUI SE CACHE SOUS VOTRE BEDAINE, VOTRE HONNEUR !

Ils n’eurent pas le temps de profiter davantage de cette joie extatique car d’autres gardes venaient de descendre vers eux. Benjamin empoigna le premier et le propulsa si solidement sur le mur voisin que l’on entendit quelques os se rompre. Le second garde vit apparaître sur son dos le sournois Brixius qui plongea répétitivement sa dague dans sa nuque projetant des gerbes de sang sur un bon mètre. Toujours animé d’une fulgurante rage, le marin accueilli ce débordement avec force juron.

- PALSAMBLEU ! LA BELLE MISE A MORT QUE VOILA !

Un troisième et dernier garde tenta bien de tirer sur Brixius mais Benjamin lui envoya un tabouret de bois en plein dans la mâchoire. Une seconde plus tard le marin donnait de l’épaule dans le bas ventre de l’infortuné qui vola vers Brixius lequel, d’un magnifique geste aérien, lui trancha la gorge. Devant une telle défaite du corps disciplinaire, les deux bourreaux décidèrent de se mêler à la partie sous les ordres d’un juge aussi enragé que Landstorm.

- VOUS ALLEZ ME FAIRE DES DECENNIES DE CACHOTS POUR CELA ! ARRÊTEZ MOI CES DEUX FORBANS ! COUPEZ LEURS LES JAMBES S’IL LE FAUT !

Plus enclin à honnir qu’à guerroyer, le juge resta tout de même à distance respectable. Il poussa un hurlement de joie étouffé en tapotant dans ses petites mains lorsqu’il vit un premier tison toucher le bras nu de Benjamin. Brixius, plus agile, venait d’esquiver l’attaque de l’autre bourreau mais avait également manqué sa cible, taillant dans le vide.

- CE HUILEUX PORC SE DEPLACE AVEC UNE AISANCE IMPROPRE A SA RACE !

Débuta alors un ballet bien particulier. Chaque danseur virevoltant autour de grandes tables de bois, essayant par tous les moyens de toucher sans être touchés. A ce petit jeu, les graisseux bourreaux s’avérèrent doués mais trouvèrent en leurs adversaires des ennemis dignes d’intérêt. Benjamin était monté sur une table et, profitant de cette position surélevée, s’escrimait avec rigueur. Le marin faisait jouer son jeu de jambe qu’il avait excellent et parvint finalement à asséner un coup de botte qui fit valser son adversaire. Dans un schéma presqu’identique à la précédente passe, Brixius se précipita aussitôt pour donner le coup fatal. Mais alors que le premier officiant rendait son dernier soupir, le second plongea son tison dans le dos sec de Brixius. Le baron posa genou à terre dans un hurlement terrible. Fort heureusement, Benjamin était déjà sur l’oppresseur accordant à son frère d’évasion un moment de répit crucial. Cela sentait le poulet que l’on vient de plumer et brûler, une situation qui ne manqua pas de faire rire le marin.

- HAHA ! M’semblait bien que le baronnet tenait plus d’la volaille que d’l’aristocrate !
- VEUX-TU BIEN FERMER CETTE OUVERTURE PURULENTE QUI TE SERT DE BOUCHE, RUSTRE LOURDAUX !?

Mais déjà Benjamin ne riait plus alors que le tison venait de le cueillir à la cuisse. Une odeur bien similaire à celle de Brixius embauma la pièce. Brixius, toujours sur le sol, laissa entendre un ricanement strident.

- Hinhinhin ! NE REGRETTES-TU PAS DEJA DE RESPIRER CE SUIF DE VEAU MARIN, BOURREAU !?

La douleur lancinante qui flattait le cuissot du marin lui provoqua un nouvel accès de colère. Ses yeux sortirent presque de ses orbites et il attrapa le tison par le bout enflammé. Le bourreau tenta bien de le faire lâcher prise mais sans succès. Quelques secondes plus tard, il se trouva sur le sol, la gorge broyée sous un épais genou. Il voyait au-dessus de lui le visage déformé du marin, puis, encore au-dessus, vint apparaître la tignasse graisseuse de Brixius.

- ADIEU DONC !

Ne restait donc plus que le juge qui s’était presque glissé jusqu’à la sortie. Mais les deux prisonniers lui mirent la main dessus avant qu’il ne puisse passer la porte. Déjà l’on entendait à l’étage supérieur des gardes arriver mais surtout un énorme brouhaha : les autres captifs réagissaient à la tentative d’évasion en donnant de la voix.

- Mordiou, j’aurai aimé prendre mon temps avec toi, infâme personnage ! Tu mérites les plus grands raffinements de cruauté !

