Keiran Valerius

Keiran est un homme à la peau mate. Ses cheveux courts, ainsi que sa barbe, sont plutôt noirs de base mais ils ont tendance à grisonner par endroits, donnant un début de teinte poivre et sel. Son visage affiche certains traits liés à l'âge comme des débuts de rides et, par moment, des poches assez marquées sous les yeux.

Il est d'une taille moyenne, entre un mètre soixante-dix et un mètre soixante-quinze et pèse soixante-huit kilogrammes, très précisément ! Son corps possède une morphologie standard : ses membres sont très bien alignés et symétriques. Sa musculature s'est développée de façon naturelle, puisque son métier est assez physiquement exigeant par moment. D'ailleurs, à cause de ce dernier, il a souvent les doigts sales et le dessous des ongles noir, crasse oblige.

Dans les habitudes du bonhomme on pourra noter qu'il a souvent tendance à se toucher le bras gauche, comme pour vérifier que le membre est toujours bien présent. Cela est lié à son passé... Une autre étrangeté est que Keiran n'arrive quasiment jamais à être assis droit plus de cinq minutes, il parvient toujours par être avachi d'une manière ou d'une autre. Ce peut être très embêtant en société, mais il a fini par s'habituer à ce trait de comportement venant directement de son corps, sans que lui-même n'en ait conscience ou n'ordonne à son corps de faire ça, selon lui.

Le timbre de voix de Keiran est généralement posé, mais les paroles prononcées ne sont pas toujours raccords. Il lui arrive parfois même de répéter ses phrases avec des intonations différentes, des variations légères, que ce soit dans sa tête, à voix basse ou carrément en face de l'interlocuteur.

Question vestimentaire, Kor n'est pas difficile : tant qu'il rentre dans le vêtement et qu'il est adapté à la température, ça lui est égal son apparence. Il lui est arrivé de faire des journées chaudes vêtu d'une robe ou des nuits d'hiver avec trois pantalons et deux pulls. La plupart du temps, il porte quand même un débardeur et un boxer-maillot de bain, au cas où il ferait soudainement très chaud il n'aurait qu'à tout enlever sauf ça pour être à l'aise.

Keiran agit de manière étrange. Il observe et agit avec un certain calme, il réfléchit à chaque situation qu'il vit. Il lui arrive, comme mentionné plus haut, de redire certaines phrases, mais pas seulement ; parfois, il demande à refaire toute la « scène. » Et retourne en arrière, agissant comme s'il ne s'était jamais rien passé, il en va jusqu'à oublier les événements qu'il décide de refaire.

On peut parfois l'entendre nommer des gens, des objets ou encore des événements autour de lui avec des noms peu communs : « auxiliaires », « élément perturbateur » ou encore « décor. » Il fait également fréquemment référence au « scénario. » Keiran parle parfois de lui comme du « personnage principal » ou « le héros », ce qui peut avoir le don d'énerver des gens.

Vous l'aurez compris, Keiran est atteint d'une psychose lui faisant croire qu'il est dans une œuvre de fiction et en est le protagoniste. Ce trouble psychique lui vient d'une expérience passée peu appréciable... Il en a gardé des séquelles, tels que cette psychose ou encore son tic de se toucher le bras à intervalles irréguliers mais généralement peu éloignés temporellement.

En-dehors de cet aspect, Keiran est un homme à peu près normal : il a ses goûts musicaux, ses avis culinaires, ses avis sur la géopolitique etc...

D'un point de vue musical, il apprécie tout ce qui est un tant soit peu entraînant ou portant au calme intérieur. Certes, cela revient à dire à peu près toutes les musiques, mais il n'est pas très difficile non plus. Évidemment, il aura plutôt tendance à apprécier les musiques calmes dans les périodes de sa vie où il n'est pas stressé ; lui faire écouter un tel style alors qu'il est agité ne conduira qu'à renforcer son agitation. En effet, il ne pourra pas l'évacuer et sera frustré, donc plus sujet au stress qu'avant.

