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Pour l'impératrice

Ils avaient à peine quitté la cité rouge depuis quelques minutes qu’il se mit à pleuvoir. Le ciel s’obscurcit, on aurait cru que la nuit était déjà là. De mauvais augure plus les plus superstitieux du groupe. Les augures, les pressentiments et j’en passe avait tous l’air mauvais, mais ils ne pouvaient s’y attarder. Ils avaient une mission à remplir. Mission que Yuki avait eu tellement de mal à accepter que maintenant, il s’était presque auto endoctriné pour y croire. Il ne faiblirait devant aucun obstacle. Ni le vent, ni la pluie ne les arrêteraient.

Alors qu’ils avaient fait un détour par un bosquet pour y trouver un peu répit. Ils découvrirent le spectacle de la place du Dragon, un promontoire naturel vertigineux. Son sommet était caché dans les nuages noires, qui dissimulait un immense palais ? A ses pieds une foule en colère qui faisait le siège. De temps à autre un projectile enflammé était visible. Ceux tirer par la révolution et le peuple soulevé n’atteignait pas le haut de la falaise. Alors que ceux de l’armée de l’impératrice faisait mouche et gardait l’unique accès farouchement. Il leur fallait un plan pour déloger l’impératrice. La confrontation directe était veine apparemment. Ils savaient que la révolution avait un plan, mais le convoi avait échoué. Avaient-ils un plan B, un plan C. Ils devaient mettre au point leur plan pour s’infiltrer.

« Alors qu’est-ce qu’on fait ? »
« Je ne sais pas. J’avoue que je ne pensais pas que la situation serait bloquée à ce point. »
« Le problème, c’est qu’on ne peut pas le canarder d’en bas, alors qu’eux pas de soucis. »
« Oui, c’est pour ça que le convois devait amener des canon capable de les déloger. »
« On devrait se rapprocher discrètement et escalader le mur. Apparemment, les marines l’ont bien fait pour arriver ici. »
« Oui, mais on se fera repérer avant d’avoir atteint le pied du promontoire. »

« Si on pouvait se propulser jusqu’en haut, le tour serait joué ? »
« Oui, mais ce n’est pas possible. »

« C’est possible, mais pas avec les canons dont on dispose. Sur Bulgemore le canon est capable de vous envoyer sur l’ile d’à côté. Malheureusement on n’a rien de ce genre sous la main… »

« Qu’est-ce qu’on fait, je propose de tenter l’infiltration malgré tout. »

« … Cependant, un engin plus ancien permettrait de les atteindre. Si je construis un trébuchet et qu’on a le vent dans le dos on devrait pouvoir atteindre la place du Dragon. »
« Tu es sûr de toi ? »
« Oui. Enfin, je crois. Je te le dirai quand je verrai la tête de notre trébuchet. Seulement il faudrait se rapprocher encore une peu.
Là ! Il y a un bosquet avec des arbres assez gros pour la construction à 500m au Sud-Ouest de la cible. Le gros de troupe semble positionné à l’Est. On sera dans leur angle mort ou presque. »


Pour l'impératrice 229f206b0ad68563dc50c5d95741feb2Pour l'impératrice Kuroko.no.Basuke.600.1903798 Pour l'impératrice Steamp10
"C'est en forgeant que l'on devient forgeron, c'est en voyageant que l'on se forge un nom"


Dernière édition par Yukikurai le Dim 7 Mai 2017 - 20:54, édité 1 fois
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-Vous êtes sûûûûre de vouloir faire ça ?
-Je… oui.
-Parce que bon, vous n’avez pas du tout besoin d’y aller, vous.

Elle hésitait, maintenant. Elle se sentait complètement débile, en fait.

Pour le coup, Evangeline était sensiblement moins à l’aise – et sensiblement moins digne qu’à ses habitudes. Ma miss avait troqué ses éternelles robes vieille école (qu’elle portait à merveille, hein) pour un ensemble qui lui permettrait de courir et de crapahuter beaucoup plus facilement. Ils en auraient besoin... enfin, pas trop j’espère. Autre point, elle était harnachée à un homme qu’elle ne connaissait pas et ne se sentait pas franchement à l’aise dans cette situation. Littéralement harnachée, je veux dire. Quatre sangles la reliaient au soldat collé dans dos. Il y avait aussi le fait qu’elle était allongée à plat ventre, de biais dans un large tube sombre qui était évidemment une splendide pièce d’artillerie pointant droit vers le nord-ouest de l’île. Un gros canon à bulles du navire de CAPSLOCK, quoi. Jusque-là utilisé par ses forces spéciales – des commandos parachutistes – pour leurs interventions. Aujourd’hui par contre, il était utilisé par notre équipe Luvneel&Co pour balancer des journalistes de terrain sur les quatre coins de l’île, en complément des D.R.O.N.E. aériens qui se baladaient partout au dessus.

Et quand je relis cette phrase, putain mais on déchire, quoi.

Ils devaient être huit. Un journaliste, une cameraman, un technicien, Haylor, ainsi que les quatre ex-militaires qui se chargeraient de leur atterrissage… et de leur sécurité une fois débarqués. Mais comme l’avait dit l’opérateur d’artillerie, Eva n’avait pas la moindre raison de prendre part à cette intervention, elle.

D’ailleurs, plus elle y réfléchissait, surtout maintenant qu’elle était dans le canon… plus elle avait la trouille, mwarharh. Elle ne voulait plus faire ça. Rentrer dans un canon. Elle se sentait débile, et commençait à être convaincue qu’elle allait mourir. Bien sûr que non, sinon je l’aurais pas laissée faire, voyons. On peut faire confiance à CAPSLOCK, quand même. Mais même comme ça, elle cogitait à fond.

-Alleeeez. Nous n’avons pas eu d’accidents depuis… euh, combien de temps, déj... des années, vous savez ? Nous gérons bien notre truc.
-Je n'en doute pas... je crois. Ca va juste exploser, mais tout ira très bien, 'videmment.
-Ouaaaais. Ou alors, si vous voulez descendre, c’est maintenant ou jamais. On ne se moquera pas, hein.
-Pffffrhrhrh…

Ricanement pertinent, qui venait de quelqu’un d’autre. L’ex-soldat harnaché à son dos, un dénommé Shura, était globalement mort de rire face à la déconvenue grandissante qui gangrenait sa protégée. Au début, il avait très professionnellement essayé de la rassurer, en lui expliquant tout ce qu’il y avait à savoir, ce qu’ils allaient faire à chaque étape, les consignes de sécurité à respecter, comment lui verrait à leur bon vol, et en ponctuant le tout des paroles réconfortantes qu’il avait l’habitude de prodiguer. Mais ensuite ? Voyant que ça ne servait à rien, il s’était rabattu sur sa solution préférée : détendre l’atmosphère et s’amuser à peu de frais en racontant toutes les horreurs qui lui passaient par la tête. Très réglo comme manip’, moi j’aurais rigolé. Manque de bol, l’avait pas le bon public, pour ça.

-Si vous voulez encore descendre… on ne se moquera pas, hein. Chochotte. C’est clair que finir en purée de bouillabaisse c’est pas ce qu’il y a de plus sexy pour une jeune femme comme vous. Je dis pas que y’a un risque au décollage, on a jamais eu personne qui s’est fait carboniser par le canon à bulles. Et en plein vol, ben… y’a bien une fois où on a eu un peu de mal en croisant des saloperies dans les airs – des genres de canards géants à collerettes rouges – mais globalement pas de problème. A partir ces histoires de pression atmosphériques qui vous démolissent les oreilles, vous donnent envie de gerber, et on a déjà eu des gens qui se sont faits dessus à cause de…
-Shura ?
-Ouuaaaais ?
-Si je décide de descendre, vous descendrez aussi. Et je crois que je vais vous tuer.
-Rhahaha. Naaaaan. Vous tremblez trop pour ça, j’aurais le temps de prendre la fuite, de vous foutre à la mer ou de vous rire à la figure et ça fera l’affaire.
-Mmmmmmnnnnngh…..

Pour preuve qu’elle se sentait vraiment pas bien, moi j’aurais fait une blague de ce genre elle m’aurait ligoté à mi-chemin pour m’étouffer en me faisant avaler mes pompes. ‘Fin elle se permet un peu plus de trucs avec moi qu’avec le reste du monde, haha.

Elle voulait déjà vomir, et avait eu quelques bouffées de nausées presque limites. Une chouette haleine en conséquence. Mais elle irait jusqu’au bout, elle était trop têtue. Ce qui l’avait menée ici, c’était juste sa curiosité. Voir avec nous tout ce qui se passait dans le pays depuis un studio de diffusion et être aux premières loges pour l’annoncer en live au monde entier, c’était vraiment impressionnant et on avait vraiment fait fort, j’étais blindé de fierté sur ce coup. Manque de bol, la miss était sensiblement plus empathique que moi et on avait beau tourner le tableau en dérision, y’avait énormément de trucs franchement horribles, complètement dégueulasses et juste à pleurer qui se passaient sur Nanokutruk. J’avais beau lui avoir dit que non, on ne pouvait rien faire et que jouer aux héros c’était juste vraiment méga dangereux pour nous et franchement inutile pour quoi que ce soit des évènements, elle ruminait ses trucs.

Heureusement, ç’avait pas été dur de la convaincre qu’on ne pouvait rien faire.

Déjà, on pouvait pas vraiment prendre parti pour la marine ou la révo dans cette histoire, parce que la marine en tant qu’institution agissait comme un putain de conquérant qui venait bouffer encore plus fort dans un pays qui était déjà dans le GM (j’ai toujours pas pigé ce qu’une impératrice-CP foutait dans cette histoire mais ça puait le pas net), et ses soldats étaient juste des bourrins en mode bloodlust fanatisée qui cherchaient à accumuler les frags sur les révos en mode croisé de l’idéologie GM.

Et en face de ça, forcément, z’aviez les révos qui venaient de faire une merde telle que j’étais vraiment dégouté d’en avoir aussi par chez nous. Parce que pour foutre en l’air toute la stabilité d’un pays pro-GM et faire en sorte par je sais quelle manip’ qu’une énorme portion de la population se soulève avec les fourches et les flambeaux pour forcer la main à la marine pour qu’ensuite eux puissent se pointer…
Le tout servi par des agents et toute une ribambelle de combattants qui n’étaient vraiment qu’une putain de bande de blaireaux lobotomisés à qui on assignait des tâches et qui les accomplissaient avec un gros « révooooooooooo » en lettres kikoolol néon flash dans le cerveau. S’ils avaient vraiment la moindre conscience de ce qui était bien ou pas bien pour les gens, ils auraient jamais rien fait de tout ça. En tant qu’individus ou que méga-orga-de-la-mort. Ce sont juste des baltringues complètement paumés qui pigent même pas ce qu’on leur fait faire.

Parfois, j’m’amuse à dire qu’on devrait remplacer le monde par une arène PvP où les révos et la marine se taperaient dessus, ça reviendrait au même sauf qu’ils feraient chier personne d’autre dans la foulée. Ben là c’est un peu ça, parce qu’à part venir se taper dessus je vois pas trop ce qu’ils viennent faire dans leur logique. Libérer un peuple… qui était déjà libre. Chapeau les mecs, /applause.

Enfin je dis ça mais même les habitants de Nanokutruk eux-mêmes ont fait des machins tellement lourdingues dans cette affaire que j’en suis presque à me dire qu’ils méritent leur bordel. Quand toute l’histoire commence avec une guerre civile on peut pas faire autre chose d’autre que se caler un gros facepalm en attendant de voir jusqu’à quel point ça va être désolant.

Perso, heureusement que je rigole beaucoup et que j’arrive à faire rire beaucoup de monde et que j’adore faire ça, parce que sinon je serai déprimé devant ce truc à me dire que ça va forcément se reproduire ailleurs parce que c’était forcément pas la première fois que ça arrivait.

Mais Haylor, par contre… mettons qu’elle tenait plus en place et qu’elle avait envie de voir d’elle-même ce qui allait se passer. Ou qu’elle voulait se rendre utile, d’une manière ou d’une autre. Reste juste que je pige pas pourquoi de tous les endroits où elle pouvait vouloir être, c’était la place du dragon qu’elle avait choisi de rejoindre. Le siège de l’impératrice. Ce qui devait typiquement être le coin où y’avait zéro marge de manœuvre pour… rien faire du tout, quoi. Des milliers de personnes. Une centaine de milliers de personnes. C'était ce que l'on approximait quand on essayait de chiffrer la foule de contestataires qui faisait le siège de l'endroit. Rien que ça.

M’enfin. Pourquoi pas, hein ? Même pas peur, c’est ma super sorcière et elle prendra soin d'elle. Comme moi, elle a pas spécialement envie d'une mort prématurée, ça serait franchement dommage de mettre fin à tout ça vu comment on est biens.

Elle avait été chouette, en plus. Elle m’avait consulté. Ce à quoi je n’avais pas pu m’empêcher de répondre avec mon degré de pertinence habituel :

« Beeeen… j’arrive toujours pas à décider si je vous préfère en robe ou en pantalon, vous. D’un côté les robes ça vous va toujours super bien, vous avez trop la classe et puis c’est vraiment vous et votre genre, donc forcément chuis méga fan et j'applaudis. De l’autre le fait de vous voir jamais en pantalon et comme j’adore vos jambes et le reste c’est vachement agréable aussi. Du coup euh… »

C’était de sa faute, elle était déjà en tenue quand elle est venue me voir, eh. Et puis j’adore quand elle me jette des regards noirs en s’efforçant de ne pas sourire. Et puis…



Et puis…



Et puis…



Putain, j’espère vraiment qu’elle fera pas de conneries. Je l'ai prévenue, et elle sait, mais quand même...


Dernière édition par Sigurd Dogaku le Mar 5 Sep 2017 - 15:48, édité 3 fois
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« Voyage en homme-canon ».

Peut-être un brin cheaté mais eh, de une CAPSLOCK avait déjà montré ce que ça valait sur Panpeeter (et c’était dans Santamarines Assemble pour ceux qui… aaaaaw, aucune idée de pourquoi j’essaie encore de vendre ça depuis le temps), de deux au moins on traverse pas la map en trente minutes et quelques paragraphes par que c’est trop indigne. Enfin si mais… justement… euh… c'est justifié, à sens unique, et qu'une seule fois, et... oubliez, j’ai rien dit ça comptera pour du beurre.

Dans tous les cas, je crois qu’Haylor voudra plus jamais voyager en canon de toute manière. Ca a dû durer une bonne dizaine de minutes, pendant lesquelles elle s’est tour à tour mise à hurler, vomir, pleurer et faire une dépression. Genre huit fois d’affilées.

Non pas que j’aie spécialement envie de me moquer. La seule fois où moi j’ai fait un truc du genre, c’était pendant notre balade sur un tapis volant pour aller sur Weatheria. J’avais tellement la flippe –on était à un truc genre deux cent cinquante mètres au-dessus de la mer sur le finish- que j’étais en position foetale à me planquer sous sa robe tellement j’avais la trouille.

Pour elle, ç’a été beaucoup mieux quand le parachute s’est ouvert. Fini de se faire secouer comme un sac de patates perdu dans une machine à laver, même si le vent restait sacrément violent à une hauteur pareille. Ne restait plus qu’à attendre jusqu’à rejoindre le sol. Maintenant, elle pouvait observer tout autour le panorama dantesque qui s’offrait à elle. Toute l’île sur une vue aérienne. La muraille de Jing qui en faisait le tour, et chacune des villes et villages déjà vus sur la carte. En dessous d’eux, la Place du Dragon, l'édifice impérial qui l’encadrait, et les dizaines de milliers de contestataires qui en faisaient le siège. Rien ne lui échappait. Rien ne la rassurait, 'ccessoirement.

Elle reprit des couleurs en silence, profitant des longues minutes de leur descente pour reprendre ses esprits, pendant que son binôme était lui-même occupé à détailler du regard le spectacle… et la situation ci-dessous.

Et puis, ensuite, Shura lui a fait plusieurs signes. Il essaya de crier, mais elle n’entendit rien. Elle comprit tout de même ce qu’il lui demandait. C’était l’heure de se poser… dans les airs.

Ils avaient prévu ce coup avant de partir, pour se laisser des options.

Et le résultat était digne de la team Dogaku, forcément.

Prenez-moi un parachutiste et une sorcière capable de jouer aux lego avec des nuages, et vous finirez avec un grand nuage plat suspendu à deux cent mètres au-dessus du sol capable d’accueillir les huit parachutistes de l’extrême qu'on venait d'envoyer.

L’idée leur était venue sur un coup de tête, pendant qu’ils végétaient dans leur canon à attendre de partir. Le parachute ralentissait considérablement leur chute, et elle avait ses coquillages. Et même si elle ne l’avait jamais fait à cette altitude, elle s’y connaissait pas mal, en bizarchitecture nuageuse. Milky dials, pour ceux qui ont besoin de la VO. Alors elle s’est coordonnée avec Shura pendant que les autres, prévenus avant le décollage, ralentissaient leur descente au maximum, à plusieurs centaines de mètres au-dessus. Lui manœuvra leur parachute –enfin, plutôt leur parapente vu la forme de l’aile- pour réduire leur vitesse de chute. Et elle diffusa ses nuages pour les agencer en zone pour se poser… pile au-dessus du sol et de la place du Dragon.

-Oh putain de… je sais bien qu’on avait prévu de le faire, mais… ça a VRAIMENT MARCHE ??

Pour sa pomme, Shura était pris d’une terrible sensation de malaise vertigineux depuis son promontoire de coton duveteux. Il était globalement dans le même état qu’Haylor l’était à l’idée de se faire propulser en canon – lui, c’était de marcher sur un nuage. Ce qui le faisait doucement ricaner d’ironie, parce qu’il avait deux ans de commando-parachutisme sous le coude et qu’il avait parfaitement l’habitude de se faire balancer aussi haut aussi loin depuis des lustres. A chaque fois, c’était une manip’ qui mettait son corps à rude épreuve, mais il s’était habitué. Il avait surtout appris à rester concentrer et à conserver tous ses sens même en étant baltringué dans les airs.

Mais là, c’était encore autre chose. Se retrouver sur une énorme plateforme de nuages magiques, qui lui donnaient l’horrible impression de pouvoir céder sous son poids à n’importe quel moment, il ne connaissait pas.

Les autres ne tardèrent pas à les rejoindre. Ils n’avaient rien compris quand Shura leur avait expliqué l’idiotie qu’ils allaient essayer. Leurs cerveaux n’avaient pas vraiment accepté ce qu’on leur disait. Et même les voir s’arrêter complètement au beau milieu de vide alors qu’il restait beaucoup de temps avant de toucher le sol, ça ne passait pas très bien. En tout cas, les trois autres binômes décidèrent et parvinrent à se poser avec eux, même si c’était casse-gueule.

Et maintenant, ils étaient tous les huit. Il faisait super froid, au moins aussi venteux, et tout aussi bruyant. Les journalistes étaient particulièrement ballotés pour le trajet, les parachutistes sacrément déconcertés même s’ils s’adaptaient très vite à leur nouveau point de décollage, et Eva se retenait de vomir le peu qu’elle n’avait pas déjà régurgité pendant son vol plané.

Nous, dans le studio, on avait du mal à croire qu’ils avaient réussi à faire un truc pareil. C’était un peu le même genre de réaction qu’avaient les ingénieurs et techniciens de la NASA quand ils supervisaient une opération d’atterrissage à l’arrache quand… oups, pas la bonne référence, mes excuses.

-Okaaaaay. Vous allez bien ?, demandais-je aux parachutistes de l’extrême au travers d’un Denden.
-A*S*L*M*N* P*S.
-Euh… on vous entend super mal.
-C’*S* H*R*I*L* L* H*U* !!!
-Putain, ça va vraiment pas le faire en fait. Gravelor ?

Gravelor Boboriboum, à qui je m’adressais. Le gars qui, parmi les organisateurs de l’opération couverture médiatique de Nanokutruk, s’y connaissait le plus en matière de matériel de diffusion. Le gars à la tête de Boboriboum Business, la chaîne d’informations qu’on venait de créer pour l’event. Il était avec moi dans le studio, avec beaucoup d’autres déjà mentionnés dans l’autre sujet.

-Vu la hauteur à laquelle ils sont, on ne les entend pas à cause du vent, expliqua-t-il. Mais eux nous entendent.
-Z’en êtes sûr ?
-Si les D.R.O.N.E. fonctionnent d’aussi haut, les Denden marchent aussi. Ils ont des oreillettes et ils peuvent nous entendre. C’est leurs voix qui ne passent pas.
-JE CONFIRME, renchéri CAPSLOCK. SANS MATERIEL DE POINTE, ILS N’ONT PAS MOYEN DE SE FAIRE ENTENDRE, ET ILS N’EN N’ONT PAS PRIS.

CAPSLOCK. Le gars à partir de qui on a lancé tout ça. Les canons à bulles, les D.R.O.N.E., les parachutistes, c’était essentiellement de lui. Et de moi, mais c’est une autre histoire. Aussi je repris à l’adresse de nos parachutistes :

-Euh… ouais. Bon. Bah je préviens, je fais comme on a prévu et j’espère que comme on a prévu, vous pouvez nous entendre. Donc je fais notre annonce et… on verra ce qui se passe. Attendez le signal.


Dernière édition par Sigurd Dogaku le Mar 5 Sep 2017 - 15:55, édité 1 fois
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Sur Boboriboum TV, l’épisode du moment était consacré à Rita Rentowel, fer de lance de notre team reporters sur Nanokutruk, aux premières loges pour faire le bilan de ce que la situation de l’île avait pu causer au sein de la Baie de Jing, plus grande cité de l’Empire. Avec le blocus de l’île, les brutalités exercées par l’armée dans la recherche de l’empereur, la bataille qui avait opposé la marine et la révolution depuis le large jusqu’au littoral du pays, le soulèvement populaire et l'interruption brutale des activités civiles et administratives, ils avaient pris très cher et s'en infligeaient encore pire. Ca valait largement le coup de mettre quelqu’un sur l’affaire –et pas n’importe qui, Rita était très forte- et de lui donner un créneau conséquent pour traiter son sujet.

Manque de bol… eh ben j’allais lui piquer sa place le temps de quelques minutes. J’avais un truc à faire, et ça devait se faire et en live et tout de suite.

Dogaku, de retour à l'antenne.


-Eeeeeeet… rebonjour à tous ! A nouveau,  nous interrompons notre programme pour une annonce spéciale directement adressée… à madame Wu Quang ! Que pas grand monde hors Nanokutruk doit pouvoir reconnaître sous ce nom, paradoxalement. Donc je vais préciser : cette annonce est destinée à madame Wu Quang, IMPERATRICE DE KANOKUNI. Et j’le prononce bien pour cette fois seulement, ‘ttention. Je tente cette annonce en espérant vraiment que vous nous faîtes le plaisir de nous écouter, mais vu qu’on doit être la meilleure source d’info omnisciente au sujet de tout ce qui se passe sur l’île et qu’on a dépassé les 50% de parts d’audience au niveau mondial, ça doit être raisonnable de penser que vous êtes là.

Et encore, ce que je disais là, c’était aux dernières stats de Gravelor qui dataient d’un moment. Il les gardait pour lui en se contentant de nous montrer les pépites de joie qui étincelaient dans ses yeux quand on lui demandait des détails. En sachant que la retransmission en direct par Rita du combat Fenyang-Auditore avait bumpé les stats d’un gros coup de sursaut. Les replays et le commentaire par derrière aidaient bien, forcément. Ca le faisait, pas de soucis.

-Dans le cas contraire, je vais attendre deux-trois minutes pour qu’un de vos hommes vous avertisse ou que quelqu’un ait la bonne idée d’ENREGISTRER CE MESSAGE des fois que vous soyez occupée à autre chose. Nan, c'est pas une suggestion, voyons. Tentative d’assassinat en avance que vous êtes occupée à déjouer, passage aux toilettes impromptu et j’m’y prends vraiment mal en timing, plan génial à finaliser auprès de vos ministres pour que tout redevienne pour le mieux dans le meilleur des empires, que sais-je.

Pourquoi j’raconte toutes ces conneries ? Avouez que ça serait énorme d’avoir une impératrice assise sur un trône de céramique (les toilettes, je veux dire) et toute son attention rivée sur un Denden pendant que je parle, serviteurs à l'appui. Rien que pour ça, je fais le gag.