Et il lui balança un formidable coup de poing qui le laissa presque inconscient. La viande était à peine attendrie que quelques doigts volèrent, tranchés par le sabre du Landstorm. Les hurlements terribles du juge ne firent qu’attiser encore plus le feu colérique allumé par le fruit du démon de Brixius. Benjamin brisa un genou de l’infortuné juge dont la jambe formait maintenant un magnifique angle droit. Pas le temps de se reposer que déjà un large coup de poing vint lui fêler une pommette.

Il fallut que Brixius s’interpose pour stopper son acolyte exalté.

- Laisses oeuvrer les ARTISTES DE LA SOUFFRANCE, béotien, nous sommes sur un travail qui ne doit PAS ÊTRE BACLÉ !
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Kkkhhh... Khh... Vous ne m'entendrez pas... vous supplier... Kkkhh...
Et POURTANT ! J'attends quelques EXCUSES PENAUDES avant de t'AUTORISER A QUITTER CE MONDE !
Allez au diable, malfrats... Kkhhh... GRAAAH !


On perd de sa superbe lorsqu'on se fait cisailler le bras comme s'il s'agissait d'un grassouillet gigot.

Cependant, une amertume te siège dans la gorge, Balty. Ce n'est pas une chute qui te convient. Tu as envie de construire une exécution magnifique. De la décorer d'ironie. Il te faut du théâtral, du puissant, un souvenir indélébile qui s'imprime à jamais dans l'histoire de cette île démente.

Tu le vois, le fouet, gisant non loin du juge. Tu t'en empares.
Avant même que son cerveau ralenti ne distingue l'ombre qui s'abat sur lui, le cuir du fouet lui dévore un lambeau de dos.


AAAAAAH !
Oh ! Entends-tu ? C'est le délicat claquement de l'IRONIE !
LANDSTORM !

Il comprend aussitôt. Vole son tison encore chaud à travers la pièce, puis atterri dans ta paluche tremblante d'excitation.

Tu le fouettes, encore.
Sur sa jambe hideusement retournée.
Sur son tibia découvrant directement le monde extérieur.
Sur les moignons frais de ses doigts.
Dans la tête.
Tison, Balty ! Tison sur les plaies béantes pour les cautériser !
Bien évidemment, s'il se vide davantage de son sang, ce sac à viande mollasson, il risque de ne plus être en mesure d'assister à la suite du spectacle en son honneur.

NOOOOOOOON !! RAAAAH !
Excuses-toi, avoues ton impuissance, et vénères ce dieu de sang bleu qui juge tes péchés !
Peut-être concédera-t-il à cesser cette délicieuse mascarade ?
JAMAIS ! JAMAIS ! RAAAAAAAH !
JE SUIS LE SEUL APTE A TE DÉLIVRER DE TES TOURMENTS ICI, MARAUDS ! SUPPLIES-MOI !


Ce gros lard n'a plus rien à perdre, Balty, mis à part sa dignité. Tu as bien mal manoeuvré. Tu ne sais pas cuisiner un homme. Juste lui déverser ta bile acide à travers le visage jusqu'à ce qu'il en devienne méconnaissable.

Fouette,
fouette,
fouette.
Tison.
Refrain :
Fouette,
fouette,
fouette.
Tison.
Fait sauter son petit nez mutin à l'aide de ton coutelas, dégoulinant de sève humaine.
Tison.
Tison, derechef. Tu humes le fumet de sa grillade.

Dégaine ton coutelas, grave un énorme B à même son dos ruisselant. Un B absolument illisible tant le flot d'hémoglobine est incessant.

Des larmes giclent de ses minuscules petits yeux. De la cendre dévale ses lèvres depuis les vestiges de son nez. Des cris innommables fuient son corps.


BALTHAZAR ! J'ENTENDS LA CAVALERIE RAPPLIQUER !
CHAQUE CHOSE EN SON TEMPS, PHOQUE GALEUX ! JE DOIS LUI EXTIRPER DU RESPECT DE SES PURULENTES ENTRAILLES AVANT DE L'EXPULSER DANS L'OUTREMONDE ! DEVRAI-JE CREUSER DANS SES POUMONS POUR LES TROUVER !
P-P-Pas... Rien... Khhhh... Graah...
On n'a plus le temps, finis moi ce cochon et décampons !


Hinhin. Ce serait frustrant de ne tirer aucune excuse de ce vieux juge. Ça se retournerait contre toi, se graverait en tant que défaite dans ta mémoire étroite et ensanglantée. Il s'avère que malgré son apparence pataude et coulante, ce crotale jouit d'une effroyable détermination. Les insolents qui t'ont résisté jusqu'au bout, ceux qui ont visité toute l'étendue de ta sauvagerie, ceux dont tu as bourré d'outrages, mais qui n'ont malgré tout rien lâché, se comptent sur les doigts de la main.

Pas celle du juge, hinhinhin.

Tu enroules le cuir du fouet autour de sa gorge. Ton étreinte dessine autour de son cou un juteux filament de sang.