La nourriture est un élément qu'il apprécie variablement en fonction de son humeur du moment. Si on lui propose des plats épicés quand il va très bien, Keiran mange volontiers ! Quand il va moins bien, même au point d'être de bonne humeur, il trouvera que manger est ennuyeux, voire une perte de temps. Il sait que manger est vital et se forcera donc à ingérer quelque chose, mais il ne le fera qu'en quantité limitée et une fois dans la journée, s'il peut. Cela ne veut pas dire qu'il ne ressent pas la faim, mais manger l'ennuie.

La géopolitique est tellement complexe à appréhender véritablement qu'il est difficile pour un être tel que Keiran, ne vivant que peu de choses en-dehors de son quotidien pour le moment, que son avis est essentiellement basé sur les retours du gouvernement, de la presse et de son entourage. Grosso modo, les pirates sont mal intentionnés car ils agissent contre le peuple, les révolutionnaires sont vils car ils veulent renverser le gouvernement en place, la marine est bien car elle est constituée des « gentils. » Son avis n'est pas figé, une bonne argumentation peut tout à fait lui faire changer d'avis. Une simple argumentation peut suffire dans le cas où elle s'imbriquerait parfaitement dans ses délires.

Mise à part tout ceci, Keiran est un être plutôt sympathique, serviable, jovial et calme. Il s'emporte peu et n'hésitera pas à tendre la main à quelqu'un dans le besoin, pour autant que la personne ne soit pas mal intentionnée aux premiers abords ou ne puisse lui nuire vraiment fortement. Ne le prenez pas pour un égoïste, est-ce que vous inviteriez chez vous un homme jetant ses déchets partout, ne respectant pas les autres et arborant des idées totalement contraires à vos valeurs ?

Enfin, sa curiosité par rapport au monde qui l'entoure se manifeste, dans son esprit, comme une machine. Il voit beaucoup d'éléments comme des dysfonctions mécaniques à régler en ajoutant la bonne pièce, mettant la bonne huile à bonne dose etc... C'est sans doute à cause, ou grâce, de sa façon d'appréhender le monde que Keiran a choisi la voie de mécanicien.

L'amour, la vie difficile, les relations alcoolisées, les regrets... Tout un tas de variables pouvant donner tant de résultats différents... Pour le cas de Franck Valerius, ce fut une espèce de petite créature survenue neuf mois après sa première relation sexuelle. Heureusement pour lui, ou pour l'enfant selon les points de vue, Franck et Mira, la première copine du bonhomme, étaient amoureux déjà avant de vider les trois bouteilles. Ils furent donc les infortunés parents du petit Keiran.

Trop jeunes pour vraiment savoir comment élever un bébé, Franck et Mira allèrent chercher du soutien auprès de la famille Valerius. Le père du nouveau père, appelé Larry, ne voyait pas d'un bon œil la bêtise de son fils. Il le rabaissait d'ailleurs sans cesse. Julie, la grand-mère de Keiran, remit en place son mari un bon nombre de fois pour qu'il comprenne que ce qu'il faisait n'aidait en rien. Elle finit d'ailleurs par envoyer son mari dehors de la maison à chaque visite du couple et du bébé.

Julie adorait le petit, elle avait toujours voulu que son fils lui donne un petit-enfant. Certes, elle-même le disait, il était arrivé un peu tôt, mais cela lui était égal. L'important désormais était de s'occuper de ce marmot. Ce dernier grandit entouré d'amour, enfin une bonne chose de sûre !

Il grandit sans faire trop de vagues. Il avait de bonnes notes à l'école, se comportait sagement, peut-être un peu trop ; il n'était que rarement grondé. Keiran ne semblait pas avoir le besoin des enfants de faire des bêtises et de tester les limites. En réalité, il était plongé dans son esprit et y vivait de grandes aventures à dos de créatures fantastiques, sauvant des princesses avec son épée magique et son ragondin domestique. Il aimait beaucoup lire et son esprit l'a bien compris.

