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Sauvetage désastreux

Un bateau coulé

Thomas Solomon

Thomas avait mal au dos à force de se baisser pour sortir l'eau du fond de son embarcation. Il avait presque failli s'ouvrir deux fois les mains avec le seau à sa disposition et il avait l'impression que plus il fatiguait, plus l'eau s'acharnait à rentrer. Il jeta un regard aux alentours, à la recher d'une île ou d'un bateau amenés là par la providence. Mais rien de la sorte ne se distinguait sur l'étendue bleue à laquelle il faisait face, rien d'autre que des vagues et des remous. Il n'avait croisé personne depuis son départ mouvementé de Logue Town. Il avait du voler un navire malgré la vigilance de ses anciens collègues qui surveillaient les quais. Il avait donc choisi un petit modèle, une sorte de barque avec un habitacle ridicule sur lequel était planté un mat et une voile. Il s'était laissé dérivé, n'étant pas particulièrement formé à la navigation. Il lui tarait de voir où ses pérégrinations pouvaient le mener, mais pour l'instant il devait surtout faire face à un problème d'ampleur en haute mer. Le trou dans la coque n'était pas bien grand mais les vagues qui faisaient dériver le rafiot le remplissaient aussi chaque fois un peu plus de leurs eaux.

"Bien Thomas, bonne initiative de choisir un bateau qui ne tient pas la haute mer."

Il avait cette habitude de se parler à voix haute pour déstresser. L'autre moyen qu'il avait, c'était bien entendu d'écrire mais la présente situation ne l'encourageait pas à s'asseoir pour se saisir de sa plume. Il continua de reverser l'eau dans la mer mais cela n'en finissait pas. Pour tout dire ça n'allait pouvoir se terminer que de deux façons: soit le navire allait sombrer et tôt ou tard le jeune chroniqueur se noierait; soit il trouverait un endroit où se réfugier et il attendrait qu'un navire passe dans le coin. Ce qui lui semblait peut-être la chose la moins probable en cet instant. Il n'avait aucune idée d'où il se trouvait mais l'absence du moindre voilier semblait indiquer qu'il était loin de toute forme de route commerciale. Il jeta un regard au reste du mat brisé pendant la tempête qu'il avait essuyé dans la nuit. Le vent bien trop fort avait fini par faire céder le frêle morceau de bois qui s'était abattu sur la barque et avait causé le fameux trou. Depuis ce moment-là, soit près de sept heures déjà, le jeune homme n'avait cessé de travailler à sa survie.

Mais ses bras, pourtant endurcis par les années passées à transporter des caisses sur les quais de Logue Tow, commençaient à être pris de sévères crampes, de même que ses jambes restées bien trop statiques. Le jeune homme commençait à comprendre qu'il ne pourrait plus tenir indéfiniment. Mais il s'acharnait, se disant que chaque coup de seau, même s'ils s'étaient de plus en plus espacés, lui donnait une chance de finalement croiser quelqu'un sur cette étendue bleue. Il finit par laisser tomber son outil et se recula à l'arrière de la barque, attrapant son sac. Il s'assit quelques instants et ferma ses paupières. Son esprit commença à s'engourdir et il s'assoupit jusqu'au moment où l'eau lui avait recouvert une partie de ses jambes allongées. Il se releva soudainement, faisant tanguer le rafiot dans lequel s'engouffra plus d'eau encore. Par instinct il monta sur la modeste cabine et jeta des regards en tout sens. Il ne savait pas vraiment nager et s'il venait à finir à la mer, il ne tarderait pas à mourir. Au loin, il lui sembla détecter un gréement qui allait sûrement disparaître, sa trajectoire étant différente de la sienne. Sans prendre la peine d'attendre, il fouilla dans son sac et sortit le revolver avec lequel il avait pris son indépendance et la fuite quelques jours plus tôt. Il le tint en l'air et tira quelques coups de feu, vidant le barillet qui contenait alors quatre balles. Au loin, il put apercevoir le bateau ralentir sa course alors qu'il effectuait de larges mouvements de bras avant de recharger son arme pour tirer de nouveau en l'air. Sa propre embarcation s'enfonçait longuement mais sûrement vers les abîmes, lui promettant une mort lente et affreuse par asphyxie. Il renouvela ses tirs pour faire comprendre l'urgence de sa situation. Bientôt les voiles semblèrent lui faire face mais il comprit aussi que le navire ne serait jamais là à temps. La moitié de la cabine étant immergée, le navire plongea tout soudainement sous l'eau, entraînant le chroniqueur dans son sillage. Le pouvoir d'aspiration fut si fort que le jeune homme peina à remonter à la surface, pris par surprise par ce piège. Il ouvrit la bouche par réflexe pour respirer et de l'eau s'infiltra dans ses poumons. Il essaya de crever la surface mais rien n'y faisait. Quand ses yeux se furent clos, une main vigoureuse l'attrapa et le jeta sur le pont du voilier arrivé avec un léger retard. Les pirates s'attroupèrent autour du garçon et écartèrent son sac à la recherche de biens. Quand il se réveilla, il déversa une quantité d'eau impressionnante sur le sol et fixa ses sauveteurs. "Ou est-ce que j'ai atterri?"


