Voilà même pas dix minutes que j’avais débarqué sur une Inu Town baignée par le soleil que je me perdais déjà volontairement dans les rues, bagages en main, époustouflé par ces bâtiments aux pierres brunes. Leur teinte était peu commune, et il fallait bien avouer que le voyage depuis Marie-Joie avait été long, alors le moindre exotisme aussi infime qu’il pouvait être comblait mon besoin de m’aérer l’esprit et de me dégourdir les jambes.
J’avais erré comme cela jusque dans les ruelles des quartiers les modestes de la cité portuaire de Karnutes, plein de plénitude, devant des gosses qui s’amusaient, insouciants, jusqu’à ce que je me plante devant eux, un sourire béat aux lèvres.
L’inconnu que j’étais à leurs yeux était de trop, je les avais stoppés net dans leurs petits jeux, et ils me fixaient presque tous avec le regard interrogatif, parfois dur : je n’avais clairement rien à faire ici. Il ne me fallut pas très longtemps pour comprendre, ils ne devaient pas souvent rencontrer des personnes vêtues comme je l’étais, dans son sempiternel costume que j’affectionnais tant. Alors ne voulant point les déranger davantage, je partis.
De toute façon, il me fallait gagner l’autre grande ville de l’île, Chom, qui résidait en son plein centre, coincée entre des champs vallonnés et une montagne derrière elle, et il était hors de question que je fusse en retard, puisque, effectivement, j’avais été envoyé ici même en mission par mon coordinateur, William Clifton, un agent d’un âge certain, boulimique de travail mais chaleureux, pour infiltrer la caserne locale. Je devais dresser un état de la situation révolutionnaire de cette île, ce qui comprenait sa présence et son activité, tout en calmant autant que faire se peut les insubordinations et les autres joyeusetés qui pullulaient les rapports abondants de ces derniers temps. De ce fait, il devait me faire passer pour un marin, assez gradé pour me faire écouter, mais pas trop pour être proche de mes hommes.
Ce fut ainsi que je devins Caporal Lars Blomberg, fraîchement muté du QG de North Blue, la base G-6 dans laquelle je fis mes preuves. Pourquoi Caporal ? Parce que s’il y avait insubordination, je présumais qu’elle venait des matelots. Peut-être de plus haut également, ce qui aurait expliqué les cas de zèle abusif, mais avec les marins recadrés, cela allait sûrement s’arranger, cela n’étant qu’une conséquence de leur manque de discipline.
Pourtant, si les bambins des quartiers modestes pouvaient jouer tranquillement que leurs parents n’aient à s’inquiéter, c’était que l’ordre devait tout de même régner. Et j’aimais me dire que tout cela n’était dû que grâce qu’à la présence Gouvernement mondial pour lequel j’oeuvrais. Que malgré le fait que je n’étais qu’un agent parmi une foultitude d’autres agents, un grain de sable d’une plage, j’en étais en partie responsable. C’était gratifiant ...
Mais trêve d’errance ! La route était encore longue donc je pressai le pas pour sortir de la ville, faisant mon maximum pour ne pas m’atteler sur des détails originaux. Et au bout de quelques minutes de marche intensive, je gagnai enfin le large chemin de terre qui me séparait de Chom, m’y engageant par la même à la même allure, quand soudain j’entendis un bruit de sabots et de roues grinçantes, et alors que j’allai pour me retourner, ce que j’imaginais être le conducteur s’adressa à moi :
- Ola, bleusaille !
Bleusaille ? L’homme qui m’avait devancé et à qui cette voix rocailleuse appartenait ne manquait pas de culot ! Je me retournai aussitôt pour savoir de bois il était fait.
C’était un quinquagénaire trapus, les cheveux grisonnants, aux rides appuyés et aux traits burinés. Il conduisait un chariot destiné à l’acheminement de minerais, tiré par une mule-de-bât.
- Tu t’rends à Chom ?
