« -Gravelor, vais avoir besoin de vous.
-Mmmh. Sigurd ?
-Z’avez entendu ça ? Z’avez vu ce qu’ils vont faire ?
-Oui. Peut être que la révolution ne gagnera pas, finalement. Ils sont prêts à se battre. Et en ont les moyens.
-Ouais. Et c’est vraiment de la merde.
-Hein ?
-J’veux parler à Shura. Mais restez avec nous, comme ça vous entendrez. Pas besoin d’interrompre la Miss, elle devinera ce que je vais faire d’ici quarante secondes. Trois minutes maximum. Continuez à tourner, faut pas que personne décroche. »
*
* *
*
Ah… c’était inattendu. Wu Quang s’était volatilisée, laissant son mari seul aux bons soins de sa garde prétorienne et de notre petite équipe. Et il en profita pour nous expliciter leurs manœuvres, complétant ce qu’ils nous avaient déjà dit. L’homme paraissait satisfait de son plan et de sa révélation, peut être triomphant, à tout le moins déterminé et animé d’une énergie que son peuple ne lui aurait jamais prêté de sa vie. Il irait jusqu’au bout.
Il s’était joué de nous, et nous avait tous eu. Avec sa femme et leurs fidèles, ils étaient parvenus à conserver une carte maîtresse qui changeait entièrement la donne. Maintenant, ils y croyaient. Ils pouvaient se défendre. Ils avaient une chance, du moins. La Place du Dragon contenait dix mille soldats entraînés, dont une portion que j’étais incapable de chiffrer constituée de membres de la Garde Rouge, les forces d’élite du royaume. Des guerriers incroyables, disaient-ils. A opposer aux cent mille contestataires qui s’efforçaient de faire ployer les murs de la place… mais dont il fallait déduire vingt mille saboteurs infiltrés qui venaient à l’instant de se révéler. La vaste majorité d’entre eux étaient des civils, même si une force conséquente de combattants révolutionnaires complétait leur ensemble.
L’armée de Wu Quang devait toutefois recevoir des renforts supplémentaires sous la forme de cinq mille pirates aux penchants nationalistes, dont l’empereur détailla longuement les mérites.
Et lorsqu’il termina son exposé complémentaire, et bien… ce fut à moi de reprendre. Nous étions toujours en direct, mais… je n’y faisais plus attention. Ou plutôt… c’était bien mieux comme ça.
« -Eh bien… pour un retournement, nous voilà bien servis, repris-je. Je ne sais pas quoi penser. D'un côté, votre présence ici... et votre sécurité... est une très bonne surprise. Vous savez, je pensais demander à mes associés d'envoyer des équipes par homme-canon jusqu'à la capitale, en renfort de nos journalistes sur place, et avec une quarantaine de D.R.O.N.E. aériens en renforts pour aider à vous rechercher. Si nous nous associons à vos équipes d'informateurs et d'agents, nous pouvions vous retrouver. Je le pense, en tout cas. Je pensais même mettre Sigurd sur l'affaire. Il est trop douillet pour accepter un voyage en canon-parachute de bon gré, mais il aurait dit oui. Et même si ce n'est pas le moins du monde un combattant à même de reprendre un otage par la force, il est plein de ressources. J'y croyais sincèrement. »
Enfin, ça, c’était avant qu’on apprenne ce qu’il en était vraiment. Maintenant, ça n’avait plus lieu d’être. Et tant pis pour l’objectivité, l’absence de prises de position, le fait de ne pas jouer aux héros ou tout ce qu’on s’était dit à ce sujet. Nous pouvions être acteurs, nous mêler de ce qui nous ne regardait pas.
Ne nous regardait…
Regarder.
Je regardai en direction de la caméra, et… pourquoi diable Shura me faisait de grands signes de la main ? Je ne comprenais rien à ce qu’il voulait me dire, mais pouvais deviner que c’était lié à Sigurd qui allait nous reprendre. Je devais juste garder l’empereur à l’écran.
« -Mais même maintenant… vous combattez à trente contre quatre-vingt mille… et même plus. Vous espérez gagner?
