Une semaine avait passé. Une semaine incroyablement courte, mais qui avait apporté un vent de fraicheur sur l'île comme elle n'en avait pas connu depuis des années.
Annabella marchait dans les rues de la Capitale, dans l'un des quartiers en pleine métamorphose. Certains l'appelaient encore "Premier" mais d'autres l'avaient déjà baptisé d'un nom nouveau, d'un nom s'attachant à l'Arcadia, reprisée jusque dans son nom, "Prime". La "Nouvelle" Arcadia donc était désormais devenu l'un des plus grands chantiers au monde et la main d'oeuvre ne cessait d'affluer. D'abord étaient arrivés des renforts pour garnir la zone : des divisions renommées telles que la 197ème et la 198ème, ainsi que la 28ème d'élite. Plus de quatre mille soldats s'ajoutant à ceux d'ores et déjà présents grâce à l'intervention de Fenyang, qui s'étaient ainsi scindés en deux groupes : un premier chargé de superviser la reconstruction d'Alsbrough pour y établir une base ; un second opérant davantage dans la Capitale. Et d'ores et déjà, par cette simple présence d'une simili-police, les choses avaient naturellement commencé à rentrer dans l'ordre.
Toutefois la Marine n'était pas seule sur l'affaire, loin de là. Les quatre mille soldats ne représentaient qu'une infime partie des colons dépêchés par le Gouvernement Mondial pour venir saisir l'opportunité d'une vie nouvelle dans un monde nouveau. Des charpentiers donc, tout naturellement, ainsi que des ingénieurs, des métallurgistes et autres génies civils étaient arrivés en masse pour saisir les opportunités d'emplois et la chance de rebâtir les œuvres grandioses dont se targuait jadis la Nécropole : ses formidables gratte-ciels. Ouvrier et techniciens travaillaient donc de paire sur l'architecture des rues et des bâtiments... mais aussi sur le rétablissement de l'écosystème lui-aussi ravagé par les guerres et intempéries. Et des scientifiques se penchaient déjà sur la question.
Mais avant même que tout cela n'arrive, l'agente avait eu la chance de pouvoir s'entretenir avec son administrateur pour discuter de ce qui allait advenir désormais. Celui-ci avait visiblement fait des pieds et des mains pour construire son petit paradis local, misant gros sur la victoire de la jeune femme. Il avait d'ailleurs conforté ses supérieurs dans le choix de l'un de ses plus proches notables pour régner sur l'endroit : un politicien et diplomate de Marie-Joie au nom soit-disant reconnu qui, il l'assura, ferait des merveilles. Et l'albinos pouvait désormais les contempler.
Car il y avait beaucoup à faire sur Arcadia, il y avait du travail. Et car l'on avait aussi précieusement découvert au sein de la Cavité des gisements enfouis dont seuls quelques troglodytes pseudo-révolutionnaires avaient le secret. Tout ce beau monde n'avait évidemment pas été mis à la porte ni même emprisonné... le gouverneur avait trouvé plus précieux de les conserver comme responsables de ce qui devint rapidement la "Mine de Klavethy".
En seulement une semaine, l'homme était ainsi arrivé et avait réhabilité trois zones urbaines de l'île. Il avait engagé nombre d'experts pour rebâtir et terraformer l'endroit. Des efforts qui, d'ores et déjà, pouvaient se remarquer. Et cet homme formidable s'appelait Orwen Flint.
Elle avait d'ailleurs rendez-vous avec lui, dans le camp temporaire dressé sur les ruines du Seizième. Là où avaient été acheminés malades et blessés, pauvres hères souffrant de famine, de déshydratation ou bien encore de sénilité. La place forte des Bourgeois était devenue, sous la tutelle de Flint, une zone de charité et un lieu d'accueil pour les miséreux. Pour cela, le Gouvernement payait grassement certains médecins, c'était certain. Mais bon nombre d'entre eux étaient venus pour s'intéresser aux cas sortant de l'ordinaire des victimes contaminées par l'environnement nocif de l'île et déformées par des gênes héréditaires défaillants. Tandis qu'une tente sur deux accueillait des patients, l'autre abritait du matériel de recherche sophistiqué où l'on essayait de déceler les raisons des nombreux syndromes mutilant les corps des Arcadiens.
