- « Un vol, tu dis ? »
- « Oui colonel ! Ils lui ont tout dérobé ! »
Ma mine se froissa complètement. Pas de colère, mais surtout de dépit. Alors que j’étais en plein déjeuner avec une jeune femme que je venais enfin de séduire (Depuis le temps que je courrais après !), l’un de mes hommes avait fait irruption dans le restaurant où nous étions pour m’expliquer un problème très grave : Grosso modo, un riche commerçant, généreux donateur et philanthrope par excellence avait été volé. Le soldat devant moi n’avait pas pris la peine de prendre tous les détails ; l’homme qu’on avait dépouillé étant bien trop important pour la ville. J’eus finalement un soupir. Il est vrai que je n’avais pas pris d’escargophone avec moi pour être tranquille. En même temps, si vous aviez vu la jeune femme qui me faisait face, vous auriez compris ! Celle-ci afficha une moue boudeuse. Même là, elle était hyper mignonne, c’est vous dire. Mais le devoir m’appelait. Je n’avais pas intérêt à le négliger cette fois.
- « Je suis vraiment désolé Francesca… Mais c’est le boulot… Tu sais ce que c’est… »
Non, vraiment… Jamais je n’avais été aussi peu à l’aise devant une meuf si l’on exceptait ma défunte épouse. La jeune femme, consciente qu’elle faisait plier le grand Fenyang, s’autorisa un petit rire, avant de me faire signe que je pouvais l’abandonner. J’eus finalement un sourire timide et lui fis un baisemain avant de me lever et de quitter le restaurant très rapidement. J’étais en rogne. Mais vraiment en rogne. Une fois en dehors du resto, je récupérai l’escargophone du jeune marine qui était venu me chercher, avant d’appeler les garde-côtes. « Que personne ne bouge du port ! Bouclez-les entrées et sorties. On a un voleur à choper ! » Les gardes reçurent le message et se mirent aussitôt au boulot. Ça allait jaser et je le sentais, mais je n’avais pas vraiment le choix. Il le fallait. Je n’aimais pas vraiment boucler la ville de la sorte mais vu qu’on parlait d’un bienfaiteur de Shell, il n’y avait pas à hésiter une seule seconde.
- « Ketsuno ? Tu m’entends ? Oui… Quadrille toute la ville. On va trouver cet enculé ! »
Une fois que mon aide de camp approuva et se mit à former les équipes, j’eus un soupir lassitude, comme d’habitude et je sortis un paquet de clopes avant d’en allumer une. Par la suite, je quittai le restaurant et marchai en direction du port. Le voleur devait certainement être un étranger pour s’en être pris à van Riessfeld. Ce dernier était un honnête personnage qui avait toujours aidé la population locale via des dons en toutes sortes. J’avais toujours refusé des aides venant de lui parce que ma base était de toute façon alimentée par le GM, sans compter que j’étais moi-même nanti, mais j’appréciais beaucoup ses œuvres pour les personnes ici. Grâce à nos efforts, le mot chômage n’existait plus sur cette île. Il y avait encore quelques disparités entre pauvres et riches, mais rien ne pouvait être parfait sur Terre. Tout le monde ici mangeait de toute façon à sa faim et c’était un peu le plus important.
- « Mon colonel ! Puis-je savoir où on va ? »
- « Chez Van Riessfeld. Histoire de l’interroger sur ce qu’il a perdu et comment était son voleur. Ça nous permettra de vite le retrouver rapidement ! »
Tout du moins je l’espérais…
Encore des problèmes... ; Pv Edward
-
« Hey les gars, r'gardez c'que j'ai chouré ! »
Le p'tit Jim, mousse récemment recruté dans l'équipage d'Edward Thatch, venait d'apparaître à l'orée de la crique où mouillait le Triton IV, vieux rafiot que nombreux qualifieraient d'épave bénie des dieux pour encore avoir la capacité de flotter. On ne remerciera jamais assez le travail du calfat pour assurer l'étanchéité toute relative du bâtiment.
Mais Jim avançait lentement, traînant derrière lui une importante masse qui se découvrait petit à petit à travers la dense végétation du littoral. Les hommes s'interrogaient mutuellement sur la situation.
« Qu'est-ce qu'il nous ramène là ?
- Capitaine Thatch, vous avez une idée ?
- Pas la moindre... HEY JIM ! C'EST QUOI CA ? »
A bout de souffle, le pauvre gamin n'arrivait pas à faire porter ses faibles cris jusqu'à l'équipage. Alors il abandonna toute tentative de communication et s'efforça d'amener sa charge, qui s'avèra être, très vraisemblablement, un coffre, jusqu'à ses compagnons. Les autres le regardaient sans daigner lui prêter main forte. Fallait voir si l'mousse y clamsait pas, fallait voir s'il allait faire un bon pirate !
