L'infrastructure commençait tout juste à se découvrir au large, un spectacle dont seule la vigie pouvait être témoin et qui, c'était le moins que l'on pût dire, captivait pas mal son attention. Ainsi que celle d'une autre paire d'yeux tout près d'elle.
- Alors c'est ça, Karantane. fit la Commodore, sombre, le visage fermé, dans l'expectative de débarquer sur cette nouvelle île.
Nouvelle île, ça n'en était sûrement pas une. Un pont similaire à celui de Tequila Wolf abritant un ensemble de structures sur tout le long de sa surface. Un projet aussi faramineux qu'inachevé, mais dont l'utilité semblait bien plaire à l'albinos. La jeune femme qui la secondait et qui venait tout juste de récupérer la lorgnette temporairement empruntée par la blonde crut d'ailleurs que la question n'était pas rhétorique puisqu'elle ne put s'empêcher de répondre, avec timidité :
- Oui, ma Commodore. Il s'agit bien de Karantane.
Prise de court par cette réponse à laquelle l'agente ne s'attendait pas, celle-ci vrilla ses deux yeux inquiets sur la frêle soldate qui lui flanquait les côtes. Des yeux qui ne faisaient que refléter un mauvais présentement et que la Caporale Fhira prit pour un profond ressentiment. Celle-ci entreprit donc de baisser le regard pour détailler ses chaussures jusqu'à ce que sa supérieure ne posât enfin ses pupilles sur un autre point de l'horizon : le cuirassé qui naviguait moins d'un mille marin derrière et qui les suivait.
- Faites signe au Vice-Amiral Fenyang que nous n'allons pas tarder à accoster.
Ce après quoi l'officière salua promptement avant d'enjamber le rebord du petit espace aménagé en hauteur pour regagner le pont du navire.
Habile dans les gréements mais encore assez précautionneuse pour ralentir dans la descente des filets, Annabella avait profité de son temps libre durant la traversée pour s'initier au travail à bord du navire. Elle n'en était nullement obligée, en tant que Commodore ; ça n'était pas son rôle de se salir les mains, on attendait uniquement d'elle qu'elle dirigeât... en principe. A bord de la Jouvencelle, si elle voulait faire corps avec la 346ème comme le lui avait conseillé la Lieutenante Browneye, il fallait qu'elle y mît du sien. Ce qui était largement préférable à l'obligation de se tourner les pouces en bénéficiant de bons repas chauds tandis que ses subalternes mourraient de fin ; le début parfait de toute bonne mutinerie...
A cette pensée, le ventre de la Commodore émit un gargouillement distinctif du manque nutritif conséquent. Bruit honteux que plus aucune femme à bord ne parvenait à dissimuler désormais. Avec le temps de la traversée et les intempéries qui avaient coûté un baril entier de fruits secs rendu à la mer, il n'y avait pratiquement plus rien à manger sur le navire. Sur ordre du Vice-Amiral, le convoi allait donc faire une halte à la Karantane que voilà pour se réapprovisionner. Si, toutefois, il y avait des provisions sur ce bout de caillou pratiquement à l'abandon. Raison pour laquelle la Commodore, une fois de retour sur le pont principal, retrouva ses deux subalternes pour leur suggérer d'en discuter plus amplement dans ses appartements.
Comme toutes les cabines du capitaine d'un navire, celle d'Annabella jouissait d'un désordre innommable et d'un empilement de papiers et de livres qui, semblait-il, étaient déjà-là avant même sa première arrivée sur le navire, il y avait de cela plusieurs mois. Certains dossiers étaient tellement vieux qu'ils semblaient même en état de décomposition avancée, un détail qui n'échappa pas aux yeux effarés de la littéraire qui essayait de tenir un laïus plus ou moins cohérent. De temps à autre, son ventre vide venait interrompre son explication d'un grondement guttural et gênant.
- ...et actuellement, Karantane est sous la tutelle de la 12ème Section, commandée par un certain Phol, son prénom n'est d'ailleurs pas renseigné. conclut-elle après avoir ressassé aux deux jeunes femmes l'historique tout entier du coin.
La Loque ne trouva rien à ajouter : comme pour sa supérieure, la plupart des informations lui étaient passées par dessus la tête jusqu'à ce que la dernière phrase soit finalement prononcée.1 Ce fut donc Annabella qui prit la parole, sur un sujet légèrement différent :
- Combien de temps pensez-vous nécessaire pour reconstituer notre réserve de provisions ?