SOIT ! EMBARQUONS-LE EN SOUVENIR !
Tu es fou ?

Étrange question.

Il nous ralentira trop ! FAIS-LUI DONC SAUTER LA CABOCHE OU JE M'EN CHARGE !

A son tour ! Il se jette sur notre bon juge. Il tente de l'étrangler, de tirer sur le fouet, te bouscule, te secoue, que sais-je encore, il veut profiter du dernier souffle du démon en cravate. Qui peut lui en vouloir ? Une session de torture n'est agréable que lorsqu'elle est menée sans impératif de temps, c'est la base même. Quand il faut surveiller une horloge, on s'emmêle, on fait des bêtises, comme

basculer en arrière, manche du fouet bien en main

étreinte extrême appliquée sur la gorge de ton jouet,

sa tête gicle comme un bouchon de champagne.


BWAHAHAHAHA ! BIEN JOUÉ !
NOOOOOOON !

Averse d'hémoglobine, le corps s'effondre sur tes petons, les écrase et t'arrache un grognement. Tu te précipites sur la caboche, qui voltige dans les airs. Tu l'enserres, comme une douce peluche, mire dans les yeux livides le reflet de ton échec. Son visage est figé dans une expression de terreur, mais ça ne te suffit pas ! Tu voudrais le ramener à la vie et recommencer le rituel de joie, encore et encore !

GRAH ! IL N'A PAS... IL N'A PAS...
JE NE L'AI PAS DOMINÉ ! IL N'A PAS IMPLORÉ PITIÉ ! IL S'EST JOUÉ DE MOI !
Tu vas finir par t'persuader qu'il est parti en douceur, bestioulet que tu es !

Il agit comme si la haine que tu lui avais injectée s'était diluée. Probablement un intense sentiment d'apaisement qui a noyé sa colère. Quel dommage. Il faisait un remarquable partenaire de félonie, ainsi éveillé par ton fruit !

Landstorm rit aux éclats. Il t'agace. T'agace. T'agace ! Dans ses crocs jaunis, tu projettes la tête de ton défunt némésis. Touché en plein nez ! C'est un amusant sport de balle que tu inaugures là, Balty.


TU M'AS CHAPARDÉ MON APOGÉE ! FILOU ! AIGREFIN !

Sur ce, un trio de pauvres chatons se montre à la porte de la salle, horrifié.

I-Il...
ILS ONT MASSACRÉ M'SIEUR LE JUGE !


De la pire des manières possibles.
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Les nouveaux arrivants sont tétanisés par la scène qui s’étale devant leurs yeux. Leurs jambes tremblotent comme une voile mal tendue, les dents commencent à claquer dans un silence de mort. La main de Brixius décrit des cercles larges dans l’air faisant siffler la lame de son coutelas. Il semble indifférent à tout ce qui vient de se passer. Benjamin quant à lui commence à reprendre ses esprits, la colère est un pêché qui se consume à grande vitesse. Il commence à ressentir les douleurs des combats et prend conscience de sa situation délicate. Peu à peu la peur lancinante de mourir sur la terre s’instille dans son cœur, refroidissant ses veines comme parcourues soudainement de glace.

Il finir par lever les mains bien haut, laissant tomber son épée sur le sol de pierre. Les soldats sont toujours aussi interdits et apeurés, ils deviennent même méfiants devant un tel spectacle.

- Nous nous rendons messieurs ! Inutile de nous tuer !

Brixius commence à sautiller sur place, oubliant un instant les gardes pour se concentrer sur le marin.

- PLEUTRE !
- Loin de la mer ?! CAP DE DIOU ! Je le crois bien !
- INVIDIA !

Et Brixius transforma Benjamin en monstre d’envie à l’aide d’un de ses rayons diaboliques.

- COMMENT ?! QUE DITES VOUS IMPUDENTS FAQUINS ? VOUS AVEZ VU LA MER AUJOURD’HUI MÊME ?

Il sur-jouait totalement mais cela n’avait guère d’importance, la seule évocation d’une personne ayant vu la mer plongea le marin dans une envie incroyable. Il ramassa son épée de la main droite et attrapa Brixius de la main gauche qu’il souleva de terre comme un fétu de paille. Le bras gauche du marin se referma sur sa hanche et il avança aussitôt à grandes enjambées vers la sortie.

- POUSSEZ-VOUS ! JE SORS !
- VAS-TU DONC ME POSER GROSSE BARRIQUE DE VINASSE ? COMMENT OSES-TU TRANSPORTER MON ILLUSTRE PERSONNE AVEC UN TEL DEDAIN !?