Quelques années plus tard, Keiran discutait avec son grand-père des différentes professions existantes. Larry voulait intéresser l'adolescent à l'art de la brasserie, mais sans grand succès. Julie tenta de l'initier à la poterie, sans grand succès. L'aide des amis de la famille fut demandée et Keiran eût plusieurs stages, journées découvertes, initiations à divers métiers : pêcheur, journaliste, postier, vendeur de mobilier de petite taille, cuisinier, rien n'y fît...

Ce fut seulement vers ses dix-huit ans que Keiran eût une illumination. C'est en expliquant sa façon de voir, assimiler et se rappeler des choses, comme une sorte de machine, à une amie qu'il eût la suggestion, de cette dernière, de faire de la mécanique. Il demanda à son père de l'emmener voir comment toute cette machinerie fonctionnait, ce qu'il fît autant qu'il put en allant dans un musée. Les machines semblaient avoir soudainement un grand intérêt aux yeux du jeune adulte. Le nez collé à une vitrine, il déclara « Je veux savoir bidouiller ça ! »

Il entreprit une formation de mécanicien qui dura quelques années. Une fois son diplôme obtenu, il fît la demande à un bateau de pouvoir y intégrer l'équipage en tant qu'assistant mécanicien. Il n'y avait que très peu d'éléments mécanisés sur le bâtiment mais il fut accepté, en partie grâce à la somme laissée par Franck au capitaine.

Le voyage devait durer quelques mois. Cependant, une attaque de pirates survint lors du retour. L'équipage, mal équipé pour la défense, fut rapidement débordé. Quelques personnes purent se cacher dans un coin de cale, dont Keiran et John, un marin expérimenté. Lorsque les pirates eurent prit ce qu'il y avait à prendre, ils partirent en sabordant le navire.

Les survivants, dont le nombre se montait à huit, sortirent de leur cachette quelques minutes après et s'activèrent du mieux qu'ils purent, handicapés par la vue des dégâts causés aux autres membres de l'équipage, pour se rassembler à bord de trois canots de sauvetage. Ils parvinrent à monter et à s'éloigner d'un demi mille marin avant que le bateau ne coule définitivement.

Les huit survivants restèrent longtemps en mer. Keiran ne sut jamais combien de temps exactement il resta sur cette embarcation. Ce qu'il savait, c'est qu'après plusieurs jours sans avoir pu manger autre chose qu'un poisson à moitié dévoré par un plus gros prédateur, John devenait rudement appétissant. Les trois canots dérivaient, aucune terre à l'horizon, pas de nourriture ni d'eau saine...

Keiran fut l'un des premiers à craquer : il but de l'eau salée à plusieurs reprises quand ses collègues ne regardaient pas. Il finit par en boire plus que de raison, si tant est que la raison existe quelque part dans cet acte. Les huit survivants passèrent à six après quelques temps, c'est ce qui arrive aux personnages secondaires. De plus en plus souvent, l'assistant mécano de l'équipage voyait le bras gauche de John comme un élément très attirant.

Quelques jours après une énième rasade d'eau salée, Keiran eût moins faim. Il ne sut jamais pourquoi, mais depuis ce jour, son bras gauche le démange régulièrement, comme s'il tentait de fuir. John arrêta de lui parler à partir de cet instant. Ce n'était pas grave, il n'était pas le héros de cette aventure.

Un matin, Keiran se réveilla à bord d'un grand navire. Quelqu'un était passé. Quelqu'un avait récupéré les embarcations. Les trois derniers êtres humains de ces frêles canots étaient sauvés ! On les nourrit décemment, leur donna de l'eau saine, des vêtements, un bain et un rasoir. Il le savait ! L'histoire devait se terminer avec lui en vie, sinon à quoi bon la continuer ? Il fut très heureux d'avoir à manger ce jour-là, il avait quelque peu perdu l'appétit depuis le mutisme de John. Où était-il d'ailleurs ?