Dernière édition par Thomas Solomon le Mer 26 Avr 2017 - 13:24, édité 2 fois
    Un choix à faire

    Thomas Solomon


    Matthieu Loiseau se tenait devant le jeune homme et le dévisageait pendant que ses hommes fouillait le sac du jeune chroniqueur. Thomas reprenait à peine ses eprits, expectorant toute l'eau qu'il avait pu absorber juste devant les bottes du pirate qui lui faisait face. Il leva les yeux pour détailler l'homme élégamment habillé qui lui faisait face. Il avait des cheveux noirs plaqués en arrière et une peau affreusement saine pour quelqu'un qui parcourait les mers. Il tenait une ombrelle au dessus de lui pour empêcher le soleil de l'atteindre. L'un de ses yeux était camouflé par un cache œil mais n pouvait deviner à la limite du bout de tissu qu'une cicatrice était la seule trace de son appareil visuel. Son autre œil était d'un marron châtaigne qui donnait l'impression que l'homme avait la capacité de sonder jusqu'aux tréfonds de l'âme des personnes sur qui il posait son regard. Impressionné, le jeune homme ne pipait mot devant ce qui semblait être le second de l'équipage. Des bruits de pas plus léger que ceux des matelots affairés sur le pont se firent entendre. La seconde d'après, Thomas se retrouvait le dos appuyé contre le bastingage, tenu fermement par une jeune femme qui n'allait pas hésiter à le lâcher par dessus bord. Elle avait des cheveux bruns parmi lesquels des nattes faites de tissus étaient accrochées. Elle avait le regard dur et perçant, des cernes courant sous ses yeux bruns. Son visage était fin mais son expression actuelle ne laissait transparaître aucun charme.

    "Qu'est-ce que tu fais? C'est un minable mais on va pas le jeter comme ça..."

    Dans ces circonstances, le jeune écrivain acceptait volontiers qu'on se réfère à lui comme à un moins que rien. La jeune femme grogna et répondit par une vive invective à l'encontre de celui qui semblait être son supérieur. Néanmoins le ton qu'il avait employé suggérait une liberté de parole du fait de leur proximité.

    "On a déjà assez de bouches à nourrir et pas assez de vivres! On va pas garder ce pauvre paumé!"

    "Cette décision ne te revient pas, Amanda."

    C'était d'une intonation sèche et sans équivoque qu'avait parlé le troisième homme qui s'était manifesté. C'était un homme blond de grande stature, qui portait la barbe. Il était vêtu d'une redingote ouverte et laissant apparaître son torse et d'un pantalon de toile. Son visage était ferme et résolu. Il ne fallait à vrai dire pas grand chose de plus pour comprendre que c'était le capitaine de l'équipage. Thomas avait tourné les yeux vers lui car il était la seule personne qui pourrait le sauver ou le condamner. Il fit un signe à sa sous-fifre et elle lâcha le jeune écrivain qui s'écarta prestement du bord du navire. Il avait assez donné pour la journée. Il voulut s'approcher de son sac mais les forbans qui l'examinaient lui jetèrent des regards qui le dissuadèrent. Le capitaine s'approcha de lui et il s'immobilisa.