Mais Benjamin n’entendait rien, il traversa la salle des gardes, trancha les malheureux qui n’avaient pas eu le temps de bouger et grimpa les marches de l’escalier quatre-à-quatre. Il se retrouva dans le couloir de leur cellule, un endroit qu’ils avaient régulièrement arpenté. Il y régnait un véritablement capharnaüm, les prisonniers étant tous agglutinés aux barreaux de leurs cellules. Sur la droite, Hm tentait de passer une tête massive pour mieux voir, sans succès. Brixius gesticulait toujours autant mais la prise du marin été ferme et résolue. Il remonta le couloir en passant devant ses anciens codétenus.

- ÂNE BÂTE ! ILS PEUVENT NOUS AIDER A VOIR CETTE FOUTUE MER !

Brixius fut lâché et il retomba avec aisance sur le sol. Il fit volte-face et se retrouva devant la porte de la cellule. L’espace d’un instant il semblait chercher un moyen d’ouvrir, Landstorm arriva sur ses talons et commença à tapoter du pied.

- PRESSONS ! PRESSONS !

Hm désigna les gonds qui donnaient sur le couloir à l’aide d’un index épais. Brixius le vit et commença à le travailler avec sa lame. Dans le même temps, le second gond était chahuté par un sabre dans des gestes précipités qui trahissaient une réelle impatience. De l’autre côté de la cellule, Hm empoigna les gonds et commença à soulever, mais le verrou était toujours en place !

- FATIDIQUE ERREUR ! QUE N’AI-JE ECOUTE QUE MON ILLUSTRE PERSONNE ! NOUS N’EN SERIONS PAS LA !

C’est alors que le gros alexandre passa sa tête apeurée.

- L-L-l-l-les g-a-g-ardes ! Ils ont les clés !
- MORRRRRDDIIIIIOOUUUUUUUUUUUUUUUU !

Il ne fallut que quelques secondes pour redescendre et le même temps pour remonter avec un large trousseau. Benjamin allait se mettre au travail mais il lança plutôt le trousseau à Hm, en effet, de nouveaux geôliers venaient de poindre leur nez. Le sabre du marin étrilla un premier homme en pleine course suite à un formidable lancé. De nombreuses mains enserrèrent les imprudents qui passaient trop près des barreaux de telle sorte qu’il ne fut pas réellement nécessaire de s’occuper d’eux.

- HM !

La porte de la cellule grinça et le massif Hm se retrouva auprès d’eux. Il souriait largement et banda ses muscles : signe qu’il était enclin à participer aux éventuelles échauffourées. Il pointa ensuite un doigt vers les cellules adjacentes.

- OUI ! Libérons sur eux cette masse terrible !
- Libérez en autant que vous voulez ! Pour peu que ce soit fait rapidement ! Holà Alexandre ! VA DONC NOUS CHERCHER DES TROUSSEAUX EN BAS !!

Et le gros marchand émergea de la cellule. Brixius lui délivra un formidable coup dans le postérieur qui le fit descendre l’escalier en un temps record. La fuite semblait de plus en plus crédible…

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Les lourdes grilles grincent une à une, au milieu de couinement sourds giclent les cris des damnés redécouvrant la liberté. Hinhinhin. C'est notre chanson, Balty ! La symphonie du chaos ! Les couloirs tapissés de corps ! Les murs repeints de sang et de chair ! Ta transe meurtrière redouble de ferveur tandis que des renforts affluent dans les couloirs, tu profites du désordre pour planter ta dague dans tous les ventrous qui se présentent à toi, sans réelle distinction entre rats et chats.

Une furieuse obsession perce ton coeur d'une énorme aiguille : le gâchis intolérable fait de cet exécrable juge ! Il n'a pas dit Pardon, Balty ! La moindre des politesses, avant de quitter cet infect monde, est pourtant de passer pleurer au guichet des repentances !


JE POURSUIVRAI CE GROS CHACAL DANS L'OUTREMONDE ! JE L'ASPERGERAI DE TOUTE CETTE RANCOEUR QUI STAGNE DANS MES ORGANES ! GRAAAAAH !
CAP DE DIOU ! CALMOS, BALTHAZAR, CONCENTRES-TOI SUR L'IMPORTANT ! VA PAS TRÉBUCHER DANS LA DERNIERE LIGNE DROITE !
Et fais gaffe avec ton foutu couteau, t'as failli me foutre un coup dans l'visage !


Je ne suis pas sûre que c'était un accident, hinhin.

Tu as excité son sens du désir. Il se donnera les moyens de les satisfaire, et avec zèle s'il te plaît. Je suis agréablement surprise que tu aies appris à jongler convenablement avec les péchés, Balty. Sans cela, dieu sait comment ton agréable séjour ici aurait pu tourner, fourbu de de cet odieux balourd ? Tu l'as transformé en ton arme. Tu me forces donc à admettre qu'il y a bien au moins ce point-ci que tu n'as pas lamentablement raté. Une fois n'est pas coutume.


Hm !