- Euh ... oui ...
- Grimpe, j’y vais aussi !
Malgré ses familiarités, il s’avérait plutôt altruiste. Je devinais que c’était un mineur qui venait certainement de livrer le fruit de son labeur aux forgerons que j’avais pu croiser ça et là en ville.
- Eh bien ... merci ! C’est très sympathique de votre part !
- Bah ... Autant s’entraider ! On aurait l’air fin si on s’bouffait le nez sur p’tite île comme celle-là !
Il me tendit la main pour que je pusse monter à bord, je le remerciai d’un large sourire.
- J’te préviens, c’est pas très confortable, c’est pas prévu pour ça c’t engin !
- Oh, ne vous en faites pas, on ne vas pas très loin, je crois que je pourrais m’en remettre !
Il lâcha un rire franc, et ce fut dans cette bonne humeur que nous reprîmes notre route. Et pour tuer le temps du voyage, nous entamâmes rapidement la conversation. Il me demanda ce que je venais faire ici, et pourquoi je m’y enterrais. Je lui répondis que j’allais intégrer la caserne et que je n’avais pas le choix, c’était ici que l’on m’avait muté, alors il me rassura qu’outre les “gueulantes” de mes supérieurs, ça allait plutôt calme. A nouveau, je lui répondis d’un sourire.
Bientôt, nous arrivâmes à destination. Il m’avait laissé devant l’enceinte de la caserne, et après l’avoir remercié, il repartit alors que ma mission allait enfin pouvoir débuter ! Et en m’approchant, ce fut un Colonel à en croire ses galons, et donc sûrement le plus haut-gradé d’ici, qui m’accueillit. Il était entre deux âges, assez bourru, le crâne rasé, impeccable. Clairement quelqu’un avec qui on ne pouvait pas plaisanter.
- Caporal Blomberg, je présume ? me demanda-t-il sèchement.
Je le saluai solennellement avant de lui répondre.
- Tout à fait.
- Bienvenue, soldat. Je me présente, Colonel Perkson. Nous ne vous attendions pas si tôt, mais puisque vous êtes là, allez enfiler votre uniforme ! Plus tôt nous commencerons le briefing de la journée, mieux ce sera !
J’avais erré comme cela jusque dans les ruelles des quartiers les modestes de la cité portuaire de Karnutes, plein de plénitude, devant des gosses qui s’amusaient, insouciants, jusqu’à ce que je me plante devant eux, un sourire béat aux lèvres.
L’inconnu que j’étais à leurs yeux était de trop, je les avais stoppés net dans leurs petits jeux, et ils me fixaient presque tous avec le regard interrogatif, parfois dur : je n’avais clairement rien à faire ici. Il ne me fallut pas très longtemps pour comprendre, ils ne devaient pas souvent rencontrer des personnes vêtues comme je l’étais, dans son sempiternel costume que j’affectionnais tant. Alors ne voulant point les déranger davantage, je partis.
De toute façon, il me fallait gagner l’autre grande ville de l’île, Chom, qui résidait en son plein centre, coincée entre des champs vallonnés et une montagne derrière elle, et il était hors de question que je fusse en retard, puisque, effectivement, j’avais été envoyé ici même en mission par mon coordinateur, William Clifton, un agent d’un âge certain, boulimique de travail mais chaleureux, pour infiltrer la caserne locale. Je devais dresser un état de la situation révolutionnaire de cette île, ce qui comprenait sa présence et son activité, tout en calmant autant que faire se peut les insubordinations et les autres joyeusetés qui pullulaient les rapports abondants de ces derniers temps. De ce fait, il devait me faire passer pour un marin, assez gradé pour me faire écouter, mais pas trop pour être proche de mes hommes.