« C'quoi ça Jim ? Où t'as chouré ce truc ? Y a quoi d'dans ? »
Le mousse, plié en deux, les mains sur les jambes, tentait de ne pas tourner de l’œil. Il était parvenu à apporter le coffre, fallait maintenant qu'il survive à l'effort. Ah, les jeunes...
« De... de l'eau !
- Tiens mon grand. »
Glop glop g-Khkhkhkhkh
Manquant de s'étouffer, Jim affichait un rictus de douleur et faisait la grimace.
« Putain c'est quoi cette merde ! »
Comme se téléportant à ses côtés, le Capitaine Thatch assèna un sérieux coup de poing au sommet du crâne de sa fraîche recrue.
« C'est du rhum, bordel de diable, jamais t'insultes le rhum, que ce soit à portée de mes oreilles ou ailleurs ! T'as vraiment cru qu'on avait de l'eau ici ? Tu nous prend pour quoi, l'affreux ?
- Pardon Cap'taine...
- Maintenant dis nous c'que t'as ramené ou j't'y attache et j'te coule avec !
- Vous feriez pas ça si vous saviez c'que c'est ! »
Maintenant, Jim affichait le plus grand et le plus beau des sourires. Enfin, aussi beau que lui permettait sa demi-dentition. Pauvre gamin, bercé trop près du mur. En tout cas, son sourire était grand. L'un des pirates de l'équipage réagit immédiatement :
« Oh putain c'est un coffre !
- Bien vu, abruti !
- Nan mais un coffre avec des trucs dedans ! »
Le mousse fit un grand "oui" de la tête, tout fier de lui.
« T'as pris ça où Jim ?
- J'l'ai piqué en ville, enfin au bord, enfin pas trop mais quand même, dans une arrière boutique ! Un vieux était sorti par derrière pour aller fumer, l'était à moitié croulant j'me suis dit qu'c'était ma chance ! Alors j'lui ai fait "bouh" par derrière lui et il s'est figé et s'est effondré. Bon ça arrive hein, alors ni une ni deux j'suis rentré et j'ai vu c'coffre, donc j'l'ai ramené ! Hhhhhh
- Respire Jim putain ! Et y a de l'or dans ce coffre ?
- Bah j'suppose oui...
- Jim...
- Voui ?
- Mais t'es con ou quoi ? Tu cherches pas à savoir ce que t'as volé avant de le voler toi ?
- Beuh non, j'vole juste moi hein... »
Soit il avait une grande marge de progrès, soit il était complètement con et inapte à faire un bon pirate...
« Ouvre moi ça !
- Tout de suite Capitaine ! »
Le coffre, en plus de cela, n'était même pas verrouillé. Sans avoir la décence d'en être surpris, le mousse l'ouvrit en grand pour dévoiler...
« Putain de bordel de diable Jim... JIM PUTAIN !
- Oh merde...
- TU AS VOLE DES ROBES JIM ! DES ROBES !
- Oui nan mais j'avais pas regardé moi...
- C'est ça que je te reproche putain Jim... Regarde nous ce qu'on a pris, et je te rappelle que t'étais en vadrouille et que tu nous as même pas aidé à le voler ! »
Les pirates amassé devant le coffre rempli de robes s'écartèrent pour dévoiler aux yeux du gamin un second coffre, posé là depuis son arrivée, à même le sol. L'un des hommes l'ouvrit et le reflet de la masse d'or éblouit Jim.
« Oooohhh !
- Ouais, "oooohhh" comme tu dis, ça mon gars, ça c'est un trésor !
- L'est beau le coffre aussi ! Avec des dorures et tout !
- Pas comme le tiens ouais. Et ça t'as pas mis la puce à l'oreille ?
- Bah non, c'est quoi l'intérêt d'avoir un joli coffre pour mettre de l'argent dedans ? Un truc tout doré, ça attire l’œil, moi j'aurais mis les sous dans un coffre miteux à leur place...
- Il a pas tort, Cap'taine...
- Putain ouais...
- Eh Cap'taine... J'ai une idée là... »
Et c'était une putain de bonne idée. Ainsi, selon les instructions du Quartier-Maître, appuyé par le Capitaine, l'équipage s'affaira à échanger les contenus des coffres, remplissant le contenant miteux du fabuleux trésor, et le contenant doré des vieilles robes délavées. Les hommes scellèrent le coffre pourri avec tout ce qu'ils trouvèrent, clous, cordes, etc.
A plusieurs, ils amenèrent le coffre miteux - rempli d'or, donc - dans leur chaloupe et le jetèrent dans l'eau à une trentaine de mètres du rivage, là où le fond était déjà à quatre ou cinq mètres sous la surface de la mer. L'eau sablonneuse le dissimulerait suffisamment le temps qu'il faudrait. Il n'était pas étanche, mais l'or n'aurait pas à attendre là des années non plus. Pas de quoi endommager ce trésor.