- En règle générale, il nous faut entre deux et trois heures, le temps de remplir les soutes et refaire l'inventaire. intervint la Lieutenante-Colonelle, implacable sur ce genre de questions.
- Et pour un cuirassé ?
- Si c'en est un comme celui que l'on vous a confié à Astérion, ma Commodore, je dirais au moins cinq bonnes heures.
De toute manière, il n'existait pas trente-six sortes de cuirassés. L'agente soupira donc, consciente qu'elle serait probablement contrainte de passer la nuit sur l'île ; elle était pressée de voir le nouveau Juge Suprême d'Enies Lobby en action. Ces "Blattards" n'avaient aucune chance de s'en sortir, c'était certain, mais ils étaient loin d'être au bout de leur peine, si la Juge Raven devait s'occuper de leur cas.
- Bien. Mieux vaut ne pas lambiner plus longtemps sur ce genre de détails, nous devrions bientôt arriver au large du pont. Lieutenante, vous pourriez nous indiquer où il est possible d'accoster, le plus proche de la base de la Section 12 ?
Après avoir prestement feuilleté le livre qu'elle tenait entre les mains et étudié ce qui ressemblait, vu de loin, à un plan détaillé d'une partie de l'île, la rousse hocha finalement la tête. L'expression sérieuse qui assombrissait le visage de la Commodore sembla alors légèrement s'éclaircir : il était temps pour elle de balancer de nouvelles directives, de servir enfin à quelque chose.
- Parfait, alors le moment est venu de nous mettre au travail. Colonelle, je vous laisse briefer les autres à ce sujet. Lieutenante, rejoignez-moi dans cinq minutes sur le gaillard avant.
Karantane avait beau baigner dans une aura de danger pratiquement palpable, au moins Annabella allait bientôt retrouver le plancher des vaches. Une pensée qui, lorsqu'elle ferma la porte de sa cabine derrière elle, lui arracha tout de même un léger sourire.
1. Browneye a, il semblerait, un don en la matière de pouvoir tenir en haleine ses interlocuteurs sur tout un monologue pour ne dévoiler les éléments importants qu'à la fin.
- Alors c'est ça, Karantane. fit la Commodore, sombre, le visage fermé, dans l'expectative de débarquer sur cette nouvelle île.
Nouvelle île, ça n'en était sûrement pas une. Un pont similaire à celui de Tequila Wolf abritant un ensemble de structures sur tout le long de sa surface. Un projet aussi faramineux qu'inachevé, mais dont l'utilité semblait bien plaire à l'albinos. La jeune femme qui la secondait et qui venait tout juste de récupérer la lorgnette temporairement empruntée par la blonde crut d'ailleurs que la question n'était pas rhétorique puisqu'elle ne put s'empêcher de répondre, avec timidité :
- Oui, ma Commodore. Il s'agit bien de Karantane.
Prise de court par cette réponse à laquelle l'agente ne s'attendait pas, celle-ci vrilla ses deux yeux inquiets sur la frêle soldate qui lui flanquait les côtes. Des yeux qui ne faisaient que refléter un mauvais présentement et que la Caporale Fhira prit pour un profond ressentiment. Celle-ci entreprit donc de baisser le regard pour détailler ses chaussures jusqu'à ce que sa supérieure ne posât enfin ses pupilles sur un autre point de l'horizon : le cuirassé qui naviguait moins d'un mille marin derrière et qui les suivait.
- Faites signe au Vice-Amiral Fenyang que nous n'allons pas tarder à accoster.
Ce après quoi l'officière salua promptement avant d'enjamber le rebord du petit espace aménagé en hauteur pour regagner le pont du navire.
Habile dans les gréements mais encore assez précautionneuse pour ralentir dans la descente des filets, Annabella avait profité de son temps libre durant la traversée pour s'initier au travail à bord du navire. Elle n'en était nullement obligée, en tant que Commodore ; ça n'était pas son rôle de se salir les mains, on attendait uniquement d'elle qu'elle dirigeât... en principe. A bord de la Jouvencelle, si elle voulait faire corps avec la 346ème comme le lui avait conseillé la Lieutenante Browneye, il fallait qu'elle y mît du sien. Ce qui était largement préférable à l'obligation de se tourner les pouces en bénéficiant de bons repas chauds tandis que ses subalternes mourraient de fin ; le début parfait de toute bonne mutinerie...