    "D'où est-ce que tu sors, gamin? Ta maman sait que tu as pris la mer au moins?"

    Les rires fusèrent alors que Thomas luttait pour garder son calme. S'il s'énervait, c'était la mort assurée, que ce fusse par le sabre ou la noyade. L'homme à la redingote bleu avait commencé à tourner autour de lui, avant de lui frapper dans les genoux pour le mettre au sol. Tombant sur ses jambes, l'écrivain ne bougea pas d'un poil.

    "Tu n'es pas très loquace, mon pauvre... Rigole un peu voyons!"

    Devant l'absence de réaction du chroniqueur, le forban se plaça devant lui et tira son sabre de son fourreau, avant de le porter sous la gorge du jeune homme qui commença à trembler malgré lui. Les pirates ne manquèrent pas de le remarquer et les invectives fusèrent, de même que les moqueries en tout genre. Elles cessèrent quand le pirate, appuyant le plat de sa lame contre le menton du jeune homme et lui faisant un signe de la main, invita Thomas à se relever, ce qu'il fit sans toutefois ouvrir la bouche. Il pensait qu'en ne parlant pas il montrait sa bravoure mais ce que voyaient là les flibustiers, c'était plus du mépris qu'autre chose. Le capitaine lui posa une dernière question, plus sensible.

    "Tu nous appelle à la rescousse depuis ton rafiot en perdition, tu es tout pressé de nous voir. Et quand nous t'accueillons, tu refuses même de nous adresser la parole. Tu es un indécis mais tu dois faire un choix, jeune homme."

    Il poussa le chroniqueur en appuyant l'estoc de son sabre sur le torse de sa victime, obligée de reculer jusque contre le bastingage pour n'être pas blessée. Les membres d'équipages regardaient la scène d'un œil amusé alors que l'écrivain buta contre la rambarde de bois qui le séparait de l'océan.

    "Préfères-tu donc vivre..."

    Il écarta sa lame comme une invitation à rejoindre les rangs des forbans avant de la plaquer avec insistance contre le sternum du jeune homme qui se courba au-dessus du bois, à la limite de la chute.

    "Ou mourir?"



    Dernière édition par Thomas Solomon le Mer 26 Avr 2017 - 13:05, édité 1 fois
      Enchaîné

      Thomas Solomon

      Appuyé contre le bois de la cale, Thomas s'occupait en faisant onduler les chaînes qui retenaient ses poignets. Il avait dû faire son choix et avait préféré s'abaisser à rejoindre ses ravisseurs plutôt que de mourir. Sa langue s'étant déliée, on lui avait même promis une place de matelot si il se comportait sagement attaché au fond du navire sans nourriture et avec un fond d'eau tout les jours. Les Chiens Fous ne portaient pas leur nom pour rien, le jeune chroniqueur pouvait en attester. Des bruits de pas se firent entendre et la jeune femme qui répondait au nom d'Amanda émergea de la pénombre. Elle ne portait rien dans ses mains aussi l'écrivain se doutait qu'elle était venu pour la conversation. Cela faisait deux jours qu'il n'avait pas vu quelqu'un, en dehors du moussaillon chargé de lui amener sa boisson quotidienne. A la simple lueur des flammes qui éclairaient l'endroit, la maîtresse de pont avait un air plus terrifiant encore qu'à l'ordinaire. Elle s'accouda contre la porte de la petite pièce où avait été enchaîné le jeune homme.

      "Je vois que tu tiens le coup. Encore heureux tu me diras..."

      "Est-ce que j'ai vraiment le choix?"