La rumeur la plus invraisemblable portait sur la recherche d'un sérum déjouant l'espérance réduite de la vie des autochtones. Mais il ne s'agissait, pour le moment, que de racontars.
Il était difficile pour Annabella d'estimer ô combien son supérieur avait investi, mais la fortune évaluée de ce dernier se comptait, d'après certaines sources, en dizaines voire centaines de milliards de Berries. Il s'était probablement ruiné pour tout cela, mais tôt ou tard en récolterait des fruits bien juteux. Et déjà les minerais extraits de Klavethy venaient commencer à combler cette dette.
La coquette bâtisse aménagée par le gouverneur était l'une des rares à ne pas avoir été flambées ou réduites à un tas de gravats. Elle se situait bien évidemment dans un milieu plus sécurisé, gardé par tout un peloton de soldats décorés et d'officiers qui, l'espace d'un instant, crurent bon de demander à l'agente de s'identifier. Elle avait en effet troqué son manteau contre une tenue plus ordinaire ce jour-là : les chemins étaient encore boueux et elle n'avait pas envie de salir sa belle tunique blanche.
- Halte, qui va là ? demanda donc un Sergent au ton bien pompeux et au regard incisif.
Regard que lui rendit aussitôt l'officière en le remettant à sa place de par sa stature hiérarchique.
- Amanda Holmes, Commodore de la Marine. J'ai rendez-vous avec le gouver... l'archigouverneur Flint.
Arcadia n'avait pas été que la victoire de l'administrateur, le Gouvernement Mondial avait lui aussi été bien prompt à réagir en nommant le nouvellement gouverneur archigouverneur du Nouveau Monde. Un titre flambant neuf qui n'y changeait pas grand chose, mais lui donnait le pouvoir de peser dans les négociations avec l'ensemble du Cercle d'Or qu'il se devait désormais de piloter. Sauf que la mission de Flint se concentrait pour le moment uniquement sur Arcadia, que le GM le voulût ou non.
- Je...euh... Mes excuses, Commodore... Je ne vous avais pas reconnue. se confondit aussitôt en excuses le sous-officier confus qui regrettait désormais ses viles paroles.
Mais l'agente n'en fit aucun cas, à peine s'était-il écarté sous la pression de sa propre bêtise qu'elle était rentrée sans mot dire, oreilles fermées à toute discussion.
Après une brève rencontre avec ce qui s'avéra par la suite être la secrétaire du gouverneur, Annabella prit place sur un mobilier à la fois humble et confortable qui lui valut la possibilité de lire le journal pour en découvrir les récentes nouvelles. Bien évidemment, Arcadia figurait à la une depuis plusieurs jours : une chronique quotidienne avait même été mise en place pour en suivre l'évolution. Toutefois, alors que ses yeux déchiffraient progressivement les caractères imprimés, une ombre noire vint rapidement ternir le tableau.
Sur la page des primes figurait un nom. Un nom qu'elle ne s'attendait pas à voir, mais qui avait pris plus de poids que prévu. Et le nombre à neuf chiffres qui le succédait lui coupa le souffle pendant de longues secondes obligeant la jeune femme à se délester du torchon pour retrouver ses esprits. Par chance il n'y avait pas de photographie... mais tout de même. Elle avait averti son supérieur de la couverture qu'elle avait utilisé pour opérer et celui n'avait rien fait pour en effacer les moindres faits et actes. Non, cela n'en était pas réellement la cause... et elle aurait pu aisément le savoir si elle avait pris le temps de lire la page suivante où figuraient les faits divers de la piraterie. Là, l'extrait d'une chanson et de ses répercussions étaient finement analysés par un énième journaleux se croyant assez bon pour critiquer tout ce qui pouvait lui passer sous la main.
Lorsque la secrétaire lui fit signe de rejoindre le bureau de son employeur, l'albinos fulminait malgré elle. Les portes furent les premières victimes de sa force démesurée, lorsqu'elle les ouvrit brutalement pour les claquer derrière elle... générant une légère bourrasque qui vint souffler la paperasse sur le bureau de l'administration.
