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Entre deux eaux

Rappel du premier message :

L'infrastructure commençait tout juste à se découvrir au large, un spectacle dont seule la vigie pouvait être témoin et qui, c'était le moins que l'on pût dire, captivait pas mal son attention. Ainsi que celle d'une autre paire d'yeux tout près d'elle.

- Alors c'est ça, Karantane. fit la Commodore, sombre, le visage fermé, dans l'expectative de débarquer sur cette nouvelle île.

Nouvelle île, ça n'en était sûrement pas une. Un pont similaire à celui de Tequila Wolf abritant un ensemble de structures sur tout le long de sa surface. Un projet aussi faramineux qu'inachevé, mais dont l'utilité semblait bien plaire à l'albinos. La jeune femme qui la secondait et qui venait tout juste de récupérer la lorgnette temporairement empruntée par la blonde crut d'ailleurs que la question n'était pas rhétorique puisqu'elle ne put s'empêcher de répondre, avec timidité :

- Oui, ma Commodore. Il s'agit bien de Karantane.

Prise de court par cette réponse à laquelle l'agente ne s'attendait pas, celle-ci vrilla ses deux yeux inquiets sur la frêle soldate qui lui flanquait les côtes. Des yeux qui ne faisaient que refléter un mauvais présentement et que la Caporale Fhira prit pour un profond ressentiment. Celle-ci entreprit donc de baisser le regard pour détailler ses chaussures jusqu'à ce que sa supérieure ne posât enfin ses pupilles sur un autre point de l'horizon : le cuirassé qui naviguait moins d'un mille marin derrière et qui les suivait.

- Faites signe au Vice-Amiral Fenyang que nous n'allons pas tarder à accoster.

Ce après quoi l'officière salua promptement avant d'enjamber le rebord du petit espace aménagé en hauteur pour regagner le pont du navire.

Habile dans les gréements mais encore assez précautionneuse pour ralentir dans la descente des filets, Annabella avait profité de son temps libre durant la traversée pour s'initier au travail à bord du navire. Elle n'en était nullement obligée, en tant que Commodore ; ça n'était pas son rôle de se salir les mains, on attendait uniquement d'elle qu'elle dirigeât... en principe. A bord de la Jouvencelle, si elle voulait faire corps avec la 346ème comme le lui avait conseillé la Lieutenante Browneye, il fallait qu'elle y mît du sien. Ce qui était largement préférable à l'obligation de se tourner les pouces en bénéficiant de bons repas chauds tandis que ses subalternes mourraient de fin ; le début parfait de toute bonne mutinerie...

A cette pensée, le ventre de la Commodore émit un gargouillement distinctif du manque nutritif conséquent. Bruit honteux que plus aucune femme à bord ne parvenait à dissimuler désormais. Avec le temps de la traversée et les intempéries qui avaient coûté un baril entier de fruits secs rendu à la mer, il n'y avait pratiquement plus rien à manger sur le navire. Sur ordre du Vice-Amiral, le convoi allait donc faire une halte à la Karantane que voilà pour se réapprovisionner. Si, toutefois, il y avait des provisions sur ce bout de caillou pratiquement à l'abandon. Raison pour laquelle la Commodore, une fois de retour sur le pont principal, retrouva ses deux subalternes pour leur suggérer d'en discuter plus amplement dans ses appartements.

Comme toutes les cabines du capitaine d'un navire, celle d'Annabella jouissait d'un désordre innommable et d'un empilement de papiers et de livres qui, semblait-il, étaient déjà-là avant même sa première arrivée sur le navire, il y avait de cela plusieurs mois. Certains dossiers étaient tellement vieux qu'ils semblaient même en état de décomposition avancée, un détail qui n'échappa pas aux yeux effarés de la littéraire qui essayait de tenir un laïus plus ou moins cohérent. De temps à autre, son ventre vide venait interrompre son explication d'un grondement guttural et gênant.

- ...et actuellement, Karantane est sous la tutelle de la 12ème Section, commandée par un certain Phol, son prénom n'est d'ailleurs pas renseigné. conclut-elle après avoir ressassé aux deux jeunes femmes l'historique tout entier du coin.

La Loque ne trouva rien à ajouter : comme pour sa supérieure, la plupart des informations lui étaient passées par dessus la tête jusqu'à ce que la dernière phrase soit finalement prononcée.1 Ce fut donc Annabella qui prit la parole, sur un sujet légèrement différent :

- Combien de temps pensez-vous nécessaire pour reconstituer notre réserve de provisions ?

- En règle générale, il nous faut entre deux et trois heures, le temps de remplir les soutes et refaire l'inventaire. intervint la Lieutenante-Colonelle, implacable sur ce genre de questions.