      "C'pas faux. Bon, je suis là pour te préparer à ton inclusion dans l'équipage. T'as marqué l'esprit du Capitaine toi... C'est vrai que la plupart chialent ou se chient dessus mais toi t'es resté stoïque devant toi. Soit t'es con, soit t'as des couilles."

      "J'espère que c'est le deuxième cas qui me concerne."

      Elle lâcha un sourire qui disparut néanmoins vite de son visage. Elle sortit un trousseau de clé de sa poche et le fit tourner autour de son poignet en fixant le chroniqueur. Elle semblait réfléchir à la manière d'aborder la suite de son interrogatoire.

      "Le hic, c'est qu'on a rien trouvé sur toi dans ton sac. Puis, ton surnom-là, Benjamin Levant, ça se voit que c'est du vent. Tu tromperas pas des pirates avec ce truc-là, et encore moins la Marine. Du coup c'est louche et on préfère savoir avec qui on travaille si tu vois ce que je veux dire."

      Thomas eut presque un hoquet en voyant que sa couverture avait été aussi facilement grillée. Il n'avait jamais pensé à cette option en réalité. Mais est-ce qu'il était prêt à donner sa véritable identité à des criminels? Cette pensée stagna quelques instants dans son esprit et il réalisa qu'après tout il était lui aussi un meurtrier. La jeune pirate plongea ses yeux dans les siens comme pour essayer de deviner d'elle même ce qu'il pouvait vouloir leur cacher. Puis elle se redressa et s'apprêta à partir. Elle lui jeta un dernier regard, assortis de ses dernières paroles.

      "Bon, prends ton temps. Si tu veux encore être nourri de flotte pendant deux jours, c'est ton choix. Appelle quand tu seras prêt à parler. Mais prends pas trente plombes, on est pas fameux pour notre patience."

      Elle laissa le jeune homme avec sa solitude, une fois de plus. Il se concentra sur cette question primordiale: devait-il cacher qui il était aux yeux de tous? Il était encore en vie malgré l'enlèvement dont il avait été la victime, mais il serait forcé de rejoindre l'équipage de ces purates pour conserver sa vie. Alirs devait-il se montrer honnête quand à son identité? Il n'avait aucun regret par rapport à l'acte qu'il avait pu comettre sur Logue Town. Le matricide restait néanmoins un acte réprouvé même par les pires ordures. Ne s'exposerait-il pas à une mort certaine en confessant la vérité? Car il ne pouvait délivrer son nom sans l'assortir de ses origines, de ce qui l'avait mené à croiser leur route au beau milieu de la mer. Il y réfléchît pendant de longues heures et la faim qui le tiraillait ne tarda pas à le pousser aux aveux.  

      "S'il y a quelqu'un dans le coin, je suis disposé à parler."

      Des bruits de pas qui gravissaient l'escalier menant au pont furent la seule répobse qu'il obtint. Il patienta quelques instants et il lui sembla enfin entendre quelqu'un qui descendait. Quelques secondes plus tard, en lieu et place de la jeune femme se trouvait le meneur de la bande, le capitaine John "Dog" Philips. Il fixait le jeune chroniqueur, n'attendant rien d'autre de sa part que des avoeux. Thomas commença à parler, même si sa gorge s'était serrée quand il avait aperçu son interlocuteur.

      "Je m'appelle Thomas Solomon et je viens de Logue Town. Si vous m'avez trouvé seul au milieu de nulle part, c'est parce que je n'ai pas les mains propres."

      Il s'interrompit et se força à soutenir le regard du forban qui attendait la deuxième partie de la phrase bien plus que la première. C'était essentiel d'avoir des hommes robustes, prêt à commettre des crimes, mais il ne fallait pas engager des malades mentaux capables de zigouiller les autres dans leur sommeil. Même si certains semblaient avoir fait de leurs équipages des regroupements de ce type d'individus. Thomas dégluttit alors que le Chien demandait la raison de sa fuite.

      "J'ai commis deux meurtres. Celui de ma mère et celui de l'homme à qui elle vendait son corps."

