- Rien à faire Merco, j'peux pas bouffer. J'aurais jamais pensé utiliser un jour c'quatre mots dans cet ordr' là, mais j'maintiens : "j'peux pas bouffer".
Paie ton affectation en papier mâché. "Tu verras Oletto, au sultanat des Pétales, les filles sont jolies, le paysage est radieux, et les mets qu'on te confectionne ont des saveurs inconnues du monde entier". C'est en tout cas ce qu'on m'a dit quand j'étais dans le bateau en partance pour cette chiure d'île. Ah ça, la saveur des plats, j'y ai pas goûté que je l'ai déjà sur la langue. On l'a tous sur la langue d'ailleurs.
Février 1624, vizirat d'Essence. Après des années de négociation, le G.M est enfin autorisé à envoyer une délégation sur le sultanat. Et quelle délégation, quasiment que des militaires. Paraît qu'on vient apporter "une expertise". Si on envoie deux divisions de l'élite et une de la scientifique, j'ai bien une idée précise du genre d'expertise qu'on vient fournir. Du genre qui sent un peu la poudre. La poudre, la douce odeur de la poudre putain. D'habitude ça m'esquinte les sinus, mais aujourd'hui, j'en reniflerais pendant des heures. Parce qu'aujourd'hui, ça pue le parfum partout.
Et je parle pas de flagrances subtiles disséminées ici et là partout dans le vizirat. Nan, nan, nan. Je parle d'un putain de mélange chimique qui nous oblige tous à foutre un mouchoir sous le nez si on veut pas tourner de l'œil.
Parce que ce qui a aidé le Sultan à se décider à laisser le G.M entrer avec ses gros sabots par chez lui, c'est l'explosion successive de trois containers dans une parfumerie du vizirat d'Essence. Allez savoir pourquoi, le conseil cinq étoiles s'est imaginé qu'on s'amusait ici à faire des armes chimiques en douce. D'où la brigade scientifique pour faire un rapport et l'élite en escorte.
Partout dans ce merdier de vizirat, c'est brumeux, opaque, ça attaque la gorge, et pire encore, ça pourrit le goût de la bouffe. On est partis pour rester une bonne semaine à carburer juste à l'eau plate et aux rations de survie. Hourra.
- Agad' moi ça Merco ! Y'a pas une gonzesse dehors. Toi qui jurais qu'par ça pendant toute la traversée. J'te r'tiens toi. Y'a personne. Y'a juste nous : trois cohortes de mâles surarmés.
Juste entr' hommes, c'est pu le Sultanat de Pétales, c'est l'Sultanat des pé...
- Sergent Oletto !
Alors que je suis occupé à tousser - parce qu'on tousse comme un beau diable chaque fois qu'on l'ouvre avec ce foutu gaz qui nous égratigne la gorge - le lieutenant enchaîne vite fait avant d'écoper de la même toux.
- Vous trouvez cinq hommes et vous me fouillez toute la ville s'il reste des planqués. On a ordre de faire évacuer tous les civils le temps de l'inspection.
Cinq hommes ? Je me tourne vers mes petits camarades. Entre ceux qui font semblant de bosser, ceux qui sont à l'infirmerie à force de respirer cette merde de parfums mélangés qui pique même les yeux, ceux que le lieutenant a dépêché pour désinfecter avec l'aide de la scientifique, j'aurais plus vite fait d'y aller tout seul que de trouver des volontaires.
- J'trouv'rais pas l'compte lieut'nant.
- Eh bien piochez dans l'autre division. Oubliez pas, si y'a des récalcitrants, n'utilisez la force qu'en cas d'absolue nécessité. L'État Major a été clair : pas d'incident diplomatique, on est tout juste tolérés ici.
C'est bien connu, chez l'élite, on marche sur des œufs sans les casser. Bon, je demande au première classe Merco si l'est volontaire, y me hausse les épaules en me regardant avec sa gueule de déterré. Tant de zèle, tant de dévouement, bordel ça met du baume au cœur. M'enfin je vais pas l'accabler non plus. Avec tout ce merdier chimique on n'a pas le droit de fumer ou de boire autre chose que les rations. Et mon bon Merco, sans sa tite clope et son cawa, bah il est vite soupe au lait.
Plus que trois donc. Et faut copiner avec l'autre division si je veux qu'y ait le compte. Je suis un gars vachement sociable, ça tombe bien, mais bon, y'a toujours des casse couilles pour jouer la rivalité entre division et cultiver le sectarisme des bonobos en uniforme. À aller leur demander des hommes, je sens que je vais me faire envoyer chier proprement.
- Dites voir là ! Y'en a qui veulent se soustraire au boulot d'homme et glander en ville voir si y'a du resquilleur ?
Savoir donner envie, c'est aussi savoir formuler. Le lieutenant relève même pas, l'a trop de boulot et je sens bien que lui aussi est pressé de rentrer. J'y aurais pas cru, mais dans toute la petite foule à laquelle je me suis adressé, y'a une paluche qui s'est dressée.