-Et doooonc… eh bah… bonjour. J’imagine que vous avez un petit peu entendu parler de nous… z’avez dû nous entendre et nous voir en tout cas, ou alors ch’rais vexé… en tout cas, nous on a beaucoup entendu parler de vous, tout le monde vous court après. Mais par contre, on se disait que ce qui était vraiment bizarre, c’était que nous et tout le monde, on ne vous voyait et ne vous entendait pas. Et c’est n’importe quoi, j’trouve. Les marines et les révos se gênent pas pour s’afficher, étaler leur puissance, se présenter comme la solution à une crise qu’ils ont contribué à enflammer mutuellement pour se foutre joyeusement sur la gueule et aussi pour se foutre de la gueule de tout le monde… pour changer. Mais et vous, dans c’t’histoire ? Et l’empereur ? Les régents réguliers du pays ? Et les gens du pays, d’ailleurs. Tout le monde vous ignore ? J’ai trouvé vachement bizarre tout du long qu’absolument aucun membre du gouvernement de l’empire n’ait le moindre rôle actif dans le dénouement de la crise.

C’est vrai, quoi. Normalement, Des gens du coin devraient réagir et monter au créneau et calmer tout ce bordel. Ils feraient ça sur Luvneel… enfin, ils oseraient essayer de faire ça sur Luvneel… mais on serait des centaines à exhorter tout le monde à nous foutre la paix et à la jouer mollo et à botter des culs pour pas avoir de prob’, quoi ! L’truc ici, c’est trop dingue. Mais d’un autre côté, le bordel avait été bien préparé.

-Parce que bon, si je réfléchis à voix haute. En très gros, l’empereur qui a été mis complètement hors concours d’entrée de jeu, ça schlingue fort le complot. Vous qui vous retrouvez calfeutrée dans une tour d’ivoire assiégée, et pas un seul de vos ministres se retrouve en position de parler, c’est pas vraiment plus clean. Vous êtes que des objectifs à capper, pas des acteurs de quoi que ce soit. D’un regard extérieur, on pourrait penser que tout ça c’est votre faute et qu’il faut donc s’attendre à ce que vous soyez complètement dépassés, que vous faîtes que de la merde et que faudrait plutôt se tourner vers une autre figure politique du pays, genre le haut prêtre des Zenhilistes pour avoir un avis raisonnable sur le pays mais… d’un côté s’pas une mauvaise idée et on devrait probablement lui demander de s‘exprimer aussi, ouais.

Mémo perso : faire canonner une autre équipe de journalistes sur le temple du Petit Pétale de Rose. Titre du plus grand leader culturel et religieux de l’île. Petit Pétale de Rose. Mwarharharh, crô mignon. Me demande s’il nous reste des équipes de reporters de dispos, tiens.

Enfin, je disais ça, mais j'ignorais que mes collègues ne m'avaient pas attendu pour avoir cette idée. j'ignorais également que l'équipe dépéchée sur place avait... d'autres problèmes. A ne pas traiter ici.

-De l’autre, on aimerait quand même avoir votre point de vue sur tout ça vu que vous êtes les incontournables qui avez été violemment mis à l’écart de la scène au prix de gros efforts. Pis vu que le prêtre a mis le feu aux poudres en incitant tout le monde à paver le chemin pour la révo, j’peux pas commencer là, ça serait trop violent. Après, vous avez aussi bien lancé les choses en mettant l’armée en mode brutalozord à retourner le pays pour retrouver l’empereur, mais… allez hop, je suis convaincu que ça vaut le coup de vous offrir une tribune avec des gens installés bien en face pour que vous expliquiez. Ca m’intéresse vraiment, ça intéresse tout le monde, et ça pourrait même être très bien pour vous. Alors voilà ce que je vous propose de faire. Notre équipe de journalistes se trouve… juste au-dessus de vous. Sur un nuage. Ils volent pas comme nos drones, mais pour l’coup c’est pas loin. Vous voyez le grand ballon de baudruche vert qui flotte dans le vent ?

Heureusement que des commandos parachutistes c'est pas inaperçu de base, et que des commandos parachutistes qui se posent en plein air et laissent pendouiller leurs parapentes le temps de la pause-négo, ça devient franchement suspect dans un champ de vision habituel.

Heureusement aussi que c'était pas le premier truc complètement impossible qu'on faisait et que les vingt précédents aidaient à faire passer celui là, forcément.

-Ils sont sur l’nuage à côté. Et ils attendent que votre autorisation pour descendre en parachute jusqu’à la place du dragon. Du coup, pour la proposition, eh ben… je dirais que si vous acceptez de les rencontrer, vous pouvez enoyer un signal très voyant genre tirer des feux d’artifices –pas sur eux de préférence- ou dérouler un énorme tapis rouge dans la cour centrale, ça peut être chouette. Au contraire si ça vous intéresse pas, ça serait très sympa d’envoyer une réponse négative pour qu’ils aient pas à poireauter trop longtemps dans le vide. Dans ce cas, ils sauteront là aussi de leur nuage mais pour atterir à l’écart de tout ça. Je propose de tendre un énorme drap noir ou… nan, s’trop cliché le noir, faîtes ça avec du vert si z’avez. Ou dans l’genre.

Ouais, on pourrait me reprocher d’avoir l’éloquence d’un sac poubelle et de faire autant d’efforts qu’un pochtron pour relever le niveau. D’un autre côté, à force de, j’ai remarqué que faire les choses franco, ça me convenait très bien.

-Donc voilà. Faîtes vraiment à votre sauce, on comprendrait très bien que vous ne souhaitiez pas introduire de parfaits inconnus trop bizarres auprès de vous, encore moins vous plier à des exercices de style vu la merde alentour, et ça serait tout à fait normal que l’on soit beaucoup trop pas sérieux pour que vous nous suiviez. Et... mes excuses pour le manque de cérémonial dans mon discours compte tenu de ce qu'on pourrait attendre quand on s'adresse à une impératrice, mais j'ai jamais été bon pour ces trucs et... c'est vraiment trop pompeux, zut. Donc du coup… j’dirais bien bonne soirée mais ç’a l’air mal parti. J’rends l’antenne en tout cas. A… tout de suite, tiens.

Pas besoin de faux suspense à deux balles. Je lui ai dit à tout de suite parce qu’une grosse palanquée de draps rouges avaient été suspendus à une bonne frange des façades des fenêtres de la façade principale. C’était pas le tapis rouge, mais ça ferait l’affaire…en tout cas, visuellement ça le faisait super bien, vu des mouettes.

Mwarharharh. Si j’m’attendais à ça…

Ca se passe encore mieux que prévu, putain.

-Okaaaaaay, adressais-je cette fois-ci à nos parachutistes. Autorisation d’atterrir accordée, vous pouvez y aller. A vous de jouer, c’est fini pour ma pomme.
-V*U* E*E* S*R ?
-Euh… rien compris.
-B*N O*B*I*Z.
-Aw.


Dernière édition par Sigurd Dogaku le Mar 5 Sep 2017 - 16:00, édité 1 fois
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    Bon, c’est pas fameux, hein. Le temple, c’est bon. Le convoi, c’est pas bon. Rafaelo, j’sais pas où il est, c’est pas bon non plus. Hua Wei est en place, le temps est à « nous », Alejandro reste sur place encore quelques temps pour veiller à ce que tout se passe pour le mieux. De mon côté, plus rien me retient ici, je sens que le vent souhaite m’emmener ailleurs, vers un autre front : la Place du Dragon.

    Le couplet final se jouera certainement là-bas. Bizarrement, ça me donne envie de jouer quelques morceaux, de réaliser un concert de violonistes. Que dis-je ? C’est certainement la guerre totale là-bas. Est-ce qu’il existe une parcelle de cette foutue île épargnée par les sanglantes batailles ? Mettons-y un terme le plus rapidement possible. Les dommages collatéraux deviennent bien trop importants. La bataille pour la protection du convoi fut déjà bien trop violente.

    D’après les plans de l’île, un chemin nous mène direction sur cette prestigieuse place, en passant non loin des dunes de Yang. Ça fait un peu de route pour le peu de temps qu’il nous reste. Je demande à mes deux touristes de ne prendre que ce dont ils ont besoin, mais il semblerait que ça ne se limite qu’à son fusil pour l’un, et pour son épée pour l’autre. De sacrés phénomènes que je me coltine.

    « Attends, Ragnar ! À l’arrière du temple se trouve une écurie, prenez-y un cheval chacun. C’est ma manière de te remercier pour le travail effectué. » Dit Hua Wei, sortit de nul part.

    « Bien généreux de ta part, le moine. Nous te les ramènerons en vie. »

    « Ne me fais pas de promesse que tu ne tiendras pas. Tu es un homme dangereux, Ragnar, même pour tes propres coéquipiers. »

    Sur ces paroles, nous marchons en direction de cette écurie. Je pense aux dernières paroles du moine qui, de toute évidence, ne sont absolument pas fausses. Il n’y a qu’à voir comment est mort Stanislas, mon plus fidèle compagnon, mon meilleur ami disparu pour toujours. Une pointe de nostalgie s’empare de moi. La marche devient soudainement silencieuse, presque funèbre. Même Suelto ne dit pas un mot.

    Le temps se gâte. Des nuages se forment, les brises deviennent des bourrasques, les feuilles, la poussière livrent une bataille dans les airs, les cheveux hurlent…. Au moins, nous-y sommes enfin, à cette modeste écurie. Chacun s’empare d’un cheval, toujours dans un silence morbide, puis les deux soldats attendent mon signal avant de démarrer.

    « Accrochez-vous. » Dis-je d’un ton solennel.

    Je saisis le violon accroché à mon dos, puis je joue un morceau. Le début est lent, puis le rythme s’accélère au point d’être presque agressif. J’ai découvert il y a peu que la musique me permettait de communiquer avec les animaux en leur transmettant des émotions. Les trois chevaux partent sur les chapeaux de roue. Je me maintiens en m’accrochant intensément avec mes membres inférieurs, tandis que les deux autres esquissent des sourires plutôt excités par l’aventure.

    Le morceau que je joue est normalement accompagné d’un piano, c’est celui que je jouais avec Stanislas avant sa mort. C’était un excellent pianiste. L’interpréter au violon seulement n’est pas aussi joli. Ça a le don de me rappeler quelques doux souvenirs, et des moins doux, naturellement. Le rythme s’intensifie, se saccade. Il n’exprime plus la même chose. Le temps se dégrade autant que le morceau. N’est-ce pas magnifique, Stanislas ?

    Du sable commence à se mêler à la pluie, aux feuilles et à la poussière, c’est là que nous apercevons les dune de Yang. Très bon boulot des chevaux. Plus on avance et plus on entend un bruit de foule, des projections, des explosions… La fête aurait déjà commencé ? J’en ai marre d’être sans arrêt en retard. Allez, mes amis, dernière ligne droite.

    Et le spectacle devient exceptionnel lorsqu’on s’en rapproche. En effet, après avoir monté ce promontoire rocheux, nous tombons sur une foule d’individus, d’alliés, en train de se battre désespérément et avec rage pour… faire tomber cette porte ? Mais comment compte-t-ils faire sans l’équipement du convoi ? Ça sent pas bon. Encore des morts inutiles.

    Je propose à mes compagnons de me suivre faire un tour des environs, afin de trouver un possible accès moins suicidaire. Sur nos fidèles destriers, le tour devrait se faire relativement vite. Mais là encore, sur le chemin, quelque chose vient attirer mon attention. Des types qui coupent du bois, derrière un bosquet, supervisé par un petit homme aux cheveux bleus… Des cheveux bleus. Pourquoi est-ce que ça me rappelle une conversation téléphonique ? Nous allons à leur rencontre. Le temps se dégrade davantage, il faut faire vite.

    « Oy ! Pardonnez mon intrusion, mais pouvez-vous me dire ce que vous faites ? Je m’appelle Ragnar, et vous ? » Dis-je avec un grand sourire.
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A travers les plaines de Yi, les hommes de Loth et de la Marine tracèrent leur chemin. Après une petite heure à se reposer et à panser les diverses horribles blessures reçues lors de la bataille sur les rives du YangTse, en bordure de la Forêt Jaune, la petite troupe maintenant composée d'à peine une centaine individus valides a pour objectif la Place du Dragon. Pour l'atteindre, il leur fallut contourner les montagnes Xiuhua par le nord. Bandé de partout telle une momie, le Moine Hérétique toussote et sent son corps le fulgurer à chaque pas. La majeure partie du trajet, il le fit à dos d'un colosse de deux mètres, tel un bébé. Maintenant que la Place est proche, il a souhaité entrainer de nouveau ses membres, en prévision des futurs combats à venir. Il le sait, ce ne sera pas de la tarte.

- Stop, marmonne-t-il d'une voix faible. Vous entendez ?

La clameur d'une foule en délire, des petits bruits de pétarades, et encore la clameur. Nimbée dans un voile de brouillard et de fumée, assombrie par le temps qui s'est rapidement dégradé, la Place est dérobée à leur vue. Machinalement, ils portent leur regard vers la colossale structure juchée au sommet d'un promontoire se perdant dans les lourds nuages de pluie. C'est une étrange construction se dit Loth, faite pour être imprenable. La foule qu'ils entendent huer se trouve en bas du promontoire clôturé par un mur démesuré. Une immense porte en fer et béton usinés de plusieurs tonnes en scelle l'entrée. Du moins, telles sont les informations que lui a donné le sous-amiral Niromoto avant de lui confier sa seule mission : exfiltrer l'Impératrice saine et sauve. Pour se faire, il faudrait tailler un chemin dans la masse, passer les portes que ses milliers de personnes n'ont pas encore réussi à ouvrir, investir la cour intérieure qui donne sur le promontoire puis...

La Place du Dragon et le promontoire rocheux


La Porte


Comment font-ils déjà pour monter là-haut ? Loth fouille dans son crane douloureusement concassé à la recherche d'un élément de réponse que lui aurait donné l'amiral. Sans succès. Vrai qu'il se remettait d'un empoisonnement au gaz quand la mission lui fut confiée. Tous ce qu'il entendit durant les échanges, ce furent les cent millions que l'officier lui promit en cas de succès. Le reste ne fut que bourdonnements indicibles à ses oreilles. Qui plus est, il y était allé seul, sans assistante. Émeline aurait méthodiquement tout noté et il ne serait pas en train de se triturer la mémoire pour s'en souvenir. D'ailleurs, elle était repartie, Émeline, laissant Loth bien seul. Les impératifs de leur vie, une autre guerre -de mafia- à gérer sur North Blue, celle qui lui valut son empoisonnement. Bon, soit, se dit-il de guerre lasse. Il devait y avoir un système mécanisé, des ascenseurs ou des treuils, voir même les plus longs escaliers du monde pour accéder au sommet et au palais. Ils verront quand ils y seront. Le plus important, c'est comment parvenir dans la cour intérieure.

- Les affronter serait pure folie, dit Abigail Summers, la rousse incendiaire toubib de Loth. Trop de gens lynchés par la vindicte populaire, je tiens pas être une statistique.
- Ils sont instrumentalisés par la Révolution qui a pris le contrôle des autorités religieuses. Ils ne se rendent pas compte qu'ils ne sont que marionnettes sur un échiquier dont les dimensions leur échappe.
- Je dirais que ça nous échappe aussi.
- Mais au moins, nous savons qu'il existe, cet échiquier. Nous choisissons d'y jouer volontairement.
- M'sieur. Ça marche pas, lui dit Slug, son opérateur escargophonique. J'arrive pas à contacter l'Impératrice.
- Sommes-nous brouillés ?
- Possible. C'est ça où les orages électriques détraquent tout.

Comme pour confirmer ses dires, un éclair zèbre le ciel du levant au couchant. Les nuages s'amoncellent de plus belle transformant définitivement le jour en nuit. Le vent souffle et soulève la poussière. La liberté de parole de Loth est limitée à cause des Marines qui le secondent mais il sait que le climat n'est pas naturel. Malgré son soutien à la Marine, son organisation Shadow Law reçut une forte commande de Dance Powder qui fut déjà livrée en marge de la bataille sur les rives. Peu après, le temps tourna. Ce que la Révolution compte faire d'une telle quantité de Dance, il l'ignore mais redoute le pire. La poudre est l'arme climatique par excellence et après que la Marine fit échec à leur plan visant à prendre la Place grâce à des canons géants, la Révolution va sûrement s'adonner à des moyens de plus en plus extrême. Ce pays est sur le point de tomber entre leurs griffes, ils n'ont jamais été aussi prêts d'une victoire de cette importance sur les Blues depuis la débâcle de Rafaelo Di Auditore à Goa. Ils feront tous pour éviter une nouvelle humiliation. Et lui, Loth, leur aura donné les armes pour ça. Et comble de la stupidité, il s'apprête maintenant à affronter le fruit de son commerce. Mais ce genre de risque l'amuse et il considère cela comme les aléas de son métier. Il n'est pas extraordinaire qu'un marchand d'armes se fasse descendre par l'arme qu'il a assemblé de ses mains et vendu. Tant qu'il profite de l'argent avant, c'est l'essentiel...

- De toute façon, tu pensais faire quoi en réussissant à la contacter ? s'enquiert Abi. Lui demander de nous ouvrir la porte sans laisser passer la meute ?
- Aucune idée. M'assurer qu'elle va bien, déjà.
- Elle l'est. Sinon, pourquoi se retrancher dans sa tour ? Si elle était morte, ses soldats auraient déguerpi. D'ailleurs, de quoi elle dispose comme force de frappe ?
- Comment veux-tu que je le sache, la guerre a commencé depuis plusieurs heures. Dieu sait combien des siens ont été trucidés, rétorque Loth.
- Comment on sort après l'avoir trouvé ?
- Tu veux bien arrêter les questions ? Chaque chose en son temps. Nous entrons, montons et ensuite, nous relativiserons. Chapitre Un. Comment entrons-nous ?
- Booooss ! Venez regarder ! que lui crie Slug.
- Oh mais ça alors ! s'exclame Abi, bouche-bée.
- Qu'est-ce qu'ils font encore, ces crétins ?!

L'injure de Loth est destiné à la troupe d’hurluberlus dont le projeto-den den retransmet l’émission. A l'antenne, Sigurd Dogaku s'adresse directement à l'Impératrice. Une demande d'interview ? Dans ce chaos ? Des journalistes parachutés au dessus du palais ? Loth grince des dents, ces imbéciles avec leur artifices issus de leur trou paumé de Luvneel vont leur couper l'herbe sous le pied ! Qui plus est, la dernière fois qu'il avait "travaillé" avec Dogaku et sa sorcière à Hinu Town, ils furent la cible d'assassins de l'Umbra alors qu'ils se pensaient en "sécurité". Ils sont tellement torchés et peace and love que Loth estime à très hautes les chances qu'ils aient été infiltrés par des assassins. Et si c'est le cas, avec leur moyen innovant d'atteindre le palais, la Révolution aurait un tueur dans le saint des saints. Et comble du malheur, il n'a aucun moyen d'alerter l'Impératrice. Il lui aurait dit de mettre ces clowns aux arrêts puis de les jeter du sommet. Si elle meurt, c'est cent millions envolés. Pas moyens qu'il laisse cette infamie se dérouler sous ses yeux ! Mais comment atteindre la cour ? A peine a-t-il fini de se poser cette question qu'il ressent une chair de poule inhabituelle, directement suivie d'une tachycardie. Le genre de réaction physiologique que seule sa Némésis, Ombeline Santana lui procure. Il est carrément allergique à cette femme. Elle déboule de nulle part, encore plus habillée qu'à l'accoutumée, son chapeau conique orné de clochettes chantant au vent.

- Je t'ai manqué mon amour ? chantonne-t-elle alors que derrière elle émergent tour à tour les membres de son équipage. Les Bêtes de l'Ombre.

Lady Ombeline "L'épée du Matin"

- Tu sais bien que moins je te vois, et mieux je me porte. C'est quoi ce trou ? demande-t-il en remarquant que l'équipage sortait de sous-terre.
Il y a un tunnel ici et je ne suis pas au courant ?
- Tu sais ce qu'on dit chéri ? Quand on adversaire ne possède aucune faiblesse, tu dois en créer une, répond Ombeline avec un large sourire. J'ai été retenue, désolée du retard.
- Je crois surtout que personne ne t'a invitée.
- Oh tu me fais mal là, mon chou. Il y a des révos à dératiser, je ne manquerais pour rien au monde une party aussi orgasmique. Ce gang bang va être énorme !
- Elle est toujours aussi...
- Ouais, c'est une perverse, répond Loth à Abi.
- Je prends le commandement ! lance-t-elle aux Marines qui accompagnent Loth.
- Oh, ils n'ont pas l'air ravis ! susurre Abi.
- Normal, le taux de mortalité des Bêtes de l'Ombre est le plus fort de tous les équipages des Blues. Il se dit qu'elle renouvelle les trois quarts de ses gars chaque mois. Mais ils sont diablement efficaces. A leur façon, reconnait le Moine.
- Bon si tu arrêtais d'utiliser ta langue pour colporter des ragots, je te montrerai comment l'utiliser à bon escient, mon cœur. Pour lécher...
- Ta gueule putain, Ombeline ! crache une femme à béret que Loth reconnait comme Darlessa Simons, le sniper de l'équipage. Le respect de la hiérarchie, n'est pas non plus le fort des Bêtes.
C'est pas en débitant des obscénités qu'on trucidera du révo ! Prends une chambre avec lui bordel et laisse-nous faire notre job !
- Hein ? Quoi tu me cherches ? Attends, que je t'en colle une !
- Ils se battent aussi entre eux et la rumeur prétend que la moitié des morts de l'équipage sont de la main d'Ombeline elle-même mais comme c'est elle qui écrit les rapports... marmonne le Moine.
- Non mais la ferme Lothy, mauvaise langue ! éructe-t-elle.
- Mettons-nous au travail, déclare posément Euron Bear, le second d'Ombeline, un homme de haute stature entouré d'une meute de chiens et de lycaons.
- D'accord, d'accord. Je crois que tu te demandais comment entrer non ?
- Tu veux foncer dans le tas comme vous savez si bien le faire ? satire Loth.
- Pas aujourd'hui. On va faire dans la discrétion.
- Oh ?! Ah c'est pour ça qu'il y a cet orage ! Enfin les Bêtes de l'Ombre ne vont pas bourriner ! Le ciel lui-même en est si surpris qu'il se met à gronder ! Bougre !
- Vous voyez ? Quand je suis sérieuse, il me tend la perche pour déconner. D'ailleurs, concernant ta perche... elle va bien vu comment t'es bandé là ? D'ailleurs, est-ce que tu peux band...
- LA FERME ! tonne son équipage.
- Ce que veux dire la capicheffesse, c'est qu'on va passer en dessous, conclut Euron pour abréger l'interminable conversation. On a une arme toute nouvelle à notre disposition. Vas-y Môle, creuse !

Sergent d’Élite "Le Mole"


HRP:
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    Le type aux cheveux bleus se présentent comme étant « No-body ». Attends deux secondes… « No-body ». Ce n’est pas le type assez réservé qui était présent lors de la conférence à plusieurs avec Clotho et les autres ? D’ailleurs, je suis quasiment certain que Rafaelo en faisant partit ce jour-là, sa voix m’était franchement familière et je sais pourquoi maintenant.

    « Quel est le plan pour passer cette foule, mais surtout cette porte ? » Demandé-je innocemment.

    « Là, nous sommes à peu près dans l’angle mort, le gros de la troupe se trouve à l’Est et nous au Sud-Ouest. Il nous faut du bois, pas mal de bois. »

    Ça tombe bien, on se trouve dans un bosquet. Je tournoie ma lame en esquissant un léger sourire. Un lame de vent par-ci, une lame de vent par-là, les arbres tombent comme des mouches. Le petit bonhomme réfléchit. Le plus rapide à construire ne pourra envoyer qu’une seule personne à la fois, deux pour les plus légers… Je me propose d’y aller le premier, chose extrêmement risqué étant donné qu’on ne connait ni la fiabilité de l’engin, ni ce qu’il m’attend de l’autre côté.

    Mais avant tout cela, nous devons monter l’artillerie à contrepoids. Deux planches de bois, d’environ un mètre et cinquante centimètres, parallèles l’une d’entre elles, à plats au sol. Ça sera le support de base. Je ne m’y connais absolument pas pour tout vous avouer. Ensuite, deux autres planches latérales faisant toutes deux cinq/six fois la longueur des planches de bases. Il faut assembler le cadre du trébuchet, percer des trous, fixer des goupilles, placer le crochet du contrepoids…

    Le p’tit machin, qui n’est autre qu’un cavalier de la révolution, nous donne beaucoup de consignes très précises. La moindre erreur peut tout simplement nous coûter la vie. Nous sommes six environ, tous en plein travail, rendant la conception de l’engin plus rapide que je ne l’imaginais. Puis le coordinateur fait bien son travail. Le trébuchet commence enfin à avoir une bonne gueule.