Le navire amena les trois matelots un peu retapés à leur point d'origine. Franck et Mira avaient été avertis qu'un homme répondant au nom de Keiran avait été récupéré. Ils étaient présents au port lors de l'arrivée du bateau. Leur fils descendit et les serra dans ses bras. Ils étaient devenus vieux ! Combien de temps avait duré cette ellipse ? Il ne le sut pas, il devait sûrement dormir quand le narrateur l'avait annoncé. Dommage !

La vie reprit, d'une certaine manière, son cours normal. Keiran trouva un emploi temporaire au port, aidant ses parents âgés à maintenir un niveau de vie acceptable suite à son retour. Ils finirent par décéder l'un après l'autre, à quelques années d'écart. Le médecin disait que c'était une maladie qui les avait emportés. Qu'est-ce qu'il aurait aimé en être informé avant ! Il aurait pu se lancer dans une quête afin de les sauver. Au lieu de ça, le docteur lui annonçait ça comme une fatalité. Quel ignare !

Suite à la perte de ses parents, Keiran n'avait plus de véritable raison de continuer son travail à temps partiel. Il décida de travailler quelques mois encore afin de réunir un peu d'argent et de pouvoir repartir à l'aventure. Le scénario l'attendait désormais !

Tu te trouves à l'entrée d'une demeure plutôt bourgeoise dans laquelle tu devais te rendre, convoqué en vertu de tes talents de mécano. Sauf que....un des gardes de l'entrée, visiblement très zélé, refuse de te laisser entrer. En effet, en regardant tes papiers d'identité, il te suspecte de mentir en te pensant beaucoup plus vieux que l'âge indiqué et menace d'appeler ses collègues.
Comment te sors-tu de cette situation ?

PS : Tu peux te trouver sur l'île de ton choix. Attention d'en respecter le background.

La journée était déjà bien avancée et la pluie qui avait battu l'île d'Inu Town depuis le matin venait à peine de s'arrêter. Les nuages gris s'éloignaient, sûrement pour aller doucher d'autres terres ou eaux. Les gens affairés étaient sortis couverts dans la ville de Chom, tout du moins ceux qui avaient pu se préparer convenablement. Un homme à peau mate, la trentaine, déambulait dans les rues vêtu d'une petite veste détrempée. Lui n'avait pas dû avoir tout le loisir de se préparer ou d'anticiper.

- J'ai hâte de pouvoir me sécher et changer de vêtements...

Il parlait à voix haute, sans s'adresser à quelqu'un en particulier. L'individu s'arrêta au milieu de la rue et passa sa main dans ses cheveux dégoulinant d'eau afin d'en ôter le plus de liquide possible. Après un temps d'observation, surveillant les potentielles gouttes d'eau, il ouvrit sa veste et en sorti une feuille de papier. Le document était un peu plié et avait quelques tâches d'humidité. Il relut le texte en vitesse, cherchant l'adresse mentionnée sur la convocation. Il se gratta la barbe deux fois avant de parler, toujours seul.

- Rue de l'Industrie quato... Hmm, non. Plus fort et plus distinct.

L'homme se redressa, se racla la gorge et reprit.

- Rue de l'Industrie quatorze ! C'est la maison d'après, à voir.

L'étrange individu fit quelques pas en direction de la demeure indiquée. Il s'agissait d'une propriété d'assez bonne facture, aux murs colorés. L'accès au terrain, et donc la maison, se faisait par un portail métallique de grande taille, surveillée par deux hommes vêtus de noir. Derrière eux se trouvait un abri de petite taille, sûrement le lieu désigné pour leur offrir un couvert en cas d'intempérie.

** Quel cliché... M'enfin, allons-y ! **

Il s'approcha des gardes, ses chaussures non adaptées à la pluie émettant des « splotch » à chacun de ses pas. Les deux gardes étaient en train de discuter et n'arrêtèrent le visiteur que lorsqu'il n'était plus qu'à deux mètres d'eux.

- Halte, Monsieur ! Vous êtes face à une propriété privée. Et le propriétaire ne souhaite pas être dérangé.

Le garde regarda l'homme de haut en bas d'un air réprobateur.