- Et pour un cuirassé ?

- Si c'en est un comme celui que l'on vous a confié à Astérion, ma Commodore, je dirais au moins cinq bonnes heures.

De toute manière, il n'existait pas trente-six sortes de cuirassés. L'agente soupira donc, consciente qu'elle serait probablement contrainte de passer la nuit sur l'île ; elle était pressée de voir le nouveau Juge Suprême d'Enies Lobby en action. Ces "Blattards" n'avaient aucune chance de s'en sortir, c'était certain, mais ils étaient loin d'être au bout de leur peine, si la Juge Raven devait s'occuper de leur cas.

- Bien. Mieux vaut ne pas lambiner plus longtemps sur ce genre de détails, nous devrions bientôt arriver au large du pont. Lieutenante, vous pourriez nous indiquer où il est possible d'accoster, le plus proche de la base de la Section 12 ?

Après avoir prestement feuilleté le livre qu'elle tenait entre les mains et étudié ce qui ressemblait, vu de loin, à un plan détaillé d'une partie de l'île, la rousse hocha finalement la tête. L'expression sérieuse qui assombrissait le visage de la Commodore sembla alors légèrement s'éclaircir : il était temps pour elle de balancer de nouvelles directives, de servir enfin à quelque chose.

- Parfait, alors le moment est venu de nous mettre au travail. Colonelle, je vous laisse briefer les autres à ce sujet. Lieutenante, rejoignez-moi dans cinq minutes sur le gaillard avant.

Karantane avait beau baigner dans une aura de danger pratiquement palpable, au moins Annabella allait bientôt retrouver le plancher des vaches. Une pensée qui, lorsqu'elle ferma la porte de sa cabine derrière elle, lui arracha tout de même un léger sourire.

1. Browneye a, il semblerait, un don en la matière de pouvoir tenir en haleine ses interlocuteurs sur tout un monologue pour ne dévoiler les éléments importants qu'à la fin.
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- Super ! Bravo ! que je tonne radieusement en applaudissant. Merci pour vot’ démonstration d’force, les monstres !

Maintenant que j’ai l’attention du salaud et de la grognasse, c’est l’heure du grand final ! Je jette un oeil au sol ... pis je siffle d’étonnement.

- Eh ben ! Tu te refuses rien mon cochon ! L’arme du Mihawk, rien que ça !
- Ma ... hach ...
- Oui, oui ... Je te promets de faire vite.


Je ramasse la Lame Noire, prends le temps de la mater tranquillement et de faire quelques moulinets avec.

- Bon, tu m’excuseras, d’habitude j’donne pas dans la lâcheté d’buter des zigs avec une arme. Mais là, cas de force majeure. T’inquiète pas, t’auras les honneurs, mort au combat, et tout l’merdier.

Je brandis la lame haut dans le ciel, trépignant d’impatience.

- Nan mais Mahach ...
- Putain mais quoi à la fin ? C’est mon moment là Joe !
- Salem a raison : les dames d’abord voyons ! Pirate à la manque va ...


Je la regarde. Elle. La grognasse.

- Ah. Ce machin. Bah rockette-moi ça, ordre de ton Commodore.
- Commodore mon cul
, qu’il me dit en braquant son bazooka sur la gueule d’Enna.


BOUM !



Putain ... Y’a que sa tête qu’est libre et elle trouve ENCORE le moyen de faire chier en évitant le missile cette conne ! Bah pas loupé, je pique une crise.

- PUTAIN MAIS T’AS D’LA MERDE DANS L’CR NE TOI OU QUOI ! QU’EST CE QUE J’VIENS D’DIRE ? C’EST MON MOMENT ! T’ENTENDS ? L’MIEN ! ALORS T’ARRÊTE D’ÊTRE CHIANTE ET TU CRÈVES ! ARRÊTE DE NOUS VOLER LA VEDETTE !

Pour toute réponse réponse, elle me crache à la gueule. Alors ni une ni deux je me morcelle en baies bientôt explosives et je lui envoie tout dans la face qu’elle noircit de Haki. Je me reforme pour voir les dégâts mais ...
Rien. Elle a rien senti. Au contraire, toujours aux prises avec le Salem et elle sourit. Pour me narguer, et comme d’hab, ça marche avec moi.

Phantom

Je me redivise presque immédiatement en une multitude de petites baies et je fonce sur sa gueule comme un putain de spectre ! Encore une fois je me reforme derrière sa tête que je bloque de tout mon corps, même son cou avec mes pieds.

- Bon, fais vite Joe. La Faucheuse n’attend pas comme on dit.

Alors qu’il commençait à la viser, il baisse son arme.