Flint était assis derrière son plan de travail, sans grande surprise. Enfin, il l'était avant de se relever spontanément tout en se demandant d'où provenait tout ce raffut. Il fut évidemment étonné de trouver l'officière devant la porte, le visage rouge pivoine et l'expression sombre. Ce qui le fit hoqueter sans vraiment comprendre pourquoi.
- Ah, Commodore, c'est vous ! J'ai bien cru que les pirates nous attaquaient.
On n'en était pas loin, au vu de la prime qui pesait sur la tête de la CP9 actuellement. Elle trouva toutefois la force de redescendre avant d'enfin venir serrer la main de son interlocuteur. Comme son ami administrateur, celui-ci était jeune, svelte et impeccablement habillé. Ni trop aristocrate, ni trop pauvrement vêtu, l'homme semblait justement vêtu, ce qui ne contrastait aucunement avec ses traits de personnalité. O'Murphy l'avait vendu comme un homme à la langue dorée et au charme implacable, digne d'attirer l'attention de quiconque par le simple ajustement d'un bouton de manchette. Politicien parmi les politiciens, le jeune homme était respecté sinon jalousé parmi ses pairs, digne héritier d'un parcours riche en accomplissements.
A Marie-Joie, on le considérait, pour ainsi dire, comme un petit génie.
- Ah, quel rustre fais-je. Je vous en prie, prenez place ! Nous avons tant de choses à nous dire... notre ami en commun m'a beaucoup parlé de vous.
Tout en s'assoyant sur la chaise prestement libérée d'une pile de paperasse par le notaire, la blonde le considéra d'un regard suspicieux surplombant un fin sourire tout aussi politique. Elle aussi était actrice, mais elle remarqua bien rapidement la vanité de poursuivre dans cette voie : le gouverneur ne souhaitait pas s'entretenir avec elle à ce sujet. Il l'avait conviée pour discutailler du projet qui leur tenait tous les deux à cœur. C'était tout de même grâce à Anna que les colons avaient mis la main sur Klavethy et découvert ses richesses enterrées.
- En bien, j'espère. Que puis-je faire pour vous, archigouverneur ?
- Oh, je vous en prie, pas ce titre pompeux ! Appelez-moi Orwen, vraiment, j'insiste. commença le jeune homme tout en se servant une tasse de liquide chaud et brumeux. Un thé ?
La Commodore refusa poliment d'un geste de la main, elle venait de sortir de table.
- Une prochaine fois. Très bien, entrons dans le vif du sujet. Si vous êtes ici, c'est parce que votre nom, Commodore, n'est pas sans avoir certains échos de par delà Red Line. Vous avez d'ores et déjà brillé et suscité beaucoup d'entrain au sein de la Marine, vous êtes, pour certains néophytes, un véritable exemple.
- Je vous en prie, gouverneur, les flatteries me mettent mal à l'aise. Je ne suis pas aussi terrible que le racontent les rumeurs. se gaussa l'agente face à tant de flagorneries.
L'homme était cependant loin d'être idiot, son regard laissait entendre qu'il savait. Qu'il savait bien plus et peut-être même au-delà de ce que savait la blonde sur elle-même. Il était décidément inutile de jouer aux greluches avec un tel homme, car il semblait comme capable de lire dans les pensées et faire des déductions incroyables que même certains mentalistes laissaient de marbre.
- Vous avez raison, inutile de me perdre dans tant de cajoleries, bien que cela ne vienne pas de moi... mais du peuple. Un peuple à l'affût des héros comme le Vice-Amiral Fenyang, comme vous. Un peuple qui aime se dire que de pareils emblèmes de la Justice existent... un peuple qui a besoin de se sentir protégé...
Accordant ses paroles aux gestes, le bonhomme parvenait efficacement à communiquer des sentiments jusque dans la racine de ses mots. L'agente était épatée, mais voyait désormais où il venait en venir. Elle sourit.
- Et quand le Vice-Amiral Fenyang nous honorera-t-il de sa présence ?
Le politicien se mit à sourire à son tour en voyant que son interlocutrice et lui étaient visiblement sur la même longueur d'onde. Il n'avait même pas eu à lui donner la raison de sa présence, elle l'avait devinée par elle-même : l'assimilation de son nom à la protection de la Nouvelle Arcadia... ainsi que celui de l'Amiral.