    « Il nous faut contre poids faisant au moins cent fois votre poids, à placer sur la partie courte de la verge… » Dit l’ingénieur.

    Cent fois… Rien que ça. Je regarde autour de nous, dans ce petit bosquet, et si ce n’est des rochers, je ne vois rien. Bon, j’imagine que ça devrait faire l’affaire. Je ressors mon outil de travail, ma belle et fidèle Divinité, avec laquelle j’ai tranché tant de choses… Je m’enfonce dans ce petit bosquet vers ces rochers, et d’un simple mouvement vertical, une coupure nette est visible, le rocher est maintenant coupé en deux.

    Je reviens après quelques minutes, un sourire affiché sur mon visage, soulevant deux blocs de pierre sur chaque main. Je marche difficilement, mes bras tremblent, j’ai surestimé ma force sur ce coup. Par fierté, je garde ce sourire hautain que j’affiche si régulièrement, mais je suis très peu fier de ma connerie intérieurement. Très peu fier car je vais devoir assumer ma connerie jusqu’au bout, et ce uniquement par fierté.

    « Ça suffira, no-body ? » Demandé-je en serrant les deux.

    L’homme tout frêle me fait un signe du pouce. À l’aide du reste des hommes, nous plaçons le contrepoids que nous attachons en un seul bloc de pierre. Ceci étant fait, je me place dans la fronde, prêt à être envoyé dans l’espace. Vous n’imaginez même pas mon appréhension là. Mourir écrasé contre le mur parce que le contrepoids a été mal ajusté, ou que la fronde ma lâche trop tard. Quelle plaie cette mission !

    « 3… 2… »

    Huh ? Au « 2 », je sens le mécanisme se lancer. Je regarde partout, je vois les sourires machiavéliques de Suelto et Maria, qui ont pris un malin plaisir de me lancer avant la fin du décompte. Merde ! C’est le moment de voir si les destin a d’autres projets pour moi ou si tout cela se termine maintenant. Ô misérables avortons, je promets de vous faire la peau si je survis à cet enfer.

    Si j’ai bien compris ce qu’il disait un peu plus tôt, il est important de gérer l’amplitude du contrepoids, ce qui détermine si je m’envol suffisamment haut ou pas. Si le contrepoids va trop loin, je serais lâché trop tard et je boufferais le sol. Trop tôt, je serais envoyé trop haut mais pas assez loin. Misère, misère. Qui a décidé de ce plan de merde ?

    C’est de toute manière trop tard. J’en prends conscience lorsque mon corps n’est en contact avec rien d’autre que l’air. Ça va vite. Je suis propulsé à une telle vitesse que je sens la peau de mon visage se déformer, bouger dans tous les sens. Et ne parlons même pas de mes cheveux. Les premiers instants sont définitivement les plus intenses, mon coeur palpite à fond, j’ai une énorme montée d’adrénaline.

    Mais ces quelques secondes passent, j’y vois un peu plus clair et je peux apprécier le moment. En-dessous de moi, toute cette foule qui se bat pour franchir cette porte infranchissable. Mon dieu qu’elle est imposante cette porte ! N’épuisez pas vos forces inutilement, couillons, vous n’y parviendrais pas. À l’horizon, j’aperçois le promontoire, la palais, avec de plus extraordinaire encore, cette météo qui s’abat sur nous. Ne s’arrangeant pas avec le temps.


    Mais retour à la réalité, ma attention se focalise sur ce foutu mur. Vais-je pouvoir passer par-dessus ? À vue d’oeil, comme ça, honnêtement, je suis plutôt rassuré. J’ai une vitesse constante, qui ralentit de manière toute aussi constante, et à moins d’un arrêt brutal, je ne vois pas pourquoi ça ne passerait pas. De plus, du moins pour l’instant, le vent va plutôt dans mon sens.

    Mais trêve de pensées inutiles, puisque je franchis ce foutu mur, et là me vient une question à laquelle je n’avais pas du tout pensée jusqu’à présent. Je perds de la vitesse, passant d’une trajectoire ascendante à descendante. Et comment est-ce que j’atterris sans m’écraser, maintenant ? Une idée, monsieur no-body ? Une nouvelle fois, mon coeur s’emballe mais je m’efforce de garder mon sang-froid, sinon c’est la mort assurée.

    M’accrocher à une branche serait inutile à cette vitesse, elle se briserait. Cependant, ça pourrait m’aider à ralentir. C’est dans cet optique j’entame ma descente aux enfers. La première branche s’éclate instantanément, la seconde aussi, puis toutes les autres. De moins facilement, puisque je ralentis forcément un peu, mais c’est loin d’être suffisant pour atterrir en douceur. Je commence à imaginer ma face écrasée contre le sol.

    À une dizaine du mètre du sol, et ce de manière instinctive, je me mets parallèlement au sol, dégainant ma lame et tournoyant à très haute vitesse sur moi-même. Cela me demande une très grande concentration musculaire, notamment au niveau de la ceinture abdominale. De là, de nombreuses lames de vent s’écrasent contre le sol, créant un de poussière qui me masque totalement.

    Cet enchaînement de lames de vent provoque un son de tambour assez retentissant, ce qui peut attirer l’attention de l’ennemi, naturellement. Des craquelures, puis un cratère se forme à force de taper dans la même cible. Ma vitesse ralentit de manière assez signification, pour ma plus grande satisfaction, me permettant maintenant de me poser en douceur.

    Sans perdre un instant, je bondis sur un arbre pour prendre de la hauteur, me cacher de l’ennemi et observer ma position. Normalement, je devrais peut-être attendre que mes collègues me rejoignent, sauf que je ne sais absolument pas où est-ce qu’ils vont atterrir. À la limite, la seule chose que je peux est de nettoyer la zone avant de partir devant.

    Le nuage disparait. Des fidèles de l’impératrice, je crois, s’approche du lieu où les « détonations » ont eu lieu. Furtivement, je me laisse tomber dans le vide, en prenant soin d’amortir ma chute sur le cadavre du type que je perfore par le sommet de son crâne, à l’instant. La lame ressortit de la dépouille, je lèche le sang stocké dessus, provoquant de le dégoût et la peur de ses camarades.

    Ils me sautent tous dessus en même temps, logiquement en pensant avoir le dessus grâce au nombre, mais grâce à mon « tourbillon divin » je ne dispose quasiment pas d’angle mort. Je les repousse tous jusqu’au dernier. Certains s’écrasent contre les arbres environnants, d’autres s’écrasent lamentablement au sol. Je me déplace rapidement vers les uns et les autres, prenant de les achever sans la moindre hésitation.

    Le travail maintenant bouclé, j’essuie le sang accumulé sur ma lame avec ma chemise blanche, du moins plus grise que blanche avec toutes ces batailles. Je vais devoir me racheter des fringues après tout ce merdier, car me sentir ainsi me ramène à ce temps où je n’étais qu’un pauvre clochard, errant les rues les plus sombres des blues.

    À présent, je continue ma marche en direction du palais, toujours dans la crainte - ou le plaisir - de rencontrer des adversaires empêchant mon ascension. C’est la dernière ligne droite. Tuer l’impératrice est l’objectif ultime, la mission qui permettra de mettre un terme à cette foutue, et nous permettra une victoire de haute importance.
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Il n’aimait pas du tout ça. L’impératrice Quang avait ordonné que l’on dresse les signaux favorables à l’arrivée de ces singes proclamés journalistes. Shuu Q’rut, la favorite du cercle restreint de la régente, avait quitté les quartiers de Wu Quang avec deux autres servantes pour transmettre le message. Et comme toujours, il devait regarder ses guerriers d’exception, champions du Hasshoken, se charger des corvées ménagères de Shuu Q’rut.

Rien que ça, ça le tuait déjà.

Lui qui s’appelait Qing Kong, et qui commandait à l’ensemble des armées de l’Empire de Kanokuni. Il était général des armées, chef de la Garde Rouge, et plus puissant natif de ces terres vivant en ce moment. Et se contenta de regarder ses combattants d’élite en silence, s’affairer avec leurs cohortes pour récupérer du linge propre à suspendre aux fenêtres. Et du linge vermillon, s’il vous plaît. Car les ordres du couple impérial étaient tous absolus, et à respecter à la lettre.

Elle aurait pu demander à de simples serviteurs de se charger de ça. Ou à des soldats de bas étage. Ce qui était justement le problème, en fait. Le protocole exigeait que les membres de la plèbe ne puissent accéder au Refuge du Héron, lieu de culte plurimillénaire du Zenihisme… qui était composé des deux étages supérieurs du palais de la place du dragon, là où l’impératrice s’était réfugiée. Parmi le groupe qui avait fui la capitale pour se réfugier ici, seuls les membres de la noblesse de Kankuni et les serviteurs principaux de l’impératrice étaient autorisés en ces lieux. A quelques exceptions prêtes.

Avec leur statut, les gardes rouges disposaient d’un passe droit pour ce lieu.

Quant aux personnes qui habitaient ici et entretenaient le lieu de culte en l’absence d’évènement, ils relevaient du sacré, et étaient hors concours. L’ordre du clergé du Zenhilisme n’avait pas d’ordres à recevoir de l’impératrice, même pour les plus humbles de ses membres.

De ce fait, il n’y avait que les soldats d’élite pour…

Bah, pouffa le général.

Il avait connu pire, niveau contrariété. Bien pire pour continuer à le tarauder. Ne serait-ce que la disparition de l’empereur, qui ne s’était pas exactement déroulée comme il s’y attendait.

Le résultat était le même, cela dit. Les révolutionnaires s’étaient bien rattrapés.

Et maintenant, il aurait le champ de bataille qu’il souhaitait. La marée infinie formée par les civils contestataires ne viendrait probablement pas à bout des murs de la Place, mais il ne doutait pas un instant que la révolution disposait de moyens supérieurs pour se frayer un passage au travers des remparts. Juste une question de temps.

D’ici là, il se ferait un plaisir de camper dans le Refuge du Héron, à attendre que tout assassin solitaire, qu’il vienne seul ou avec une équipe, le rejoigne pour mourir à ses pieds. Il brûlait de combattre. Ca ne tarderait pas. Et il se réjouissait d’avance à l’idée de pouvoir, enfin, se jeter corps et âme dans une mêlée splendide. Il trépignait d’envie, mais ne s’inquiétait pas, et parvenait à garder son sang-froid : à ce stade, il n’y avait pas d’issue, pas d’autre dénouement envisageable.

La forteresse cédera. Il y aura un bain de sang. Il ne fera que son devoir au service de l’empire.
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Ils avaient tous grand peine à y croire. De leur nuage, ils s’étaient élancés une seconde fois vers le vide, parachutes déployés dans le ciel orageux. Pour cette fois atterrir au milieu d’un cortège d’un millier de soldats, pour la plupart concernés par ce qui se passait à l’extérieur des murs de la place, mais dont plusieurs centaines étaient intégralement focalisés sur eux. C’était moitié moins de canons et d’arbalètes pointées dans leur direction, et autant de sabres et de lances qui n’attendaient qu’un mouvement déplacé comme prétexte pour venir les trancher. L’intention de base, du moins. Et pourtant, les ordres relayés par l’intendante de Wu Quang étaient clairs : ils étaient les bienvenus, aucun mal ne devait leur être fait. Et ça, les officiers de Kong l’avaient bien relayé.

Il n’empêchait que pour chacun dans la troupe de Luvneel, c’était là quelque chose d’encore plus incroyable que ce qu’ils venaient de faire.

Tout autour d’eux. Les guerriers en uniformes et armures de nippon féodal, les statues stylisées du folklore de cette forteresse – de ce lieu de culte – orientale, les étendards aux armoiries de la dynastie Quang, les jardins et bonzaïs et arbustes de pur style Zenhiliste. C’était tout autre chose.

Mais ça ne dégonfla pas Shura, qui s’avança d’un air beaucoup plus sérieux en direction de ce qui ressembla le plus à un officier supérieur dans les rangs alentours. Une femme en armure dont le casque orné de plumes et la large cape de soie donnaient une forte présence.

-Bonjour à vous. Je suis en charge de la protection de ces journalistes. Au nom de nous tous, je vous remercie de nous avoir fait confiance : nous ne vous décevrons pas. Mais une fois cela dit… je vous propose que l’on fasse vite, j’ai l’impression que les choses peuvent dégénérer assez facilement. C’est par où, pour le tournage ?

Elle leur indiqua d’un mouvement de bras dans quelle direction se tourner. Ce qui permit à Shura de constater qu’elle n’avait aucune arme. Et que son armure était de teinte vermillon, maintenant qu’il y faisait attention.

Une officière supérieure de la garde rouge. Les censément combattants d’élite du pays, pratiquants du hasshoken.

-Par ici, désigna l’officière. L’intendante vous recevra personnellement pour vous… briefer avant de vous introduire auprès de l’impératrice.
-Super. Merci.

Les rangs de soldats s’écartèrent, laissant un couloir dans la Place qui les laissait passer jusqu’au palais de Wu Quang. Une vision incroyable, songea Evangeline. Il faisait pratiquement nuit, maintenant. Les soldats avaient allumé des torches en très grandes quantités pour continuer à y voir – ils étaient dix mille à protéger la forteresse, rappelons-le.


Ce serait la seconde nuit du siège. Et les officiers veillaient déjà à ce que le confort de leurs hommes soit suffisant – l’orage qui se préparait n’annonçait rien de bon, pas plus que la pluie qui tombait maintenant de manière soutenue dans la région. Il ne fallait pas que ces conditions désagréables contribuent à une perte de moral qui aurait sonné le glas de la cohésion des défenseurs. Dans la situation où ils étaient, le désespoir ne tenait qu’à peu de choses. La Place du Dragon était avant tout un refuge en cas d’inondations, et ils avaient des vivres. Mais peut-être pas assez.

A l’inverse, peut-être que le mauvais temps allait décourager les contestataires, au moins pour un moment.

Le moral, ça ne tenait qu’à peu de choses.
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L'intérieur du palais était aussi impressionnant que ce à quoi l'on pouvait s'attendre - en beaucoup moins tape à l'oeil, cela dit. Des tapis de nattes fraîches tressées avec soin -des tatamis- couvraient le sol, là où je m'attendais à trouver de larges dalles de marbre immaculé. La plupart n'avaient pas de motifs, mais les rares à l'être traitaient de scènes mythologiques avec un souci du détail saisissant. Je crains toutefois avoir dû piétiner un héros national au détour d'un couloir.
L'édifice était essentiellement fait de pierre et de bois, avec des cloisons en toile pour les plus petites salles qu'on pouvait rencontrer. Au plafond, de grandes poutres de bois de cyprès, pour la plupart sculptées à l'effigie d'éléments du folklore zenhiliste. Dans les grandes salles centrales, des pilliers de pierre blanche qui n'avaient pas reçu autant de soins.

Nous avons notamment eu la chance de contempler un genre d'hydre à têtes de héron criant de réalisme - la chose faisait bien sept mètres de haut et surplombait l'escalier principal accessible depuis la grande salle centrale. Les pics hérissant les têtes et le dos du monstre permettaient de reconnaître Ookonomiyaki, l'un des gardiens des portes du paradis céleste dans les versions. Ceux qui souhaitaient pénétrer dans le domaine des dieux devaient tout d'abord se soumettre à l'examen du gardien, qui se faisait un devoir de réduire en charpie quiconque nourrissait de mauvaises intentions à l'égard de ses maîtres. Un bel avertissement.

Nous avons survécu, heureusement.

Ce qui m'avait le plus surpris, c'était la sérénité avec laquelle les "moines" locaux réalisaient leurs tâches du quotidien. Même la présence surnuméraire des soldats quadrillant le palais et la menace d'une armée à leurs portes ne les atteignaient pas. Peut être savaient-ils qu'ils ne risquaient rien, puisque le haut-pretre s'était aligné sur la cause des révolutionnaires. Ils seraient épargnés. Ça, ou alors ils étaient simplement des ascètes incroyables, détachés de tout y compris de la vie et de la mort.

Dans de toutes autres circonstances, j'aurais adoré visiter cet endroit. Quoi qu'il arrive, j'espérais déjà qu'il ne tomberait pas dans la bataille à venir.

Je. Evangeline. Moi. Narratrice à partir de maintenant.

L'imbécile à bout de souffle qui venait tout juste de monter près d'une quinzaine d'étages à pied parce que les montes-charges du palais étaient réservés aux objets et aux meubles. Sous prétexte que l'accès au divin se méritait, et qu'on ne trichait pas.

Quelle religion débile.

Nous avions perdu le compte des étages, et ce n'était pas fini. Nous avions également perdu notre journaliste et notre caméraman aux alentours du neuvième étage, parce qu'ils n'en pouvaient plus. Alors, nous avions repris leur matériel, laissé deux parachutistes avec eux -c'étaient nos gardes du corps, et on ne prenait pas de risques- et continué à quatre. Le technicien pouvait préparer la caméra, et s'en partager l'usage avec un homme de Capslock. Pour la conduite de l'interview... ce serait Shura ou moi, il n'y avait pas le choix. À moins que les autres ne parviennent à nous rejoindre avant.

Quelques escaliers de plus, et nous arrivions au Refuge du Héron. Les deux étages supérieurs de la Place. Les quartiers improvisés de impératrice. Nous y fûmes accueillis par la favorite des intermédiaires de Wu Quang. Une dénommée Shu Q'Rut, escortée par une palanquée de gardes rouges qui prirent le relais des soldats "normaux" qui nous avaient guidés. La favorite nous indiqua rapidement quelques points de protocole à respecter. Juste assez pour que les gardes rouges nous détestent de toutes nos armes, nous fouillent minutieusement, examinent notre matériel, et...

-Vous les récupérez en quittant le refuge.

Eh bien... je devrais être flattée. Je pensais passer au travers des mailles du filet, mais ils me connaissaient. Mes coquillages. Mes chaînes. Ils avaient tout confisqué. Et c'était bien la première fois que je ne me trouvais pas à sourire devant l'air ahuri de ceux qui me voyaient sortir plusieurs centaines de mètres de câbles de sous mes vêtements.

Maintenant... ne restait qu'à espérer que tout se passerait bien. Nous étions dans le refuge.
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Du haut de son perchoir, elle observait.

Voilà bien longtemps qu'elle n'avait pas donné des directives par elle-même, mais la dernière fois qu'elle l'avait fait le pays avait été mis à feu et à sang. Elle avait donné les bonnes raisons à la révolution de se redresser et de faire prendre les armes aux petits paysans influençables. Mais tout ça, finalement, elle s'y attendait.

Ce n'était qu'une longue machination, une suite de connivences et d'accords entendus, de pièges et de traquenards, qu'elle avait finalement activés. Et elle n'était pas autant étonnée de voir le pays se rebeller, de voir l'armée lutter pour sa survie à elle, cloisonnée sur la Place du Dragon ; elle n'était pas étonnée de se sentir acculée. En revanche, là où la surprise avait maquillé son visage, c'était lorsque son mari avait disparu. Là elle s'était sentie idiote : idiote de ne pas l'avoir vu venir.

Jusqu'ici, l'Impératrice avait agi de façon très pusillanime. Combattre, se replier, combattre encore dans des retranchements toujours plus étroits. Mais la Cipher Pol derrière le masque savait très bien au fond d'elle que la défense n'était pas une stratégie viable sur le long terme et que le siège des révolutionnaires n'allait pas durer éternellement. Elle savait surtout que l'armée venue d'Aeden s'était donnée les moyens de faire les choses et de les faire bien.

Quelques instants plus tôt, elle avait reçu une missive l'informant du retrait des forces du Gouvernement Mondial, après une cuisante défaite sur la route royale menant à la Cité Rouge. La capitale n'avait donc pas été reprise, quand bien même celle-ci n'était tenue que par une minorité de l'armée révolutionnaire ; le gros des troupes était ici ou bien se dirigeait vers elle. Mais plus important que la capitale, c'était l'empereur qui y était détenu. De source sûre, il avait été restitué par ce traître de Mao et demeurait désormais emprisonné là.

De source sûre.

Se drapant d'une longue écharpe de soie avec laquelle elle recouvra ses épaules avant de délaisser la lucarne du perchoir et les réflexions qui l'habitaient, l'Impératrice retourna au centre de ses appartements où se trouvait le siège impérial sur lequel elle prit place. En fond sonore, une voix continuait de tonner, mais elle ne l'écoutait pas réellement.

- ...je ne pense donc pas qu'ils constituent une menace. De simples journalistes. termina l'intendante qui se balançait nerveusement sur ses deux pieds.

Wu n'était généralement pas du genre à utiliser des intermédiaires, mais devait se plier à la règle désormais. A vrai dire, elle n'appréciait pas son intendante dont les connaissances en négociation et en diplomatie se limitaient à très peu de choses : la faiblesse d'esprit de ses interlocuteurs, essentiellement. Ce qui n'avait pas l'air d'être le cas des journalistes venus jusqu'ici, jusque dans le bastion des derniers échos de civilisation du pays, pour connaitre sa pensée.

Couvrir une guerre et la chute d'un pays, c'était plus que malin. Mais à un moment où à un autre, les médias devaient décider de leurs propres vainqueurs.

La révolution pouvait l'emporter, son image risquait d'en pâtir si les invités décidaient de tourner les choses en leur défaveur, dans leurs petits papiers et derrière leurs grands écrans. Ce qui était aussi valable pour la dynastie et le Gouvernement Mondial.

- Alors faites les entrer.

    - Bordel de cul ! Dans une vie prochaine, j'espère surtout pas me réincarner en taupe. Ça craint un max de se faufiler sous terre ! Rien ne vaut l'air pur ! Pooooooooouf !
    - Oh, au pif, je dirais que tu te réincarneras en papier toilette.
    - Toi tu me cherches, Lothy !
    - Mettez-la en veilleuse tous les deux ! Bon on y est.
    - Pas eux en tout cas, marmonne Ombeline.

    Ses yeux froids s'attardent sur l'hécatombe qui les accueille. Des éléments de la garde impériale, massacrés. Les bois de la cour intérieure portent les stigmates de cet affrontement qui dut être bref. Un peu partout sur le sol, Marines et mercenaires de Loth trouvent de drôles d'impacts : des sillons caractéristiques d'objets à grande vitesse ralentis par la végétation ainsi que les mini cratères de leurs impacts sur le sol. Un cratère sur cinq regorge d'un cadavre éclaté, ce qui demeure à leurs yeux plus éloquent que des confessions. « J'hallucine, ils s'sont catapultés dans l'enceinte ? »
    Tous sont étonnés par le jusqu'au-boutisme dont fait preuve la Révolution. Les impacts constellent cette partie de la cour et après un tour rapide, ils constatent que plus de révolutionnaires ont trouvé la mort dans leur chute que suite aux combats. Ils ont totalement surclassé les Kanokuniens et pris sur eux une avance conséquente.

    - Y fait trop sombre, y peut pas les voir escalader !
    - Parle pour toi, rétorque le sniper Darlessa Simons, un œil collé contre ses lunettes de nuit. J'en vois deux-là !
    - Dégomme-les ! ordonne Ombeline. J'aime pas ça, ils sont trente, quarante peut être à monter là-haut ! Et puis...

    Elle est interrompue par une marée de gardes qui déboulent, armes au clair. Le coup de feu du sniper en cet instant finit d'ajouter la touche finale à l'incompréhension qui va suivre. La garde rouge riposte, surchauffée par des heures à attendre sur des charbons ardents que la populace renverse la porte, le tout couplée à la haine que leur inspire le massacre de leur camarade jonchant le sol. Loth a juste le temps d'empoigner Abigail avant le déluge de balles. Ça pétarade dans tous les sens et le premier qui a l'inconscience de hurler « Halte ! On est des Am... » est fauché en pleine tête par un projectile. Une explosion éventre le sol.  « Mortier... » que pense le Moine Hérétique avant de tirer son médecin dans les bois. Ce simple geste de fuite lui coûte toute son énergie et le laisse haletant, à l'abri d'un arbre au tronc massif. Sous les bandages, ses blessures se rouvrent.

    - Putain, c'est insensé ! Faut leur dire qu'on est allié putain !
    - Baisse-toi Abi !
    - Crotte, c'est pas passé loin ! Oh non, tu saignes encore merde...
    - Tes mains tremblent.
    - C'est l'effet que ça fait quand on essaie de soigner tout en subissant les balles ! Me déconcentre pas.
    - Je disais juste...
    - Tais-toi ! Bon, aux grands maux, les grands remèdes, susurre-t-elle nerveusement en sortant une seringue remplie d'une solution jaunâtre de sa sacoche.
    Loth, c'est...
    - De la pisse ?
    - Je vais te frapper. C'est le Régime.
    - Tu déconnes ?
    - T'es pas viable dans cet état, tu nous serviras à rien. Le cocktail de drogues te donnera du peps pour quelques heures. T'en paieras le prix après.
    - Quel prix ?
    - Étourdissements, vomissements, tremblements, diarrhées, céphalées, douleurs généralisées pendant des jours.
    - Charmant. Vas-y. Les cent millions le valent bien.

