Réparations
Tenko Sozen
Les marteaux s'abattaient à un rythme régulier sur les larges panneaux de bois que les soldats de la 338ème division avaient installés sur les trous béant dans les tour de mirador de Fort Bravoure. Tenko était chargé, comme bon nombre de ses camarades, de colmater les trous dans les parties en bois du fortin perdu au milieu de la mer. Le quartier générale en avait fait une priorité dès l'instant où le dossier perdu était remonté à la surface. La garnison de Poiscaille étant la plus proche, géographiquement parlant, de l'endroit, c'était ses soldats qui avaient été charge de rénover les fortifications. En contrebas, devant les parties bétonnées du bâtiment, d'autres mouettes colmataient elles aussi les trous qui avaient été créés par différents navires s'entraînant au tir sur une forteresse abandonnée. Cela faisait près de trois jours qu'ils avaient commencé la rénovation mais malgré leur efficacité, les dommages étaient si étendus qu'il faudrait quelques jours de plus avant de venir à bout de la tâche. Le jeune soldat ne sentait presque plus son bras quand deux coups de sifflets résonnèrent, indiquant l'heure de la pose. R
angeant ses outils à sa ceinture, Tenko se rapprocha de la cour intérieure où les cuisiniers avaient installé pour ce jour-ci leur stand de distribution. Prenant sa tambouille informe, il alla se percher en haut des murailles, son regard plongé dans l'océan. C'est l'ingénieur-chef Duron qui le tira de sa rêverie. C'était leur supérieur attitré pour la mission, la brigade scientifique de la Marine l'ayant chargé de superviser la rénovation de l'endroit. C'était un homme d'âge mur mais on distinguait à sa peau qu'il n'avait jamais trop passé de temps en mer. Sur la même lancée, ses mains presque intactes montraient une relative inexpérience dans le combat ou même la construction. C'était un chef qui donnait des ordres et conceptualisait des choses, mais ne mettait jamais la main à l'ouvrage. L'homme posa ses yeux bleus en amande sur le jeune soldat qui ne put s'empêcher de se sentir mal à l'aise.
"La vue est magnifique pas vrai? Je comprends mieux pourquoi ils veulent réhabiliter ce fort...
Autant Tenko savait apprécier la beauté des paysages, autant il n'appréciait pas qu'on le dérange pendant ses phases contemplatives. Prenant la plaisanterie de l'officier pour une véritable conviction, il mima une attitude terre-à-terre.
"Si vous voulez mon avis c'est surtout pour l'artillerie fixe dont il dispose qu'ils nous ont demandé de le rénover. Le paysage, ils s'en foutent."
Touché. Le malaise avait changé de bord et l'ingénieur se sentait maintenant ridicule d'avoir fait preuve de lyrisme de manière si ouverte. Il salua Tenko et redescendis fissa, ses sentiments quelque part entre la vexation et la honte. Le jeune soldat sourît une fois qu'il fut parti et continua da contemplation. Il lui sembla remarquer un navire se découper sur l'horizon mais à une telle distance, il ne pouvait en être sûr. Il se dirigea vers un des miradors et grimpa les escaliers. Une route maritime passait "au pied" de Fort Bravoure, mais ce navire-là arrivait d'une direction où aucune route ne circulait. Il fouilla dans les différents tiroirs, cherchant à mettre la main sur une longue-vue ou une paire de jumelles. Dix minutes passèrent avant qu'il ne trouve ce qu'il cherchait. La silhouette s'était précisée à l'horizon: un croiseur naviguait dans leur direction.
Il plaça la longue vue sur son oeil et ajusta la focale jusqu'à avoir une vision nette du bateau. C'était un bâtiment taillé pour la guerre, solidement équipé en terme d'artillerie. En haut de son mat, Tenko ne put que remarquer le drapeau sur lequel était dessiné un poing rouge sur fond blanc. Le jeune homme s'autorisa un second regard pour vérifier ce qu'il venait d'apercevoir. Il dévala les marches et se précipita vers Jak Duron qui observait les plans qu'il avait réajusté en fonction des ambitions du gouvernement. Les soldats levèrent leur tête sur le passage de la jeune mouette qui n'avait jamais couru aussi vite de sa vie. Toute la base était maintenant intriguée parce qu'avait pu voir Tenko. Ce dernier posa ses mains sur la table de l'officier et lui annonça la nouvelle avant de lui faire une demande.
"Un navire de la révolution approche. Facilement deux cents hommes à bord du croiseur. Il fait cap sur notre position sans aucun doute. Il faut que vous appelliez le QG qu'ils détournent un navire pour nous porter assistance."
Confus, ne sachant comment réagir, l'ingénieur ne s'était pas préparé à une telle éventualité. Son temps de réaction étant trop long, son subordonné se saisit de l'escargophone et appella directement le quartier général de West Blue. La tonalité commença à se faire entendre et une voix se fit entendre.
*Quartier général de West Blue. Veuille...*
Des grésillements furent les seuls bruits qu'il put entendre. La communication venait d'être brouillée par un escargophone blanc. Il raccrocha violement et jura.
"On est tout seul maintenant, et il va falloir s'occuper d'eux."