- D'une minute à l'autre, je suppose.
Annabella marchait dans les rues de la Capitale, dans l'un des quartiers en pleine métamorphose. Certains l'appelaient encore "Premier" mais d'autres l'avaient déjà baptisé d'un nom nouveau, d'un nom s'attachant à l'Arcadia, reprisée jusque dans son nom, "Prime". La "Nouvelle" Arcadia donc était désormais devenu l'un des plus grands chantiers au monde et la main d'oeuvre ne cessait d'affluer. D'abord étaient arrivés des renforts pour garnir la zone : des divisions renommées telles que la 197ème et la 198ème, ainsi que la 28ème d'élite. Plus de quatre mille soldats s'ajoutant à ceux d'ores et déjà présents grâce à l'intervention de Fenyang, qui s'étaient ainsi scindés en deux groupes : un premier chargé de superviser la reconstruction d'Alsbrough pour y établir une base ; un second opérant davantage dans la Capitale. Et d'ores et déjà, par cette simple présence d'une simili-police, les choses avaient naturellement commencé à rentrer dans l'ordre.
Toutefois la Marine n'était pas seule sur l'affaire, loin de là. Les quatre mille soldats ne représentaient qu'une infime partie des colons dépêchés par le Gouvernement Mondial pour venir saisir l'opportunité d'une vie nouvelle dans un monde nouveau. Des charpentiers donc, tout naturellement, ainsi que des ingénieurs, des métallurgistes et autres génies civils étaient arrivés en masse pour saisir les opportunités d'emplois et la chance de rebâtir les œuvres grandioses dont se targuait jadis la Nécropole : ses formidables gratte-ciels. Ouvrier et techniciens travaillaient donc de paire sur l'architecture des rues et des bâtiments... mais aussi sur le rétablissement de l'écosystème lui-aussi ravagé par les guerres et intempéries. Et des scientifiques se penchaient déjà sur la question.
Mais avant même que tout cela n'arrive, l'agente avait eu la chance de pouvoir s'entretenir avec son administrateur pour discuter de ce qui allait advenir désormais. Celui-ci avait visiblement fait des pieds et des mains pour construire son petit paradis local, misant gros sur la victoire de la jeune femme. Il avait d'ailleurs conforté ses supérieurs dans le choix de l'un de ses plus proches notables pour régner sur l'endroit : un politicien et diplomate de Marie-Joie au nom soit-disant reconnu qui, il l'assura, ferait des merveilles. Et l'albinos pouvait désormais les contempler.
Car il y avait beaucoup à faire sur Arcadia, il y avait du travail. Et car l'on avait aussi précieusement découvert au sein de la Cavité des gisements enfouis dont seuls quelques troglodytes pseudo-révolutionnaires avaient le secret. Tout ce beau monde n'avait évidemment pas été mis à la porte ni même emprisonné... le gouverneur avait trouvé plus précieux de les conserver comme responsables de ce qui devint rapidement la "Mine de Klavethy".
En seulement une semaine, l'homme était ainsi arrivé et avait réhabilité trois zones urbaines de l'île. Il avait engagé nombre d'experts pour rebâtir et terraformer l'endroit. Des efforts qui, d'ores et déjà, pouvaient se remarquer. Et cet homme formidable s'appelait Orwen Flint.
Elle avait d'ailleurs rendez-vous avec lui, dans le camp temporaire dressé sur les ruines du Seizième. Là où avaient été acheminés malades et blessés, pauvres hères souffrant de famine, de déshydratation ou bien encore de sénilité. La place forte des Bourgeois était devenue, sous la tutelle de Flint, une zone de charité et un lieu d'accueil pour les miséreux. Pour cela, le Gouvernement payait grassement certains médecins, c'était certain. Mais bon nombre d'entre eux étaient venus pour s'intéresser aux cas sortant de l'ordinaire des victimes contaminées par l'environnement nocif de l'île et déformées par des gênes héréditaires défaillants. Tandis qu'une tente sur deux accueillait des patients, l'autre abritait du matériel de recherche sophistiqué où l'on essayait de déceler les raisons des nombreux syndromes mutilant les corps des Arcadiens.
La rumeur la plus invraisemblable portait sur la recherche d'un sérum déjouant l'espérance réduite de la vie des autochtones. Mais il ne s'agissait, pour le moment, que de racontars.