    Dès que les premiers microgrammes de drogues coulent dans ses veines, le Moine Hérétique se sent requinqué à l'extrême. Il sent littéralement ses cellules reprendre et irradier de vie. Cette sensation lui est familière, elle est semblable à celle qu'il perçoit quand il utilise le Retour à la vie. A cette différence que sa sensation du soir ne fait que tromper son corps. Il n'y a pas de regain d'énergie, il sait qu'il ne fait rien d'autre que tromper son corps et procrastiner la douleur.
    Quand il émerge des bois tel un boulet de canon, drogué comme une bande de hippies, les tirs amis ont cessé. Son meitou sur l'épaule, L'épée du Matin et sa horde sont debout sur un monticule de gardes inanimés.

    - Bon sang, vous ne les avez pas tués ?
    - Les lâcheurs ont pas voix au chapitre, Lothy ! Merci à toi et à tes gars de nous rejoindre quand la fête est finie.  
    - Ça servait à rien de les raisonner, ajoute le Lt.Col Euron Bear. C'était juste une patrouille, on ferait mieux de déguerpir avant que le gros des forces du côté de la porte nous tombe dessus.
    - On monte comment ? demande Abi.  
    - Y a des ascenseurs mais c'est du côté de la porte.
    - Ceux-là nous ont pris pour des ennemis dans le feu de l'action. Il suffit juste d'aller les voir avec un drapeau blanc et leur en toucher deux mots.
    - Et leur dire qu'on a tabassé leurs gens dans l'incompréhension ?
    - Mouais, débrouillez-vous, je m'en fous en fait. Abi, restes-là, je vais régler ça et je reviens !

    Loth fléchit ses jambes puis se propulse verticalement. Ses mains entrainés prennent la suite et frappent  l'air lui conférant la poussée nécessaire pour entretenir sa progression. Il laisse le groupe en bas sous le regard indigné de la commandante Ombeline. « Hey Binocle ! » que lance-t-elle avant de le poursuivre dans les airs grâce au Geppou. « Ça c'est la technique originale, fais pas le malin avec ta pathétique copie, Lothy ! » Leur ascension est ralentie par le vent qui les pousse vers l'ouest et par la pluie qui les aveugle. Les lunettes du Moine ruissellent d'eau et l'aveuglent. Aussi, quand Ombeline lui crie quelque chose en agitant frénétiquement l'index vers un point du promontoire, il doit s'y reprendre à plusieurs fois avant de distinguer une petite silhouette collée contre la paroi. Loth s'en souvient, il a déjà vu ce type combattre sur les berges du YangTse.

    - Ragnar Etzmurt ! dit Ombeline en se pourléchant les lèvres de façon obscène.
    - Comme défoncer du Gris', c'est ton sport favoris, moi je prends de l'avance ! s'écrie Loth par-dessus le vent grondant.

    Quand L'épée du Matin dégaine, elle lâche une lame d'air qui s'écrase au-dessus du révolutionnaire. Avec un rire sadique, elle regarde l'éboulement qu'elle a déclenché foncer sur le Cavalier.
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    Contrairement à ce que nous nous imaginions, les quartiers consacrés à l’impératrice n’étaient pas beaucoup plus ornementés que le reste du palais. Comme si les ascètes résidant ici n’avaient pas besoin de ça, que la cohorte de la cité rouge n’avait pas l’habitude de séjourner ici… et qu’ils n’avaient pas eu le temps ou l’envie de réaménager l’endroit pour le rendre digne de sa nouvelle locatrice.


    Wu Quang.

    Nous nous présentâmes comme l’intendante nous l’avait indiqué : en nous prosternant à quatre pattes devant elle jusqu’à ce qu’elle nous invite à nous relever. Une posture portant le nom de kowtow, selon Shuu Q’Rut. Une forme de soumission particulièrement peu subtile que je n’étais pas certaine d’apprécier, mais… mettons que nous n’étions pas chez nous. Elle avait l’air pressée, cela dit. Nous n’avons attendu qu’une dizaine de secondes avant de nous relever.

    -Relevez-vous et n'ayez crainte, approchez. Aussi près que possible. Je pense que compte tenu de la situation, nous pourrons nous passer des conventions. Ce sera plus pratique.

    Oui, en effet. Nous étions à cinquante pas du trône de Wu, ce qui était le minimum légal autorisé pour des roturiers sans services rendus tels que nous. Et était ridiculement peu pratique pour entretenir une discussion. Nous progressâmes jusqu'à dix pas de distance d'elle... puis à cinq pas en réponse à un ordre qu'elle nous avait adressé sans mot dire, d'un signe de regard perçant.

    Elle faisait plus que reine, ça ne faisait aucun doute. Pas juste ses vêtements, même s’ils étaient évidemment symboles de sa richesse et de l’étendue du pays qu’elle dirigeait. Mais ça, je pouvais avoir les mêmes. J’avais probablement déjà mieux, en fait. En beaucoup plus discret. J'aurais été complètement incapable de faire la même chose avec mes cheveux, cela dit... non pas que j'en ai envie, en fait.

    Mais elle avait indubitablement l’attitude de quelqu’un qui était habituée à ce que le monde lui obéisse le plus naturellement du monde, sans avoir à en faire la moindre demande. Le monde lui appartenait, et elle avait une attitude telle qu’on voulait lui obéir spontanément. Indépendamment du fait que la froisser pouvait susciter l’ire des dix milles soldats protégeant l’endroit. C'était très accessoire.

    -Je vous remercie d'avoir déployé tous ces efforts pour parvenir jusqu'à nous. Vous êtes parvenus à surmonter des obstacles que la marine elle-même s'est résignée à éviter. Un exploit qui force l’admiration. Encore que vous n’en êtes pas exactement à votre premier tour de force aujourd’hui. Je n’ai pas eu l’occasion d’entendre parler d’aucun de vous jusqu’à aujourd’hui, mais… vous suscitez bien des interrogations dans tout Kanokuni. Et probablement au-delà.

    Je jetai un regard de biais à Shura. Nous en avions déjà discuté, et… j’avais l’impression que ce serait à moi de me charger de ça. Pour toutes les plaisanteries mesquines qu'il m'avait adressé un peu plus tôt, il s'était maintenant complètement dégonflé devant tout le cérémonial qui accompagnait notre sujet.

    -Votre Majesté Impériale, commençais-je...

    Protocole, encore et toujours, nous avait indiqué l'intendante. Il était extrêmement mal vu de s’adresser directement à l'empereur ou sa conjointe, même en les vouvoyant. Pour esquiver la chose, il fallait... piocher dans la ribambelle de termes diplomates inventés à cet effet. En prononçant les majuscules autant que faire se peut.

    -Pour ma part, j’ai été particulièrement surprise que votre Altesse Sainte acceptiez de nous rencontrer. Agréablement surprise, même si… je ne m’y attendais pas. Rien ne vous indiquait que vous pouviez réellement nous faire confiance, même si la révolution nous a malheureusement donné matière à largement pointer du doigt toutes ses… erreurs… ou horreurs de parcours… et que nous ne nous sommes pas gênés pour le faire… nous remercions votre Seigneurie Divine pour la confiance que vous nous témoignez. En particulier compte tenu du peu de garanties que nous pouvions présenter à votre Sérénissime Majesté pour attester de notre… probité.



    -Ne vous en faîtes pas pour ça. J’ai pu consulter mes sources et prendre une décision éclairée. Vous avez excellente réputation, mentit l’impératrice.

    Une excellente réputation… à quelques détails près. Mais rien qui n’ait à l’inquiéter. Ses sources correspondaient sûrement à un mélange des ressources de l’empire Kanokunien et de la toile d’informateurs dont disposait le gouvernement mondial… et certainement le Cipher Pol. Qui ne nous soupçonnait plus d’être des révolutionnaires, juste des éléments imprévisibles incapables de rester à leur place.

    Ce qui allait peut être les arranger, cette fois. Wu Qang nous avait précisément acceptés pour ça.

    -Et puis… votre associé, M. Dogaku, a su se montrer suffisamment éloquent pour nous convaincre. Même si la forme laissait à désirer, le contenu de son message était tout à fait prometteur.

    Oui. On ne pouvait pas lui enlever ça, au moins. Même s’il aurait pu tous nous faire tuer vu le peu de soin qu’il avait accordé à sa prose. Wu Qang n’avait pas l’air de s’en être offusquée le moins du monde, en tout cas. Peut-être que dans sa situation, elle avait autre chose à faire que de soucier des bienséances. Ou avait déjà compris qu’en dépit de ses manières négligées, Sigurd pesait infiniment plus que ce qu’il en donnait l’air. Toute notre expédition et pas la moindre de nos entités n’existeraient sans lui. Et encore moins dans ces envergures.

    -Miss Haylor, c'est bien ça? Vous étiez encore à l'antenne il y a une heure et demie de ça. Et maintenant... vous voilà ici. Comment vous y êtes-vous pris pour arriver par les cieux ?
    -L’un de nos associés dispose de canons lui permettant d’expédier des hommes dans les airs… depuis le large jusqu’à une île. Plusieurs de ses hommes sont des parachutistes accomplis. Shura ici présent en fait partie, votre Divine Altesse.
    -Un genre d’outil qui s’avérerait particulièrement utile pour le gouvernement mondial. Comment se fait-il qu’il n’ait pas demandé à rejoindre les services de la marine ?
    -En vérité, Bienveillante Impératrice, cet homme était dans la marine jusqu’à il y a moins d’un mois. Et s’y sentait étouffé par son état-major qui n’estimait pas ses outils à leur juste valeur. Il a fini par en démissionner et s’est tourné vers nous pour montrer sa propre structure. Le résultat… notre présence ici.

    Wu Quang nous adressa un haussement de sourcil particulièrement éloquent qui m’aurait forcément arraché un gloussement dans d’autres circonstances. Elle devina toutefois que l’histoire était trop longue pour être résumée dans le temps qui nous était imparti, et demanda à ce que nous procédions aux préparatifs de notre interview. Alors que notre technicien supervisait les deux parachutistes pour l’installation du matériel, j’entrepris de briefer l’impératrice selon les recommandations des journalistes de l’équipe.

    -Nous avons décidé d’aborder un format libre, vous permettant de vous exprimer librement. Nous n’interviendrons pas pour vous poser de questions, à moins que vous ne le souhaitiez. Je vais toutefois vous indiquer maintenant les questions que nous nous posons et que se posent également – ou vraisemblablement – le reste du monde ; vous serez libre de les aborder ou de les ignorer selon qu’elles vous servent ou non. Cette émission sera votre tribune, nous n’interviendrons pas, et la diffuserons telle quelle en direct : vos hommes pourront en juger en allumant une dendenradio ou une dendenvision. Il est évident que nos présentateurs chercheront à le reprendre et le décortiquer dans l’heure qui suivra, mais je peux vous assurer que, compte tenu du taux d’audience de plus de cinquante pourcents que nous affichons actuellement, nous n’aurons pas les moyens de transformer votre discours. Nous commencerons quand vous le déciderez… quand vous serez prête, donc.

    Aussi… si vous n’avez pas de questions… voici les nôtres.

    Nous ne savons même pas quelle est la personne qui répondra à nos questions. L'impératrice de Kanokuni, qui a à cœur l'intérêt de son empire et de sa culture... et de son peuple... ou de son peuple... et qui se révolte de l'ingérance des autres factions dans son territoire. L'agent supposé et quasiment confirmé du gouvernement mondial, dont l'objectif serait simplement de consolider au maximum l'influence des cinq étoiles dans le pays à partir de la meilleure position qu'il soit pour le faire. Ou la dernière régente de la dynastie Quang, qui se raccroche tant bien que mal aux derniers jours de sa dynastie.

    Vous êtes une énigme, Sérénissime Altesse. Nous nous demandons tous quelle est votre positionnement dans le tableau d’ensemble.

    Concernant la situation de Kanokuni, maintenant… en fait, c’est assez difficile. Au début, la situation semblait simple et son cheminement logique. Mais plus nous avons regardé dans les détails… et plus nous avons eu du mal à comprendre quoi que ce soit. Vous avez un peuple particulièrement traditionnaliste qui apprécie les systèmes autocrates peu importe que son dirigeant soit bienveillant ou… autre. Vous conservez un système impérial basé sur un principe de dynastie, mais les revirements de gouvernement, les coups d’états et les changements de dynastie régnante sont monnaie courante dans le pays ; nous avons dénoté pas moins de six familles quasi royales qui se succédaient à la tête de Kanokuni, avec des gouvernements capables de durer seulement trois ans sans que cela ne soit exceptionnel. A ce sujet, votre dynastie actuelle fait preuve d’une longévité inhabituelle ; je n’en connais pas l’antériorité, mais le père de l’empereur était un régent particulièrement respecté dans le pays.

    Pays qui a toujours été partisan du gouvernement mondial, ce qui était peut être un élément de stabilité ayant permis d’assurer une certaine transition dans vos successions de gouvernements plus ou moins éphémères. Il s’agit d’une des seules constantes de votre histoire politique, et ce depuis des siècles. L’autre grand point étant évidemment la place qu’occupe le Petit Pétale de Rose dans la vie spirituelle et politique de l’Empire… et qui constitue certainement une constante bienvenue pour le pays.

    Mais malgré cela, et nous allons considérer que vous êtes bel et bien du neuvième bureau de Marijoa… vous avez été envoyée ici et placée aussi haut que possible pour asseoir encore davantage l’emprise du gouvernement dans le pays. Au détriment de la structure impériale traditionnelle, j’imagine. Sans pouvoir aller jusqu’à la mise en place d’un gouverneur, ou du moins pas aussi vite que ça. De ce côté, j’imagine que le GM a simplement été excessivement gourmand, ça ne serait pas la première fois. Encore que votre modèle impérial semble arriver à bout de souffle… ce qui peut signifier que vous cherchiez à assurer la transition en direction des instances du GM.

    Le problème étant… que votre peuple masochiste n’appréciait pas le moins du monde que son empereur du moment soit quelqu’un de… mou. Malgré ses autres qualités. Alors, vous vous êtes de plus en plus imposée en tant que tête de proue pour raffermir votre position et celle de votre mari… quitte à adopter des positions sensiblement plus musclées. Je me demande quelle a été la position de l’empereur à ce sujet, d’ailleurs. A moins qu’il ne se soit désintéressé des évènements au point de ne même pas savoir ce qui se passait. Dans tous les cas, ça aurait pu passer. Tout aurait dû se rétablir, d’ailleurs. Ce que l’on reprochait à votre gouvernement, c’était précisément de manquer de fermeté, n’est-ce pas ? La traque aux contestataires et aux aspirants révolutionnaires aurait dû le satisfaire et raffermir votre position.

    Sauf que votre peuple, en plus d’être masochiste, s’est avéré clairement schizophrène. Et que, révolution aidant, les contestataires se sont faits de plus en plus nombreux… et notamment dans les prisons, puisque vous ne les laissez sûrement pas faire. Et c’est à partir de là que tout a débordé. Après la disparition de l’empereur, vos soldats ont retourné le pays et brutalisé les populations dans leur recherche fiévreuse. Ce qui a jeté de l’huile sur le feu… et semblait beaucoup trop maladroit – et beaucoup trop gratuit - pour être une version satisfaisante. Nous avons besoin de vos explications.

    Il nous manque beaucoup trop d’éléments de contexte pour deviner comment les révolutionnaires sont parvenus à… tout ça. Dans ce que nous prévoyons, la dynastie des Quang devait effectivement tomber, mais en faveur du GM, pas de la révolution. Si vous pouviez nous éclairer sur cette situation… nous sommes convaincus que vous êtes la meilleure source pour attaquer le débat. Parce qu’ils auront leur propre version, évidemment. De même que la marine. Nous aurons certainement à étudier chacune d’entre elles. Mais vous êtes la partie qui aura le plus de chance d’être occultée par la suite… et c’est pour cela que nous estimons important de vous donner le privilège de la priorité. En l’état actuel, la révolution vous considère comme une cible à abattre, et la marine comme… une demoiselle en détresse à secourir, peut-être. Ou un trophée à récupérer pour afficher leur victoire sur les révolutionnaires. Ce qui expliquerait le peu d’insistance qu’ils ont eu face à la marée de contestataires qui fait le siège de la place.

    Ce qui, d’ailleurs… m’amène au dernier point. Mais… il s’agit plus d’une curiosité personnelle, pas d’une demande de journaliste. Je ne l’ai pas incluse dans les notes papiers que vous aurez en guise de pense-bête. Que vous serez libre d’utiliser ou non pendant votre passage, évidemment. Mais pour ça, il s’agit plus de quelque chose qui me trotte dans la tête.

    Vous allez perdre Kanokuni. Ca ne fait aucun doute. Les révolutionnaires vont prendre le pays, au moins pour quelques temps, parce que je doute que la marine leur en laisse la propriété bien longtemps. Mais ils la garderont suffisamment longtemps, surtout après l’échec d’aujourd’hui. Et les révolutionnaires vous veulent morte. Et détiennent l’empereur prisonnier.

    Alors, avec ces éléments…

    Comment faîtes-vous pour rester prisonnière dans votre tour d’ivoire à atteindre de servir de trophée qui ne servira qu’à couronner le succès du premier des deux camps qui parviendra jusqu’à vous… sans plus avoir aucun moyen de donner votre mot à dire dans tous ces évènements qui brutalisent votre pays… alors que vous pourriez remuer ciel et terre afin d’aller reprendre vous-même votre mari des mains des révolutionnaires ou de qui que ce soit qui aurait pu vous séparer ? Vous en êtes forcément capable. Vous êtes du neuvième bureau. Et je suis convaincue que vous aimez vraiment votre conjoint. Vous n’auriez pas donné l’ordre à votre armée de rechercher et retrouver l’empereur -coûte que coûte- si c’était le cas, puisque sa disparition vous arrangeait pour initier un transfert de structure en direction du GM. Pas plus que vous n’auriez cherché à maintenir votre dynastie moribonde sous perfusion en reprenant les rennes du régime, quitte à ce que ce soit d’une main de fer, plutôt que de la laisser céder la place au gouvernement mondial.

    Enfin… ce que je veux dire, c’est… qu’à votre place, je me serai déjà frayée un chemin dans les rangs des contestataires, quitte à me le forer à grands coups de boules de feu, quitte à anéantir quiconque tiendrait à me barrer la route, juste pour aller le sauver. Et j’aurais été incapable de faire quoi que ce soit d’autre que ça. Et si vous ignorez où il est… est-ce que vous voulez de l’aide ? Vous l’avez dit vous-même. Nous avons des outils dont la marine ne dispose pas.
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    Tout au long de ta longue tirade, son visage avait changé à plusieurs reprises d’expression. Tantôt surprise, choquée, puis épatée, le corps de celle que tu accusais, à raison, d’être un agent du CP9 infiltré ne mentait plus. Elle était dans l’ensemble d’accord avec ta version des faits qu’elle ne réfutait pas.

    Mais, il y avait quelque chose d’étrange. Quelque chose qui manquait, qu’elle savait et que tu ignorais et dont elle jouait, dans le coin de sa bouche, dans le pli de ses yeux, dans une lueur de malice qui signait le fait qu’elle avait, possiblement, un coup de plus que toi. Un coup de plus que tout le monde.

    Longtemps, son visage demeura immobile, sans effort pour ouvrir la bouche, sans clignement d’œil. Telle une statue assise sur ton trône, elle jugeait le flot d’informations qui venait d’inonder la salle et les oreilles de ses loyaux sujets.

    De toute manière, sa couverture n’était plus un secret pour personne désormais. Et puis elle hocha la tête. Et sourit.

    - Je sais exactement où se trouve mon époux, ne vous en faites pas. Et oui, il y a bien une raison pour laquelle nous demeurons ici, face à l’ennemi. Ce n’est pas par loyauté, ce n’est pas une question d’honneur ou d’égo. Nous attendions le moment propice pour jouer notre dernière carte. Voyez-vous, il y a un point sur lequel vous vous trompez…

    Elle était en direct désormais n’est-ce pas ? Mais pourquoi accorder autant de crédit à un simple agent, à un pion qui travaillait pour le Gouvernement Mondial. Ce n’était pas sa parole que le peuple devait entendre… c’était celle de son époux.

    Au même moment, l’un des gardes rouges qui formaient la garde rapprochée de la jeune femme s’avança. Il retira son casque, difficilement : il était visible qu’il n’était pas expert dans la matière. Son truc à lui, c’étaient les livres, pas les armures. Ce qui se découvrit alors ne fut pas le visage lambda d’un homme qui avait trop chaud sous son heaume et qui souhaitait prendre une bouffée d’air frais.

    Non, c’était l’Empereur lui-même qui s’avançait sous vos yeux jusqu’au trône à présent.

    - J’imagine que nous vous devons quelques explications. Considérez alors que je n’ai jamais été un otage de la révolution. sourit le dynaste tout en se débarrassant de ses parties d’armure pour exposer une robe ample, jaune, richement décorée.

    Bien évidemment, le couple impérial n’avait aucun compte à rendre. Mais ils avaient visiblement fait le choix d’outrepasser les traditions pour te parler d’égal à égal. Non, ils ne s’adressaient pas à toi, mais à tous ceux qui regardaient ce coup de maître derrière leur écran de dendenvision. Et ils n’avaient pas terminé avec les révélations.

    - Nous avons menti. Mao a menti. La révolution a menti. L’homme livré à l’ennemi par le commandant de Fort Levant n’était qu’un imposteur. Mon mari se trouvait déjà à la Place du Dragon pendant tout ce temps, livré par le biais d’un convoi secret. En temps normal, après s’être repliée de la Baie de Jing, la Happou Navy aurait dû participer à la contre-attaque, à repousser l’envahisseur suite à la défaite du Gouvernement Mondial. Malheureusement le pirate Clotho a pris le contrôle du fort et contrecarré nos plans…

    - Nous avions prévu cette rébellion depuis le départ, nous savions exactement ce qui allait se passer. Et bien évidemment, nous étions au courant pour la présence de Zao à Jing depuis des mois. Tout cela n’était qu’une stratégie pour faire sortir la taupe de son trou. Malheureusement, certains éléments nous ont échappé… dévoila l’intellectuel avec tristesse. Longtemps sous-estimé et pris pour un vulgaire trophée au cours de la guerre, l’Empereur venait de découvrir une facette de sa personnalité que personne n’aurait deviné : celle d’un calculateur prêt à tout pour délivrer son peuple du joug des grandes organisations qui dominaient ce monde. Et ce qu’importassent les stratégies à mettre en œuvre.

    - Mais  la flotte corsaire n’a pas été réduite à néant pour autant. reprit son occulte épouse. En même temps que nous vous évoquons ces faits, celle-ci doit être en train d’encercler l’ennemi comme convenu par feu leur Commandant.

    - Ils ont beau être des pirates, ils restent fidèles à la cause du pays. Fidèles à notre projet.

    - Celui de se débarrasser des germes de la révolution….

    - …et par le même biais du Gouvernement Mondial.

    Tes deux interlocuteurs se tenaient à présent côte à côte, tous deux levés devant le trône. Ils semblaient rayonner tandis que leurs poings serrés et leurs postures prêtes pour le combat venaient imager la volonté dont ils étaient emplis. Hormis le fait que Wu Quang se soit faite passer pour une civile, elle n’en demeurait pas moins un agent du gouvernement… enfin, il n’était désormais plus certain de sa fidélité pour le GM au vu de ses dires, de ceux de son amant.

    D’une voix plus calme, elle fut celle qui dévoila alors la dernière partie de leur plan pour bouter l’ennemi hors du Pays des Fleurs :

    - Les Happou Pirates ne sont d’ailleurs pas les seuls à être restés fidèles. Croyez-vous que je suis restée ici à me tourner les pouces pendant tout ce temps ? J’organisais mon armée : celle qui est visible, au dehors, qui attend l’invasion. Et celle qui est dissimulée, en grand nombre, dans les rangs révolutionnaires. Considérez-les comme des agents dormants, mais nous préférons les appeler des patriotes. Qu’ils soient des citoyens qui ont pris les armes ou des déserteurs de l’armée, ils sont nos yeux, nos oreilles et bientôt nos bras armés contre les révolutionnaires qui les abritent.

    - Le moment est arrivé, ma chère. La confusion doit débuter désormais. La bataille se prépare chez eux… de l’intérieur. Nous devons agir. conseilla l’Empereur tout en serrant contre lui sa femme qui n’en avait pas terminé.