Ce fut ainsi que je devins Caporal Lars Blomberg, fraîchement muté du QG de North Blue, la base G-6 dans laquelle je fis mes preuves. Pourquoi Caporal ? Parce que s’il y avait insubordination, je présumais qu’elle venait des matelots. Peut-être de plus haut également, ce qui aurait expliqué les cas de zèle abusif, mais avec les marins recadrés, cela allait sûrement s’arranger, cela n’étant qu’une conséquence de leur manque de discipline.
Pourtant, si les bambins des quartiers modestes pouvaient jouer tranquillement que leurs parents n’aient à s’inquiéter, c’était que l’ordre devait tout de même régner. Et j’aimais me dire que tout cela n’était dû que grâce qu’à la présence Gouvernement mondial pour lequel j’oeuvrais. Que malgré le fait que je n’étais qu’un agent parmi une foultitude d’autres agents, un grain de sable d’une plage, j’en étais en partie responsable. C’était gratifiant ...
Mais trêve d’errance ! La route était encore longue donc je pressai le pas pour sortir de la ville, faisant mon maximum pour ne pas m’atteler sur des détails originaux. Et au bout de quelques minutes de marche intensive, je gagnai enfin le large chemin de terre qui me séparait de Chom, m’y engageant par la même à la même allure, quand soudain j’entendis un bruit de sabots et de roues grinçantes, et alors que j’allai pour me retourner, ce que j’imaginais être le conducteur s’adressa à moi :
- Ola, bleusaille !
Bleusaille ? L’homme qui m’avait devancé et à qui cette voix rocailleuse appartenait ne manquait pas de culot ! Je me retournai aussitôt pour savoir de bois il était fait.
C’était un quinquagénaire trapus, les cheveux grisonnants, aux rides appuyés et aux traits burinés. Il conduisait un chariot destiné à l’acheminement de minerais, tiré par une mule-de-bât.
- Tu t’rends à Chom ?
- Euh ... oui ...
- Grimpe, j’y vais aussi !
Malgré ses familiarités, il s’avérait plutôt altruiste. Je devinais que c’était un mineur qui venait certainement de livrer le fruit de son labeur aux forgerons que j’avais pu croiser ça et là en ville.
- Eh bien ... merci ! C’est très sympathique de votre part !
- Bah ... Autant s’entraider ! On aurait l’air fin si on s’bouffait le nez sur p’tite île comme celle-là !
Il me tendit la main pour que je pusse monter à bord, je le remerciai d’un large sourire.
- J’te préviens, c’est pas très confortable, c’est pas prévu pour ça c’t engin !
- Oh, ne vous en faites pas, on ne vas pas très loin, je crois que je pourrais m’en remettre !
Il lâcha un rire franc, et ce fut dans cette bonne humeur que nous reprîmes notre route. Et pour tuer le temps du voyage, nous entamâmes rapidement la conversation. Il me demanda ce que je venais faire ici, et pourquoi je m’y enterrais. Je lui répondis que j’allais intégrer la caserne et que je n’avais pas le choix, c’était ici que l’on m’avait muté, alors il me rassura qu’outre les “gueulantes” de mes supérieurs, ça allait plutôt calme. A nouveau, je lui répondis d’un sourire.
Bientôt, nous arrivâmes à destination. Il m’avait laissé devant l’enceinte de la caserne, et après l’avoir remercié, il repartit alors que ma mission allait enfin pouvoir débuter ! Et en m’approchant, ce fut un Colonel à en croire ses galons, et donc sûrement le plus haut-gradé d’ici, qui m’accueillit. Il était entre deux âges, assez bourru, le crâne rasé, impeccable. Clairement quelqu’un avec qui on ne pouvait pas plaisanter.
- Caporal Blomberg, je présume ? me demanda-t-il sèchement.
Je le saluai solennellement avant de lui répondre.
- Tout à fait.
- Bienvenue, soldat. Je me présente, Colonel Perkson. Nous ne vous attendions pas si tôt, mais puisque vous êtes là, allez enfiler votre uniforme ! Plus tôt nous commencerons le briefing de la journée, mieux ce sera !