A cette pensée, le ventre de la Commodore émit un gargouillement distinctif du manque nutritif conséquent. Bruit honteux que plus aucune femme à bord ne parvenait à dissimuler désormais. Avec le temps de la traversée et les intempéries qui avaient coûté un baril entier de fruits secs rendu à la mer, il n'y avait pratiquement plus rien à manger sur le navire. Sur ordre du Vice-Amiral, le convoi allait donc faire une halte à la Karantane que voilà pour se réapprovisionner. Si, toutefois, il y avait des provisions sur ce bout de caillou pratiquement à l'abandon. Raison pour laquelle la Commodore, une fois de retour sur le pont principal, retrouva ses deux subalternes pour leur suggérer d'en discuter plus amplement dans ses appartements.
Comme toutes les cabines du capitaine d'un navire, celle d'Annabella jouissait d'un désordre innommable et d'un empilement de papiers et de livres qui, semblait-il, étaient déjà-là avant même sa première arrivée sur le navire, il y avait de cela plusieurs mois. Certains dossiers étaient tellement vieux qu'ils semblaient même en état de décomposition avancée, un détail qui n'échappa pas aux yeux effarés de la littéraire qui essayait de tenir un laïus plus ou moins cohérent. De temps à autre, son ventre vide venait interrompre son explication d'un grondement guttural et gênant.
- ...et actuellement, Karantane est sous la tutelle de la 12ème Section, commandée par un certain Phol, son prénom n'est d'ailleurs pas renseigné. conclut-elle après avoir ressassé aux deux jeunes femmes l'historique tout entier du coin.
La Loque ne trouva rien à ajouter : comme pour sa supérieure, la plupart des informations lui étaient passées par dessus la tête jusqu'à ce que la dernière phrase soit finalement prononcée.1 Ce fut donc Annabella qui prit la parole, sur un sujet légèrement différent :
- Combien de temps pensez-vous nécessaire pour reconstituer notre réserve de provisions ?
- En règle générale, il nous faut entre deux et trois heures, le temps de remplir les soutes et refaire l'inventaire. intervint la Lieutenante-Colonelle, implacable sur ce genre de questions.
- Et pour un cuirassé ?
- Si c'en est un comme celui que l'on vous a confié à Astérion, ma Commodore, je dirais au moins cinq bonnes heures.
De toute manière, il n'existait pas trente-six sortes de cuirassés. L'agente soupira donc, consciente qu'elle serait probablement contrainte de passer la nuit sur l'île ; elle était pressée de voir le nouveau Juge Suprême d'Enies Lobby en action. Ces "Blattards" n'avaient aucune chance de s'en sortir, c'était certain, mais ils étaient loin d'être au bout de leur peine, si la Juge Raven devait s'occuper de leur cas.
- Bien. Mieux vaut ne pas lambiner plus longtemps sur ce genre de détails, nous devrions bientôt arriver au large du pont. Lieutenante, vous pourriez nous indiquer où il est possible d'accoster, le plus proche de la base de la Section 12 ?
Après avoir prestement feuilleté le livre qu'elle tenait entre les mains et étudié ce qui ressemblait, vu de loin, à un plan détaillé d'une partie de l'île, la rousse hocha finalement la tête. L'expression sérieuse qui assombrissait le visage de la Commodore sembla alors légèrement s'éclaircir : il était temps pour elle de balancer de nouvelles directives, de servir enfin à quelque chose.
- Parfait, alors le moment est venu de nous mettre au travail. Colonelle, je vous laisse briefer les autres à ce sujet. Lieutenante, rejoignez-moi dans cinq minutes sur le gaillard avant.
Karantane avait beau baigner dans une aura de danger pratiquement palpable, au moins Annabella allait bientôt retrouver le plancher des vaches. Une pensée qui, lorsqu'elle ferma la porte de sa cabine derrière elle, lui arracha tout de même un léger sourire.
1. Browneye a, il semblerait, un don en la matière de pouvoir tenir en haleine ses interlocuteurs sur tout un monologue pour ne dévoiler les éléments importants qu'à la fin.