-Absolument. La très vaste majorité des forces révolutionnaires est constituée de civils révoltés. Ce ne sont pas des soldats, contrairement à mes hommes. Ils n’ont pas la même discipline ni le même entrainement que nos forces. Ils n’ont pas non plus de figure majeure pour les inspirer et les porter lors du combat, là où nous avons Qing Kong et l’impératrice pour mener notre charge. Et je vous assure que vous n’avez pas idée de la force que ces deux-là représentent. Les révolutionnaires n'ont pu déployer que l’ex contre-amiral Mander-Lee, rescapé et affaibli de son affrontement précédent avec le vice-amiral Fenyang. Combat au terme duquel, comme vous l’avez révélé à l’écran, il a bien failli mourir… vous le croyiez mort, si je ne m’abuse. »
Oui, c’était vrai. Mais c’était parce que nous n’avions… et que même maintenant, nous n’avions toujours pas la moindre idée de ce qu’étaient les pouvoirs de cet homme. Il n’était pas tenace, il était beaucoup plus. Il revenait des morts à chaque fois qu’on le tuait. Vive les fruits du démon.
« -Je suis confiant, continua l’empereur. J’espère sincèrement que nos soldats prendront l’avantage assez vite pour que les contestataires se démoralisent et se dispersent. Avec de la chance, si nous réussissons notre manœuvre, nous pourrons les surclasser immédiatement et limiter les pertes au maximum. Pour chacun des deux camps.
-J’espère que vous n’êtes pas trop optimiste… ne serait-ce que pour vos saboteurs qui, s’ils disposent de l’élément de surprise, sont aussi dans une position précaire, encerclés dans les lignes ennemis.
-Je vous assure que vous vous trompez sur ce point. Ils ont eu le loisir de se positionner tout à leur avantage. Nous savons ce que nous faisons. Nos formations tiendront.
-Mmmh. Je vois ce que vous voulez dire. Mais… je me demandais… si les choses se passent mal, et ce bien au-delà d’une simple défaite de votre armée… avec ce Mander-Lee… vous ne craignez rien pour votre épouse ? »
Zhou Quang m’observa un instant, surpris. Curieux de savoir si ma question n’était qu’une terrible indélicatesse, ou s’il y avait une arrière-pensée à celle-ci. Et le cas échéant, de quoi s'agissait-il. Je dû toutefois réussir son épreuve, car il sembla s’adoucir, sur ses traits comme dans le timbre de sa voix. Comme si un des filtres de l’empereur millénaire venait de s’affaisser. Il se rapprocha encore davantage auprès de nous, s’adressant autant à moi qu’à la caméra.
« -Quoi qu’il puisse advenir… nous avions parfaitement conscience des risques que nous allions prendre pour défendre notre pays de la marine et de la révolution. Et c’est toujours le cas. Nous aurions pu fuir depuis longtemps, avant que tout ne commence. Nous ne faisions pas l’autruche, pas plus que nous rêvions de maintenir «
notre dynastie moribonde sous perfusion aussi longtemps que possible », pour reprendre vos termes. L’impératrice et moi-même acceptons les risques. Mais même ainsi… comme vous avez pu le voir, Wu a mangé le logia du papier. Elle est invincible. Parmi les adversaires qui auraient potentiellement pu la combattre avec le haki, je parle de Messieurs Fenyang, Auditore et Mandrake, tous ont battu en retraite, ou sont restés à l’autre bout de l’île, sur la baie de Jing.
-… ah. Mandrake est finalement intervenu?
-Nous disposons de notre propre relai d'informateurs, Mademoiselle Haylor. Qui peuvent voir des choses invisibles depuis les cieux. Mais votre diffusion du combat entre le vice-amiral et l'assassin était très instructive.
-Et Mander-Lee ?
-Vraisemblablement très affaibli, comme j’ai pu vous le dire. Il a également perdu son second de toujours aux mains de la marine. Il doit être dévasté, ce qui peut jouer dans les deux sens. Avec l’esprit clair, il pourrait admettre que nous ne sommes finalement pas ses ennemis, que nous souhaitons uniquement nous émanciper et de la marine, et de la révolution. Qu’ils cherchent à prendre notre pays par la force sans que le gouvernement mondial ne soit impliqué. Alors qu’à l’inverse, avec l’esprit aveuglé par le ressenti de ses pertes récentes, il pourrait tenir à accomplir sa mission quel qu’en soit le prix… ce qui serait le pire cas de figure. Nous pouvons aussi espérer que son moral soit au plus bas, et que ses réflexes et ses aptitudes de commandement en pâtiront.