Quand allons-nous nous débarrasser de cet amas de stéroïdes ? Ta Haine, Balty, et l'Envie dopée de Landstorm, sont de formidables moteurs, malgré la zizanie environnante et les efforts malheureux des derniers chien de garde survivants, votre course semble innarrêtable et sous vos bottes croustillent les crânes des impudents marauds qui parsèment votre route.

Mais Hm, lui, manque de profondeur dans sa hargne.


Bah ! Un simple ustensile JETABLE ! Son piteux sort ne me CONCERNE PLUS !
Jettes lui d'la colère, corniaud !
JE NE SUIS PAS UN MARCHAND DE VICES A QUI TU PEUX ORDONNER DES COMMANDES ! MAIS L'INCONTESTABLE EMPEREUR DES OMBRES DANS LES ÂMES D...
Un frère de la côte n'abandonne pas un camarade !


Remarquable ! L'Envie que tu lui as inoculé n'a trouvé aucun égoïsme à sublimer ! Ce nigaud s'encombre d'un altruisme à toute épreuve !

Hinhinhin.
IMPERIUM PECCATI : IRA !

Suit une intense vague de serpents enragés se précipitant sur les âmes. Un véritable festin de colère affolant tous les gourmets. La rébellion prend une tournure d'hystérie collective ! De toute part, s'emballe la musique des os qu'on craque et de la viande qu'on malaxe. On ne sait plus bien qui fait quoi dans cette boucherie, on ne sait plus bien qui sont les captifs, qui sont les gardiens. On ne reconnaît plus les visages défigurés, les membres bistournés dans de biens piquants sens, les bedons creusés à mains nues, et, ah ! Hm aussi a eu droit à sa part de démence !
Vous l'apercevez, là au milieu de cette orgie de violence, encastrer la caboche de l'un de ses petits camarades entre deux barreaux.


T-Tu as rendu tout le monde dément ?!
JE SUIS LE BON GÉNIE QUI SATISFAIT TES DÉSIRS, SCÉLÉRAT !

Tu es un bien bel âne, Balty, car le ressenti que tu es allé planter dans la cervelle aride de Landstorm pourrait germer et envahir son jardin intérieur. Et son Envie se ferait manger dans la foulée.

De minces secondes de battement durant lesquelles s'écrit le nouveau désir ardent de secourir Hm dans l'âme de Landstorm.
Hm dont tu viens de délivrer le lion, Hm en train de s'adonner à un libérateur rituel d'ultraviolence en compagnie de ses camarades d'infortune. Tout ces fauves enragés dont tu as chapardé la raison.

Heureusement, le gong vient à ton secours.


HOLA, LES MÔMES ! LA 149EME DIVISION S'EST DÉPLOYÉE AUTOUR DE LA PRISON ET CONDAMNE ACTUELLEMENT TOUTES SES ISSUES ! VOUS N'AVEZ PLUS NULLE PART OU ALLER, LA RÉCRÉATION EST FINIE !

NOUS VOUS INVITONS A REGAGNER VOS CELLULES AVANT QUE NOUS N'ORDONNIONS L'ASSAUT ! SANS QUOI JE NE VOUS GARANTIS PAS QUE VOUS VERREZ LE SOLEIL SE LEVER !


Oh, la marine ! Fourbue de son arrogance habituelle ! Leurs mots envahissent la prison mais ont bien peu d'effet sur les bagnards enragés. Il y en a bien quelques uns, les tendres moutons, qui courent se réfugier dans leur cage, qui ne jugent pas que leur vies méritent d'être misées au casino de la liberté. Je respecte leur choix, mais ils restent d'impudents et ennuyeux jean-foutres. M'est avis qu'Alexandre sera tenté de choisir cette voie. Un motivant petit péché ne lui aurait pas fait de mal, à lui non plus.

Peu importe ! Nul besoin de PARJURES DANS MON AUGUSTE COTERIE !

Devant la menaçante ombre qui s'apprête à engloutir le rêve de Landstorm, celui-ci retrouve ses saines priorités. La mer. La mer. La mer ?

Crédiou ! Passer par la porte principale... Trop risqué !
COMMENT ? TU TE DÉGONFLES DÉJA ? DOIS-JE DÉJA RENOUVELER TON TRAITEMENT CONTRE LA LÂCHETÉ ?
FERMES-LA ! SI JE SORS PAR LA GRANDE PORTE, J'ME FAIS CUEILLIR ! ET T'SAIS CE QUE ÇA VEUT DIRE, S'FAIRE CUEILLIR ?! PLUS DE MER ! PLUS JAMAIS ! ON VA FAIRE UN P'TIT DÉTOUR ET, FOI D'LANDSTORM, DANS UNE HEURE, non, une demi-heure, allez, dix minutes, j'aurai les pattes dans l'écume et les yeux dans l'horizon...