    Cette fois-ci, elle s’adressa à toi pour de bon, ses grandes pupilles noires plongées dans les tiennes :

    - Grâce à vous, nous avons pu faire passer le signal non pas simplement à notre peuple, mais à tous ceux qui regardent votre émission actuellement. Kanokuni est un pays libre, un pays souverain et ça ne changera jamais. Voyez désormais ce dont nous sommes capables.

    Progressivement, le corps de l’impératrice gagna encore plus en pâleur, tandis que ses vêtements devinrent blancs. Blancs comme la neige. Blancs comme du papier. Sous tes yeux, la jeune femme devint spontanément un amalgame de feuilles de papier flottant dans l’air. Puis en moins de temps qu’il ne fallut pour le dire, elle avait disparu, s’était envolée par la fenêtre.

    Diantre, qu’as-tu donc déclenché ?



        Une lame d’air passe juste au-dessus de ma tête, et étant donné la trajectoire de celle-ci, plutôt descendante, cela ne peut venir que d’en-haut. Je lève la tête brièvement pour voir qui est l’auteur de cette attaque, c’est là que j’aperçois deux personnes aux visages qui me sont familiers. Genre Loth Reich, un type aperçu au champ de bataille, puis… c’te gonzesse qui me fonce dessus avec tant de rage.

        J’ai pas tellement de temps pour me coltiner ce genre de pot de colle inutile. Ce m’inquiète le plus, c’est que Loth se dirige tranquillement vers le palais, puis que du côté de nos troupes, c’est le désordre total. Rafaelo doit être encore occupé ailleurs, je suis logiquement le plus apte à gérer cette situation des plus dramatiques. Nos frères s’entretuent sans que personne ne puisse les guider.

        Bon, ma petite demoiselle, au-delà du fait que tu ne sois pas à mon goût, j’ai d’autres chats à fouetter pour l’heure. À l’instar d’une toupie, je tournois rapidement sur moi-même, provoquant un mini tourbillon d’air d’où se dégage une multitude de lames de vent en direction de l’ennemi. Bien entendu, cela n’a pas pour but de blesser cette dernière, qui sans aucune difficulté, se défait de mon attaque en un rien de temps.

        Sauf que, voilà, après avoir arrêté de jouer avec mon attaque, elle se retrouve sans adversaire. En effet, je me suis rapidement mis à couvert en me cachent dans les étendus de forêt qui constituent cette Place du Dragon. Mon objectif est maintenant de retrouver l’armée, donc de retourner en arrière. Suelto et Maria y sont déjà, ce sont eux qui m’ont communiqué la situation dans laquelle elle se trouve.

        Je cours comme un démené, nettoyant le chemin en décimant les quelques soldats qui rodent dans les alentours, inquiet par la situation au loin. Assez rapidement, je retrouve mes deux acolytes sur le tronc d’un arbre, en train d’analyser la situation à l’aide d’une longue. À leurs regards, c’est pas très rassurant.

        « - Qu’en est-il ?
        - C’pas top du tout, dit Suelto d’un air désespéré.
        - C’est laid, rajoute Maria.
        - Mais encore ?
        - Notre armée se décime d’elle-même, l’armée royale n’a presque pas besoin d’agir, mais elle le fait pour nous décimer davantage.
        - Maria, es-tu prête à te battre au risque de perdre la vie ?
        - Repose-moi ce genre de questions et tu seras celui qui perdra la vie.
        - Pardon, dis-je en levant les yeux vers le ciel. Suelto, tu connais ta mission, inutile d’en dire davantage. À toute à l’heure ! »

        Je descends du tronc, Maria en fait de même, le rouquin reste sur son tronc. La réception se fait en fléchissant les jambes, et de cette position, j’envoie une puissante impulsion qui me propulse au loin, à une vitesse plus que respectable. Si j’avais un rétroviseur, j’imagine que Maria serait à quelques bons mètres derrière. Attaquer l’ennemi de ma sorte n’est pas ma meilleure idée, mais je compte sur l’effet de surprise, puis c’est mon style de combat, c’est comme ça.

        Quelques mètres avant la collision. Quelques petits mètres que j’enjambe à grande vitesse. Je commence à préparer ma lame, qui de son côté je le sens, n’attend que ça. Si je pouvais imager son esprit, je dirais qu’elle serait en train de se lécher les babines. Personne ne semble m’avoir remarqué. Dommage pour eux, heureusement pour moi.

        Froom !

        Une puissante lame de vent qui détruit tout un axe de l’armée, me laissant ainsi l’occasion de rentrer dans leur défense. Maria suit par la même occasion. Rapidement, l’étau se ressert. À quelques mètres, j’aperçois un énorme rocher surplombant l’ensemble de cette bataille. Je suis à présent focalisé essentiellement sur ce dernier. Je tue des individus sans compter, le sang ne cesse de gicler sur mon visage : je ne suis plus qu’une machine à tuer.

        La jeune demoiselle aux cheveux me colle aux baskets, parvenant tant bien que mal à s’en sortir, bien que la difficulté de la tâche soit importante. Heureusement, de son perchoir, Suelto parvient de manière prodigieuse à la couvrir avec ses tirs à distance. Nous y sommes presque, il ne reste quasiment rien. Je saisis la main de Maria pour la jeter au sommet de ce rocher, puis je la suis en prenant une bonne impulsion.

        Nous surplombons ce champ de bataille. C’est un véritable massacre fratricide auquel nous assistons. Je ressens beaucoup de peine à cet instant, je me sens presque entièrement responsable de cette catastrophe. Je suis sensé les guider, les emmener aussi loin qu’ils le sont capables, les empêcher de prendre de mauvaises décisions…

        « - Ragnar, t’as pas le temps de couiner là, dépêche-toi de faire quelque chose, tempère Maria en empêchant les types qui tentent de grimper pour nous attaquer. 
        - J’aime ton sang-froid, sale gosse, dis-je avant d’inspirer un bon coup. STOOOOOOOOOP ! en y mettant tout mon coeur. »

        La plupart des types s’arrêtent et m’observent. À cet instant, je dois faire vite, car c’est mon unique chance de capter leur attention.

        « Certains doivent savoir qui je suis, d’autres pas, on s’en branle ! Tout ce cinéma pour vous dire de ne pas vous tromper d’adversaire ! Cessez de vous entretuer et combattez le véritable ennemi qui vous fait face ! »

        Je reprends mon souffle en serrant les poings par la même occasion, le regard empli de colère.

        « Quant aux petits malins qui se sont glissés dans nos pour nous désunir, sachez une chose, vous ne faites que renforcer nos liens. »

        J’affiche maintenant un grand sourire.

        « Mes frères et mes soeurs, combattez ceux qui nous opposent, là, juste derrière moi. Faites honneur à la cause ! Faites-vous honneur à vous-mêmes ! Transcendez-vous ! Je m’occupe du reste. »

        Après ce court moment d’interruption, le sol commence à trembler, la foule clame je ne sais trop quoi, mais ils foncent tous sur le véritable ennemi. De mon côté, je scrute notre armée, prêt à bondir sur le premier qui attaque l’un des notre. Tiens, juste là, un type qui en égorge un autre. La règle était simple : combattez le véritable ennemi. Ceux qui n’obéissent pas vont simplement mourir.

        Une contraction une musculaire au niveau des membres inférieurs, la trajectoire jaugée à vue d’oeil, je file comme un éclair en direction de la cible. La lame pointée sur ce dernier, il ne me voit absolument pas arriver, c’est donc violemment embroché comme un bout de poulet, que ce sale traitre quitte ce monde.

        Au même moment, à ma droite, un autre type arme son épée vers un révolutionnaire, mais son mouvement se bloque en voyant ce que j’ai fait à son collègue. Il sait comment cette histoire va se finir pour lui, je n’épargne pas les traitres, et Divinité, ma lame, n’est absolument pas rassasiée. L’instant d’après, comme il s’en doutait, je le saisis par le cou et lui perfore le coeur, avant de jeter son corps comme un tas de merdes qui se fait piétiner par le reste de la troupe.

        À l’évidence, nous sommes dans un beau merdier. Seul, je ne pourrais empêcher tous les traîtres de réaliser leur oeuvre. Mais au moins, ainsi, l’élimination de notre armée se réduit relativement le temps de trouver une solution. Il y a beaucoup trop de fumée, les campements explosent les uns après les autres, c’est un véritable foutoir. Je ne sais même pas si ma voix peut arranger les choses.

        « Continuez, camarades ! La victoire est au bout ! »

        Inutile. Entre les détonations, les explosions, les hurlements incessants, impossible pour eux de m’entendre. Des membres volent de part et d’autre de ce foutu rocher vers lequel je me suis replié, au milieu de ces deux armées qui s’affrontent vaillamment. Je suis à court d’idée. Sur cette lancée, nous allons probablement tous mourir sans que l’Impératrice ait eu une seule raison de s’inquiéter.

        Puru-puru-puru…

        « - Euh… Qui est-ce ?
        - Ne me reconnais-tu, gamin ?
        - Comment c’est possible ?… Je t’ai vu mort sur le champ de bataille, vieillard !
        - Je t’expliquerai tout cela autour d’un thé, lorsque nous aurons remporté cette bataille. Actuellement avec une troupe de soldats, un reste de tous ceux que j’ai pu retrouver en chemin, nous arrivons rapidement vers ta position. Suelto m’a informé de la situation. Et oui, je l’ai eu avant toi. Je suis son formateur après tout. Bref.
        - T’es un génie, Will’ ! »

        Je raccroche aussitôt. William Mander-Lee est quelqu’un de très droit, alors qu’un gamin comme lui parle ainsi, puis lui raccroche au nez, je n’imagine même pas sa colère à l’heure actuelle. Mais quoiqu’il en soit, son idée est la meilleure que l’on ai pour le moment. Ça pue les stratégies à la Suelto, va savoir s’il n’est derrière tout ça encore.
        Une trompette, je ne sais quoi, mais quelque chose retentit quelques instants après l’appel. Tout le monde s’arrête, que ce soit l’ennemi ou les révolutionnaires, chacun reste figé. Ça doit être William et ses hommes qui débarquent. Tout le monde s’est arrêté, c’est le moment de réagir. Les traites dans nos rangs ? Je ne connais aucun moyen de neutraliser cette gangrène qui se propage, mais s’entretuer est de loin la pire des solutions.

        « CHARGEZ !!! »

        Au tour de l’armée royale de prendre son tarif. Derrière nous, des hurlements survenants au-delà de notre campement. J’esquisse un léger sourire en sachant déjà ce qui va rapidement nous rejoindre. Des renforts, c’est tout ce dont nous avons besoin actuellement. William en tête, à cheval, suivit de près par une armée de révolutionnaires battants de la lame contre le bouclier, plus affamés que jamais.

        L’Atout de la révolution me rejoint rapidement sur son cheval. Il impose une certaine prestance, ce n’est pas n’importe qui. Du haut de sa monture, il me regarde d’un air hautin, m’analyse de la tête au pied, puis souffle désespérément en tournant la tête dans tous les sens. Que diable ai-je encore bien pu faire pour le mettre dans cet état ? Ce vieillard est capable de sermonner un individu pendant des heures sans interruptions.

        « - Tu es un cavalier, gamin, pas un simple soldat. Tiens-toi droit, fièrement, tu dois afficher une posture rassurante face à toute épreuve. Allez, monte sur mon nouvel ami, notre combat n’est pas ici. Suelto se chargera de commander l’armée jusqu’à nous une fois le travail terminé ici, il doit être un bien meilleur leader que toi, gamin. Faisons au moins le ménage sur notre passage, cela soulagera nos camarades.
        - J’te trouve bien trop bruyant pour un vieillard sénile.
        - Un vieillard qui va t'enfoncer tes dents tellement loin dans la gorge que tu devras te foutre un bras dans le fion pour les brosser. »

        Venant d’un type aussi propre que lui, de tels propos, croyez-moi que j’en reste bouche-bée. D’ailleurs, sans donner la moindre explication, il saute devant en me laissant les reines. Durant son envol, il semble passer d’un stade bipède à celui de quadrupède, avec des poils tout le long de son corps. On dirait un énorme chien-loup. Il attaque violemment tout ce qu’il y a sur son passage, c’est une véritable marre de sang qui se propage.

        En me retournant, j’aperçois toute cette armée de frères, qui court derrière moi avec cette envie de tout rafler sur son passage. Instinctivement, je brandis ma lame en l’air, provoquant une totale frénésie chez ses types qui se transcendent. Être un leader, ce n’est pas seulement être parmi les plus, c’est aussi et surtout être capable de guider ses hommes le plus loin possible.

        « Tu vas devoir faire cavalier seul, gamin. Je dois rester avec mes hommes ici, j’ai comme un mauvais pressentiment. »

        J’acquiesce simplement de la tête. Le temps nous manque, je ne dois pas en perdre davantage. J’espère ne pas croiser de nouveau la folle de toute à l’heure. Entre elle, Loth Reich et l’Impératrice, je ne vois pas comment gérer la situation, et ce malgré la présence de Zao. Il me faut le prévenir de mon arrivée. À cheval, j’’atteindrais le palais en quelques minutes.

        « - Zao ? Ragnar Etzmurt à l’appareil. Je suis actuellement le seul révolutionnaire en route vers le palais, des imprévus nous ont diminué. J’y suis dans quelques minutes, sauf si bien sûr on me retarde en route.
        - Le seul !? Hum… Nous ferons avec. Rejoins-moi à l’ouest du palais, au niveau du deuxième tas de buissons, je te ferais entrer.  »

        En espérant que tout cela se passe dans la plus grande tranquillité. Mais je crois avoir oublié que je suis actuellement sur un champ de bataille, et qu’à la moindre dispersion de mon esprit, la mort peut s’en suivre aussitôt. J’approche du palais, il est maintenant visible à quelques centaines de mètres. Je me dirige déjà vers l’ouest où Zao m’a indiqué le lieu de rendez-vous.

        Un buisson… Deux buissons… C’est ici ! Dissimulé derrière un arbre, j’observe silencieusement les alentours. Psst… Psst… Que j’envoie désespérément en l’attente d’une réponse, d’un signe. Et là, une main sort du buisson en e faisant signe d’avance. Un coup d’oeil à droite, un coup d’oeil à gauche, un léger regard en-haut, puis je fonce en finissant par plonger dans le buisson où un vieil homme me réceptionne malgré lui.

        « - Aie ! dit le vieillard en se grattant l’épaule. T’es débile ou tu le fais exprès, sauvage ? 
        - L’ennemi peut être partout, dis-je en craquant mes cervicales. Bon, on attaque ?
        - Suis-moi. »

        Zao ouvre une plaque d’égout, juste sous ses pieds, puis saute pieds joints sans prévenir. J’en fais autant, sauf qu’avec l’obscurité, impossible pour moi de prévoir la réception. Plouf ! Les fesses à l’eau, me voici trompé et puant les égouts. J’adore déjà cette mission. Les canalisations, tout le monde pense que c’est cool, mais c’est grâce à ça que nous autres, révolutionnaires, pouvons infiltrer des hauts lieux comme celui-ci.

        « - Bon, et sinon, t’as un plan l’vieux ? 
        - Respecte donc tes aînés un peu. D’autant plus que je suis ton supérieur, crétin.
        - Pardonne-moi, Zao-sempaï, dis-je en me prosternant.
        - T’es complètement barré mon pauvre… Concernant la suite des opérations, on s’introduit dans le palais, on élime les gardes discrètement jusqu’à la salle où réside la reine et on l’assassine. Tout cela à vitesse grand V. On ne discute pas, on élimine et on se tire.
        - Tu sais que nous allons certainement rencontrer des adversaires de taille ?
        - Mon seul objectif est l’empereur. Prions pour que tu sois assez fort pour survivre sans mon aide. »

        Hum. C’est très rassurant. Sauf qu'en avançant légèrement, l'Atout allume une torche, et surprise, une troupe de la révolution, là, prête à intervenir à tout instant. Le vieil homme esquisse un sourie moqueur, l'air de me dire que j'ai encore beaucoup à apprendre. Ça ne serait pas mentir, le chemin est encore long vers ce titre. Mais peu importe, ma priorité est toute autre actuellement, cet énorme coup de pouce change complètement la donne. Ce type avait déjà tout préparé. Qui sait, il avait peut-être même l'intention d'y aller tout seul initialement. Toujours prévoir le pire, c'est ce que je retiendrais de cette leçon.




      Dernière édition par Ragnar Etzmurt le Jeu 21 Sep 2017 - 17:38, édité 1 fois
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      Et au large du pays…

      « -Gravelor, vais avoir besoin de vous.
      -Mmmh. Sigurd ?
      -Z’avez entendu ça ? Z’avez vu ce qu’ils vont faire ?
      -Oui. Peut être que la révolution ne gagnera pas, finalement. Ils sont prêts à se battre. Et en ont les moyens.
      -Ouais. Et c’est vraiment de la merde.
      -Hein ?
      -J’veux parler à Shura. Mais restez avec nous, comme ça vous entendrez. Pas besoin d’interrompre la Miss, elle devinera ce que je vais faire d’ici quarante secondes. Trois minutes maximum. Continuez à tourner, faut pas que personne décroche. »

      *
      * *
      *


      Ah… c’était inattendu. Wu Quang s’était volatilisée, laissant son mari seul aux bons soins de sa garde prétorienne et de notre petite équipe. Et il en profita pour nous expliciter leurs manœuvres, complétant ce qu’ils nous avaient déjà dit. L’homme paraissait satisfait de son plan et de sa révélation, peut être triomphant, à tout le moins déterminé et animé d’une énergie que son peuple ne lui aurait jamais prêté de sa vie. Il irait jusqu’au bout.

      Il s’était joué de nous, et nous avait tous eu. Avec sa femme et leurs fidèles, ils étaient parvenus à conserver une carte maîtresse qui changeait entièrement la donne. Maintenant, ils y croyaient. Ils pouvaient se défendre. Ils avaient une chance, du moins. La Place du Dragon contenait dix mille soldats entraînés, dont une portion que j’étais incapable de chiffrer constituée de membres de la Garde Rouge, les forces d’élite du royaume. Des guerriers incroyables, disaient-ils. A opposer aux cent mille contestataires qui s’efforçaient de faire ployer les murs de la place… mais dont il fallait déduire vingt mille saboteurs infiltrés qui venaient à l’instant de se révéler. La vaste majorité d’entre eux étaient des civils, même si une force conséquente de combattants révolutionnaires complétait leur ensemble.

      L’armée de Wu Quang devait toutefois recevoir des renforts supplémentaires sous la forme de cinq mille pirates aux penchants nationalistes, dont l’empereur détailla longuement les mérites.

      Et lorsqu’il termina son exposé complémentaire, et bien… ce fut à moi de reprendre. Nous étions toujours en direct, mais… je n’y faisais plus attention. Ou plutôt… c’était bien mieux comme ça.

      « -Eh bien… pour un retournement, nous voilà bien servis, repris-je. Je ne sais pas quoi penser. D'un côté, votre présence ici... et votre sécurité... est une très bonne surprise. Vous savez, je pensais demander à mes associés d'envoyer des équipes par homme-canon jusqu'à la capitale, en renfort de nos journalistes sur place, et avec une quarantaine de D.R.O.N.E. aériens en renforts pour aider à vous rechercher. Si nous nous associons à vos équipes d'informateurs et d'agents, nous pouvions vous retrouver. Je le pense, en tout cas. Je pensais même mettre Sigurd sur l'affaire. Il est trop douillet pour accepter un voyage en canon-parachute de bon gré, mais il aurait dit oui. Et même si ce n'est pas le moins du monde un combattant à même de reprendre un otage par la force, il est plein de ressources. J'y croyais sincèrement. »

      Enfin, ça, c’était avant qu’on apprenne ce qu’il en était vraiment. Maintenant, ça n’avait plus lieu d’être. Et tant pis pour l’objectivité, l’absence de prises de position, le fait de ne pas jouer aux héros ou tout ce qu’on s’était dit à ce sujet. Nous pouvions être acteurs, nous mêler de ce qui nous ne regardait pas.

      Ne nous regardait…

      Regarder.

      Je regardai en direction de la caméra, et… pourquoi diable Shura me faisait de grands signes de la main ? Je ne comprenais rien à ce qu’il voulait me dire, mais pouvais deviner que c’était lié à Sigurd qui allait nous reprendre. Je devais juste garder l’empereur à l’écran.

      « -Mais même maintenant… vous combattez à trente contre quatre-vingt mille… et même plus. Vous espérez gagner?
      -Absolument. La très vaste majorité des forces révolutionnaires est constituée de civils révoltés. Ce ne sont pas des soldats, contrairement à mes hommes. Ils n’ont pas la même discipline ni le même entrainement que nos forces. Ils n’ont pas non plus de figure majeure pour les inspirer et les porter lors du combat, là où nous avons Qing Kong et l’impératrice pour mener notre charge. Et je vous assure que vous n’avez pas idée de la force que ces deux-là représentent. Les révolutionnaires n'ont pu déployer que l’ex contre-amiral Mander-Lee, rescapé et affaibli de son affrontement précédent avec le vice-amiral Fenyang. Combat au terme duquel, comme vous l’avez révélé à l’écran, il a bien failli mourir… vous le croyiez mort, si je ne m’abuse. »

      Oui, c’était vrai. Mais c’était parce que nous n’avions… et que même maintenant, nous n’avions toujours pas la moindre idée de ce qu’étaient les pouvoirs de cet homme. Il n’était pas tenace, il était beaucoup plus. Il revenait des morts à chaque fois qu’on le tuait. Vive les fruits du démon.

      « -Je suis confiant, continua l’empereur. J’espère sincèrement que nos soldats prendront l’avantage assez vite pour que les contestataires se démoralisent et se dispersent. Avec de la chance, si nous réussissons notre manœuvre, nous pourrons les surclasser immédiatement et limiter les pertes au maximum. Pour chacun des deux camps.
      -J’espère que vous n’êtes pas trop optimiste… ne serait-ce que pour vos saboteurs qui, s’ils disposent de l’élément de surprise, sont aussi dans une position précaire, encerclés dans les lignes ennemis.
      -Je vous assure que vous vous trompez sur ce point. Ils ont eu le loisir de se positionner tout à leur avantage. Nous savons ce que nous faisons. Nos formations tiendront.
      -Mmmh. Je vois ce que vous voulez dire. Mais… je me demandais… si les choses se passent mal, et ce bien au-delà d’une simple défaite de votre armée… avec ce Mander-Lee… vous ne craignez rien pour votre épouse ? »

      Zhou Quang m’observa un instant, surpris. Curieux de savoir si ma question n’était qu’une terrible indélicatesse, ou s’il y avait une arrière-pensée à celle-ci. Et le cas échéant, de quoi s'agissait-il. Je dû toutefois réussir son épreuve, car il sembla s’adoucir, sur ses traits comme dans le timbre de sa voix. Comme si un des filtres de l’empereur millénaire venait de s’affaisser. Il se rapprocha encore davantage auprès de nous, s’adressant autant à moi qu’à la caméra.

      « -Quoi qu’il puisse advenir… nous avions parfaitement conscience des risques que nous allions prendre pour défendre notre pays de la marine et de la révolution. Et c’est toujours le cas. Nous aurions pu fuir depuis longtemps, avant que tout ne commence. Nous ne faisions pas l’autruche, pas plus que nous rêvions de maintenir « notre dynastie moribonde sous perfusion aussi longtemps que possible », pour reprendre vos termes. L’impératrice et moi-même acceptons les risques. Mais même ainsi… comme vous avez pu le voir, Wu a mangé le logia du papier. Elle est invincible. Parmi les adversaires qui auraient potentiellement pu la combattre avec le haki, je parle de Messieurs Fenyang, Auditore et Mandrake, tous ont battu en retraite, ou sont restés à l’autre bout de l’île, sur la baie de Jing.
      -… ah. Mandrake est finalement intervenu?
      -Nous disposons de notre propre relai d'informateurs, Mademoiselle Haylor. Qui peuvent voir des choses invisibles depuis les cieux. Mais votre diffusion du combat entre le vice-amiral et l'assassin était très instructive.
      -Et Mander-Lee ?
      -Vraisemblablement très affaibli, comme j’ai pu vous le dire. Il a également perdu son second de toujours aux mains de la marine. Il doit être dévasté, ce qui peut jouer dans les deux sens. Avec l’esprit clair, il pourrait admettre que nous ne sommes finalement pas ses ennemis, que nous souhaitons uniquement nous émanciper et de la marine, et de la révolution. Qu’ils cherchent à prendre notre pays par la force sans que le gouvernement mondial ne soit impliqué. Alors qu’à l’inverse, avec l’esprit aveuglé par le ressenti de ses pertes récentes, il pourrait tenir à accomplir sa mission quel qu’en soit le prix… ce qui serait le pire cas de figure. Nous pouvons aussi espérer que son moral soit au plus bas, et que ses réflexes et ses aptitudes de commandement en pâtiront.
      -Mmmh… »

      D’un geste de la main lancé sans me retourner, je fis signe à la caméra de couper. J’allais aborder maintenant un sujet et quelques thèmes qu’il valait mieux ne pas exposer devant tous. Je ne voulais pas donner de bonnes idées à de mauvaises personnes. Et puis… je devinais que le studio aurait besoin d’espace, pour préparer la suite.