        La mort d'un homme...

        Thomas Solomon

        Un énième coup de poing s'abattit sur le nez du jeune chroniqueur qui peinait à garder ses yeux tuméfiés ouverts. Attaché contre le mat de misaine, l'équipage s'en donnait à cœur joie pour tabasser Thomas pendant que leur capitaine leur donnait un sermon. C'était le rituel, avait-il dit en traînant à sa suite le prisonnier pour le jeter en pâture à ses hommes. Il marchait à présent d'un bord à l'autre de son brick, énonçant les différentes règles que sa bannière imposaient à ses subordonnés, et en commençant par lui même. L'idée de forbans régis par de quelconques mesures semblait presque inimaginable pour le chroniqueur qui s'était toujours représenté les flibustiers comme hermétiques à une quelconque politique. Et pourtant, rares étaient les équipages anarchiques et inexistant ceux qui n'avaient pas de chef. Le chien fou, quand à lui, semblait parfaitement tenir son rôle et imposer le respect.

        "Que celui qui pille ne viole point, car sinon la mort viendra le cueillir. Dans le même ordre d'idées, les massacres font mauvaise image, alors évitons les si nous le pouvons."

        Une file s'était presque formée alors que chacun des écumeurs attendait de pouvoir donner un coup au jeune homme. Soudain, le capitaine s'interrompit et les forbans en firent de même, tous suspendus aux lèvres de celui qui les menait à travers les mers. Il fixa Thomas et sourît en déclamant ses derniers mots.

        "Tu étais coupable de matricide et la justice t'a rattrapé. Nous sommes cette justice, c'est ce que notre code nous dicte. Tu te dis sûrement que notre jugement était injuste, que nous t'avons meurtri sans te laisser argumenter sur les circonstances de ton crime. C'est vrai. Mais si la Marine avait mis ses griffes sur toi, le juge n'aurait pas hésité à te faire pendre, quelle que fusse ton excuse."

        Il s'approcha du jeune homme et le fit libérer. Thomas tomba sur ses genoux, incapable de tenir debout avec toute la douleur qui parcourait son corps. Il était d'ailleurs bien incapable de réfléchir et tout ce qu'il pouvait faire c'était écouter le chef des pirates s'adresser à lui. Ce dernier continua d'ailleurs.

        "On dirait que la providence nous sourit. Nous avons perdu quelques hommes dans un raid et nous n'avions presque plus de vivres et voilà que tu apparais. Maintenant, il te faut honorer ta dette où tu iras nourrir les poissons."

        Le jeune homme acquiesça non sans difficulté et on le fit amener dans un hamac pour qu'il se repose. Il ne tarda pas à s'endormir, le repos étant son seul allié en l'absence d'un médecin sur le navire. Sur le pont, John Philips tenait la barre en observant ses hommes s'affairer. Chacun d'entre eux était passés par la même épreuve que venait de subir le jeune chroniqueur. Cela permettait au Chien de maintenir son autorité sur son équipage et d'envoyer un message fort aux nouveaux venus: leur vie ne dépendait que de lui. Ils voguèrent pendant quelques jours et comme à son habitude, Amanda s'occupa de vérifier l'état de Thomas. Farouchement opposée à son entrée dans l'équipage, elle avait néanmoins apprécié la ténacité de l'écrivain pourtant en position de faiblesse. Les blessures de ce dernier, infligée par les dizaines de coups qu'il avait reçu, tardaient à guérir et elle s'étonnait presque de ne pas voir la cicatrisation commencer. Mais au fond, si le jeune homme venait à mourir, il représenterait toujours une bouche de moins à nourrir.