Sans plus te faire souffrir de son atroce haleine de baleine échouée, il exécute un brutal virage et s'engage dans les premiers escaliers à portée de regard, bousculant sur sa route quelques figurants. Manifestement un escalier réservé au personnel de la prison, mais les clés ne leur appartiennent plus. Vous êtes chez vous désormais !

Tu emboîtes ses pas à grande peine, il dévale les marches dans d'immenses foulées, couru par une hâte inédite. Une telle impatience qu'il en néglige les derniers gardiens tentant vaguement d'interrompre votre implacable galop. Ceux-là, il les élague nonchalament, si bien que tu dois passer derrière lui les achever d'un ravissant égorgement parce qu'il bâcle leur exécution.  


Cette île est foutrement urbanisée, z'ont forcément des égoûts. Faudra qu'tu prennes gardes à pas saloper ta nouvelle redingote, Balthazar, haha.

Ah ! Ne lui réponds pas Balty, inutile, seuls des mensonges mijotent sous ton crâne. Les lieux indignes, hostiles même à la vie de bestioles, tu les connais, catacombes, cryptes, marais, égoûts, tu te souviens ?
A l'époque où ton hideuse tête n'était pas encore un simple papier froissé dans les poches des chasseurs de prime, tu visitais ces charmants endroits pour y dénicher quelques sournois magots fuyant la cupidité humaine.

Donc, tsssk, ne mens pas, Balty, les égouts font partie intégrante de ton histoire, tu es l'un de leur rats. Et aujourd'hui, il serait tendre de leur part qu'ils t'arrachent aux gluantes serres de ces geôles.


Crois pas qu'j'oublie l'poignard que tu as fiché dans le dos de Hm !
De l'histoire ANCIENNE !

Oh. Ça l'a marqué. Cette rancune-là n'est pas enfant de ton fruit. Il va l'élever et la regarder grandir.
Toi, tu es soulagé d'être délesté de Hm. Trop silencieux pour être honnête, il te rappelait Fallanster. Tu aurais remplacé sa langue par une lame succulente un jour ou l'autre.

En bas de l'escalier, tout en bas. Une trappe. Sur cette trappe, une grille. Et derrière cette grille, un infernal fumet.


Serait-ce le NAUSÉABOND PORTAIL DES ENFERS ?!

Cela me semble être juste un accès aux égoûts, Balty.

Formidable ! Il nous suffira de suivre le courant et nous déboucherons sur l'océan !

Ça n'est pas pour te rassurer.

Alexandre ! ALEXANDRE ! JE POURRAIS ME SERVIR DE SA MASSIVE BEDAINE COMME BOUÉE ! CET INGRAT LAQUAIS ! JAMAIS PRÉSENT QUAND SON SEIGNEUR L'INVOQUE !
Exact ! Tu vas p'tete te noyer, marin d'eau douce. Ou p'tete pas, ça dépend d'la profondeur.


Détonations ! Hurlements ! La fête s'aggrave là-haut !
Landstorm se presse d'arracher la grille, tu lui prêtes tes faibles muscles pour l'aider dans son travail.
Moyennant une ou deux minutes d'efforts soutenus, un ou deux litres de sueur puante et une ou deux lésions pulmonaires sous ton coffret, vous parvenez finalement à ouvrir l'accès. Se dévoile à vous un sentier d'espoir, de lumière, de déchets et d'excréments.


Enfin !

Sans la moindre hésitation, le cachalot est le premier à plonger. Une chute d'une dizaine de mètres s'il en est,
amortie par un "plouf" sonore.


CRÉDIOU, MON DOS ! Tu peux v'nir, j'ai pied !

Tu fais fi de ton appréhension du vide et !
Et !
Et !
DÉPÊCHES-TOI DE BONDIR !
Tu bondis.
T'écrasant les quatre fers en l'air dans cinquante centimètres d'eau croupie dont les relents s'engouffrent aussitôt dans tes narines pour copuler brutalement avec tes sinus dans un rapport sans amour.

Ainsi tu dessines cette esquisse de liberté avec ton sang et ton vomi.


Dernière édition par Baron Brixius le Mar 4 Juil 2017 - 18:43, édité 1 fois
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Bien que l’eau soit croupie, bien qu’il n’ait pas réellement la possibilité ni l’envie d’y nager, Benjamin semblait déjà revivre. La perspective d’une libération, d’une rencontre future avec la mer, le contact même d’avec de l’eau le vivifiait et lui rendait toute sa nature de main. Son musculeux corps, si endoloris depuis le début de cette incroyable évasion, devenait plus léger et il se déplaçait avec une vigueur renouvelée. Derrière lui Brixius pestait comme un terrible diable. Il faut dire qu’il n’appréciait pas vraiment la tournure de cette échappée. L’on entendait toujours au-dessus le brouhaha d’une prison qui tente de se libérer. Puis l’on commença à percevoir l’arrivée terrible d’une marine pas si laxiste que cela. Même sur Kikai No Shima, les fusils semblaient fonctionner correctement. On pouvait voir l’eau remuer en divers endroits suite à de multiples détonations. Des hommes criaient dans un imbroglio total.