      Quelques secondes plus tard, notre technicien nous indiqua que c’était bon. Nous pouvions procéder.

      « -Nous ne sommes plus à l’antenne, vous pourrez donc parler sans craindre que le monde entier nous écoute. Je voulais quand même souligner… contrairement à ce que les gens se plaisent à penser, avoir un logia ne rendra pas votre femme invincible. Je dirais qu'il lui reste... trois-quatre points faibles. L'eau de mer, déjà, comme pour tous les démons. Je ne connais pas les détails de l'immersion requise... mais ce ne sera probablement pas ce qui causerait sa perte aujourd'hui, à moins que les gris ne soient bien équipés. Reste à savoir s'ils s'attendaient à ça pour anticiper la parade. Mais de toute manière, il y a bien plus simple. Si elle est de papier, elle doit être ridiculement vulnérable au feu. Peut-être aussi à l'eau. Est-ce qu’elle peut prendre des bains sans problème ? »

      Le feu. Ce qui, paradoxalement, faisait de moi la plus à même de la tenir en respect. Un détail que je n'allais sûrement pas exposer à l’empereur… je n’avais pas vraiment besoin que l’on me considère comme un danger, ici.
      J’allais pourtant aborder le point le plus sensible, maintenant. Là où je voulais en venir.

      « -Et enfin... je pense que vous constituez le meilleur et le pire levier de pression que quiconque pourrait espérer avoir contre votre armée. Même si nous sommes en sécurité ici… je suis convaincue qu’un assassin expérimenté de la révolution pourrait très facilement nous rejoindre. Et comme vous l’avez dit, nos pièces maîtresses sont sur le front, pas avec nous. Nous ne sommes pas à l'abri. Il faudra que vous disparaissiez au terme de notre entretien, peut-être à nouveau vous faire passer pour un soldat quelconque. C’était un excellent déguisement.
      -Ce ne sera pas nécessaire. La Garde Rouge est tout à fait à même d’assurer notre sécurité, croyez-moi sur ce point. Et en ce qui me concerne, je me suis caché bien assez longtemps aux yeux du monde et de mes hommes. Je leur dois ma présence, maintenant. Le monde ne doit pas retenir de moi l’image d’un faible qui préfère disparaître devant le danger, aussi ample soit-il. Et le moral d’une armée dépend avant tout de l’implication de ses commandants. Je veux qu’ils sachent que je ne les abandonne pas. Et même si ma femme se trouve à leur tête, je me refuse de fuir. Je ne suis pas un guerrier capable de les mener à la victoire, mais...
      -Nous n'avons de toute manière pas besoin de davantage de héros, complétai-je. Il y en a déjà beaucoup trop sur Kanokuni. C'est justement ça le problème. Ils veulent tous faire triompher leur camp, et sont tellement obsédés par leurs idéaux qu’ils deviennent prêts à tout pour le faire.
      -C’est… une façon de voir les choses. Je crois que je comprends.
      -Ce n’est pas de moi. Vous voyez mon collègue ?
      -Monsieur Dogaku ?
      -Il est sensiblement moins idiot que ce qu’il faire. Il faut juste creuser.
      -Ca ne m’empêchera pas de rester ici. Je reste l’empereur d’une armée qui se bas ici-bas, et nous jouons le tout pour le tout. Vous parliez de ma femme comme étant une demoiselle en détresse à sauver d’assassins… je me charge de ce rôle. Si des agents d’élite de la révolution parviennent à parvenir jusqu’à nous, considérons que cela allègera la charge de nos forces sur la Place. Mes gardes rouges pourront contribuer au combat, comme ça. Et si je devais mourir malgré tout… veillons juste à ce que ça se fasse publiquement, pour que le monde entier voie le vrai visage de la révolution. Vous faîtes de l’excellent travail. Continuez à filmer. »

      Mmmmh. Ca faisait peur à comprendre. Il voulait être une cible… et mourir en martyr en direct à l’écran devant le monde entier pour entacher les gris ? J’espère que ce n’était pas ça. Même si… ce serait en effet… non. Une fin à éviter. Je voulais le voir vivre, peu importe ce qui se passe.

      « - … si vous le prenez comme ça… j'aimerais vous protéger, répondis-je. Je n'irai pas jusqu'à risquer ma vie et insister contre un adversaire visiblement beaucoup trop fort pour moi, mais je ferai mon possible pour tenir en respect tout ce qui sera à ma hauteur. Mais pour ça, il me faudrait mon matériel. Mes chaînes et les coquillages qui m’ont été retirés aux portes du Refuge. Je vous laisse décider. »

      Il n’hésita même pas, ce qui fut une surprise. D’un simple regard, comme sa femme l’avait fait avant lui, il ordonna à un de ses serviteurs de me restituer tous mes biens. Et ils revinrent à quatre pour traîner à leur suite mes quelques centaines de mètres de chaînes, que je ne tardai pas à rembobiner dans mes manches. Ainsi que mes coquillages, que je préparai un à un. On avait beau dire, c’était tout de même beaucoup plus confortable d’être bien équipée dans ces situations. Je ne comprends même pas comment je pouvais faire avant ça, dans l’armée.

      Shura attendit que je finisse avant de nous faire signe qu’ils reprenaient le tournage. Mais surtout, que les autres allaient maintenant intervenir, et qu’ils n’attendaient plus que je leur donne la parole pour se lancer. Alors, je repris à l’adresse de l’empereur :

      « -Vous savez… je vais me répéter, mais le fait que vous ne soyez pas un otage me fait vraiment, vraiment plaisir. À l'origine, je pensais que lancer votre conjointe à votre recherche serait le meilleur moyen de résoudre la crise sur la Place du Dragon. Ce qui aurait permis à la fois de sauver vous et votre femme, d'anéantir l'objectif du siège révolutionnaire en faisant disparaître sa cible, de parachever la défaite de la marine en transformant son impératrice infiltrée en électron libre, de décapiter la seconde moitié du couple impérial –donc le gouvernement- en lui faisant quitter ce qui reste de ses fidèles, et somme toute de faire en sorte que plus personne ici n'ait la moindre raison de combattre et mourir. J'aurais fait en sorte que la désertion de l'impératrice soit annoncée. La révolution aurait pris le contrôle du pays, mais plus personne n'y pouvait rien. Donc autant limiter la casse, à ce stade. Mais ça, c'était avant de savoir que ce qui reste des forces en présence n'était pas aussi déséquilibré que ce que tout le monde croyait. Que vous alliez vous battre. »

      L’empereur me considéra étrangement. La simple pensée que nous ayons souhaité provoquer une victoire propre et facile de la révolution semblait le déranger. Mais c’était dépassé. Je m’étais maintenant tournée pour faire face à la caméra ; derrière, le caméraman me communiquait muettement toutes les informations dont j’avais besoin. Il le faisait depuis plusieurs minutes, en vérité.

      « -Ce qui nous amène à un autre problème. Oui, vous êtes en mesure de faire en sorte que Kanokuni conserve son indépendance. Pas de gouverneur des cinq étoiles parachuté en lieu et place de son gouvernement millénaire pour affermir la prise de Marijoa sur la planète. Pas de révolution pour attirer constamment l'ire de la marine mondiale et transformer le pays en point de ressources à extraire pour soutenir la Cause. Je vous avoue qu'il s'agit d'une issue qui nous plairait infiniment plus. Mais pour en arriver là, il y a une étape qui ne nous plaît pas le moins du monde, et vers laquelle vous vous êtes lancés en étant prêts à tout. Héroïquement. Puisque les deux camps ont chacun une chance raisonnable de réussir, personne n'acceptera de céder. Dans le combat qui aura lieu, il va y avoir énormément de morts. Le problème des soulèvements révolutionnaires, c'est qu'ils parviennent à mobiliser énormément de civils. Et je... et nous trouvons tous ça dommage. Mais peut-on l'empêcher? »

      La situation actuelle était acceptable. Il y avait de l’espoir. Zhou et Wu Quang avaient bien fait.

      « -Vous avez pu compter sur votre conjointe pour compléter vos talents et vous accompagner dans votre projet insensé. Vous avez réussi. J'ai quand même envie de voir si moi, mon énergumène et toute notre bande pouvons faire autre chose. »

      Car nous voulions faire mieux.

      « -Et le connaissant, je peux vous dire qu'avec le temps qu'il lui faudra pour traverser le navire-studio, forcer le passage auprès du reste des producteurs et techniciens, obliger tout le monde à le suivre dans son idée, et enfin passer à l'antenne, il s'exprimera dans cinq, quatre, trois, deux, un…




























      « HOLA STOP, TOUT LE MONDE, ON SE CALME, ON ARRETE, ON SE POSE UN MOMENT ET ON ARRETE LES CONNERIES LE TEMPS QUE JE VAIS PARLER, MERCI. »



      « J’AI DIT STOP PUTAIN DE MERDE, FAITES COMME DANS LE PROVERBE : QUAND LE SINGE POINTE LA LUNE, TOUT LE MONDE LE REGARDE !!! »



      « LA. J’VOUS REMERCIE. »


      « MESDAMES, MESDEMOISELLES, MESSIEURS, SOLDATS ET OFFICIERS DE L'ARMÉE IMPÉRIALE, HABITANTS DE NANOKUTRUK, CONTESTATAIRES EXTRÉMISTES MILITANT AUTOUR DE LA PLACE DU DRAGON, OFFICIERS ET AGENTS RÉVOLUTIONNAIRES DE TOUS POILS, GRAND MANITOU SUPRÊME INSTIGATEUR DE L'ACTION RÉVOLUTIONNAIRE, IMPÉRATRICE WU QUANG, EMPEREUR ZHOU QUANG, ET GLOBALEMENT TOUS LES PARTICIPANTS ET RESPONSABLES POTENTIELS DE LA JOYEUSE BOUCHERIE QUI SE PRÉPARE. »

      « REBONJOUR. »

      « C'EST L'HEURE DE LA QUESTION INTELLIGENTE NUMERO DEUX-CENT-QUATRE-VINGT-CINQ TIRET XB : VOUS ETES VRAIMENT SÛRS DE VOULOIR PORTER VOTRE CONNERIE JUSQU’AU BOUT ? »



      *
      * *
      *

      Quelques instants plus tôt, à plusieurs dizaines de kilomètres de là, dans notre navire-studio au large des côtes ouest du pays de Kano, au coeur de notre fourmilière grouillante de techniciens et de personnel support...

      -Une dernière fois, Sigurd. Vous êtes sûr que vous n'allez pas faire une énorme connerie?
      -Z'en faîtes pas, je suis à fond. On a rien de mieux à faire, d’toute manière. Au pire on passe pour de gros cons, mais comme j'ai dit à la miss, vu que y'a trop de héros dans c't'affaire, j'vais m'charger d'être le naze.

      Son interlocuteur était Gravelor Boboriboum, notre producteur et associé dans cet expédition, ainsi que le chef d’orchestre à temps plein de la programmation. Sigurd avait dit qu'il n'interviendrait plus dans la conduite des évènements, à moins qu'on ne lui trouve une excellente raison de le faire. Il était trop sensible. Ce qui se passait sur Kanokuni, et en particulier ce qui s'était passé sur la Baie de Jing, l'avait complètement abattu. Enervé. Il détestait ces conflits, et vivait incroyablement mal ce qui se passait ici. Au point de nous avoir complètement abandonné sur la présentation quand le moral n’y fut plus.

      Il avait bouillonné son ressenti pendant de longues heures, dégouté, déprimé, prompt à l’indignation, et juste insupportable.

      Et la soupe était prête. Gravelor allait servir.

      -Alors on est partis. Montez tous les audios au maximum. Gardez la Place du Dragon en visuel pour la Dendenvision. Faîtes basculer les denden cent-quarante à cent-quatre-vingt sur la Place. Préparez-vous à basculer l'image sur la salle du trône de l'empereur quand je vous en donnerai le signal. Et c'est à vous, Sigurd.

      *
      * *
      *

      « BON EH BAH ALLEZ-Y JE REGARDE, FOUTEZ VOUS SUR LA GUEULE ON ATTEND TOUS QUE ÇA! ÇA VA AMUSER L'MONDE, PARAÎT QUE LA GUERRE ÇA VEND, ON POURRAIT MÊME SCORER LES QUATRE-VINGT POINTS D'AUDIMAT GRACE À VOUS. Z'ÊTES EN LIVE, ON RATERA PAS UNE MIETTE, ET QUITTE À CE QUE VOUS NOUS FASSIEZ UN DARWIN AWARD D'UNE ÉCHELLE NATIONALE EN VOUS DÉBITANT COMME DES STEAKS ENTRE COMPATRIOTES, AUTANT QU'ON SAUVE LE TRUC, ÇA POURRA PTÊTRE SERVIR DE PENSE-BETE À D'AUTRES PEUPLES QUI ENVISAGERAIENT DE SE FAIRE UNE PETITE GUERRE CIVILE UN DE CES QUATRE! »

      « PARCE QUE BON, VOUS AVEZ DÉJÀ PERDU DES TONNES D'INFRASTRUCTURES AVEC TOUTES VOS CONNERIES DANS LA BAIE DE JING, Y'A CHAIS PAS COMBIEN DE VOS NAVIRES QU'ONT COULÉ DANS L'AFFAIRE, CE QUI SIGNIFIE QUE VOUS ALLEZ EN CHIER POUR AVOIR DES RESSOURCES EXTÉRIEURES DANS LES MOIS QUI VONT SUIVRE, VOUS POURRIEZ CREVER DE FAIM, ALORS TANT QUE VOUS Y ÊTES, FOUTEZ AUSSI EN L'AIR VOS CHANCES DE VOUS RECONSTRUIRE EN AYANT PAS ASSEZ DE BRAS POUR BOSSER! »

      « ET JE VOUS RECOMMANDE DE VEILLER À BIEN TOUS VOUS TUER DANS CE CAS, PARCE QU'AUTANT UN MORT ÇA N'A PLUS BESOIN DE RIEN, AUTANT UN ESTROPIÉ DE GUERRE, FAUT TOUJOURS LE NOURIR! »


      Ah.

      Il était très en forme, pour le coup.

      Notre part d’audience… était maintenant de soixante-douze pourcents à l’échelle mondiale. Et de quatre-vingt-dix et des poussières sur Kanokuni. Dans les rangs de l’armée, dans les rangs des contestataires, nous étions une source d’information telle que plus d’un groupe sur deux disposait d’une Dendenradio pour rester aux faits de ce qui se passait.

      Ce qui n’avait plus la moindre importance. Nous avions maintenant près d’une centaine de D.R.O.N.E. qui survolaient la Place du Dragon. Et outre leur fonction de capture d’image, ils pouvaient également faire office de haut-parleurs. En version mégaphone.

      Tout le monde devait nous écouter, ils n'avaient pas le choix.

      En espérant qu’ils y prêtent attention…


      « HONNETEMENT JE SAIS PAS PAR QUEL GROUPE COMMENCER PARCE QUE VOUS AVEZ TELLEMENT TOUS FAIT DE LA MERDE QU'À CÔTÉ, CES BLAIREAUX DU GM SERAIENT PRESQUE DES TYPES BIEN S'ILS ÉTAIENT PAS CLICHÉS. ON VA DIRE QUE J'COMMENCE PAR MON GROUPE LES CIVILS, IL FAUT BIEN UNE JUSTICE. ALORS MAIS SÉRIEUSEMENT: PUTAIN MAIS D'OÙ EST-CE QUE VOUS AVEZ TOUS DÉCIDÉ D'ÊTRE CONS À VOUS COMPORTER COMME DES PNJ CLAMPINS DIGNES DES DEMANDES DE QUÊTES, POUR FOUTRE UN TEL BORDEL? C'ÉTAIT PAS BIEN AVANT!? C’EST POSSIBLE ET PROBABLE, C'EST TRÈS SOUVENT LA MERDE. MAIS AU POINT DE DONNER À LA MARINE ET À LA RÉVO TOUT CE QU'IL FAUT COMME PRÉTEXTE POUR VENIR FAIRE LEURS COURSES CHEZ VOUS? SUR LUVNEEL ON A UN TRUC QU'A L'AIR DE VOUS MANQUER, ÇA S'APPELLE LE BON SENS, PUTAIN DE MERDE! »

      « PARCE QUE SI ON LA REFAIT, QUOI, C’EST CA QUE VOUS VOUS ÊTES DITS !?


      « ♫ OUAAAAAIIIIS, VIVE LA RÉVO, ILS VEULENT JUSTE NOUS AIDER, Y'A TOUT QUI SE PASSERA BIEN, ON EST TOUS OPPRIMÉS, ILS SONT POUR LES DROITS DE L'HOMME! ♪ ♪»


      « OUAIS? ALLÔ? NOOON! JE VOUS JURE QUE SI UN SEUL CRÉTIN SE PRENAIT À DIRE ÇA PAR CHEZ NOUS, ON LUI COLLERAIT UNE MUSELIÈRE ET ON LANCERAIT UNE CHASSE AUX SORCIÈRES ANTI-CP DANS TOUT LE PAYS POUR ÊTRE SÛRS QUE LE GM SE SERVIRA PAS DE L'OCCASION POUR SE POINTER. ALORS BIG NEWS, LES RÉVOLUTIONNAIRES CE SONT DES TERRORISTES, ILS ONT DÉCLARÉ LA GUERRE À L'ORGA LA PLUS MONSTRUEUSE DE LA PLANÈTE, ILS SONT TRAQUÉS DE PARTOUT, LA MARINE S'ÉCHINE PLUS À LEUR POURRIR LA GUEULE QU'À SE CHARGER DES PIRATES, CE QU'EST D'AILLEURS DÉBILE PARCE QU'À CÔTÉ DE ÇA Y'A LES EMPEREURS PIRATES ET LES CHIENS D'ARMADA QUI SE BRANLENT LA FIERTÉ À JOUER AUX GAILLARDS INTOUCHABLES, MAIS C'EST UNE AUTRE HISTOIRE. »

      « LE TRUC C'EST QUE MALHEUREUSEMENT ON S'EN FICHE DE SAVOIR SI CE QUE FONT LES RÉVOS C'EST BIEN OU PAS BIEN, PARCE QU'AU FINAL S'ALLIER À EUX ET SE JOINDRE À LEUR CAUSE ET -MAIS ALORS PIRE QUE TOUT- LES BALANCER À LA TÊTE DE SON COIN, C'EST JUSTE PEINDRE UNE ÉNORME CIBLE ROUGE SUR LA MAP DU PAYS POUR LEUR DIRE « VENEZ DOOOOONC, JE SUIS L'ENNEMI DU MONDE, J'ME CACHE PAS, VENEZ DONC ME BUTEEER ♥ ». ÇA S'APPELLE DU SUICIDE, VOUS FOUTEZ TOUT LE MONDE DANS LA MERDE, VOUS, VOTRE FAMILLE, VOTRE PAYS JUSQU'AU BOUT, ET RÉSULTAT DES COURSES, LA MARINE VA TELLEMENT INSISTER À VENIR VOUS POURIR ET ENCORE ET ENCORE ET ENCORE ET ENCOOORE QUE MÊME S'ILS VOUS FONT PAS LA DÉLICATESSE DE VOUS VOMIR UN BUSTER CALL À LA FIGURE -VOUS SAVEZ, LA VITRIFICATION MÉTHODIQUE DU DÉCOR AU BOULET DE CANON, LÀ?- TOUTE VOTRE ÎLE FINIRA TELLEMENT INVIVABLE QUE VOUS VOUDREZ LA FUIR ET QUE VOUS ÉMIGREREZ EN MASSE DU PAYS POUR TROUVER REFUGE N'IMPORTE OÙ D'AUTRE. »

      « VOUS DEVREZ TOUT LÂCHER. »

      « VOUS GALÉREREZ À TROUVER UN NAVIRE QUI VOUS PERMETTRA DE QUITTER LE PAYS, TOUTES VOS ÉCONOMIES Y PASSERONT, VOUS AUREZ DE SACRÉES CHANCES DE FINIR DANS LA MER, VOUS VOUS FEREZ PEUT ÊTRE ARNAQUER PAR DES ESCLAVAGISTES, À MOINS QUE LES DRAGONS CÉLESTES VIENNENT PIOCHER DANS VOS RANGS, ET ÇA ÇA SERA SI VOUS AVEZ EU LA CHANCE DE PASSER LE BLOCUS DE LA MARINE QUI VOUS COULERA À VUE. »

      « C'EST LA MERDE? OUI! LE MONDE NOUS FAIT LA TRONCHE? OUI AUSSI! LES RÉVOS AURAIENT RAISON SUR LE FOND AU MOINS SUR CERTAINS POINTS? PROBABLEMENT! SAUF QU'EN FORME C'EST DE LA MERDE ET PAS VIABLE ET JUSTE DU SUICIDE, ALORS RENDEZ-VOUS SERVICE ET LEUR BALANCEZ PAS VOTRE EMPIRE MILLÉNAIRE EN PÂTURE, MERCI. »

      « SI C'EST VRAIMENT LA MERDE DANS LE PAYS, TROUVEZ UNE AUTRE ISSUE. TOUT SAUF LA RÉVOLUTION. JE VOUS ASSURE QUE LES MARCHÉS FAUSTIENS, ÇA FINI JAMAIS BIEN. »


      Je… crois que ça avait marché. Au moins momentanément. A l’exception de certaines poches et d’individus beaucoup trop entêtés, les choses semblaient s’être grandement calmées. Je me fiais à ce que nous pouvions voir depuis le Refuge, en tout cas. La salle du trône était jouxtée d’un grand balcon qui surplombait la Place, et même si ce dernier avait été condamné avec les moyens du bord, nous pouvions encore voir…

      « BON, ENSUITE. LES RÉVOS. DÉSOLÉ DE AVOIR BIEN CHIÉ DESSUS AVANT MÊME VOTRE TOUR, MAIS TOUT LE MONDE VA S'EN PRENDRE, Z'EN FAÎTES PAS. ET PUIS BON SÉRIEUSEMENT, TOUT CE BORDEL C'EST DE VOTRE FAUTE AVANT TOUT, HEIN. ALORS POUR MAINTENANT S'IL VOUS PLAÎT, OUVREZ LES YEUX, REGARDEZ QUI EST-CE QUE Y'A EN FACE, QUI EST-CE QUE Y'A AUTOUR, QUI EST-CE QUE Y'A MAJORITAIREMENT DANS VOS PROPRES RANGS LÀ MAINTENANT TOUT DE SUITE SUR LA PLACE DU DRAGON, RÉFLÉCHISSEZ UN BRIN ET AU FINAL, JE VOUS EN SUPPLIE : ABANDONNEZ, PUTAIN. VOUS VOUS BATTEZ PLUS CONTRE LE GM, VOUS VOUS BATTEZ CONTRE LES SOLDATS D'UNE ARMÉE NATIONALE QUI FAIT QUE SE DÉFENDRE. ET QUI VIENT DE FAIRE TOUT SON POSSIBLE POUR GARDER ET RENFORCER SON INDÉPENDANCE, ZUT ! VOUS ÊTES LES AGRESSEURS, MAINTENANT! CES MECS SONT DES HÉROS, DEVRIEZ LES AIDER, PAS VENIR LES ENVAHIR! »

      « PIRE ENCORE, LA PLUPART DE VOS FORCES SONT JUSTE DES CIVILS QU'VOUS AVEZ RECRUTÉS, ET JE PARLE DE QUATRE-VINGT POURCENTS GRAND MINIMUM A LA LOUCHE QUE VOUS ENVOYEZ AU CARNAGE ! AU FINAL VOUS FORCEZ UNE ARMÉE À DEVOIR MASSACRER LES GENS QU'ILS DOIVENT DÉFENDRE, CEUX QUI TRAVAILLENT ET QUI STOCKENT POUR QU'ELLE PUISSE CARBURER! VOUS ÊTES SÛR QUE ÇA TOURNE ROND DANS VOTRE TÊTE? ATTEINDRE UN MONDE MEILLEUR ÇA DOIT PASSER PAR UN PEU D'AUTO-MUTILATION, SINON ÇA SERAIT PAS NOBLE ET DENUE DE SACRIFICE, C'EST ÇA LE TRIP? VOTRE TRUC, C'EST JUSTE IRRESPONSABLE. J'L'AI DÉJÀ DIT AUX CIVILS, ÇA VOUS CONCERNE AUSSI. AUTANT ILS ONT PAS LE DROIT D'ACCEPTER DE VOUS METTRE AU POUVOIR OFFICIEL OU DE SE METTRE A VOTRE SUITE, AUTANT C'EST ULTRA CRADE DE VOTRE PART DE LES Y INCITER OU DE LES MANIPULER OU JUSTE LES CONVAINCRE DE LE FAIRE. »