- Bah, justement. Elle a tout le temps du monde elle, nan ?
- On s’en fout ! Tire bordel de merde !


BOUM !



Pas de Haki cette fois, à cause de l’effet de surprise, donc elle bouffe. Moi aussi j’ai failli, et surtout failli me bouffer sa grosse carafe qu’a manqué de m’écrabouiller de peu.
Salem reprend autant qu’il peut sa forme habituelle après que le Joe lui ait enlevé le Bisento du bide.

- Bon. Où on en était nous, avec tout ce bazar ? que je minaude ouvertement, Lame Noire en main, levée, prêt à exécuter Salem. Ah ouais, niark ! Mon mom...
- BANDE DE COFFONS BRAILLARDS ! VE VAIS VOUS BVUTFER !
(Bande de cochons braillards ! Je vais vous buter !)

Putain mais même la gueule en bouillie et avachie comme un tas de merde, elle me fait bouffer le sol sur plusieurs mètres alors qu’à côté d’elle, le Salem a même plus la force de broncher ! D’un oeil, elle me cherche et claque sa main sur le pavé qu’elle fait trembler jusque pour chercher à m’écraser ! Comme on bute un vulgaire insecte !

Sauf que dans sa furie désespérée, elle en oublie le Biutag qui s’est glissé sous son menton en forme de scorpion

- Le monsieur t’a dit de fermer ta gueule.

Et il la pique de toute ses forces avec son aiguillon ! Il va même lui enfoncer un bout de sa queue entre le menton et le cou ! Elle se met immédiatement à gargouiller, essayant de respirer alors que du sang stagne dans sa gorge.

- Chuuuuuut, c’est fini.
- PUTAIN MAIS C’EST QUOI CETTE ARME DE MERDE !
que je beugle en la jetant. Elle m’a pas frappé avec le Haki mais je me suis pas divisé en baie !

Parce que ouais, c’est la gueule en sang et égratigné de partout que je me relève après cette petite série d’esquives.
Je regarde Enna. Du sang noir coule de son bec, signe qu’elle a vraiment fini par crever. Mais je repense immédiatement à Salem qui est en train de perdre lui aussi son sang. C’est qu’il faudrait pas qu’il me claque entre les mains sans que ce soit ma faute ... Mais bon, elle doit être maudite cette lame, alors je la troque contre un poignard d’un pirate qu’est mort pas loin. D’ailleurs la bataille est presque finie, la plupart des survivants ont fui quand l’annonce de la mort de leur foutue Lieutenant a canné. D’ailleurs elle s’est propagée comme une trainée de poudre. La rumeur hein, pas la Lieutenant. Le reste des troupes, les plus vaillants, fanatiques ou juste cons combattent le reste des marins enfin en surnombre.

Salem ose me regarder avec un regard aussi satisfait et défiant que sa blessure le lui permet, à cause des grimaces de douleur. Niark, sa douleur hein ?
J’avance vers lui à grand pas, schlass en main, le rictus délicieusement carnassier. Dans ma calebasse, ça jubile. Je plaque mon pied sur sa blessure sans oublier de bien appuyer dessus pour le faire couiner un peu et je lui choppe la tignasse de la main gauche pour relever sa tête et le regarder les yeux dans les yeux. Il va enfin prendre au sérieux le chien fou qu’il croit que je suis, tout haletant, grimaçant et sanguinolent qu’il puisse être.

- Alors de un, on m’choppe pas par la crête. Jamais. Personne. Même si j’me pète la gueule. Et de deux ... Y’a pas de deux. J’te d’mande pas comment tu veux crever, j’t’offre pas le choix. J’t’ai d’jà dit qu’j’aimais pas bien ça, mais j’crois que j’m’en r’mettrai. J’m’en r’mettrai parce que j’saurais que j’t’ai buté. Par contre, et m’demande pas pourquoi, j’me sens le coeur à t’offrir une dernière faveur.
- ... Crève ...
- T’en fais pas pour ça, ça arrivera bien un jour. Mais toi, t’as gâché ma bonté. Repos soldat, que je le salue ironiquement de l’autre main, celle qui tient le poignard.
- Nan Mahach, fais pas ça.


Je ferme les châsses, lassé. Je sais pas pourquoi je savais que ça arriverait ...

- Ah Joe ... Joe, Joe, Joe ... Pas maintenant.
- Si, lâche-le. Maintenant.


Okay, je le lâche. Mais j’en démords pas. Je laisse même mon pied sur la blessure. Par contre, je me tourne vers lui.