- On meurt au-dessus de nous.
- Qu’ils succombent donc et puissent leurs rocailleux râles dissimuler notre dérobade !

Pour le coup, Benjamin était aussi en accord que Brixius sur la situation. Pas question de faire preuve de quelconques remords, la fuite prévalait, la mer avant toute autre chose ! Il faut dire que sans le savoir, le solide marin était toujours habité par une cupidité bien singulière.

Au fur et à mesure de leur progression, les bruits se faisaient plus lointains. Bientôt le seul écho provenait des pas soulevant l’eau souillée des égouts. De temps à autres un rat faisait apparaître sa tête à la surface de l’eau, il regardait les deux inconnus, nouveaux habitants d’un écosystème bien singulier. Ces rats ne semblaient pas trop effrayés. Mangez ils du prisonnier en fuite régulièrement ou voyaient-ils en la personne de Brixius un autre membre de leur espèce ? Le porteur de péchés semblait s’accommoder rapidement à cet univers. Les capacités d’adaptation du baron semblaient illimitées. Une réalité qui dérangeait toujours Benjamin qui se frotta la nuque dans un malaise palpable. Il redoubla de vigueur pour espérer sortir au plus vite de ce trou.

- Cesse donc de te hâter ! Cette fange s’accroche à mes illustres arpions.
- CHUT ! J’entends quelque chose.

L’égout qui jusqu’alors ressemblait à un long couloir en demi-cercle semblait aboutir au loin sur une sortie en plein air. On y percevait de la lumière mais aussi des mouvements et des bruits. Des silhouettes s’approchaient à grands pas et bientôt le canon luisant de fusils militaires se dessina. Deux marines vinrent se poster à quelques mètres des fugitifs.

- Holà vous autres ! On est de la maison ! Baissez moi ces escopettes avant de blesser quelqu’un.

Le doute était permis, les fusils restèrent levés.

- Et ces tenues de prisonniers ? Vous nous prenez pour des idiots ! Mains sur la tête et pas de mouvements brusques. Et tout ce sang ! Vous êtes blessés ?
- Je le crois bien ! C’est la folie là haut ! Baissez moi ça je vous dis, on est de la maison. On a dû se changer à la hâte pour échapper à ses furieux. Comment pouvions nous connaître l’accès de cet égout sinon ! Et regardez, j’ai le trousseau réglementaire dans la main.

Et Benjamin fit tinté le lourd trousseau qu’il n’avait pas quitté. Derrière, Brixius avait les lèvres scellées.

- On va quand même lever ses petites mains et nous suivre. On verra ça dehors.
- Mais ! CAP DE DIOU ! Je vous dis que je suis de la maison ! C’est comme ça qu’on traite un frère de la geôle ?!
- Un quoi ?
- Un frèr- un collègue SANGDIOU !
- HAAAAAAAAA ! IL SUFFIT ! ASSEZ DE DIGRESSION !

Benjamin comprit bien vite qu’il était question d’assaut frontal mais il eut la présence d’esprit de donner quelques indications utiles à Brixius qui s’était porté au devant de lui avec son habituelle vivacité.

- PROPRE BRIXIUS ! LES UNIFORMES ! ILS NOUS FAUT LES UNIFORMES !

Et le petit personnage à l’esprit aussi acéré que sa lame entrevit toutes les possibilités. Il se contenta donc d’expédier les deux soldats en limitant ses habituelles éclaboussures sanglantes. Une balle ricocha sur le mur pour frôler la tête de Benjamin qui manqua de s’évanouir de peur.

- MORDIOU ! MOURIR DANS LES EGOUTS ! TU NE M’EPARGNES AUCUNE FORFANTERIE !

Mais la sentence resta lettre morte, le vindicatif Brixius étant déjà entrain de dénuder un des gardes.

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Cet uniforme m'est particulièrement SEYANT, maman !

Il est trop grand pour toi.

Il me confère une ALLURE FANTÔMATIQUE !
Dis moi, ta mère, Balthazar... A-t-elle contribué à not' plan ?
Plus que TOI, PARESSEUSE BARRIQUE DE RHUM ! SANS LE CONCOURS DE MON ORCHESTRE DE PÉCHÉS, et sans les CONSEILS AVISÉS DE MON AUGUSTE MAMAN, tu ne serais devenu que le GARDE-MANGER DE CET ODIEUX CHENIL !


Il semble mûrir une réponse tout en enfilant sa tenue. Il faut dire qu'il n'y a aucun argument sensé à opposer à cette petite tirade nostalgique, Balty. C'est grâce à toi, à moi, à ton fruit, à ta haine, à ta fourberie, qu'il a pu scier les barreaux de cette cage lugubre.