« Euh Capitaine Thatch... Pourquoi on le met là, pourquoi on l'embarque pas sur le Triton IV ?
- T'as vu l'état du navire ? On pourra jamais prendre la mer avec ça, je suis sûr que croulant comme il est, si on lance la grand voile le mât se casse la gueule ! Et vu qu'on vient de voler un coffre, des mecs vont le chercher et, potentiellement, nous trouver. Donc autant le cacher !
- Vous croyez vraiment qu'ils vont chercher un coffre de robes ?
- Je parle pas de ton coffre à la con, Jim ! Je parle du nôtre, avec l'or dedans !
- Aaaaaah ! »
Mais qu'il était con...
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Dernière édition par Edward Thatch le Dim 16 Avr 2017 - 20:59, édité 1 fois
- « PRESQUE 50 MILLIONS DE BERRYS ?! »
Le sous-officier qui m’avait accompagné n’avait pas pu retenir sa surprise, là où j’étais stoïque. A mes yeux, 50 bâtons, c’était à la fois beaucoup et pas assez. C’était un montant important pour n’importe qui sur les blues, mais un grain de riz dans une rizière pour les nobles et les plus aisés. Ceci étant dit, je compatissais. Van Riessfeld avait gagné cet argent à la sueur de son front et le perdre comme ça, c’était assez rageant. Je pouvais le voir à sa mine qui retranscrivait une panoplie d’émotions : Colère, tristesse, dégout, frustration… Et il y avait de quoi : La plupart de ses hommes qui transportaient la somme presque astronomique avait perdu la vie dans l’une des avenues de la ville. Abattus froidement. Le comble ! Si Riessfeld n’avait pas assisté à tout ce qui s’était passé, ses hommes de main qui se tenaient à ses côtés m’expliquaient plus ou moins comment ça s’était passé. Ou plutôt son bras droit et responsable du convoi. Les autres étaient soit blessés ou soit trop frustrés pour pouvoir l’ouvrir et m’informer.
En somme, on avait affaire à un hold-up quoi.
-« Combien étaient-ils ? »
- « O-On saura pas vous dire… Une dizaine. Ou peut-être une vingtaine. Tout s'est passé très vite… »
Ledit responsable du convoi essayait de me donner des pistes, mais elles étaient trop vagues, trop floues. Il faut dire aussi qu’ils avaient été pris par surprise et que le tout était allé très vite. Et c’était ce point qui était le plus dérangeant dans l’histoire. C’est à croire que les voleurs avaient eu des infos à l’avance. Si ça se tenait, c’est qu’il y avait une taupe au sein des gardes de Van Riessfeld. Mais de peur d’instiller encore plus de confusion et de tension au sein de leur groupe, je préférai garder cette supposition pour moi. Le chef des lieux souffla assez bruyamment. Cette entrevue commençait à lui taper sur le système et je le sentais. Sa respiration irrégulière et ses pupilles dilatées me le prouvaient. Son visage tout rouge faisait presque peine à voir. Déjà qu’il était obèse, là, il ne ressemblait plus à rien. Sa femme à ses côtés essayait de le calmer en lui caressant le bras. Elle craignait qu’il finisse par exploser. L’impatience était un défaut récurrent chez les plus grands. Je devais avouer que je ne faisais pas vraiment exception…
- « Van Riessfeld, je vous promets qu’on trouvera votre argent. Patientez le temps que l’enquête aboutisse. J’y participerai moi-même assez activement. »
Le fait que lui dise que je mettrai moi-même la main à la pâte calma instinctivement le gros patapouf qui eut un pâle sourire. Ses couleurs naturelles reprenaient le dessus et sa respiration revint tout doucement à la normale. Son épouse, elle, me gratifia d’un sourire reconnaissant. Une très belle plante d’ailleurs. Visage doux, corps pulpeux, brune chatoyante… Un spécimen que je verrai bien dans mon lit. L’envie était peut-être réciproque d’ailleurs, vu les regards qu’elle me lançait parfois. Mais ces pensées étaient et seraient mes seuls péchés. J’avais trop de respect pour le proprio des lieux pour lui faire un coup pareil, bien que je devinais que sa moitié ne devait pas se gêner pour le cocufier quand il partait en voyages d’affaires. Enfin, ce n’était pas quelque chose qui me concernait et ce n’était pas le plus important de l’affaire. Il fallait retrouver l’argent et vite. De ce fait, je me levai. Le gros blond fit de même et vint me serrer la main avec une lueur d’espoir dans les yeux, non sans ouvrir la bouche pour la première fois.