- Y'en a.
Paie ton affectation en papier mâché. "Tu verras Oletto, au sultanat des Pétales, les filles sont jolies, le paysage est radieux, et les mets qu'on te confectionne ont des saveurs inconnues du monde entier". C'est en tout cas ce qu'on m'a dit quand j'étais dans le bateau en partance pour cette chiure d'île. Ah ça, la saveur des plats, j'y ai pas goûté que je l'ai déjà sur la langue. On l'a tous sur la langue d'ailleurs.
Février 1624, vizirat d'Essence. Après des années de négociation, le G.M est enfin autorisé à envoyer une délégation sur le sultanat. Et quelle délégation, quasiment que des militaires. Paraît qu'on vient apporter "une expertise". Si on envoie deux divisions de l'élite et une de la scientifique, j'ai bien une idée précise du genre d'expertise qu'on vient fournir. Du genre qui sent un peu la poudre. La poudre, la douce odeur de la poudre putain. D'habitude ça m'esquinte les sinus, mais aujourd'hui, j'en reniflerais pendant des heures. Parce qu'aujourd'hui, ça pue le parfum partout.
Et je parle pas de flagrances subtiles disséminées ici et là partout dans le vizirat. Nan, nan, nan. Je parle d'un putain de mélange chimique qui nous oblige tous à foutre un mouchoir sous le nez si on veut pas tourner de l'œil.
Parce que ce qui a aidé le Sultan à se décider à laisser le G.M entrer avec ses gros sabots par chez lui, c'est l'explosion successive de trois containers dans une parfumerie du vizirat d'Essence. Allez savoir pourquoi, le conseil cinq étoiles s'est imaginé qu'on s'amusait ici à faire des armes chimiques en douce. D'où la brigade scientifique pour faire un rapport et l'élite en escorte.
Partout dans ce merdier de vizirat, c'est brumeux, opaque, ça attaque la gorge, et pire encore, ça pourrit le goût de la bouffe. On est partis pour rester une bonne semaine à carburer juste à l'eau plate et aux rations de survie. Hourra.
- Agad' moi ça Merco ! Y'a pas une gonzesse dehors. Toi qui jurais qu'par ça pendant toute la traversée. J'te r'tiens toi. Y'a personne. Y'a juste nous : trois cohortes de mâles surarmés.
Juste entr' hommes, c'est pu le Sultanat de Pétales, c'est l'Sultanat des pé...
- Sergent Oletto !
Alors que je suis occupé à tousser - parce qu'on tousse comme un beau diable chaque fois qu'on l'ouvre avec ce foutu gaz qui nous égratigne la gorge - le lieutenant enchaîne vite fait avant d'écoper de la même toux.
- Vous trouvez cinq hommes et vous me fouillez toute la ville s'il reste des planqués. On a ordre de faire évacuer tous les civils le temps de l'inspection.
Cinq hommes ? Je me tourne vers mes petits camarades. Entre ceux qui font semblant de bosser, ceux qui sont à l'infirmerie à force de respirer cette merde de parfums mélangés qui pique même les yeux, ceux que le lieutenant a dépêché pour désinfecter avec l'aide de la scientifique, j'aurais plus vite fait d'y aller tout seul que de trouver des volontaires.
- J'trouv'rais pas l'compte lieut'nant.
- Eh bien piochez dans l'autre division. Oubliez pas, si y'a des récalcitrants, n'utilisez la force qu'en cas d'absolue nécessité. L'État Major a été clair : pas d'incident diplomatique, on est tout juste tolérés ici.
C'est bien connu, chez l'élite, on marche sur des œufs sans les casser. Bon, je demande au première classe Merco si l'est volontaire, y me hausse les épaules en me regardant avec sa gueule de déterré. Tant de zèle, tant de dévouement, bordel ça met du baume au cœur. M'enfin je vais pas l'accabler non plus. Avec tout ce merdier chimique on n'a pas le droit de fumer ou de boire autre chose que les rations. Et mon bon Merco, sans sa tite clope et son cawa, bah il est vite soupe au lait.
Plus que trois donc. Et faut copiner avec l'autre division si je veux qu'y ait le compte. Je suis un gars vachement sociable, ça tombe bien, mais bon, y'a toujours des casse couilles pour jouer la rivalité entre division et cultiver le sectarisme des bonobos en uniforme. À aller leur demander des hommes, je sens que je vais me faire envoyer chier proprement.
- Dites voir là ! Y'en a qui veulent se soustraire au boulot d'homme et glander en ville voir si y'a du resquilleur ?
Savoir donner envie, c'est aussi savoir formuler. Le lieutenant relève même pas, l'a trop de boulot et je sens bien que lui aussi est pressé de rentrer. J'y aurais pas cru, mais dans toute la petite foule à laquelle je me suis adressé, y'a une paluche qui s'est dressée.
- Y'en a.