-Mmmh… »
D’un geste de la main lancé sans me retourner, je fis signe à la caméra de couper. J’allais aborder maintenant un sujet et quelques thèmes qu’il valait mieux ne pas exposer devant tous. Je ne voulais pas donner de bonnes idées à de mauvaises personnes. Et puis… je devinais que le studio aurait besoin d’espace, pour préparer la suite.
Quelques secondes plus tard, notre technicien nous indiqua que c’était bon. Nous pouvions procéder.
« -Nous ne sommes plus à l’antenne, vous pourrez donc parler sans craindre que le monde entier nous écoute. Je voulais quand même souligner… contrairement à ce que les gens se plaisent à penser, avoir un logia ne rendra pas votre femme invincible. Je dirais qu'il lui reste... trois-quatre points faibles. L'eau de mer, déjà, comme pour tous les démons. Je ne connais pas les détails de l'immersion requise... mais ce ne sera probablement pas ce qui causerait sa perte aujourd'hui, à moins que les gris ne soient bien équipés. Reste à savoir s'ils s'attendaient à ça pour anticiper la parade. Mais de toute manière, il y a bien plus simple. Si elle est de papier, elle doit être ridiculement vulnérable au feu. Peut-être aussi à l'eau.
Est-ce qu’elle peut prendre des bains sans problème ? »
Le feu. Ce qui, paradoxalement, faisait de moi la plus à même de la tenir en respect. Un détail que je n'allais sûrement pas exposer à l’empereur… je n’avais pas vraiment besoin que l’on me considère comme un danger, ici.
J’allais pourtant aborder le point le plus sensible, maintenant. Là où je voulais en venir.
« -Et enfin... je pense que vous constituez le meilleur et le pire levier de pression que quiconque pourrait espérer avoir contre votre armée. Même si nous sommes en sécurité ici… je suis convaincue qu’un assassin expérimenté de la révolution pourrait très facilement nous rejoindre. Et comme vous l’avez dit, nos pièces maîtresses sont sur le front, pas avec nous. Nous ne sommes pas à l'abri. Il faudra que vous disparaissiez au terme de notre entretien, peut-être à nouveau vous faire passer pour un soldat quelconque. C’était un excellent déguisement.
-Ce ne sera pas nécessaire. La Garde Rouge est tout à fait à même d’assurer notre sécurité, croyez-moi sur ce point. Et en ce qui me concerne, je me suis caché bien assez longtemps aux yeux du monde et de mes hommes. Je leur dois ma présence, maintenant. Le monde ne doit pas retenir de moi l’image d’un faible qui préfère disparaître devant le danger, aussi ample soit-il. Et le moral d’une armée dépend avant tout de l’implication de ses commandants. Je veux qu’ils sachent que je ne les abandonne pas. Et même si ma femme se trouve à leur tête, je me refuse de fuir. Je ne suis pas un guerrier capable de les mener à la victoire, mais...
-Nous n'avons de toute manière pas besoin de davantage de héros, complétai-je. Il y en a déjà beaucoup trop sur Kanokuni. C'est justement ça le problème. Ils veulent tous faire triompher leur camp, et sont tellement obsédés par leurs idéaux qu’ils deviennent prêts à tout pour le faire.
-C’est… une façon de voir les choses. Je crois que je comprends.
-Ce n’est pas de moi. Vous voyez mon collègue ?
-Monsieur Dogaku ?
-Il est sensiblement moins idiot que ce qu’il faire. Il faut juste creuser.
-Ca ne m’empêchera pas de rester ici. Je reste l’empereur d’une armée qui se bas ici-bas, et nous jouons le tout pour le tout. Vous parliez de ma femme comme étant une demoiselle en détresse à sauver d’assassins… je me charge de ce rôle. Si des agents d’élite de la révolution parviennent à parvenir jusqu’à nous, considérons que cela allègera la charge de nos forces sur la Place. Mes gardes rouges pourront contribuer au combat, comme ça. Et si je devais mourir malgré tout… veillons juste à ce que ça se fasse publiquement, pour que le monde entier voie le vrai visage de la révolution. Vous faîtes de l’excellent travail. Continuez à filmer. »
Mmmmh. Ca faisait peur à comprendre. Il voulait être une cible… et mourir en martyr en direct à l’écran devant le monde entier pour entacher les gris ? J’espère que ce n’était pas ça. Même si… ce serait en effet… non. Une fin à éviter. Je voulais le voir vivre, peu importe ce qui se passe.