- « Je compte sur vous, Fenyang. »
- « Vous faites bien. Au cas où, j’affecterai quelques soldats à la surveillance de votre domaine. On ne sait jamais. »
Ce n’est qu’une fois dehors qu’un autre sous-officier me tenir au jus.
- « Alors ? »
- « On a repéré des mouvements suspects d’une chaloupe avec plusieurs personnes à son bord au sud-est, pas loin d’une crique. »
- « Combien de soldats sur place ? »
- « Une bonne cinquantaine, colonel ! »
- « Interpellez-les. S’ils ne coopèrent pas, permission d’user de la force et de faire feu si nécessaire. Dis aux hommes que je les rejoindrais sous peu. »
Le sous-officier effectua un salut militaire avant de foncer donner mes consignes. Un autre se tenait tout près avec mon cheval dont il tenait les rênes. J’eus un sourire. C’était parfait. J’arriverai sur les lieux dans une quinzaine de minutes. En grimpant sur ma monture, je tournai mon visage vers le jeune qui m’accompagnait depuis le début : « Je te confie la surveillance du coin. Essaye aussi d’en savoir un peu plus en interrogeant les blessés. Y’a moyen qu’ils parlent en aparté. La moindre info pourrait nous être utile ! » Après quoi, je fonçai à toute allure vers la direction qui m’avait été donné, clope au bec. C’était chiant, mais je n’avais pas d’autres choix que de m’investir. Et dire que j’avais été à deux doigts de foutre Francesca dans mon lit. Ces voleurs allaient payer. Ils allaient sentir toute ma frustration. Il y aurait peut-être des morts. De toute façon, si ça pouvait me permettre de conclure l’affaire très rapidement et de réinviter ma proie, j’me gênerais pour buter quiconque se mettrait sur mon chemin. Foi de Fenyang.
-
Depuis la plage, Thatch observait ses hommes revenir en chaloupe de leur besogne.
« Tout est bon ?
- Pour le coffre oui, par contre en revenant on a cru voir quelqu'un nous observer. J'peux pas en attester mais je pense...
- Va falloir en être sûr, Monsieur Tahein, on parle d'un trésor dissimulé là, et assez conséquent ! »
Mais avant de pouvoir répondre, Tahein fut interrompu par l'un des hommes de l'équipage :
« Là, regardez ! »
Les fourrés bougèrent aux abords de la forêt à une petite dizaine de mètres de Thatch, et une ombre en sortit en se faufilant derrière les arbres.
« Merde ! »
Sans réfléchir, sans prendre un instant de plus, l'homme à la barbe noire se jeta dans les bois denses à la poursuite de l'individu. Il commença à faire rouler entre ses doigts les cordes stockées dans ses manches et dans sa veste, les enroulant dans ses mains, jouant machinalement avec les fibres tandis qu'il talonnait sa proie.
Ses hommes le suivaient, on entendait leurs pas saccadés, les feuillages qu'ils traversaient, le bois qu'ils piétinaient au fur et à mesure de leur course.
Thatch se rapprochait dangereusement de l'homme, l'ayant identifié par son uniforme comme étant un soldat de la Marine. Un espion, très certainement. Les pirates étaient repérés. Lorsqu'il en trouva l'occasion, Edward envoya vers son adversaire une corde de sa main gauche, qui s'enroula autour de sa taille. Il tira d'un coup sec, pliant le Marine en deux au niveau du ventre. De sa main droite, il avait dégainé son sabre d'abordage et frappa.
Mais le soldat n'était pas né de la dernière pluie. Il avait déjà sorti sa propre épée et para le coup du pirate, se dégageant en même temps de l'emprise de la corde. Des passes d'armes s'ensuivirent rapidement. Le soldat était plutôt sur la défensive, alors que Thatch faisait pleuvoir sur lui une pluie de coups, mais sans jamais parvenir à percer sa garde. Plus les époques passaient et plus l'entraînement de base de l'armée était efficace.
Cependant, le pirate avait l'avantage de sa férocité et de ses multiples techniques. Ainsi, sur un enchaînement d'attaques, il repoussa le Marine de quelques mètres et profita de la distance créée pour préparer son coup décisif. Il projeta à l'aide de sa main gauche une corde vers le haut, la faisant passer par dessus une solide branche d'arbre. Dans le même temps, il s'avança et bloqua l'arme de son adversaire vers le bas. Jouant avec les fibres de sa corde, il la fit s'enrouler autour du cou du soldat et tira un grand coup vers le bas, remontant sa proie pendue par le coup.
Le pauvre homme ainsi étranglé lâcha son arme et tenta de se soustraire à cette emprise mortelle. Thatch attacha sa corde à un arbre, gardant sa victime ainsi pendue en train de se débattre. Il sortit un pistolet de sa ceinture et l'acheva d'un tir dans la tête. Inutile de faire souffrir inutilement ce brave soldat. Il ne faisait que son métier.