Il était difficile pour Annabella d'estimer ô combien son supérieur avait investi, mais la fortune évaluée de ce dernier se comptait, d'après certaines sources, en dizaines voire centaines de milliards de Berries. Il s'était probablement ruiné pour tout cela, mais tôt ou tard en récolterait des fruits bien juteux. Et déjà les minerais extraits de Klavethy venaient commencer à combler cette dette.
La coquette bâtisse aménagée par le gouverneur était l'une des rares à ne pas avoir été flambées ou réduites à un tas de gravats. Elle se situait bien évidemment dans un milieu plus sécurisé, gardé par tout un peloton de soldats décorés et d'officiers qui, l'espace d'un instant, crurent bon de demander à l'agente de s'identifier. Elle avait en effet troqué son manteau contre une tenue plus ordinaire ce jour-là : les chemins étaient encore boueux et elle n'avait pas envie de salir sa belle tunique blanche.
- Halte, qui va là ? demanda donc un Sergent au ton bien pompeux et au regard incisif.
Regard que lui rendit aussitôt l'officière en le remettant à sa place de par sa stature hiérarchique.
- Amanda Holmes, Commodore de la Marine. J'ai rendez-vous avec le gouver... l'archigouverneur Flint.
Arcadia n'avait pas été que la victoire de l'administrateur, le Gouvernement Mondial avait lui aussi été bien prompt à réagir en nommant le nouvellement gouverneur archigouverneur du Nouveau Monde. Un titre flambant neuf qui n'y changeait pas grand chose, mais lui donnait le pouvoir de peser dans les négociations avec l'ensemble du Cercle d'Or qu'il se devait désormais de piloter. Sauf que la mission de Flint se concentrait pour le moment uniquement sur Arcadia, que le GM le voulût ou non.
- Je...euh... Mes excuses, Commodore... Je ne vous avais pas reconnue. se confondit aussitôt en excuses le sous-officier confus qui regrettait désormais ses viles paroles.
Mais l'agente n'en fit aucun cas, à peine s'était-il écarté sous la pression de sa propre bêtise qu'elle était rentrée sans mot dire, oreilles fermées à toute discussion.
Après une brève rencontre avec ce qui s'avéra par la suite être la secrétaire du gouverneur, Annabella prit place sur un mobilier à la fois humble et confortable qui lui valut la possibilité de lire le journal pour en découvrir les récentes nouvelles. Bien évidemment, Arcadia figurait à la une depuis plusieurs jours : une chronique quotidienne avait même été mise en place pour en suivre l'évolution. Toutefois, alors que ses yeux déchiffraient progressivement les caractères imprimés, une ombre noire vint rapidement ternir le tableau.
Sur la page des primes figurait un nom. Un nom qu'elle ne s'attendait pas à voir, mais qui avait pris plus de poids que prévu. Et le nombre à neuf chiffres qui le succédait lui coupa le souffle pendant de longues secondes obligeant la jeune femme à se délester du torchon pour retrouver ses esprits. Par chance il n'y avait pas de photographie... mais tout de même. Elle avait averti son supérieur de la couverture qu'elle avait utilisé pour opérer et celui n'avait rien fait pour en effacer les moindres faits et actes. Non, cela n'en était pas réellement la cause... et elle aurait pu aisément le savoir si elle avait pris le temps de lire la page suivante où figuraient les faits divers de la piraterie. Là, l'extrait d'une chanson et de ses répercussions étaient finement analysés par un énième journaleux se croyant assez bon pour critiquer tout ce qui pouvait lui passer sous la main.
Lorsque la secrétaire lui fit signe de rejoindre le bureau de son employeur, l'albinos fulminait malgré elle. Les portes furent les premières victimes de sa force démesurée, lorsqu'elle les ouvrit brutalement pour les claquer derrière elle... générant une légère bourrasque qui vint souffler la paperasse sur le bureau de l'administration.
Flint était assis derrière son plan de travail, sans grande surprise. Enfin, il l'était avant de se relever spontanément tout en se demandant d'où provenait tout ce raffut. Il fut évidemment étonné de trouver l'officière devant la porte, le visage rouge pivoine et l'expression sombre. Ce qui le fit hoqueter sans vraiment comprendre pourquoi.