« - … si vous le prenez comme ça… j'aimerais vous protéger, répondis-je. Je n'irai pas jusqu'à risquer ma vie et insister contre un adversaire visiblement beaucoup trop fort pour moi, mais je ferai mon possible pour tenir en respect tout ce qui sera à ma hauteur. Mais pour ça, il me faudrait mon matériel. Mes chaînes et les coquillages qui m’ont été retirés aux portes du Refuge. Je vous laisse décider. »
Il n’hésita même pas, ce qui fut une surprise. D’un simple regard, comme sa femme l’avait fait avant lui, il ordonna à un de ses serviteurs de me restituer tous mes biens. Et ils revinrent à quatre pour traîner à leur suite mes quelques centaines de mètres de chaînes, que je ne tardai pas à rembobiner dans mes manches. Ainsi que mes coquillages, que je préparai un à un. On avait beau dire, c’était tout de même beaucoup plus confortable d’être bien équipée dans ces situations. Je ne comprends même pas comment je pouvais faire avant ça, dans l’armée.
Shura attendit que je finisse avant de nous faire signe qu’ils reprenaient le tournage. Mais surtout, que les autres allaient maintenant intervenir, et qu’ils n’attendaient plus que je leur donne la parole pour se lancer. Alors, je repris à l’adresse de l’empereur :
« -Vous savez… je vais me répéter, mais le fait que vous ne soyez pas un otage me fait vraiment, vraiment plaisir. À l'origine, je pensais que lancer votre conjointe à votre recherche serait le meilleur moyen de résoudre la crise sur la Place du Dragon. Ce qui aurait permis à la fois de sauver vous et votre femme, d'anéantir l'objectif du siège révolutionnaire en faisant disparaître sa cible, de parachever la défaite de la marine en transformant son impératrice infiltrée en électron libre, de décapiter la seconde moitié du couple impérial –donc le gouvernement- en lui faisant quitter ce qui reste de ses fidèles, et somme toute de faire en sorte que plus personne ici n'ait la moindre raison de combattre et mourir. J'aurais fait en sorte que la désertion de l'impératrice soit annoncée. La révolution aurait pris le contrôle du pays, mais plus personne n'y pouvait rien. Donc autant limiter la casse, à ce stade. Mais ça, c'était avant de savoir que ce qui reste des forces en présence n'était pas aussi déséquilibré que ce que tout le monde croyait. Que vous alliez vous battre. »
L’empereur me considéra étrangement. La simple pensée que nous ayons souhaité provoquer une victoire propre et facile de la révolution semblait le déranger. Mais c’était dépassé. Je m’étais maintenant tournée pour faire face à la caméra ; derrière, le caméraman me communiquait muettement toutes les informations dont j’avais besoin. Il le faisait depuis plusieurs minutes, en vérité.
« -Ce qui nous amène à un autre problème. Oui, vous êtes en mesure de faire en sorte que Kanokuni conserve son indépendance. Pas de gouverneur des cinq étoiles parachuté en lieu et place de son gouvernement millénaire pour affermir la prise de Marijoa sur la planète. Pas de révolution pour attirer constamment l'ire de la marine mondiale et transformer le pays en point de ressources à extraire pour soutenir la Cause. Je vous avoue qu'il s'agit d'une issue qui nous plairait infiniment plus. Mais pour en arriver là, il y a une étape qui ne nous plaît pas le moins du monde, et vers laquelle vous vous êtes lancés en étant prêts à tout. Héroïquement. Puisque les deux camps ont chacun une chance raisonnable de réussir, personne n'acceptera de céder. Dans le combat qui aura lieu, il va y avoir énormément de morts. Le problème des soulèvements révolutionnaires, c'est qu'ils parviennent à mobiliser énormément de civils. Et je... et nous trouvons tous ça dommage. Mais peut-on l'empêcher? »
La situation actuelle était acceptable. Il y avait de l’espoir. Zhou et Wu Quang avaient bien fait.
« -Vous avez pu compter sur votre conjointe pour compléter vos talents et vous accompagner dans votre projet insensé. Vous avez réussi. J'ai quand même envie de voir si moi, mon énergumène et toute notre bande pouvons faire autre chose. »
Car nous voulions faire mieux.