- D'autant plus qu'il ne reçoit pas les vagabonds dans votre genre.

Le visiteur était resté tout le long des paroles du garde à le regarder. D'un air désolé au début, puis légèrement fâché à la fin.

- Ça ne va pas, pas du tout ! Pourquoi m'arrêter aussi tard ? Imaginez que je ne sois dangereux ?! Non, sérieusement... Et puis votre discours, pourquoi ne pas me demander ce que je viens faire au lieu de me refouler d'office?

Il soupira, le garde fronça les sourcils. Ce dernier ne semblait pas apprécié les paroles du visiteur, bien que son ton de voix était resté relativement calme et courtois. Il allait répliquer lorsque l'étrange individu le coupa.

- Attendez... On va la refaire. Je retourne là-bas, vers cette maison et, quand je serai à cinq mètres environ, vous m'arrêterez. OK ?

Sans attendre de réponse, l'homme tourna le dos aux gardes, qui se regardèrent d'un air intrigué, et alla se placer comme il l'avait déclaré. Il fit volte-face à nouveau et marcha vers le même garde qu'avant. Ce dernier, de plus en plus étonné par le comportement de cet homme, l'arrêta d'une voix un tantinet hésitante.

- Bonjour ! Je me nomme Keiran. Keiran Valerius, pour être exact. J'ai ici...

Le dénommé Keiran sortit la même feuille qu'auparavant.

- ... un document stipulant que Monsieur Vallière souhaite me voir. Vous pouvez vérifier, je pense que c'est sa signature.

Le document fut récupéré par le garde qui la consulta, ne sachant trop bien ce qu'il se passait. Au fur et à mesure de la lecture du document, il sembla retrouver son assurance.

- D'ailleurs, je vous prie de m'excuser pour le retard. Je ne connais pas très bien la région et, avec la pluie de cette journée, je me suis égaré...

Le garde releva la tête et tendit le document à son collègue, qui alla le lire dans l'abri situé derrière eux. L'interlocuteur de Keiran le regarda dans les yeux, on pouvait sentir dans son regard un certain mépris du personnage, pour peu qu'on soit sensible. Tout dans sa manière de répondre renforçait cette émotion.

- Vos dires sont peut-être vrais. Mais je ne peux vous laisser passer comme ça. Montrez-moi vos papiers, pour prouver que vous êtes bien ce Keiran Valius.

L'homme produisit ses documents d'identité tout en parlant.

- Valerius, en fait. Tenez!

Keiran tendit les documents au garde qui les inspecta longtemps. Très très longtemps. Beaucoup trop longtemps pour une simple vérification. Il faisait traîner volontairement. Il passa son regard à de nombreuses reprises sur Keiran puis sur la photo affichée. Il émettait de petits commentaires sur certaines données. Enfin, après plusieurs minutes, il releva la tête vers son interlocuteur.

- Je ne vous crois pas. À mes yeux, vous n'avez pas trente-cinq ans. Vous en faites quarante, au moins!

La réponse fut comme un choc pour Keiran, son visage afficha clairement l'émotion ressentie d'ailleurs. Cet homme était-il vraiment en train de le traiter de vieux ? De quel droit se permettait-il de juger son âge ? Il correspond pourtant totalement aux informations demandées !

- Allons, vous ne le pensez pas, pas vrai ? On voit bien que j'ai dans la trentaine ! Vous me faites une blague...

Le sourire de Keiran ne modifia en rien l'expression faciale du garde ; il ne plaisantait pas. Était-ce parce qu'il ignorait son rôle ou peut-être cela faisait-il partie de ce qu'il avait à faire ? Aucune idée, mais ça n'allait pas l'arrêter. Il reprit, d'une voix trahissant un léger sentiment de vexation.

- Vous avez beaucoup de méfiance, pour quelqu'un d'aussi jeune que vous.

Il tentait là d'être blessant, sans succès.

- Écoutez, pour moi ça ne colle pas. C'est tout. Allez-vous-en.