- Ecoute Biutag, t’as toujours fait des caprices et on a fait l’maximum pour les accomplir. Alors maint’nant qu’c’est moi qu’en fait un, tu m’lâches les basques et tu vas voir ailleurs si j’y suis. J’te laisserai pas faire c’que JE dois faire, même pas un peu. Et si tu m’demandes de l’faire couiner encore plus en lui f’sant sauter les phalanges une par une, j’m’en fous, j’le f’rai pas. Je suis crevé, j’veux juste me barrer d’là fissa. Toi aussi j’suis sûr en plus.
- Ouais, mais je veux pas le faire n’importe comment, tu me connais.


Je soupire. Ouais, je sais comment il veut se barrer. Il veut se barrer de là en Corsaire.

- Mais putain, ouvre les yeux un peu ! Y’a rien qui t’garantit qu’tu vas finir Corsaire ! Rien ! C’mec, c’est un fils de pute ! T’as bien vu nan ? Quand j’m’étais résigné à crever d’sa main parce que j’le méritais, il a trouvé l’moyen d’me crucifier ! C’est nous les méchants Joe. Pourtant, c’mec il a aucune parole !
- Je sais qu’il tiendra parole. Sans nous, il était mort d’avance.
- Nan, sans nous, il serait pas ici.
- Sauf qu’il nous en doit une ... Laisse-lui la vie sauve. Quand on a pris la mer ensemble, tu voulais pas montrer le bon exemple à ta fumelle et à ton lardon ? Je crois que tu m’as trop souvent casser les couilles avec ça pourtant ... Si tu deviens le Lieutenant d’un Corsaire, elle l’apprendra forcément. Pour sûr. Et tu la rendras fière.


Rhaa putain, j’ai horreur qu’on joue avec mon coeur, et il le sait ! Je relâche Salem, je relâche le couteau, et je me griffe la gueule, tiraillé par ce putain de dilemme.

Silence complet pendant plusieurs minutes. L’aurait pu être salvateur après la bataille, mais là il se fait pesant.

- Et puis merde, va t’faire foutre Joe !

Je ramasse le couteau, le montre à Salem ... et vise volontairement à côté -mais vraiment, j’aurais pu le lui planter dans l’oreille- avant de me casser d’ici, vexé et frustré.

- Hin-hin, tu te ramollis du bulbe, Besinger !
- J’t’ai dit d’aller t’faire foutre ! En bon cafard qu’t’es, j’te laisse négocier avec l’ennemi, lâche ! Traître.


Moi, je me tire.
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***

- Ajoute des adjectifs. "Remarquable", "Inestimable", "Génialissime". Juste histoire de bien leur montrer qu'ils y gagnent au change après Satoshi.

- "Enculé" c'est aussi un adjectif non ? Casse-toi de ma chambre cafard, j'ai horreur qu'on lise par dessus mon épaule.

Interrompus par une infirmière venue palper un patient qui le lui rendait bien, Joe trépignait d'impatience. S'en étant bien évidemment sortis avec trois pansements appliqués ici et là, le cafard n'avait pas eu à subir le moindre traitement hospitalier. Pour le vice-amiral Fenyang, le diagnostique n'était pas aussi bénin que le sien.
Os brisés, muscles déchirés, il portait sur lui les stigmates des braves. Joe lui, se portait comme un charme. Son état de santé était d'ailleurs si impeccable qu'il s'était empressé de trouver le vice-amiral de son cœur afin de lui rendre une visite de courtoisie. Une charmante intention pour lui apporter du soutien ; du soutien ainsi que du papier à lettre et de l'encre. Surtout du papier à lettre et de l'encre, le soutien était accessoire, absent même.

Ce n'était pas que le Blattard en chef avait forcé la main de Salem pour qu'il s'attelle à la rédaction d'une lettre de référence pour recommander le cafard en guise de substitut capitaine corsaire, mais il avait un don. Le don d'emmerder son monde. Encore lourdement blessé, le haut-gradé n'avait pas encore retrouvé la fibre qui l'aurait amené à écraser cette immondice de pirate occupant sa chambre sans y avoir été invité. Le plus court moyen de s'en débarrasser était encore de céder à ce caprice.

- Y'a pas d'accent à "regret".

Bien sûr, c'était la mort dans l'âme que le vice-amiral Fenyang avait dû reconnaître l'apport, sur le tard, des blattards lors de la bataille. Enna et sa collègue refroidies, il n'en avait pas fallu davantage pour que leurs équipages respectifs ne battent en retraite. Coupez la tête et le corps gesticule incapable de se défendre.
Vivant lui, trop vivant aux goûts de certains si ce n'est de tous, Joe se plaisait à croire qu'il avait porté le coup de grâce à la salope en chef venue secouer Karantane. Lui porter le contradiction relevait d'ailleurs du défi. Les veines gorgées d'un sang noirci, signature du venin que sécrétait Joe sous sa forme hybride, Enna était indéniablement sa victime. C'était tout un art d'achever la bête après que la piétaille ait fait tout le boulot pour l'épuiser, un art veule, mais un art dans lequel le cafard excellait avec un certain brio, il fallait lui reconnaître au moins ça. Là était son seul mérite en ce bas monde.