      « VOUS DEVEZ LE SAVOIR QUE ÇA NE MARCHERA PAS, CA A JAMAIS MARCE, J'PIGE MÊME PAS QUE VOUS AYEZ ENCORE ESSAYE DE FAIRE ÇA. SI LE MONDE A UN PROB', ET QU'IL FAUT LE SAUVER, VOUS DEVEZ FAIRE COMME BATMAN, ÇA VEUT DIRE QUE VOUS FAÎTES LE BOULOT PUIS VOUS DISPARAISSEZ, VOUS POSEZ PAS UN DRAPEAU DU DRAGON SUR LA PLACE POUR QUE LA MARINE SE POINTE ET DECIDE DE LE RASER. »

      « ALORS BON, SUR LE FOND JE COMPRENDS BIEN TOUTE L'HORREUR QUE CA DOIT ÊTRE D'ÊTRE VOUS. VOUS ÊTES TRAQUÉS DE PARTOUT, VOUS AVEZ FAIT LE CHOIX DE SACRIFIER UNE VIE QUI AURAIT PU ÊTRE NORMALE POUR VOUS FOUTRE DANS LA MERDE, VOUS AVEZ FAIT TOUT CA POUR VOUS METTRE AU SERVICE AU SERVICE DE TOUT LE MONDE, ET MAINTENANT VOUS AVEZ UNE SALOPERIE DE GROS CONNARD CAPITALISTE QUI VOUS FAIT LA MORALE SANS QUE VOUS PUISSIEZ VENIR LUI FAIRE RABATTRE SON CAQUET, J'IMAGINE QUE C'EST DUR. VOUS REMARQUEREZ QUAND MÊME QUE C'EST À VOUS QUE JE DEMANDE D'ÊTRE SOUPLES ET RAISONNABLES ET DE PAS FAIRE LES CONS, ÇA MONTRE BIEN QU'AU NIVEAU DU GM J'AI JUSTE LÂCHÉ L'AFFAIRE. SI VOUS VOULEZ VRAIMENT BIEN FAIRE LES CHOSES, EH BAH FAITES LES BIEN, MAIS ENTERREZ PAS TOUT LE MONDE DANS LA FOULEE, QUOI. »

      « ENFIN OUAIS : JE COMPRENDS VOTRE PROBLÈME. JE COMPRENDS QU'ÊTRE RÉVO C'EST DUR, QUE NIVEAU CRÉDIBILITÉ ET LÉGITIMITÉ ÇA SERAIT JUSTE ÉNORME POUR VOUS DE RÉUSSIR À RENVERSER UN PUTAIN DE GOUVERNEMENT OPPRESSIF POUR LIBÉRER UN PEUPLE DE CONTESTATAIRES, ET AUTANT SI C'EST PAS ENCORE PLUS QU'ILS VOUS LAISSENT LES RENNES DE LEUR PAYS EN PURE RECONNAISSANCE. MANQUE DE BOL, ÇA NE PEUT PAS SE FAIRE, ET ENCORE MOINS OUVERTEMENT, ET ENCORE MOINS QUAND VOUS RENVERSEZ LE PAYS PAR LA FORCE! »

      « CE QUI SIGNIFIE QU'EN CE QUI VOUS CONCERNE, C'EST MISSION ACCOMPLIE. LE GM EST HORS JEU. L’EMPEREUR A FAIT LE CHOIX D’EN SORTIR, ET AVEC CE QU’ELLE A DIT, L’IMPERATRICE VIENT DE SE GRILLER AU NIVEAU DU GM. ET VOUS AVEZ AIDE A NETTOYER TOUTES LES FORCES CP DANS LE PAYS. ALORS STOP, C’EST FINI !»

      « A CONDITION QUE VOUS ACCEPTIEZ DE FAIRE CONFIANCE AU GOUVERNEMENT ACTUEL POUR TENIR SA PAROLE, FORCEMENT. ET SI PAR LE PLUS GRAND DES HASARDS CA N’ETAIT PAS LE CAS ET QUE VOUS ESTIMIEZ QU'ILS ONT JUSTE PIPEAUTÉ DES MENSONGES POUR POUVOIR CALMER LE JEU, JE VOUS CONSEILLERAI DE REVENIR PLUS TARD POUR LES ASSASSINER PROPREMENT. PARCE QUE OUAIS, AUTANT FAIRE ÇA BIEN ET SE CONTENTER DE SNIPER LES DIRIGEANTS SANS IMPLIQUER DES CENTAINES DE MILLIERS DE PERSONNES DANS UNE BOUCHERIE SANS NOM. ET SURTOUT, FAÎTES MOI ÇA DISCRÈTEMENT, VOUS ÊTES PAS OBLIGÉS DE CRIER AU MONDE ENTIER QUE C'EST DU MADE IN RÉVO, C’EST VRAIMENT DE MAUVAIS GOÛT »


      Ce qui m’inquiétait… c’était le ciel, qui se faisait de plus en plus orageux. Comme en écho au combat qui menaçait de faire rage en dessous, des éclairs continuaient de crépiter, et les nuages vrombissaient leur colère tout en prenant encore et toujours plus d’ampleur. La pluie s’était tarie, ou réduite à une mince bruine qui menaçait toutefois de reprendre de plus belle. Et même encore bien pire, à en voir les nuages. Eclairés par la foudre malgré la nuit naissante, nous pouvions constater qu’ils étaient tellement noirs… je n’avais jamais vu ça.

      Ca n’était pas normal. Qu’est-ce que ça voulait dire ?

      C’était un miracle que ce temps n’interfère pas avec notre diffusion. Ou notre matériel. Nous avions les moyens, et avions ce qui se fait de mieux.

      Mais si ça continuait, ce ne serait peut-être plus le cas…

      Il fallait finir vite, et nous en approchions, compris-je en retournant près de l’empereur. Ce serait à son tour.

      « ET MAINTENANT, DU CÔTÉ DU PAYS. VOUS AUSSI, VOUS AVEZ FAIT TRES FORT, ALORS EXPLIQUEZ-MOI. ENVOYER VOTRE ARMÉE CHARCUTER DES CIVILS, C'EST ÇA VOTRE PLAN MAGIQUE ANTICIPÉ CENT COUP D'AVANCE POUR TIRER VOTRE ÉPINGLE DU JEU? VOUS, OUI. ZHOU QUANG, EMPEREUR DE NANOKUTRUK, CO-RESPONSABLE DE CE QUI SE PASSE ICI! FAÎTES MOI UN VIRAGE DE QUATRE-VINGTS-DIX DEGRÉS SUR VOTRE GAUCHE ET REFAITES UN COUCOU À LA CAMÉRA, JE VOUS DONNE L'OCCASION DE PARLER À VOS CONTESTATAIRES POUR ÉVITER LE BAIN DE SANG! »


      D'un mouvement de tête, l'empereur s'exécuta. Ce fut comme machinal. Il ne l’attendait pas, ça.

      « ON VEUT DES EXPLICATIONS, ET Y A INTERET A CE QU’ELLES SOIENT BIEN FOUTUES ! VOUS AVEZ COMPLÈTEMENT DÉGUEULÉ VOTRE SPEECH DE RETOUR EN LA JOUANT CONQUÉRANT DERNIÈRE-CHANCE, JE NE VEUX PAS DE ÇA! VOUS ME LA REFAITES EN CIVIL, ET J'VEUX QU'ON ME VENDE DU RÊVE SOUS FORME DE SOLIDE, TOUT DE SUITE! EN SACHANT QUE SI VOUS ARRIVEZ A ME CONVAINCRE MOI, CA SUFFIRA PEUT ETRE PAS A LES CONVAINCRE EUX, MAIS JE DEMANDE QUE CA ! »


      Et j’étais devant lui, un micro à la main, prête pour la dernière phase. Il fallait l’introduire, et…

      « Et vous êtes en direct, annonçais-je. Empereur Zhou Quang de l'Empire de Kanokuni. Le monde entier, mais surtout l’ensemble de vos sujets, sont à votre écoute. Plusieurs d’entre eux sont en colère, et se sont tournés vers des forces extérieures en échange de promesses teintées de mensonges pour obtenir un avenir meilleur. Des forces extérieures qui vont irrémédiablement faire de votre pays une forteresse qui sera ciblée par la fureur du monde dès que la marine et le gouvernement mondial auront reconstitué leurs forces. »

      « Contrairement à ce qu'à dit Sigurd, je pense que vos sujets ne sont pas idiots, ils sont au courant de tout ça. Et malgré tout, ils sont prêts à se battre et à mourir pour porter leur projet jusqu’au bout. Ce qui signifie qu’ils ont certainement de bonnes raisons de le faire. Et j'espère sincèrement que vous parviendrez à les apaiser. Vous qui avez toujours été connu pour être un homme de raison, et qui venez de vous illustrer comme étant l’homme d’action qu’on vous reprochait de ne pas être… »

      « Imaginez une fin où les contestataires déposeraient les armes, où les révolutionnaires s’en retourneraient par eux-mêmes vers chez eux, où votre armée et votre conjointe n’auraient pas à mener la charge contre vos propres sujets. »

      « Faîtes-nous donc un miracle, et donnez une raison à ce que le monde se souvienne de vous comme étant le mille fois loué empereur Zhou Quang, l’Eclairé de Kanokuni. »
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      Ils s'étaient arrêtés. Aussi impensable que ça puisse paraître, ils s'étaient presque tous arrêtés. Les combats, les acteurs, les ennemis. Déjà, pendant la harangue de Sigurd, les contestataires avaient levé le pied, ce qui avait forcé les soldats révolutionnaires à en faire de même. Manque de moyens, et pour ne aller à contre courant. En fait, les coups de fouets qu'on venait de leur asséner, la façon dont nous l'avions fait les avaient complètement pris au dépourvu.

      Non pas que rien de tout ça relève du prémédité. Nous suivions le courant... à contrecourant, voilà tout.

      Lorsque Zhou Quang prit la parole, ce fut au tour de l'armée Kanokunienne de cesser toute action. Sur ordre de sa conjointe. Elle avait compris ce qui passait, et lui offrit toute l'attention qu'elle pouvait du coté de leur armée.

      Et maintenant, ils étaient là à écouter l'empereur parler. Le pauvre avait été pris de court, lui aussi ; il ne s'attendait pas à être fusillé verbalement comme les autres, et encore moins à ce qu'on le force à prendre la parole. Mais il ne s'était pas laissé démonter, et s'en tirait décemment compte tenu des circonstances. Je ne sais pas s'il adhérait réellement à notre tentative d'apaisement des factions ou s'il suivait simplement le mouvement maintenant que nous lui avions forcé la main. En place de ça, une victoire militaire aurait forcément laissé un goût amer dans l'historique du pays, mais aurait assuré à Zhou Quang le retrait des forces des gris... à deux détails près. Déjà, remporter la victoire aujourd'hui relevait du lancer de pièce, même si c'était un pile ou face qu'il avait décidé de tenter. Ils auraient de lourdes pertes quoi qu'il arrive. De deux, on ne se débarassait pas comme ça de la révolution, il le savait très bien. Les racines de leur mouvement s'enracinaient beaucoup plus profondément que ça, et le fait que cette guerre ait eu lieu malgré les années de mesures répressives appliquées par l'impératrice n'en était qu'un example. Au final, ça ne marcherait pas. Pas à long terme. Alors, notre solution lui offrait autre chose... un autre compromis.

      Peu importe sa position, il se prêtait à l'exercice avec une habileté surprenante pour un dirigeant qui avait jusqu'alors complètement délaissé ses fonctions. Ce n'était pas un technicien de l'éloquence, oui. Très, très loin de là. Il parlait comme un livre, et ne faisait de belles phrases que parce qu'il avait l'habitude d'être ainsi. Mais son sens de l'emphase, les blancs qui espaçaient ses phrases, et le fait qu'un bon tier de son argumentaire ne parle pas à son auditoire étaient autant de tares qui le desservaient. Ce qui était infiniment moins pire que ce que je redoutais. Imaginez qu'on lui ait laissé la parole uniquement pour le voir se décrédibiliser magistralement. Ça aurait pu arriver. C'aurait été mortel. C'était ridiculement stupide qu'on ait prit un tel risque. Mais nous ne contrôlions rien, alors bon, tant qu'à faire. Tout le monde s'alignait sur les choix de Sigurd.

      Et ça avait marché.

      Restait à voir si les choses pouvaient être aussi simples. Si chaque camp accepterait d'abandonner ses cinquante pourcents de chance de victoire pour... personne n'en savait rien. Nous n'avions rien prévu, en étions incapables.

      Moi? Je n'y croyais pas du tout.

      Et pourtant... nous tentions. Il y avait un espoir.

      Le problème? Nous n'étions pas les seuls, à tenter quelque chose en hors piste.


      *
      * *
      *


      Ils avaient des agents tout autour de la place du Dragon, des talents en matière de manipulation des nuages qui surclassaient largement les miens, de l'argent pour acheter des matières illégales en quantités impensables aux plus étonnants contrebandiers... et ils étaient fin prêts. Personne ne savait que Loth Reich était entre autres venu sur cette île pour vendre trois cent kilos de Dance Powder aux révolutionnaires. Et qu'il n'avait pas entièrement envisagé ce qu'ils allaient en faire, même s'il avait fini par comprendre.

      Purple Rain.

      Une escouade unique que les révolutionnaires avaient préparé dans leur Eden secrète. Et qu'ils allaient maintenant employer dans le plus grand secret, sans pour autant annoncer leur existence au monde. Bien trop tôt pour lever le secret sur une arme pareille.


      Purple Rain


      Nôtre est la météo !


      Ce que ces hommes préparaient en périphérie de la zone de combat, c'était une énorme bombe climatique. Ils avaient perfectionné leur technique au delà de tout ce qui se faisait jusque là - l'émission des fumées de la poudre jusqu'aux cieux était imperceptible, et leur influence sur le ciel de Kanokuni anormalement contrôlée, à fortiori compte tenu de la quantité impliquée. Oui, il y avait des averses éparses, des orages qui grondaient et grandissaient encore... et ce n'était encore rien.

      Avec un kilo de cette poudre, on faisait une pluie.

      Dix kilos, une averse.

      Trois cent kilos...

      -T'es sûre que tu ne veux pas prévenir les autres de ce qu'on fait?
      -Mh mh.
      -Je sais bien qu'on est censés rester secrets et... euh... invisible, mais... Another?
      -...

      Elle ne répondit pas. La femme qui l'accompagnait le regarda d'un air neutre, attendant qu'il finisse, sans se départir d'un seul mot qui n'avait pas lieu d'être. Comme toujours. Elle ne lui répondrait que si elle avait quelque chose à lui dire, pas pour lui demander de continuer.

      -Ca va vraiment PETER, formula enfin l'autre.
      -...
      -Bon après je dis pas, exploser de l'impératrice CP ou encore des soldats qui malmenaient les populations y'a trois jours de ça c'est géantissime, mais là nos gars et les contestataires sont un tantinet trop proches de l'épicentre de l'impact et...
      -Si nos calculs sont exacts, ça devrait bien se passer, hein?
      -Euh... ouais.
      -Et la poudre de Shadow Law est la meilleure qui existe.
      -Ouais.

      Pour sûr, confirma Hidder, l'homme qui exprimait ses doutes en l'instant. Ils n'avaient pas réussis à en répliquer la pureté, pas plus qu'ils n'avaient réussi à comprendre pourquoi cette poudre en provenance de North Blue avait des effets secondaires moins agressifs que celle qu'ils produisaient eux-mêmes. En effet, ça devrait bien se passer. Et il avait confiance, autant dans ses calculs -c'était lui qui avait eu l'idée de cette arme- que dans ceux d'Another, sa taciturne collègue - c'était elle qui les avait repris. L'orage qu'ils venaient d'accoucher dans leurs calculs savants et leur chimie terrible serait un cataclysme à même de vaporiser toute la place du Dragon. Avec ça, l'armée serait tenue d'abandonner la place... qui ne lui servirait plus à rien, les murs finiraient pulvérisés sous le choc. Peut être toute la bâtisse.

      Ce qui l'embêtait vraiment, pourtant, c'était ces civils... à la radio.

      Plus personne ne se battait, maintenant. Ou si peu. Il ne savait pas ce qui allait se passer, mais...
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      Nous montons ses foutus escaliers à la vitesse de l’éclair. « Attaque éclaire », ce n’est pas ainsi qu’est nommée le plan en cours ? J’entends des voix un peu plus haut, probablement des gardes. La consigne est claire : ne pas faire de bruit. Bon, habituellement, je suis plutôt le bourrin qui charge sans réfléchir dans le but de faire le plus de dégâts possible. Là, Zao a été formel, je ne dois faire comme d’habitude et me concentrer sur le plan.

      Avec des déplacements discrets, souples et rapides, nous nous faufilons derrière ces gardes que nous égorgeons sans perdre un instant. Le temps nous est compté. Sur plusieurs étages, nous avons dû réaliser plusieurs assassinats. Mais alors que nous continuons notre ascension vers le sommet, où se trouve l’empereur, je reçois soudainement un curieux appel d’un individu dont le nom résonne dans la tête de chacun, inspire la peur pour la totalité des personnes du camp ennemi. Ce nom n’est autre que Mandrake.

      « - Ici Mandrake. La situation est critique, jeune révolutionnaire. Je crois comprendre que tu as infiltré le palais, alors tâche de me mettre en relation avec le type qui a fait son discours il y a quelques instants. Des types de son équipe se trouve actuellement avec l’empereur.
      - J’suis déjà surchargé, c’est pas vraiment le moment d’en rajouter. Mais je suppose qu’il n’y a pas d’autre solution. Reste connecté, on se rapproche. Juste quelques merdeux à éliminer. 
      - Tâche de faire vite. Si la guerre s’est momentanément arrêtée, il ne suffit d’un rien avant qu’elle ne reprenne de plus belle.
      - Ouais, ouais. J’ai compris. »

      Je prends légèrement mes aises avec un type de sa trempe, je le conçois. Je n’ai jamais été bon avec les formalités, encore moins en situation de crise et je pense qu’il l’a parfaitement compris. Zao entend toute la conversation et ne dit pas un mot. D’ailleurs, au fur et à mesure que l’on monte, son visage se transforme en quelque chose de terrifiant. Sous ses rides se cachent d’horribles traits d’un homme blessé et à la recherche de la vengeance. Loin d’être dérageant pour le moment, je crains tout de même pour la suite, d’autant plus que j’ignore ce qui le motive.

      Pour l’instant, je ne me préoccupe uniquement de mon nouvel objectif, à savoir permettre à Mandrake et au type louche de communiquer ensemble. Nous atteignons le bout. Les dernières forces à vaincre, qu’importe le bruit qu’elles peuvent faire, la porte est juste derrière eux. Je m’empresse d’aller à leur rencontre mais Zao, pour la première fois depuis le début de l’opération, passe devant moi et s’attaque à l’ennemi avec rage. Je le rejoins naturellement avec, malgré moi, un étrange sentiment.

      Le révolutionnaire ouvre la porte, et nous tombons sur des types qui ne ressemblent pas à des soldats, qui nous attendaient à la posture qu’ils tiennent. Je passe devant Zao et tente de rassurer tout le monde. L’empereur tient une posture droite, fière, même si l’on voit clairement les gouttes de sueurs dégoulinantes le long de son visage. Il est courageux certes, mais également conscient de la situation face à laquelle il est.

      « N’ayez craintes, nous ne sommes pas là pour vous faire du mal. Le message du dénommé Sigurd est bien passé. Cependant, Jonas Mandrake souhaite entrer en contact avec ce dernier, dis-je lassé en donnant l’impression de réciter bêtement une poésie. J’suis actuellement connecté avec le boss, vous pouvez faire quelque pour établir une connexion entre eux ? »

      Je me retourne vers Zao, le sourire aux lèvres, sourire qui s’efface lorsque je vois l’expression sur son visage. Merde. C’est pire que ce que j’imaginais. Son corps tremble, son visage est crispé, son regard… Il ne me voit même pas. Son regard est projeté sur l’empereur et uniquement sur ce dernier. Pourquoi lui voue-t-il une haine pareille ? Que cherche-t-il à faire ? Peu importe. Un homme de sa trempe ne peut laisser ses émotions prendre le dessus. C’est probablement pour cela qu’il n’a pas encore agit. Pour ne pas attirer l’attention sur cet homme submergé par ses émotions, je fais mine de l’ignorer, bien que je sois inquiet pour la suite.
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      -Je... je vous demande pardon?
      -Prenez ce Denden.

      Leur intrusion fut si subite que nous ne... ils avaient pris la porte, mais auraient autant pu traverser un mur tant le résultat était le même. Hors de la salle du trône, pas un bruit n'indiquant qu'il y avait des intrus. Aucun qu'on puisse entendre, en tout cas ; ils s'étaient pourtant bien battus pour entrer. À l'intérieur, les gardes de l'empereur avaient déjà formé un cordon de sécurité devant les arrivants, avec plusieurs autres qui se rapprochèrent de Zhou Quang. Ce qui ne fit pas remuer d'un pouce nos deux révolutionnaires.
      Mes entrailles remuèrent dans le même sens que celles de la garde rouge. Danger. Sauf qu'ils parlaient d'autre chose. Ils me regardaient moi, et demandaient Sigurd.

      L'homme à la tresse noire s'approcha de quelques mètres en m'invitant poliment à en faire de même. Très poliment, d'ailleurs. Je n'en avais pas la moindre envie, mais finis par le rejoindre, quelques chaînes en rideau à hauteur de ma taille, prête à lui vomir toutes les flammes de l'enfer au visage s'il donnait le moindre signe d'agression. Je n'aimais pas du tout ça.

      Le Denden qu'il tenait déclama:

      -Bonjour... Evangeline Haylor... nous allons avoir besoin de votre aide. Nous devons contacter Sigurd Dogaku, et vous êtes notre meilleur moyen de le faire. C'est une question de vie ou de mort pour tout le monde sur la place. Ragnar, est-ce que l'empereur est là?
      -Oui.
      -Bien. Empereur de Kanokuni. Je prends nos amis journalistes à témoin. Je suis Jonas Mandrake, si vous...?
      -Je vois bien qui vous êtes.
      -Tant mieux, alors on va faire simple. À la demande d'Adam et du conseil du DRAGON, nous venons demander un cesser le feu et négocier un traité de paix avec vous. Et sommes prêts à retirer nos troupes du pays pour faire preuve de notre bonne volonté. Je pense qu'ils ont raison, les journalistes - tout ça est allé beaucoup trop loin, mais il n'est pas trop tard. Pas encore, en tous cas. Nous voulons libérer Kanokuni, mais pas n'importe comment.
      -Libérer... vous voulez envahir et conquérir Kanokuni!, lui rétorqua l'empereur, pris d'un élan furieux. Tout ça c'est de votre faute!
      -C'est le seul moyen qui ait la moindre chance de marcher, compte tenu de ce que vous faîtes. Des rapts dans les villes, votre chasse aux sorcières, vos prisons surchargées... le terme de libérer n'est peut être pas le meilleur, mais que ça vous plaise ou non, vos habitants n'ont pas le même point de vue que vous. Et c'est plutôt de...
      -Non. Vous êtes des assassins, des escrocs, des manipulateurs qui faîtes jouer votre bon droit au prétexte de la Cause. Mais vous n'êtes...
      -Je propose que l'on reporte ça à la table des négociations, ils vous donneront de meilleurs interlocuteurs que moi. Je suis juste venu vous dire que je veux éviter des milliers de morts inutiles, et que j'ai besoin que vous me suiviez pour ça. Je veux faire une annonce publique au plus vite et désengager nos armées respectives. Pour le reste, on réglera ça plus tard, autrement.
      -J'accepte.