Mais voilà que dans son champ de vision apparurent de toutes part d'autres Marines, face à lui, une quantité innombrable. Et au milieu d'eux, un homme à cheval, qui se frayait un chemin à travers les arbres.
« Par tous les Diables... »
Thatch se retourna vivement et commença à courir vers la crique, hurlant sur ses hommes :
« RETRAITE ! RASSEMBLEZ-VOUS ! RESTEZ A COUVERT DES ARBRES ! »
-
- « Ils viennent de tuer Rick… »
S’il y a une chose dont je pouvais me targuer, c’était d’aimer, de chouchouter et de connaitre personnellement tous les officiers et sous-officiers qui bossaient sous mes ordres. Pour moi, la marine ne se résumait pas à une simple institution garante de la paix et de la stabilité. C’était bien plus que ça ! C’était une famille ! Oui, une grande famille. Les marines de Shell étaient donc mes petits protégés. La perte de l’un des membres de cette communauté me meurtrissait à chaque fois le cœur. Mais sur un champ de bataille, la colère prenait très vite le pas sur la tristesse. Pas le temps de pleurer un mort quand la vengeance était à portée de main comme ça. Ce con qui sonnait leur retraite, il allait payer…« FEU A VOLONTÉ !! »
Les balles se mirent à pleuvoir. Certaines étaient assez puissantes pour perforer les arbres qu’utilisaient la plupart des pirates pour se protéger, ce qui engendra des morts en quelques secondes seulement. Mais alors que nous étions bien partis pour les exterminer, je me rendis compte que j’avais oublié une chose : Si je les butais tous maintenant, je pouvais dire adieu à l’argent qu’ils avaient chopé. Encore fallait-il que ce soit eux… C’est donc avec une mine frustrée que j’ordonnai à mes hommes de cesser le feu. Cette accalmie poussa pas mal de pirates à prendre aussitôt la poudre d’escampette. Du fait des fourrées et arbres qui nous obstruaient pas mal le chemin, la chasse allait être délicate.
- « Que cinq hommes récupèrent le corps de Rick ! Pour le reste, poursuivez-les et capturez les vivants ! »
Sans même que je leur donne des directives, le groupe de marine sous mes ordres se scinda en plusieurs petits groupes. Certains coursaient directement les fuyants, tandis que d’autres avaient opté pour de grands détours qui leur permettrait de les prendre à revers si jamais ils grouillaient. J’eus une mine désolée pour mon homme pendu piteusement à une branche, le front troué par une balle. Au moins, il n’avait pas dû trop souffrir. Un lourd soupir s’en suivit après ce constat qui ressemblait à une maigre compensation avant que je n’agite mes rênes pour sortir de ce petit bois histoire de pouvoir prendre un autre chemin. L’idée était de les choper pour procéder à des interrogatoires musclés.
Quitte même à devoir verser dans la torture.
Ces bandits avaient une petite longueur d’avance, mais cela ne saurait durer encore une fois…
Tôt ou tard, ils allaient finir dans mes filets.
-
S'amuser à voler autant d'or sur une île comme celle-ci sans avoir de réel plan, fallait vraiment pas être bien dans sa tête. Qu'était-il arrivé à Thatch pour qu'il puisse avoir une idée aussi saugrenue ? Voilà maintenant que toute la Marine de l'île était aux trousses de son équipage. Et même le Colonel en charge de la ville était de la partie. La situation venait en un rien de temps de tourner à son désavantage, il devait trouver une solution. Et vite.
Mais le problème était plus fondamental : dans cet instant, la Marine était organisée alors que son équipage était éparpillé, pris au dépourvu. Pire que cela : dans l'état actuel, les pirates ne pouvaient pas prendre le temps de se coordonner.
Déjà les tirs fusaient, sifflant aux oreilles de chacun, transperçant la chair de certains, mettant un point final à la vie des moins chanceux d'entre les forbans. L'écorce des arbres volait en éclats sous la pluie de balles, tandis que l'assemblée se déportait petit à petit vers la crique, inéluctablement.
« Monsieur Lead ! Prenez Parkin avec vous. Allez plus vite que nous à la crique, nous allons tenter de les ralentir. Prenez la chaloupe et déplacez le coffre. Puis revenez au plus vite sur la berge, c'est notre seule chance ! »
Le pirate faisait confiance à son capitaine, aveuglément.
« Bien Capitaine !
- Lead ! Je compte sur vous, faites vite ! »
D'un hochement de tête, le matelot accélèra, accompagné de son camarade Parkin.
« EQUIPAGE ! FAITES FEU ! »
Comme un seul homme, tous les pirates se retournèrent, sortirent leurs pistolets et fusils et déchargèrent leurs munitions. Puis ils se mirent à couvert derrière les arbres et les roches.