- Ah, Commodore, c'est vous ! J'ai bien cru que les pirates nous attaquaient.
On n'en était pas loin, au vu de la prime qui pesait sur la tête de la CP9 actuellement. Elle trouva toutefois la force de redescendre avant d'enfin venir serrer la main de son interlocuteur. Comme son ami administrateur, celui-ci était jeune, svelte et impeccablement habillé. Ni trop aristocrate, ni trop pauvrement vêtu, l'homme semblait justement vêtu, ce qui ne contrastait aucunement avec ses traits de personnalité. O'Murphy l'avait vendu comme un homme à la langue dorée et au charme implacable, digne d'attirer l'attention de quiconque par le simple ajustement d'un bouton de manchette. Politicien parmi les politiciens, le jeune homme était respecté sinon jalousé parmi ses pairs, digne héritier d'un parcours riche en accomplissements.
A Marie-Joie, on le considérait, pour ainsi dire, comme un petit génie.
- Ah, quel rustre fais-je. Je vous en prie, prenez place ! Nous avons tant de choses à nous dire... notre ami en commun m'a beaucoup parlé de vous.
Tout en s'assoyant sur la chaise prestement libérée d'une pile de paperasse par le notaire, la blonde le considéra d'un regard suspicieux surplombant un fin sourire tout aussi politique. Elle aussi était actrice, mais elle remarqua bien rapidement la vanité de poursuivre dans cette voie : le gouverneur ne souhaitait pas s'entretenir avec elle à ce sujet. Il l'avait conviée pour discutailler du projet qui leur tenait tous les deux à cœur. C'était tout de même grâce à Anna que les colons avaient mis la main sur Klavethy et découvert ses richesses enterrées.
- En bien, j'espère. Que puis-je faire pour vous, archigouverneur ?
- Oh, je vous en prie, pas ce titre pompeux ! Appelez-moi Orwen, vraiment, j'insiste. commença le jeune homme tout en se servant une tasse de liquide chaud et brumeux. Un thé ?
La Commodore refusa poliment d'un geste de la main, elle venait de sortir de table.
- Une prochaine fois. Très bien, entrons dans le vif du sujet. Si vous êtes ici, c'est parce que votre nom, Commodore, n'est pas sans avoir certains échos de par delà Red Line. Vous avez d'ores et déjà brillé et suscité beaucoup d'entrain au sein de la Marine, vous êtes, pour certains néophytes, un véritable exemple.
- Je vous en prie, gouverneur, les flatteries me mettent mal à l'aise. Je ne suis pas aussi terrible que le racontent les rumeurs. se gaussa l'agente face à tant de flagorneries.
L'homme était cependant loin d'être idiot, son regard laissait entendre qu'il savait. Qu'il savait bien plus et peut-être même au-delà de ce que savait la blonde sur elle-même. Il était décidément inutile de jouer aux greluches avec un tel homme, car il semblait comme capable de lire dans les pensées et faire des déductions incroyables que même certains mentalistes laissaient de marbre.
- Vous avez raison, inutile de me perdre dans tant de cajoleries, bien que cela ne vienne pas de moi... mais du peuple. Un peuple à l'affût des héros comme le Vice-Amiral Fenyang, comme vous. Un peuple qui aime se dire que de pareils emblèmes de la Justice existent... un peuple qui a besoin de se sentir protégé...
Accordant ses paroles aux gestes, le bonhomme parvenait efficacement à communiquer des sentiments jusque dans la racine de ses mots. L'agente était épatée, mais voyait désormais où il venait en venir. Elle sourit.
- Et quand le Vice-Amiral Fenyang nous honorera-t-il de sa présence ?
Le politicien se mit à sourire à son tour en voyant que son interlocutrice et lui étaient visiblement sur la même longueur d'onde. Il n'avait même pas eu à lui donner la raison de sa présence, elle l'avait devinée par elle-même : l'assimilation de son nom à la protection de la Nouvelle Arcadia... ainsi que celui de l'Amiral.
- D'une minute à l'autre, je suppose.
Dernière édition par Annabella Sweetsong le Jeu 9 Mar 2017 - 9:21, édité 1 fois