- Un seul "n" à "vermine".

Au-delà des vagues considérations utilitaires, suggérer à l'oreille du G.M le remplacement de Satoshi dans les délais les plus brefs possible revenait à sauver l'honneur de l'institution. Ne manquant jamais une occasion d'être vicieux, le cafard avait "suggéré" avec toute la malice qui est la sienne, de prétendre que Satoshi aurait de toute manière agi dans le dos de ceux-là même qui lui donnaient blanc seing pour piller ses pairs. Qu'il était facile de cracher sur les morts, ceux-là  étaient encore les moins disposés à se plaindre des calomnies qu'on leur prêtait.
Sous-entendre à demi-mot qu'une vermine telle que Joe avait sauvé la face du G.M en le débarrassant d'un corsaire véreux mais en réalité irréprochable, était une version encore plus facile à faire accepter de tous que celle voulant que les Blattards aient pu se permettre d'humilier l'ordre des capitaines corsaires ainsi que leurs protecteurs en agissant comme ils l'avaient fait à Juicy Berry.

- Hop hop hop ! Et ta signature alors ? C'est encore là qu'on retrouve toute la valeur ajoutée.

Aux aguets, Joe ne manquait pas une virgule de celui qui rédigeait lentement mais sûrement son billet d'entrée à Marie-Joa. Le ton épistolaire était sec, presque résigné, mais peu importait le flacon tant qu'on avait l'ivresse. Avec Enna en guise de trophée et une histoire officielle pré-rédigée pour sauver les meubles, le cafard pouvait presque déjà battre le pavillon à cinq points.
Salem n'eut pas même eut le temps de demander à ce qu'on lui amène une enveloppe que Joe engouffra le précieux document dans l'enveloppe pré-remplie et timbrée par ses soins. La consécration était proche. Prêt à gambader vers le plus proche volatile préposé au courrier, il fut immédiatement saisi au poignet par le vice-amiral. De cette poigne vigoureuse on pouvait deviner la qualité des soins reçus. Sous peu, Salem renaîtrait de ses cendres, plus puissant, plus flamboyant, impitoyable.

- Cafard... Je veux que tu saches que le jour où tu battras une paupière de manière suspecte, où que je sois, je me déplace pour te confectionner un assassinat aux petits oignons...

Un instant terrifié par cette étreinte soudaine au poignet, Joe ne céda pas aux menaces. Ce n'était pas son assurance, encore moins son courage qui le rendait insensibles aux mots lourds de sens de Fenyang, c'était son insouciance et cette audace mal placée qui était la sienne.
Tapotant, paternaliste, sur le torse couvert de bandages du pauvre bougre alité, manquant presque de lui arracher un cri, le cafard s'extirpa de l'épaisse main qui s'était saisie de lui. Provocateur, il fixa Salem de ses yeux sournois, embrassant du bout des lèvres l'enveloppe qu'il ne lâcherait pour rien au monde.

- Allons, allons. Repose-toi mon pépère. Pour tes services rendus, t'auras pas affaire à un ingrat. Aucuuuuuuuuuuuuuuuuuuuune entourloupe de prévue de mon côté enfin !

Si le mensonge avait été une denrée physique, vingt mégatonnes en seraient sorties de la gueule du capitaine Blattard à l'instant.

- Et pour te montrer à quel point je suis un chic type, je me suis même arrangé pour que tu ais droit au top du top niveau infirmière !

Tournant le dos au blessé, levant une main désinvolte en guise de salut, Joe quittait la vue du vice-amiral pour de bon alors qu'il quittait sa chambre en hurlant "MAHAAAAAAAAAAAAAAACH ! AU PIED !", réveillant par cette indiscrétion verbale fortuite, l'intégralité des estropiés de Karantane.
Malgré son caractère retors, ses vices innombrables et cette intonation narquoise et provocatrice qu'il arborait au quotidien, peut-être que Joe était homme à respecter ses engagements, capable d'honorer le contrat que le vice-amiral venait de lui livrer sur un plateau d'argent. C'était en tout cas ce qu'était en droit de penser le plus haut-gradé de Karantane suite à la promesse d'une infirmière plantureuse.
Celle-ci, aux petits soins, s'engouffra dans la pièce dès l'instant où le cafard l'eut quittée.