« RECHARGEZ ! »
Mais ce fut au tour de l'armée de faire feu. Leurs balles plus puissantes, leurs armes plus évoluées et mieux entretenues arrachèrent le bois et la pierre, décimant plusieurs dizaine de pirates.
« FEU ! »
Les quelques forbans encore debout lâchèrent leurs balles, profitant du temps de recharge des soldats. Mais seuls quelques tirs firent réellement mouche. Ils étaient trop nombreux. Beaucoup trop nombreux. Et les renforts arrivaient petit à petit. Désormais, les pirates étaient engloutis par un feu nourri, ininterrompu.
« RECULEZ ! TOUS A LA CRIQUE ! »
"Tous"... Six pirates, dont Thatch... Piètres survivants. Alors ils coururent, se cachèrent, rampèrent parfois. Les soldats étaient sur leurs talons, les tirs continuaient inlassablement. Deux moururent. Ils n'étaient plus que quatre.
Et la crique. Enfin.
Lead et Parkin étaient presque sur le sable. Ils découvrirent leurs camarades blessés qui arrivaient tant bien que mal sur la plage.
« Capitaine... ?
- Monsieur Lead... Tout s'est bien passé ?
- Oui Capitaine !
- Parfait. Rapidement, dites-moi tout. »
En quelques mots, il lui révéla le nouvel emplacement, à voix basse. Thatch transperça alors Lead d'un puissant coup de sabre et pointa son pistolet chargé sur son compère.
« C... Capitaine ?
- Fermez-la Parkin, c'est pas le moment de faire des états d'âme ! »
Alors l'homme à la barbe noire s'adressa à pleine voix aux dizaines de Marines qui venaient d'arriver, fusils déjà pointés vers les quelques pirates restant.
« SOLDATS ! VOUS CHERCHEZ L'OR ? VOICI MONSIEUR PARKIN ! MONSIEUR PARKIN, POUVEZ-VOUS ME DIRE CE QUE VOUS VENEZ DE FAIRE ?
- Je euh... Nous venons...
- PLUS FORT !
- Nous venons de changer la cachette du coffre...
- QUI "NOUS" ?
- Monsieur Lead et moi-même...
- POUVEZ-VOUS DÉCRIRE L’ÉTAT ACTUEL DE MONSIEUR LEAD ?
- Il est... mort...
- PLUS FORT !!!
- MORT.
- Merci. Et pouvez-vous dire bien haut qui est au courant de la nouvelle position du trésor ? »
Il lui fit un regard si noir que le pirate comprit immédiatement ce qu'il devait répondre. Sous peine de bien pire encore que ce que pouvait lui infliger la Marine.
« MOI.
- PARFAIT ! SOLDATS, VOUS AVEZ DEVANT VOUS LE SEUL HOMME A SAVOIR OU SE TROUVE L'OR QUE VOUS CHERCHEZ ! »
« Maintenant... Vous allez nous laisser monter tous les quatre dans cette chaloupe, sans Parkin. Vous allez reculer jusqu'à l'orée des bois. Nous le garderons en joue autant que possible. Une fois que nous serons hors de votre portée, vous pourrez disposer de lui autant que vous le désirez. »
« Qu'en dites vous ? »
-
Plus de doutes possibles. C’était ces bâtards qui étaient les vrais coupables. Vol, meurtre… Le lot quotidien des chiens de leur genre quoi. Et dire que je pensais parfois qu’ils étaient moins pires que les révolutionnaires. Tous pareils. A mesure que l’autre sombre imbécile parlait, je le toisais d’un regard farouche, meurtrier même. L’offre qu’il nous faisait était une arnaque, mais s’il pensait qu’il allait m’enculer bien profond en s’en tirant à bon compte, il se fourrait le doigt dans l’œil jusqu’à l’omoplate. D’ailleurs, si je restais silencieux en l’observant depuis ma position sur ma monture, mes hommes eux se mirent à gueuler et tinrent en joue tout ce beau monde. La plupart me suppliaient même de leur donner l’ordre de les fusiller sans attendre. Si procéder de la sorte nous assurait la vengeance, on pouvait clairement dire adieu à l’or. L’or. La seule chose qui sauvait encore leur peau. Le métier était parfois difficile. Soupirant, je finis par manipuler mon escargophone portatif pour joindre rapidement la base.