« -Et le connaissant, je peux vous dire qu'avec le temps qu'il lui faudra pour traverser le navire-studio, forcer le passage auprès du reste des producteurs et techniciens, obliger tout le monde à le suivre dans son idée, et enfin passer à l'antenne, il s'exprimera dans cinq, quatre, trois, deux, un…
« HOLA STOP, TOUT LE MONDE, ON SE CALME, ON ARRETE, ON SE POSE UN MOMENT ET ON ARRETE LES CONNERIES LE TEMPS QUE JE VAIS PARLER, MERCI. »
« J’AI DIT STOP PUTAIN DE MERDE, FAITES COMME DANS LE PROVERBE : QUAND LE SINGE POINTE LA LUNE, TOUT LE MONDE LE REGARDE !!! »
« LA. J’VOUS REMERCIE. »
« MESDAMES, MESDEMOISELLES, MESSIEURS, SOLDATS ET OFFICIERS DE L'ARMÉE IMPÉRIALE, HABITANTS DE NANOKUTRUK, CONTESTATAIRES EXTRÉMISTES MILITANT AUTOUR DE LA PLACE DU DRAGON, OFFICIERS ET AGENTS RÉVOLUTIONNAIRES DE TOUS POILS, GRAND MANITOU SUPRÊME INSTIGATEUR DE L'ACTION RÉVOLUTIONNAIRE, IMPÉRATRICE WU QUANG, EMPEREUR ZHOU QUANG, ET GLOBALEMENT TOUS LES PARTICIPANTS ET RESPONSABLES POTENTIELS DE LA JOYEUSE BOUCHERIE QUI SE PRÉPARE. »
« REBONJOUR. »
« C'EST L'HEURE DE LA QUESTION INTELLIGENTE NUMERO DEUX-CENT-QUATRE-VINGT-CINQ TIRET XB : VOUS ETES VRAIMENT SÛRS DE VOULOIR PORTER VOTRE CONNERIE JUSQU’AU BOUT ? »
*
* *
*
Quelques instants plus tôt, à plusieurs dizaines de kilomètres de là, dans notre navire-studio au large des côtes ouest du pays de Kano, au coeur de notre fourmilière grouillante de techniciens et de personnel support...
-Une dernière fois, Sigurd. Vous êtes sûr que vous n'allez pas faire une énorme connerie?
-Z'en faîtes pas, je suis à fond. On a rien de mieux à faire, d’toute manière. Au pire on passe pour de gros cons, mais comme j'ai dit à la miss, vu que y'a trop de héros dans c't'affaire, j'vais m'charger d'être le naze.
Son interlocuteur était Gravelor Boboriboum, notre producteur et associé dans cet expédition, ainsi que le chef d’orchestre à temps plein de la programmation. Sigurd avait dit qu'il n'interviendrait plus dans la conduite des évènements, à moins qu'on ne lui trouve une excellente raison de le faire. Il était trop sensible. Ce qui se passait sur Kanokuni, et en particulier ce qui s'était passé sur la Baie de Jing, l'avait complètement abattu. Enervé. Il détestait ces conflits, et vivait incroyablement mal ce qui se passait ici. Au point de nous avoir complètement abandonné sur la présentation quand le moral n’y fut plus.
Il avait bouillonné son ressenti pendant de longues heures, dégouté, déprimé, prompt à l’indignation, et juste insupportable.
Et la soupe était prête. Gravelor allait servir.
-Alors on est partis. Montez tous les audios au maximum. Gardez la Place du Dragon en visuel pour la Dendenvision. Faîtes basculer les denden cent-quarante à cent-quatre-vingt sur la Place. Préparez-vous à basculer l'image sur la salle du trône de l'empereur quand je vous en donnerai le signal. Et c'est à vous, Sigurd.