Langoureuse, elle s'approchait de ce patient gonflé de vigueur à sa simple vision, n'hésitant pas à se jeter dans à portée de ses mains baladeuses et indiscrètes. Salem, frottant sa main le long de ces jambes lisses qui n'en finissaient pas, reprenait vie peu à peu, mieux encore, ses os semblèrent se ressouder à l'instant même où il agrippa ses doigts gourmands le long de la croupe tendue, tentatrice qui était devenue sa proie toute désignée. Que ce soit les cambrures ou bien ce visage ce rêve, rien n'était à jeter.
Poussant l'effronterie jusqu'à son paroxysme, l'idée de poursuivre le tracé de ses doigts en des zones plus indiscrètes aboutissait lentement, jusqu'à cet instant fatidique qui le laissa pantois.
Pour être ému par ce qu'il venait de toucher, il l'était.

- Un okama. Ce fils de pute m'a envoyé un Okama.... BIUTAAAAAAAAAAAAAAG ! ENCULÉÉÉÉÉ !

Loin de là, alors que la lettre était déjà en partance pour Marie-Joa, Mahach, sur le pont d'un navire... emprunté avec la bénédiction tacite des autorités, se tourna vers son capitaine.

- On parle d'toi là nan ?

Tenant la barre comme Salem l'avait fait malgré lui quelques secondes auparavant, Joe sourit de toutes ses dents, ses lèvres s'élargissant au fur et à mesure que ses yeux se plissaient jusqu'à ne laisser entrevoir que des prunelles noires.

- Et ça ne fait que commencer Mahach.
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Les dégats de la bataille qui s'était déroulée la veille étaient désormais certains. Certains et certifiés par la paperasse qu'épluchait la Commodore, bandée de partout à la façon d'une momie. C'était à peine si elle respirait, des fois.

Son corps avait subi plus de pression qu'il n'en avait jamais eu à supporter. Les os de son crâne étaient définitivement fendus par endroits et demeureraient à tout jamais un point faible qui ne manquerait pas de la mettre à terre si un ennemi le perçait un jour. Ils se reformeraient plus ou moins convenablement avec le temps... mais jamais sans laisser des séquelles. Des migraines temporaires qui frappaient la jeune femme à la façon d'une céphalée ophtalmique, rien de plus pernicieux que cela.

Toutefois les blessures étaient moindres face au nombre de soldats qui avaient péri dans le cataclysme. Que ce fût de sa faute ou de celle des pirates, le fruit des séismes avait toutefois encore prouvé sa loyauté... à la barbarie et à la destruction des flibustiers. Ils y avaient perdu, c'était sûr, leurs forces réduites de moitié voire même plus par l'abaissement soudain du pont, son écroulement, et la sortie hors des eaux des récifs sur lesquels de nombreux os étaient venus se briser. Mais la Marine n'avait pas été en reste, aussi sujette aux déséquilibres et aux vols planés que l'avait été l'ennemi.

Toutefois les chiffres n'étaient pas si mauvais. Pas si on ne s'arrêtait pas à ça.

Figuraient notamment dans les prises et butins de guerre les nombreux navires de la flotte pirate qui avaient, pour la plupart, survécu aux séismes. Deux ou trois reposaient probablement désormais sur la terre ferme et rocailleuse, là où la Karantane éventrée s'écrasait péniblement sur le niveau de la mer pour remonter ensuite, comme deux grandes pentes graveleuses. C'était étrange et on devinait le paysage façonné de la main de l'homme, comme il l'avait été au lendemain de Marineford. Annabella arrivait à grande peine à réaliser que son pouvoir se superposait désormais à celui de l'Empereur Barbe Blanche... dans sa vieillesse tout du moins, un peu avant sa mort.

- ...m'a aussi chargée de vous donner ceci, mon Capitaine. termina la Lieutenante tout en posant une dernière enveloppe sur le petit guéridon, près du lit dans la cabine. Il avait été plus pertinent pour l'officière de rester proche de ses femmes, de toute manière elle n'avait rien à faire à terre avec les lâches et les traîtres : lorsqu'elle avait appris pour la décision du vice-amiral, elle avait refusé d'ouvrir sa porte à qui que ce fût venant de l'extérieur. Seules demeuraient les femmes de la 346ème qui n'étaient désormais plus qu'une poignée, après ce combat qui n'avait pas à être le leur. Partiellement.