- « Ketsuno… ? Rejoins les canons et dirige-les à 3h. Dès que t’aperçois quelque chose bouger, bombarde les alentours de la cible pour qu’elle ne puisse pas progresser. Oui oui. Navire comme chaloupe, n’importe quoi. Et dis-moi, qui est au port… ? Marone ? Ok. Merci. »
J’avais bien entendu chuchoté mes ordres pour que les forbans ne puissent pas l’entendre. En effet, nous disposions de canons placés sur la dalle du plus haut bâtiment de la base que je dirigeais. La portée de ces armes redoutables se prolongeait sur des kilomètres. Impossible de rater notre cible quand elle était aussi proche de l’île. Mais mes mesures n’allaient pas s’arrêter là, puisque je fis ensuite appel à Marone, un autre lieutenant plutôt compétent dans son genre. On pouvait dire que c’était le cerveau de l’équipe quand je n’étais pas moi-même occupé à prendre des mesures ou des décisions : « Apprête deux caravelles. Qu’une fasse le tour de l’île par l’ouest tout de suite. Que la deuxième se tienne prête au port. Je te donne mes ordres plus tard. » Je finis par couper min den-den lorsque Marone avait pris position actuelle et avait compris le fond de la manœuvre. Là-dessus, j’eus un soupir et je fis un signe rapide à mes gars qui comprirent, et qui, à contrecœur, se mirent à reculer lentement, ce que je comprenais parfaitement.
- « On accepte le marché et on vous laisse procéder comme convenu. Par contre, si vous le butez, nous n’aurons aucun mal à faire couler votre chaloupe depuis notre position. Gardez bien en tête cette éventualité… »
Ce n’était pas du bluff. Mes éléments pouvaient se précipiter vers le rivage et essayer de les cribler de balles. Mais il n’y avait pas que cette solution en fin de compte. Il y avait aussi mes propres compétences si jamais mes soldats ne parvenaient pas à les couler comme il faut. A l’aide de mon meitou, quelques lames de vents bien dirigées suffiraient à bousiller leur embarcation. Je serai alors les dents et entrepris moi aussi de bouger de ma place en agitant les rênes de mon cheval qui comprit immédiatement mes intentions et qui se mit à reculer tout doucement. J’avais pris toutes les mesures possibles pour les prendre en sandwich si jamais il y avait une couille. J’étais prêt à parier qu’il en aurait une. D’ailleurs, le fameux Parkin tremblait comme une feuille, pleurait et était à la limite même de pisser sur lui. Il savait qu’il était foutu. Soit il se faisait buter par son salaud de capitaine. Soit on le récupérait et Dieu seul savait ce qu’on lui réservait. Il se mit alors à hurler en s’arrachant les cheveux. La démence n’était pas loin.
Normal quand on était dans sa situation.
Mais pas d’états d’âmes comme avait dit l’autre.
J’avais rien à foutre de ce qui se passait dans sa tête.
-
Merde.
Il en avait mis du temps avant de répondre. Qu'avait-il trifouillé de son côté ? Thatch n'avait pas pu entendre quoi que ce soit de consistant. Mais il n'était pas idiot pour autant. Le souci, c'est que l'officier semblait en avoir sous le coude. Des ressources, de la stratégie, pour sûr c'était un adversaire coriace.
Quelles étaient les diverses solutions ?
La première. Comme prévu dans l'esprit d'Edward, partir en chaloupe avec ses hommes en gardant Parkin en joue et l'abattre au dernier moment. Il ne s'agirait pas qu'il fournisse l'emplacement du trésor, que ça soit sous la torture ou par vengeance contre son Capitaine. Problème : la portée de tir de la Marine. Et dans un pauvre chaloupe, on est une cible très facile. On ne bouge pas vite, on ne peut rien esquiver. Le risque était également que les soldats croient qu'effectivement Parkin était le seul à connaître la cache et s'en fiche d'abattre les autres pirates.
La deuxième. Faire comme proposé par Thatch officiellement : s'en aller sans causer plus de problèmes que ça et laisser Parkin révéler l'emplacement de la cache. Cependant, quelle était la chance de s'échapper en chaloupe ? En face, c'était la Marine, pas un groupe merdique de miliciens de fortune. L'officier avait certainement déjà dû demander des renforts. Une chaloupe ça s'intercepte si facilement... Et, comme pour la première solution, si la Marine récupérait les informations nécessaires, les soldats n'hésiteraient pas à envoyer Thatch par le fond.
Donc ça, c'étaient les deux seules solutions basées sur le fait de partir dans la chaloupe sans Parkin.
La troisième. Garder un pistolet sur la tempe de Parkin et l'embarquer avec tout le monde, contrairement à l'arrangement proposé. Pas extrêmement éthique mais bon... Après tout, Thatch avait bien l'intention de buter Parkin une fois au large. Aux yeux de la Marine, ce mec tremblant comme une feuille était la seule pièce intéressante. L'idée de le laisser sur la plage avait pu paraître bonne, mais elle était désormais totalement idiote. Bon. Et une fois Parkin embarqué ? Il faudrait réussir à négocier avec des bâtiments de guerre tout autour de la chaloupe. Ce petit jeu-là pourrait durer très longtemps. Et lorsque l'opération de récupération du coffre coûterait plus cher à la Marine que le trésor lui-même, les supérieurs en auraient marre et abattraient tous les pirates sur le champ.