Bah ! Je suis forcé d'admettre que... Hmf. Merci, madame Brixius. Elle m'entend ?
Effectivement, tes grognements pénètrent le VOILE PÂTEUX qui nous sépare de l'OUTREMONDE !
T'sais, dès la première fois que j't'ai vu, j'ai tout d'suite deviné qu't'étais un grand pitre complètement déglingué. Pourtant, bah j'ai jamais douté qu'tu pouvais voir des morts.

Apercevoir l'outremonde de derrière une porte entrouverte n'est pas facile tous les jours, mon pauvre petit farfadet. Ce don que les fées t'ont déféqué dessus dans ton berceau lie d'écho ta vie, et ma mort. Un écho interminable qui résonne entre nous, encore, encore.

Je ne suis pas capable de m'affranchir de mon existence et d'enfin partir oublier toutes ces pitreries au fond d'un néant rafraîchissant.
Tu n'es pas capable de te séparer de ton passé, solidement rivé à ton mollet comme un immense boulet, un boulet lourd aux chaînes bruyantes.

Landstorm visse la petite casquette sur son immense crâne rondelet. Vous auriez mieux fait d'échanger vos tailles.


Me d'mande toujours comme autant d'malédictions peuvent tenir en même temps dans un corps si p'tit et étroit.
MALÉDICTIONS ?! DISCUTES MIEUX DES EFFROYABLES OUTILS QUE MA FANTASTIQUE DESTINÉE M'A CONFIÉ !
Merci, Balthazar.
Tu n'as été que le CHEVAL DE BATAILLE que j'ai monté pour JOUTER AVEC LA FATALITÉ !
Donc t'avoues qu't'avais réciproquement besoin d'moi ?
Je... Eh bien... SANS TOI ÇA AURAIT ÉTÉ UN PETIT PEU PLUS LONGUET !
Assez disserté, camarade. Nous n'avons plus rien à faire ici. La MER NOUS ATTEND ! YAHAHAHA !


Il s'engouffre dans l'obscurité verdâtre des égouts. Son impatience tambourine sur son coeur : avec ce silence, on peut écouter ses palpitations d'ici. Elles ricochent sur les parois des tunnels.

Ton coeur, quant à lui, est bardé de fissures. Te faire appeler camarade en a creusé une neuve. Tu n'as jamais été le "camarade" de personne. Au plus un tortionnaire, un maître, ou bien un jouet. Jusqu'à aujourd'hui, seul Landstorm et Percebrume t'ont affublé du titre de "camarade".

Alors, insulter cet homme, le maltraiter, saigner son capitaine, l'humilier, et modeler son esprit à ta convenance...
Et malgré tout, te faire appeler "camarade"...

Cette épave émet une dégoûtante bonté et une naïveté fort périmée. Un ignoble rêveur doublé d'un hilarant couard, une antilope dotée des ambitions d'un tigre. Ne t'attaches pas trop à ce maladroit boucanier. Ses jours heureux en ce cruel monde lui sont comptés !


On retourne pas à la surface, Balty, filons par les canaux ! Suivre le courant nous f'ra déboucher direct sur ce cher océan ! Raaah, crédiou ! Comme je te plains d'être fourbu d'cette malédiction démoniaque !

J'te jure que j'me foutrais en l'air si j'croquais un d'ces damnés fruits !


Je n'en doute pas.

Il est plus excité qu'une puce sur le dos d'un chien lépreux. Regardes moi donc les ravages de l'Envie sur sa petite cervelle d'oiseau malade. Il a bien perdu trente ou quarante ans d'âge mental.

Cette légèreté te laisse pantois, je le sens, Balty. Pour une fois que l'un de tes projets se déroule sans accrocs ! Ton volcanique esprit en pleine éruption de joie ! La gorge chaude dont gicle un ricanement qui se joint aux palpitations frénétiques de Landstorm !


GHINHINHINHIN ! ET COMME SIGNATURE DU PASSAGE DE LA FAMILLE BRIXIUS, NOUS NE LAISSONS QUE DE FUMANTES RUINES ET UN MARAIS D'HEMOGLOBINE !

Puis, grondement.
Profond.
Derrière vous.
Vous vous taisez.
Vous entendez le cri d'une eau furieuse.


C'est... C'est pas vrai ?!

Grondement aqueux.
Torrent.
Torrent !
Torrent d'urine et d'excréments !

BALTHAZAR !
HIIIIIIIII !

Dans un brouhaha assourdissant, un terrible geyser scatologique emporte brusquement votre euphorie à travers les conduits. Il vous charrie comme de vulgaires monticules de fèces.

Le silence revient, le rideau retombe. Bonne nuit, Balty !
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