Elles n'en récoltaient certainement pas les fruits, à l'échelle de la Commodore, il s'agissait foncièrement d'un échec. Oh certes de nombreuses femmes vaillantes sortaient du lot et avaient su tirer leur épingle du jeu pour... ne pas mourir. Mais sur les trente femmes arrivées trois jours plus tôt à Karantane demeuraient désormais... une quinzaine. La déconfiture était parfaite, mais les regrets de l'officière l'étaient encore plus. Après tout, elle était à l'origine de cette décision, elle aurait très bien pu suivre Fenyang pour ce combat sans devoir y ajouter sa division. Division qui faisait peine à voir, presque autant que celle du Commandant Phol qui n'était désormais plus qu'un embryon de Section Douze.

- J'ouvrirai ça en temps voulu mais je pense savoir de quoi il s'agit. Remerciez-la de ma part en attendant que l’État-Major ne s'en charge. Vous vous êtes toutes vaillamment battues et...

- Non, vous savez que c'est faux. J'ai gardé la garnison, je n'ai pas connu vos tourments ma Commodore... Mais je suppose que les mots leur iront droit au cœur. Pour ma part, jamais je ne me suis senti aussi inutile et faible...

Pour une fois, la jeune femme avait délaissé ses airs de calculatrice et de littéraire bien élevée pour laisser rouler ses sentiments sur ses joues. Elle avait probablement eu la pire place lors de la bataille : celle qui nécessite de regarder, au loin, le combat se dérouler et déplorer les pertes. Le stress avait été immense pour le petit brin de femme qu'était Browneye et Annabella comprenait sans pour autant pouvoir se mettre à sa place. Elle n'était pas aussi bien dotée psychologiquement, mais elle comprenait absolument.

- Vous avez été parfaite Lieutenante. Grâce à vous, de nombreuses vies ont pu être sauvées. Si vous n'aviez pas ordonné aux hommes restants de secourir les blessés juste après la mort des Lieutenantes de Kiyori, il y a fort à parier que ça aurait été éclipsé. Je connais les officiers et pour beaucoup, seule la victoire importe et non les sacrifices... la consola calmement l'agente tout en venant poser une paume pleine de douceur, autant que faire se put pour elle, sur l'épaule de sa subordonnée.

Celle-ci ne tarda pas à sécher ses larmes pour, dans une gêne non dissimulée, demander finalement à prendre congé. Une demande rapidement exaucée pour finalement laisser la Commodore seule dans sa cabine. Et le calme revenir pour de temps à autre être légèrement dissipé par l'abattement d'une bourrasque sur le flanc de la Jouvencelle.

Elle déposa alors les papiers et récupéra l'enveloppe sur la table de nuit pour en ôter le contenu. Une petite lettre, signée de la main de la Lieutenante-Colonelle qui ne tarderait probablement pas à la dépasser en grade. Son compte rendu personnel de la bataille... avant que les renforts n'arrivent. La brune était au courant de faits qui avaient été oubliés des autres rapports, notamment à propos des ordres donnés par l'agente du CP9 avant que l'assaut ne fût donné. Des ordres stricts.

La feuille était blanche, quasiment immaculée, soigneusement pliée en quatre. Elle renseignait notamment, à travers nombre de lignes écrites à l'encre noir, les noms des pirates froidement abattus. Parmi ceux-ci, nombre d'entre eux étaient tombés au combat... et une seconde partie s'était rendue avant que n'aie lieu l'exécution sommaire. L'ordre donné par la Commodore avait été : "pas de quartiers et pas de survivants" et la jeune femme l'avait fait respecter à la lettre. Phol aussi était au courant, mais il avait juré. Et jurer quelque chose à son supérieure hiérarchique, c'était mettre sa loyauté en jeu.

A voix basse, l'agente entreprit alors de lire les noms qui ressortaient le plus du massacre. Ceux des pirates qu'elle espérait voir morts, puis les autres. Tous coupables, l'engeance des mers, des monstres. Même avec une fière couverture comme celle d'un officier de la Marine, elle avait pu faire découler ses plus bas instincts d'agent du CP9. Aucune seconde prise n'avait été considérée pour les rescapés, pas de second passage par la case prison pour les évadés.

Et tandis que, plus haut, on hissait enfin la voile pour quitter cet endroit de malheur et faire enfin route vers Marie-Joie, Annabella lisait les premiers noms soigneusement tracés les uns à côté des autres.

- Mei Yang, Couak "le Toucan", Henry Jackson, Krull Oliger, Jimmy Brown... et cela continuait sur près de trois autres lignes, avant que celle-ci ne se conclue brutalement par la signature : ...morts au combat. Et que cela ne se poursuive sur tout le reste de la feuille par un agrégat de noms trois fois plus long : Guinness Murphys, Roi Edwald II, Quinn Elizabeth, Edward Jones, Francis LeBlanc... exécutés après reddition.