          La naissance d'un pirate

          Thomas Solomon

          Une brise fraîche donna un frisson au jeune homme qui inspectait l'artillerie montée sur le pont, sous le regard attentif de Korb qui lui avait montré le fonctionnement des canons de bord. Il jeta un coup d’œil au dernier fût et dénicha les résidus de poudres qui s'accumulaient à l'intérieur avant de le couvrir d'une bâche pour éviter que l'eau ne s'infiltre à l'intérieur. On lui avait assigné ce poste dès qu'il avait pu se remettre de ses blessures. Cela faisait maintenant près d'une semaine qu'il avait intégré l'équipage des Chiens Fous et il s'était acclimaté à la vie à bord d'un navire forban. Il avait contenu sa colère pendant les premiers jours mais elle s'était rapidement évacuée. Il avait eu le temps de repenser à ce qui l'avait quitter son foyer de Logue Town. Il avait tué sa mère là-bas, pour la tirer d'une vie misérable dont il ne pouvait l'extraire autrement. Il n'avait à vrai dire aucun regret sur son acte, sinon celui d'avoir dû vivre une vie pareille. Le traitement que ses camarades lui avaient réservé était pleinement mérité, du moins était-ce ce que le jeune chroniqueur pouvait penser. Il fut tiré de ses ruminations par son supérieur qui lui donna une claque sur le crâne pour le ramener à la réalité.

          "Hé, tu m'écoutes quand j'te cause?!"

          "Désolé Korb, j'étais dans mes pensées..."

          "Tes pensées, garde-toi les, conseil d'ami. On a pas besoin d'un gars dans la lune sur un navire. Maintenant, fous le camp, t'es libre."

          "Compris Korb"

          Thomas put entendre le vieux loup de mer jurer derrière lui mais il ne lui donna pas l'occasion de lui coller une deuxième baffe et il se dirigea fissa vers son hamac. Il avait une place en hauteur, au milieu du pont. C'était l'un des endroits les plus chauds et c'était généralement là qu'on mettait les recrues les plus récentes. Le jeune homme se hissa sur le filet de pêche qui lui servait de couche et il tira son journal de son sac. Il n'avait plus eu l'occasion d'écrire depuis qu'il avait commencé son "service" et il ne pensait plus qu'à ça depuis quelques jours. Ouvrant le livre et se saisissant d'un stylo, il se mit à l'ouvrage.

          "Cela fait près d'une semaine que le naufrage précipité de ma barque m'a emmené à être capturé puis intégré par un équipage de pirates. On ne peut pas vraiment dire que le début du séjour fut agréable. Emprisonné avant d'être tabassé par l'intégralité des hommes, j'ai bien cru que j'allais y passer. J'ai encore le goût amer de la raclée que je me suis pris. Mais de ce que j'ai compris, chacun des hommes à bord est passé par ce rituel. C'est comme ça que le capitaine Philips maintient son autorité. C'est un homme intransigeant et qui a fixé des règles que les matelots se doivent de respecter sans quoi ils sont jetés à l'eau ou foudroyés par la poudre. L'équité et la juste répartition des richesses est de mise, ainsi que la proscription des violences gratuites. Les hommes semblent pourtant s'en accommoder. Si l'on descend dans la hiérarchie, on rencontre Loiseau, le second du Chien. Je n'ai pas eu l'occasion de trop cerner le personnage mais il semble calculateur, bien moins droit que son capitaine. Après, c'est Amanda qui vient compléter le trio de tête. Elle gère le pont, c'est le quartier maître en quelque sorte. Une femme implacable et déterminée. Elle a failli me jeter par dessus bord en voyant que je n'avais rien de précieux sur moi le premier jour. Mais c'est elle qui a assuré mon rétablissement par la suite. Je ne pense pas qu'elle ait mauvais fond."

          Alors qu'il continuait d'écrire, des cris se firent entendre sur le pont et il ferma l'ouvrage avant de monter au plus vite. Arrivé au niveau des batteries qui se trouvaient en dessous du plancher supérieur, il croisa Korb qui l'appela et lui assigna un canon. Le jeune chroniqueur se plaça et assez rapidement, Amanda fit son apparition, son sabre tiré et un air féroce sur le visage. Thomas s'apprêtait à mener son premier véritable combat.

          "Préparez-vous, des mouettes arrivent."