Donc partir avec Parkin était aussi un mauvais plan. Partir sans Parkin était déjà dans les deux solutions suicidaires. Si partir avec ou sans lui n'était pas possible, partir en chaloupe devenait hors de question. Quelles solutions restait-il ?
La quatrième. Buter Parkin immédiatement et hurler que Thatch connaissait également la planque. Au moins, il serait la seule pièce utile pour la Marine et pourrait s'en sortir un jour ou l'autre. Peut-être. Il serait capturé, torturé, mais pourrait réfléchir quelques temps supplémentaires. Surtout que là, l'officier s'impatientait.
Merde.
BANG
« PARKIN N’ÉTAIT PAS LE SEUL A CONNAÎTRE LA PLANQUE »
Alors que le corps du pirate s'écrasa au sol, Thatch jeta ses armes et leva les bras sur les côtés.
« Je sais aussi où se trouve l'or. Et pour le coup, je suis bien le dernier homme en vie à le savoir ! »
Mais contrairement à ce qu'il espérait, les quelques pirates restants ne l'imitèrent pas. Contrairement au plan qu'il venait rapidement de mettre à plat dans son esprit, ses hommes ne le suivirent pas. Ils ne déposèrent pas les armes. Au contraire, ils le mirent tous les trois en joue, pointant chacun leur pistolet de part et d'autre de sa barbe noire. Il semblait que la manière de Thatch de "remercier" Lead et Parkin ne leur avait pas plu. Il fallait bien s'y attendre.
Merde.
-
Des balles fusèrent aussitôt. Sans aucun temps d’attente. Sans aucune hésitation. C’est dans ce genre de cas que la marine pouvait se vanter de son temps de réactivité. Les trois corps qui menacèrent le seul témoin viable s’effondrèrent et basculèrent par-dessus la chaloupe pour finir dans l’eau. Nul besoin de s’occuper de leurs corps. Les poissons s’en donneraient à cœur joie. Pas l’envie et pas le temps de toute façon. L’histoire ne retenait pas les gens médiocres. Sur ladite chaloupe ne restait plus que l’intriguant personnage qui avait brisé tout seul le marché qu’il avait établi. Sans doute avait-il compris qu’il n’avait plus aucune échappatoire. C’était ça ou finir criblé de balles à son tour. Un gars plutôt intelligent. Mais un gars qui allait beaucoup souffrir. On ne se jouait pas de la marine impunément.
Sans même attendre mes ordres, des hommes s’avancèrent vers la chaloupe tandis que d’autres tenaient encore en joue le principal et seul suspect. Il ne fallut pas beaucoup de temps pour le récupérer d’ailleurs. Ce fut l’histoire de quelques minutes. Quelques minutes qui m’avaient permis de stopper toutes les opérations que j’avais initié pour les choper au cas où. L’homme allait répondre de ses crimes : Vol et meurtre. Autant dire qu’il était dans la merde. Law, un lieutenant et frère d’armes de Rick, le défunt marine, ne put s’empêcher de foutre un violent coup de boule au pirate lorsqu’il fut acheminé vers nous. Le nez du forban fut immédiatement en sang. Personne ne lui en voulut d’ailleurs. Pas même moi. Son coup de sang était compréhensible et s’il ne l’avait pas fait, quelqu’un d’autre s’en serait chargé.
- « Inutile de citer tes crimes non ? De toute façon, là n’est pas le plus important pour le moment… »
J’étais enfin descendu de ma monture alors que mes hommes l’obligeaient à se foutre à genoux. L’un de ceux qui le tenaient lui enflamma la nuque à l’aide de son poing, mais je fis signe à l’assistance de se calmer. Inutile de l’amocher plus que ça pour le moment. Nous avions besoin de lui pour une chose : L’or de Van Riessfeld. Je m’accroupis donc devant lui avant de l’observer de façon condescendante pendant quelques secondes, puis je m’allumai une clope dans le plus grand des calmes avant d’en tirer la première taffe et de la recracher sur sa gueule. C’était une très belle façon de lui dire qu’il allait sérieusement morfler. Mon poing me démangeait d’ailleurs. Mais pas encore. Il fallait tenir. Attendre qu’il ait fini de nous indiquer l’emplacement du coffre et qu’on l’ait récupéré avant de lui faire subir l’enfer sur terre.
- « Où est l’or ? Et autant te dire que t’as pas intérêt à te jouer de nous où à imposer d’autres conditions… »
Ma voix trahissait ma colère.
S’il faisait le con, j’allais sans doute craquer.