Le ton du garde se faisait de plus en plus autoritaire.

- Mais...

Keiran fit un pas en avant. Le garde réagit en tendant le bras.

- N'insistez pas. Et je vous déconseille d'envisager de passer de force, il me suffirait de prévenir mes collègues pour que vous soyez intercepté, si tant est que vous passiez ce portail.

La situation empirait. Keiran ne savait pas quelle heure il était, mais il se savait en retard. Et cette discussion avec cet empoté n'arrangeait rien à ses affaires. Il fallait un moyen de passer. Que pouvait-il faire pour amener le garde à croire la vérité ? Il commença par faire un pas en arrière, levant les mains, un sourire nerveux sur le visage.

- Voyez, je n'ai pas d'arme. Je ne tenterai pas de passer de force. Je...

Keiran s'arrêta un instant, réfléchissant longuement. Peut-être avait-il commis un impair en lui parlant de cette manière au début ? Il ne devait pas être conscient de son rôle ; une sorte d'auxiliaire malgré lui. Le pauvre homme ! Il fallait remettre les choses en place, flatter un peu l’ego de ce solide gaillard et il accepterait sûrement de revoir son jugement. Ça devait marcher !

Il passa près d'une minute devant le garde sans rien dire ni bouger. Celui-ci allait dire quelque chose quand il se fit couper par Keiran.

- Je vous prie de m'excuser. Je.. Je me suis mal conduit auprès de vous. Je n'aurai pas dû vous parler ainsi...

Il s'inclina en signe de respect. Le garde souleva les sourcils ; décidément, il ne comprenait rien à cet hurluberlu...

- Monsieur Vallière m'attend, je vous jure que c'est vrai. Et vous faites bien de le protéger de manière aussi experte, c'est un homme important. Je suis en retard, je vous l'accorde, et c'est entièrement ma faute. J'aurai dû mieux me renseigner avant de venir... Ma date de naissance vous semble falsifiée ? Soit ! Regardez, j'ai d'autres papiers prouvant mon identité... Demandez à Monsieur Vallière, vous verrez !

Keiran sortit des documents divers mentionnant son nom, sa date de naissance, affichant une photo, certains seulement deux de ces informations, d'autres les trois. Il espérait que le garde serait assez convaincu pour le laisser passer...

- Je... Restez ici un instant.

Il s'en alla avec les documents de Keiran, vers l'abri. Il échangea quelques mots avec son collègue et passa un appel via escargophone. Le second garde surveilla Keiran pendant le processus. Ce dernier resta sagement en place, regardant l'architecture du portail et des maisons alentours.

** Je me demande quand même bien ce qu'il me veut ce Vallière. Sa lettre ne mentionnait pas grand chose. **

Il regarda le second garde, celui-ci avait des cheveux blonds bien coiffés. Son collègue était chauve. Vraiment, que de clichés dans cette scène !

- Excusez-moi, Monsieur. Vous ne sauriez pas par hasard ce que me voudrait Monsieur Vallière ? Son courrier me conviait simplement à une entrevue aujourd'hui, afin de parler de mécanique semble-t-il sans plus de précision. Vous ne... Ah mais non, je suis bête... Si vous aviez été informé de mon arrivée, vous m'auriez laissé passer... Désolé de vous avoir importuné.

Le blond fronça les sourcils d'incompréhension. Son collègue avait raison : ce type était bizarre. Il jeta un coup d’œil vers le chauve. Ce dernier était en pleine discussion. Il termina quelques secondes après la demande tronquée de Keiran et revint vers eux.

- Il semblerait que Monsieur Keiran Valerius soit effectivement attendu... Malgré votre excentricité, je vais vous accompagner à l'intérieur. Je vous mets en garde cependant ; pas un geste de travers. Je vous ai à l’œil !

Il tendit ses papiers à Keiran, qui les reprit en remerciant le garde pour son travail. Il le suivit à l'intérieur de la maison tandis que le blond referma le portail derrière eux en étant heureux de ne pas avoir à servir d'escorte à cet énergumène.