La Commodore soupira finalement, une fois sa lecture terminée. Car aujourd'hui, elle aurait espéré voir deux noms supplémentaire figurer sur cette liste. Mais aujourd'hui était un jour définitivement bien sombre pour l'image de la Marine et celle du Gouvernement Mondial.

Et Fenyang en était le seul fautif.
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- « Vous êtes sûr, amiral ? »

- « Absolument certain. Assurez-vous de foutre ce comptable de malheur à Enies Lobby et prenez du bon temps par la suite. Profitez de vos familles, vos proches, vous en avez besoin ! Je vous recontacterai une fois que je serai sur pieds ! »


A l’exception de quelques lieutenants plutôt fortiches, tout l’équipage restant s’était mis à pleurer. Cette image m’arracha un petit sourire, presque paternel, bien que j’avais le cœur meurtri comme tous mes hommes. L’humiliation avait été grande. Indescriptible. Je voyais déjà les gros titres des quotidiens à venir ainsi que l’appel de mes supérieurs et de mon père. Mais plus que les remontrances de ces derniers, c’était la perte de mes hommes qui me faisaient mal ainsi que mon honneur bafoué. Devoir compter sur les meurtriers de Satoshi pour rester en vie… Quelle ironie. Rien qu’à y penser, j’avais parfois un rire dément qui finissait par des poings défonçant tout ce qui était à proximité. Bref… Une énième période sombre dans ma carrière d’officier. Pas bien glorieux pour le vice-amiral qui voulait de victoires en victoires depuis son retour sur scène à Alabata. Une défaite qui n’avait pourtant pas été le fruit de mon arrogance de ces derniers mois ; ce qui rendait la situation encore plus risible. Du coup, j’avais juste l’impression que le destin me faisait un doigt d’honneur. Un coup de pute. Encore un. Toujours. Il fallait bien.

Le galion restant finit par lever l’ancre et prit la direction d’Enies Lobby, avec à sa tête Hermest, l’un de mes plus fidèles lieutenants. S’il n’avait pas bronché, j’avais senti à son regard qu’il m’en voulait de les écarter de la sorte. Je préférais vivre et supporter tout seul cette humiliation. Phol à mes côtés contemplait le départ de mes gars non sans se poser des questions. Il avait lui aussi subi pas mal de dégâts, mais n’était pas non plus à plaindre. Si je ne m’étais pas arrêté ici avec toute ma flotte, il serait surement six pieds sous terre avec toute sa garnison et il en était pleinement conscient. La revue de son effectif ne devrait plus tarder de toute façon. Une chance pour lui. « Que comptez-vous faire à présent ? » Sa voix brisa soudainement le silence qui s’était installé entre nous depuis une bonne dizaine de minutes. Un peu surpris par sa question, je tournai ma tête vers la sienne pendant quelques secondes, avant de reporter mon regard vers l’horizon. Alors que mon dernier galion avait disparu au loin, un autre navire fit son apparition à l’horizon. Je pointai une longue-vue qui trainait vers nous vers ledit navire avant de sourire.

Cherry était rapide comme toujours. Moins de 24h après que je l’ai appelé, elle était déjà là.

- « Me reposer, Phol. Me reposer. C’est sans doute ce que j’ai de mieux à faire maintenant… »

Le commandant n’osa plus rien ajouter. Même si je ne le montrai pas et que je faisais mon indifférent, il savait que je souffrais en silence. J’allais expier mes fautes tout seul. La meilleure rédemption possible à mon sens. Lorsque la petite caravelle floquée du symbole du gouvernement mondial accosta enfin, nous pûmes apercevoir sur le pont un beau brin de fille : Blonde, peau mate, formes voluptueuses… Une vraie miss comme on n’en voyait plus. Si Phol fut charmé, il se garda de tenter quoique ce soit, devinant aisément qu’elle était l’une de mes connaissances. C’est à cet instant que je me levai non sans tapoter l’épaule du commandant des lieux. « Courage pour la suite, Phol. Et merci pour les obsèques de mes hommes. » Mon ton presque professionnel lui arracha un salut militaire. J’eus un sourire qui s’effaça vite fait, puis je sautai sur le pont de la caravelle aux côtés de la jeune Cipher Pol. Je n’avais pas de bagages, rien. Juste mon manteau de haut-officier, un escargophone portatif accroché à mon poignet droit et mon meitou. La gouvernementale eut un sourire malgré la sale gueule que je faisais à ses côtés.

- « On met le cap sur Alabasta comme convenu ? »

- « Non. Sur Marineford. Avec ce qui s’est passé, je préfère m’isoler un moment. »

- « Oui chef, à vos ordres chef ! »
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