      L'empereur avait répondu sans la moindre hésitation. Ce qui était... inattendu, mais une agréable surprise. Le silence du révolutionnaire indiquait la même chose ; lui non plus ne s'attendait pas à ce que ce soit aussi simple. Sans faire volte face, l'empereur s'expliqua:

      -Qu'est ce qui vous surprend? J'accepterai n'importe quoi pourvu que cette bataille cesse. Peu importe ce que vous avez fait, que vous méritez qu'on vous fasse, il faut arrêter ça. Si vous retirez vos hommes et dispersez la révolte, oui, j'accepte de vous écouter.

      L'Atout ne répondit pas. Peu importe ce qui se passait dans sa tête et ce qu'il voulait répliquer au régent, nous n'en avions pas le temps, et il prenait sur lui.
      Ce qui n'était pas mon cas.

      -Bien. Dans ce cas... Haylor?
      -Hhh?
      -Nous devons faire l'annonce maintenant tant qu'il est encore temps. Mettez nous en contact.
      -"S'il vous plaît"?
      -Euh... s'il vous plaît.

      Mmmh...

      -Non.

      Ils sont insupportables.

      Même comme ça, ça ne me convient pas. Il peut faire beaucoup mieux, j'en suis sûre. Venir comme ça, c'était beaucoup trop, trop facile.

      -Non?
      -Pas comme ca, je veux dire. Vous devriez mettre davantage de conviction dans vos propos, vraiment. Regardez-nous bien. Vous vous présentez comme le héros responsable et sans reproche qui vient remettre les choses à leur place. Après tout ce qu'on a fait, après tout ce que vous avez fait, je vous assure que vous n'en avez pas le droit.
      -Hein? Je ne vous ai...
      -Et je m'en contrefiche, vous devriez arriver la queue entre les jambes en nous remerciant à genoux d'avoir fait tout ce qu'on peut et prit énormément de risques pour ouvrir une autre issue possible que le suicide collectif que vous prépariez tous. Franchement, je trouve ça très décevant.
      -Mais vous êtes complètement... arrêtez vos conneries, nous n'avons vraiment pas le temps pour des histoires d'égo mal placé. J'ai besoin de...
      -Ils nous entendent déjà, évidemment. Ca n'est pas comme s'ils allaient prendre le risque de couper leurs communications et nous abandonner au pire endroit possible sans se soucier de rien.

      D'un geste vers l'arrière, je désignai mes compagnons et leur réseau de Denden aux carapaces ornées d'équipements de support. Dont quatre étaient tournés vers nous et enregistraient déjà. Shura prit l'initiative d'approcher avec un autre Denden, relié à...

      -Vous n'êtes pas en direct, précisai-je. Mais les autres...
      -On vous entend, confirma la voix de mon blondinet au travers de l'escargot. Je viens juste d'arriver, mais les autres écoutaient depuis le début. Du coup... ouais, on vous introduit gentiment et ce sera à votre tour à tous les deux, en radio et en télévision. Je préviens au cas où que si vous magouillez quoi que ce soit de bizarre, on vous coupe le direct illico. Et qu'on peut aussi débrancher les antennes si il faut, ça ne pose pas d'souci. Tout marche avec des aquarium qui contiennent des poissons-volts pour alimenter le bazar, ça se coupe facilement.
      -Nous ne ferons rien de ce genre.
      -Ouais, je dis juste ça au cas où, on sait jamais. Mesure de précaution. Bon alors, laissez nous deux minutes, et ensuite...

      *
      * *
      *


      Il attendait son heure.

      Mais aussi qu'ils finissent. Qu'ils proclament conjointement le cesser le feu.


      Zao était resté silencieux tout du long, laissant à Ragnar le soin de se charger du peu qu'il y avait à dire. Il avait d'autres plans, mais cette fin lui convenait.

      Non, il n'avait pas envie que tous ces gens se battent pour rien - il s'agissait de son peuple, et sa dévotion envers les siens était depuis beaucoup plus vieille que la rancune qu'il nourissait envers Wu Quang. Qui n'avait pas toujours été dans une position aussi favorisée. Qui, en son temps dans les plus bas échelons des rats du Cipher Pol, accomplissait les plus basses besognes dans des recoins sordides qui n'avaient rien à voir avec le confort, la gloire et la splendeur d'un palais impérial. Certaines choses ne changeaient pas. De la même manière qu'elle avait usé de ses charmes pour gagner et le coeur et le lit et les voeux de l'empereur, elle en avait fait de même, il y a des années, pour approcher les cercles grandissants de la révolution sur Kanokuni. En ce temps, Zao n'était pas encore cavalier - les grades du tarot de Freeman n'avaient pas vu le jour - et lui n'avait pas l'envergure d'aujourd'hui. Mais il avait de l'avenir, et était déjà pressenti pour devenir un pillier de la révolution de West Blue. C'était lui que Wu avait choisi d'épauler pour en apprendre plus sur les gris du pays. Elle avait eu raison. Sauf le jour où elle avait décidé de mettre un terme à son ascension d'un coup de poignard dans le dos - droit dans le coeur, au propre comme au figuré. Et la froideur, la cruauté dont elle fit preuve à son égard sur son lit de mort, qu'ils avaient partagé jusqu'à ce jour, avaient laissé bien plus qu'une cicatrice à Zao.

      Il avait survécu. Ça relevait du miracle. Ce jour là, il avait perdu beaucoup trop de sang pour survivre.

      C'est juste qu'il refusa de mourir.

      Être trahi et abattu par sa plus proche compagne ne l'avait pas plongé dans un abîme de désespoir pour les dernières secondes qu'il lui restait à vivre. Ce qu'il avait connu, c'était la frénésie d'une bête acculée, mortellement blessée et prête à tout pour se défendre jusqu'à son dernier souffle.

      À ceci près que lui était complètement incapable du moindre mouvement sur l'instant.

      Mais...

      C'est ce jour là que Zao s'éveilla au haki. C'est ce qui le garda en vie, et qu'elle manqua de voir.

      Aujourd'hui, il brûlait de détruire Wu. Et était très tenté de l'atteindre par le biais de son époux. Le fait qu'elle trahisse Marijoa pour Zhou Quang était époustouflant, mais ne changeait rien pour lui. Si ce n'est pour le fait qu'elle tenait réellement à l'empereur, qui devenait un levier.

      Il voulait le tuer, la rendre folle, la tuer à son tour. Et il pouvait le faire. Il en mourrait d'envie.

      S'il le faisait maintenant, il détruisait toutes les chances pour la révolution de mettre un terme acceptable au conflit. Et plongeait le pays dans un chaos infiniment plus dangereux que l'état d'incertitude qui se profilait déjà à l'horizon.

      C'était hors de question.

      Aussi attendait-il, à nourrir ses plus noires ambitions, à rêver doucement de ce qui aurait pu se passer sur un cours légèrement différent du conflit. Si la révolution avait prit le dessus... si le convoi d'artillerie leur était parvenu... sans la cinquième colonne des fidèles impériaux... et sans ces journalistes...

      Ils auraient dû gagner.


      *
      * *
      *


      « Booon... re-Sigurd a l'antenne, avis à la communauté, en particulier les personnes présentes sur la place du dragon, révos et impériaux bien sûr, mais aussi au pays dans sa globalité parce que ça vous concerne et à la population mondiale tant qu'à faire parce que vous êtes tous à l'écoute... j'vous informe qu'on a visiblement réussi à se faire entendre de tout le monde parce qu'ils une annonce à vous faire et que c'est dans le bon. Sans plus attendre, je cède la place à Jonas Mandrake, en direct des atouts de la révo, conjointement à Zhou Quang, qu'on ne présentera plus. »

      Au début, nous pensions présenter l'empereur et Ragnar, qui tiendrait le Denden pour que Mandrake s'exprime. Ils avaient fait mieux que ça. Au prix de deux minutes supplémentaires, les révolutionnaires et nos techniciens s'étaient accordés pour qu'on puisse également projeter une image de l'Atout, en direct depuis son camp sur la baie de Jing. Compte tenu du rendu, ça en valait largement la peine. Cet homme dégageait quelque chose... une assurance, un charisme... j'étais maintenant admirative devant celui qui m'avait insupportée cinq minutes plus tôt. À mon sens, Mandrake convoyait davantage d'informations avec son physique et son langage corporel -son regard et ses traits, notamment- qu'avec sa voix. Un passage à l’écran lui convenait beaucoup mieux.



      « Bonjour à tous... je vous informe que nous venons de proposer un cesser-le-feu au gouvernement de Kanokuni, qui a courageusement accepté notre demande. Je donne donc l'ordre à toutes les forces révolutionnaires et apparentées de se désengager immédiatement des combats et à se retirer dans leurs camps jusqu'à nouvel ordre. En d’autres termes, nous mettons un terme à toutes nos opérations militaires, de sabotage et d’espionnage en cours dans le pays, pour faire preuve de bonne volonté pour les négociations à venir avec l’empire. J'incite tout particulièrement les officiers révolutionnaires à veiller au respect de cet ordre et à l'apaisement de leurs hommes : le peuple et le gouvernement de Kanokuni ne sont pas nos ennemis, nous nous sommes découverts plusieurs buts en commun et allons chercher ensemble une autre façon de mettre un terme constructif à cette guerre civile. Je précise que cette décision n'est pas la mienne, mais celle du conseil du DRAGON dans son intégralité. Et que j'y adhère complètement.

      A titre personnel, maintenant… je tiens à vous dire à vous tous à quel point je suis fier de vous, et à insister sur un point en particulier. Nous sommes la section Guerre de la révolution, le bras armé de la Cause. Et en l’occurrence, notre action n’a pas débouché sur une victoire militaire. Devons-nous considérer que nous avons échoué ? Absolument pas ! Mes révolutionnaires ! Au travers de nos opérations, nous avons, vous avez permis au peuple de Kanokuni de faire entendre sa voix assez fort pour que le pouvoir en place accepte de l’entendre ! Le meilleur dans tout ça est que nous avons simplement AIDE les civils à se faire entendre. Habitants de Kanokuni ! C’est vous qui avez fait tout ce qu’il fallait pour faire entendre votre soif de justice ! C’est vous qui avez battu à plate couture, et mis en déroute les forces du vice amiral Fenyang venu depuis Marijoa pour les étouffer ! MES REVOLUTIONNAIRES ! Vous avez accompagné les habitants de l’empire jusqu’au bout de leur révolte, pour qu’ils puissent converser d’égal à égal avec les régents de la dynastie Quang ! Peu importe comment le monde, la marine et les médias voudront vous présenter, vous n’êtes pas des conquérants, vous n’êtes pas des terroristes, vous n’êtes pas des manipulateurs ! Vous avez simplement apporté votre aide à ceux qui en avaient vraiment besoin ! Et pour ça, je vous FELICITE. Mais maintenant, c’est à nos compagnons de l’Orientation de prendre le relai, et de mener les négociations jusqu’à leur terme. Ils sauront utiliser la chance que vous leur avez donnée ! Et je vous en donne ma parole : ils ne vous décevront pas ! »



      Mandrake s’arrêta, pensif et… presque hésitant. Comme s’il voulait en dire plus pour motiver ses troupes, et qu’il cherchait ses mots. Sans aucun doute, il tenait à valoriser leurs efforts et s’assurer que leur moral ne serait pas terni par cette absence de victoire clairement établie pour leur camp. A mon avis, lui-même ne savait pas s’il était juste en train de sauver les meubles, ou s’il pouvait réellement croire à ce qu’il était en train de dire. Ce qui ne s’était pas du tout vu dans son attitude lorsqu’il a prononcé son discours. Mais à l’entendre, je me surpris tout de même à… éprouver de la compassion pour les révolutionnaires… ou du remord pour ce qu’on avait fait. Ca n’était pas la première fois. Ils essayaient de faire des choses bien, quand bien même le monde entier se dressait face à eux. Mais en étaient réduits à... ça… précisément parce qu’on ne leur donnait aucune chance. Ce qui nous avait conduit aujourd’hui à intriguer contre eux.

      C’était vraiment injuste.

      Mais nous avions arrangé les affaires d’un autre camp. Et en réponse au silence de Mandrake, ce fut à Zhou Quang de prendre la parole.



      « Je confirme les dires de Jonas Mandrake ; la révolution été sensible à notre appel à la raison et s'est présentée à nous avec cette proposition, que j'ai immédiatement acceptée. Peu importe les motifs qui nous ont tous poussés à en venir aux armes pour faire valoir nos droits, nous refusons, je refuse de voir l’armée impériale se dresser contre mes propres sujets. Je reconnais avoir commis plusieurs erreurs au cours de mon… non. Je reconnais avoir complètement abandonné ma fonction de monarque de Kanokuni, et d’avoir fait preuve d’une faiblesse qui a failli provoquer la chute de notre pays aux mains du gouvernement mondial. J’accepte de faire face aux conséquences de mon erreur et à me soumettre à l’épreuve des états généraux. Mais pas comme ça. Pas par une guerre. Pas par un pays déchiré. Nous trouverons une autre solution. Et s’il faut que des journalistes ou la révolution soient impliqués pour que je fasse amende honorable, eh bien ainsi soit-il. Nous trouverons un compromis pour garantir la prospérité de Kanokuni et de son peuple. »

      Plus court. Plus sobre. Probablement. L’empereur s’était déjà bien exprimé avant ça, de toute manière. Et il avait le luxe d’avoir le dernier mot, contrairement à Mandrake. Peut-être aussi, et je soupçonnais avoir raison, qu’il avait fait exprès de ne pas s’être trop avancé pour laisser cette place à Mandrake. Comme s’il le méritait, après tout. Ou que son message le méritait, selon.

      Encore que, en matière de dernier mot…

      Nous trichions, comme toujours.



      « Et voilà pour tout ça. Je vais juste confirmer les dires de tout le monde jusque-là et préciser que non, nous n'avons pas fait un montage vidéo à partir des clips recueillis jusque-là pour pipeauter tout le monde et arrêter le conflit, même si... on aurait carrément dû faire ça n'empêche, ç'con que j'y pense que maintenant, ça aurait complètement marché et on aurait débloqué le truc comme dans du beurre. Eeeet on a pas non plus utilisé d'acteurs à fausses identités pour effectuer le plus gros coup monté de la planète, même si ça aussi ça aurait été hyper rigolo en fait. « Bonjour à tous, je suis Adam Freeman, le Guide de la Révolution. Ne faîtes pas attention à ma perruque rose et à mon parka bleu, parce que c’est une très longue histoire et que…
      -SIGURD !
      -Bah quoi ? Avouez quand même que…
      -PUTAIN MAIS SALOPERIE DE CONNARD, C’EST ABSOLUMENT PAS LE MOMENT DE FAIRE DES BLAGUES, C’EST…
      -Eeeeeuh… bon bah ce sera tout, on va couper et… »


      Et rien du tout de plus.

      C’est ici que l’orage éclata.
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      • https://www.onepiece-requiem.net/t9504-sig
      Une lumière aveuglante.

      Un éclair gigantesque.

      Une explosion dantesque.

      Et nous étions tous morts.

      Vu de l'extérieur, c'était un coup de tonnerre impossible qui venait de décapiter la place du dragon. L'étage supérieur du palais avait été vaporisé sous le choc, ne donnant qu'une nuée de poussières et gravillons aussitôt épongée par l'averse nouvelle. Un déluge digne des pires moussons engloutit toute la place, clouant net dans la boue tous les hommes sur plusieurs kilomètres à la ronde. Plus de cent mille personnes, hébétées par un cataclysme qu'on n'avait jamais vu, se tournèrent en même temps pour tenter de percer le déluge du regard. Puis un second éclair, qui frappa au même point, achevant de raser la toiture pour creuser un cratère en deçà.

      Le vacarme fut tel que plusieurs s'étaient faits renverser rien que dans le volte face général. Et le choc, les vibrations du sol qu'ils avaient ressenties dans leurs jambes comme s'il se déchirait, était une sensation horrible.

      Les éclairs redoublèrent de concert, attaquant tour à tour une dizaine d'autres points surélevés du refuge zenihiste. Un rempart extérieur se retrouva à moitié éventré, une tour bascula dans le vide. Plusieurs soldats firent la chute avec elle. D'autres périrent en dessous. L'incident se répéta, de grands groupes prirent la fuite, une cohue meurtrière débuta. C'était chacun pour soi, au grand damn des rares officiers et acteurs qui peinaient à maintenir l'ordre dans ce grand piège mortel. Tout le monde voulait fuir, se trouver un abri. Il n'y en avait pas.

      Et ce n'était que le début.

      J'étais sourde. Et aveugle. Et complètement perdue. Je ne sentais plus rien. Pas vraiment inconsciente, mais...

      -OU EST L'EMPEREUR?
      -...
      - ON NE PEUT PAS PERMETTRE ÇA PUTAIN DE MERDE! OÙ EST-CE QUE SE TROUVE L'EMPEREUR?

      Mais personne ne lui adressa la moindre réponse. C'était sans intérêt. Lui même ne distinguait pas les mots qui sortaient de sa propre bouche tant son crâne lui semblait empâté. Ils étaient tous sous le choc. Les membres de la garde rouge, fidèles à leur réputation, avaient su garder leurs esprits même dans cette situation à laquelle rien ne les avaient préparés. Le tonnerre avait fait vibrer tout le palais comme un grand coup de grisou, et ils étaient un étage en dessous de ce qui avait été pulvérisé par la foudre. Une chance que la tradition zenihiste exige que les quartiers impériaux soient symboliquement placés en dessous de ceux du haut prêtre de la religion, sans quoi nous serions morts.

      Les serviteurs, les journalistes, moi-même n'étions plus que des épaves inertes que les gardes d'élite avaient choisi de ne pas abandonner à leur triste sort. Une dangereuse pluie de décombres en avaient écrasé plus d'un, mais ces hommes étaient autrement plus résistants que ça. Trois d'entre eux survécurent même à une chute de deux étages en dessous, du fait d'un pan de mur particulièrement imposant qui parvint à fracasser les fondations de l'étage. Et tout ça sans perdre leur calme, en étant incapables de distinguer le moindre son tant le tonnerre les avaient assourdis. Et surtout, comme le hurlait maintenant l'un de leurs officiers, sans cesser de rechercher l'empereur, qui devait forcément se trouver quelque part.

      Zhou Quang n'était plus là. Il avait disparu. C'était une catastrophe. Ils avaient tous failli.

      Leurs recherches poursuivaient, sans prêter attention aux secousses qui se renouvellaient, au danger qu'ils courraient à rester dans cette salle. Le mur qui jouxtait le trône s'était effondré, au même titre que le plafond par lequel la pluie filtrait abondamment. La moitié des énormes pilliers qui ornaient le refuge étaient tombés à terre, de grandes fissures avaient traversé le sol, tout ça divisant l'énorme salle du trône en plus de dix sections plongées dans un voile de poussières et de décombres. Ils ne comprenaient rien, mais n'abandonneraient pas. Ces champions du Hasshoken étaient incroyables, à se coordonner tant bien que mal dans un état pareil, après avoir affecté un quart de leurs effectifs à l'évacuation de l'étage. Même leurs blessés participaient aux tâches, insensibles à leurs maux.

      Et dans tout ce chaos, il y avait Ragnar, qui cherchait lui aussi à comprendre. Il avait mieux tenu le choc que quiconque d'autre ici, et surplombait les ruines depuis une grande poutre décharnée, changeant régulièrement de promontoire au fil de ses propres recherches.

      Ce qui l'inquiétait le plus, c'était que l'empereur avait disparu, et que Zao aussi. Et il redoutait ce que cet homme pouvait faire.


      *
      *     *
      *


      -MANDRAKE! QU'EST CE QUE C'EST QUE CE PUTAIN DE BORDEL?
      -Je ne sais pas.
      -J'AVAIS DIT PAS DE COUPS BAS, ESPÈCE DE SALOPERIE DE CONNARD D'RAT D'ÉGOUTS!
      -Nous n'avons rien à voir...
      -MON CUL! ON FINI PILE L'ANNONCE ET BAM, TOUT QUI COUPE! ET MAINTENANT Y'A CET ORAGE ÉNORME QUI LEUR CRACHE À LA TRONCHE! FOUTEZ VOUS DE MA GUEULE, C'EST UNE COÏNCIDENCE!

      De là où ils étaient, au large de la côte ouest du pays... ils pouvaient très bien voir la tempête colossale, en dépit de la distance qui les séparait de nous. Et même si la place du dragon se trouvait au nord ouest de Kano... ça montrait à quel point cette bombe climatique fonctionnait.

      -Nous n'en savons pas plus que vous, mais sommes aussi inquiets.
      -OH BAH OUI, ÇA JE VOIS QUE ÇA VOUS GRATTE, VOUS ÊTES TELLEMENT INQUIET QU'VOUS BRONCHEZ PAS D'UN POIL.
      -Ce n'est pas parce que je reste calme que je ne suis pas inquiet. Arrêtez de paniquer, ça ne vous apporte rien.
      -RESTER CALME? CREVURE DE MES DEUX, Y'A MA MISS DANS CETTE... ARGH. GRAVELOR? EST-CE QU'ON DIFFUSE ENCORE?
      -Non.
      -MERDE. BON MANDRAKE, ALLEZ JUSTE VOUS FAIRE FOUTRE. JE VOUS JURE QUE SI C'EST DE VOTRE FAUTE, JE VAIS VOUS EXPLOSER, ET MOI AUSSI J'MENTIRAI POUR RAJOUTER DES COUCHES QUE VOUS L'AYEZ DANS LE CUL!


      *
      *     *
      *



      Vint alors un grand coup de tonnerre, qui frappa à nouveau. Cette fois, ce fut jusqu'aux fondations du palais de vingt étages qui menacèrent de rompre. La moitié de sa face nord-ouest s'affaissa, de larges pans de murs disparaissant ainsi. Ce qui restait des deux étages supérieurs commença à prendre feu, incendie aussitôt étouffé par la pluie.

      -ZHOU QUANG!

      Ragnar avait raison, Zao avait l'empereur. Eux aussi avaient traversé non pas un mais deux étages vers le bas, emportés par une large fissure qu'ils manquèrent d'esquiver. Deux gardes rouges étaient avec l'empereur, et avaient fait en sorte qu'il survive à cette chute. Indemne. Contrairement à eux, qui s'en sortirent blessés.

      Zao s'en tirait mal, lui aussi. S'il avait pu savoir, il aurait employé son haki, et encaissé le choc sans broncher. Là, il avait le bras cassé, et peut être bien pire. Ce qui ne l'empêchait pas de se mouvoir et de tenir en usant de son aura, contrairement aux deux gardes. Ils reposaient autant sur l'empereur que lui sur eux pour essayer de sortir.

      Alors, forcément, Zao flaira l'aubaine. L'homme de Wu si vulnérable, aucun garde en mesure de le gêner, des circonstances parfaites...

      Pour un tel accident...

      -ZHOU QUANG!, répéta-t-il encore.

      Il avait fait son choix.

      Il tenait sa vengeance.

      Et il y renonçait. En l'état actuel, s'ils suivaient la voie des négociations, il fallait que l'empereur vive. Et tant pis pour sa haine. Il aurait été fou de saboter la cause comme ce fut le cas à Goa. Jamais il ne ferait ça.

      - Je le prends lui. Et lui aussi, en fait. Vous pouvez marcher?

      Aucune réponse. Ce que Zao décida de prendre pour un oui, faute de mieux. Lui même avait déjà du mal à soutenir les deux gardes d'un seul bras, malgré son armement. Quant à l'autre, il était bien cassé. Ils devraient faire ainsi. Alors, il étudia son environnement pour la première fois, essayant de comprendre où ils se trouvaient et comment descendre de...

      -ZAO!

      Le révolutionnaire frissonna de pied en cap. Il connaissait cette voix. Et se tourna vers sa gauche, en direction de l'impératrice qui venait de les rejoindre en traversant le plancher. Dès le premier éclair, elle s'était précipitée vers le sommet pour trouver son époux, prenant le chemin le plus court au travers de vingt étages pour ça. Et elle avait prit peur, d'autant plus qu'elle savait que Zao était là. Mais ce qui se passait là... son coeur cessa de battre, gonflé d'appréhension.

      En croisant son regard, le révolutionnaire se vacilla complètement. Tout ce qu'il avait rêvé de lui infliger pendant tellement d'années... elle pouvait lire en lui, deviner dans son regard à quel point il pouvait la haïr, et se rendre que non, elle était bien en deçà. Qu'au delà de sa rancoeur personnelle envers elle, déjà immense, elle constituait avec Zhou l'incarnation de la dynastie qu'il avait travaillé à détruire pendant toute sa vie.

      Son monde parfait, sa révolution, c'était un monde sans noble pour prélever les richesses des plus faibles. Sans privilégié qui décidait pour tous quel futur le pays connaîtrait. Eux vivants, ce serait impossible dans ce pays.

      Il était redoutable.

      Il allait la tuer, et son mari aussi.

      Alors, elle frappa la première.
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