*
* *
*
« BON EH BAH ALLEZ-Y JE REGARDE, FOUTEZ VOUS SUR LA GUEULE ON ATTEND TOUS QUE ÇA! ÇA VA AMUSER L'MONDE, PARAÎT QUE LA GUERRE ÇA VEND, ON POURRAIT MÊME SCORER LES QUATRE-VINGT POINTS D'AUDIMAT GRACE À VOUS. Z'ÊTES EN LIVE, ON RATERA PAS UNE MIETTE, ET QUITTE À CE QUE VOUS NOUS FASSIEZ UN DARWIN AWARD D'UNE ÉCHELLE NATIONALE EN VOUS DÉBITANT COMME DES STEAKS ENTRE COMPATRIOTES, AUTANT QU'ON SAUVE LE TRUC, ÇA POURRA PTÊTRE SERVIR DE PENSE-BETE À D'AUTRES PEUPLES QUI ENVISAGERAIENT DE SE FAIRE UNE PETITE GUERRE CIVILE UN DE CES QUATRE! »
« PARCE QUE BON, VOUS AVEZ DÉJÀ PERDU DES TONNES D'INFRASTRUCTURES AVEC TOUTES VOS CONNERIES DANS LA BAIE DE JING, Y'A CHAIS PAS COMBIEN DE VOS NAVIRES QU'ONT COULÉ DANS L'AFFAIRE, CE QUI SIGNIFIE QUE VOUS ALLEZ EN CHIER POUR AVOIR DES RESSOURCES EXTÉRIEURES DANS LES MOIS QUI VONT SUIVRE, VOUS POURRIEZ CREVER DE FAIM, ALORS TANT QUE VOUS Y ÊTES, FOUTEZ AUSSI EN L'AIR VOS CHANCES DE VOUS RECONSTRUIRE EN AYANT PAS ASSEZ DE BRAS POUR BOSSER! »
« ET JE VOUS RECOMMANDE DE VEILLER À BIEN TOUS VOUS TUER DANS CE CAS, PARCE QU'AUTANT UN MORT ÇA N'A PLUS BESOIN DE RIEN, AUTANT UN ESTROPIÉ DE GUERRE, FAUT TOUJOURS LE NOURIR! »
Ah.
Il était très en forme, pour le coup.
Notre part d’audience… était maintenant de soixante-douze pourcents à l’échelle mondiale. Et de quatre-vingt-dix et des poussières sur Kanokuni. Dans les rangs de l’armée, dans les rangs des contestataires, nous étions une source d’information telle que plus d’un groupe sur deux disposait d’une Dendenradio pour rester aux faits de ce qui se passait.
Ce qui n’avait plus la moindre importance. Nous avions maintenant près d’une centaine de D.R.O.N.E. qui survolaient la Place du Dragon. Et outre leur fonction de capture d’image, ils pouvaient également faire office de haut-parleurs. En version mégaphone.
Tout le monde devait nous écouter, ils n'avaient pas le choix.
En espérant qu’ils y prêtent attention…
« HONNETEMENT JE SAIS PAS PAR QUEL GROUPE COMMENCER PARCE QUE VOUS AVEZ TELLEMENT TOUS FAIT DE LA MERDE QU'À CÔTÉ, CES BLAIREAUX DU GM SERAIENT PRESQUE DES TYPES BIEN S'ILS ÉTAIENT PAS CLICHÉS. ON VA DIRE QUE J'COMMENCE PAR MON GROUPE LES CIVILS, IL FAUT BIEN UNE JUSTICE. ALORS MAIS SÉRIEUSEMENT: PUTAIN MAIS D'OÙ EST-CE QUE VOUS AVEZ TOUS DÉCIDÉ D'ÊTRE CONS À VOUS COMPORTER COMME DES PNJ CLAMPINS DIGNES DES DEMANDES DE QUÊTES, POUR FOUTRE UN TEL BORDEL? C'ÉTAIT PAS BIEN AVANT!? C’EST POSSIBLE ET PROBABLE, C'EST TRÈS SOUVENT LA MERDE. MAIS AU POINT DE DONNER À LA MARINE ET À LA RÉVO TOUT CE QU'IL FAUT COMME PRÉTEXTE POUR VENIR FAIRE LEURS COURSES CHEZ VOUS? SUR LUVNEEL ON A UN TRUC QU'A L'AIR DE VOUS MANQUER, ÇA S'APPELLE LE BON SENS, PUTAIN DE MERDE! »
« PARCE QUE SI ON LA REFAIT, QUOI, C’EST CA QUE VOUS VOUS ÊTES DITS !?
« ♫ OUAAAAAIIIIS, VIVE LA RÉVO, ILS VEULENT JUSTE NOUS AIDER, Y'A TOUT QUI SE PASSERA BIEN, ON EST TOUS OPPRIMÉS, ILS SONT POUR LES DROITS DE L'HOMME! ♪ ♪»
« OUAIS? ALLÔ? NOOON! JE VOUS JURE QUE SI UN SEUL CRÉTIN SE PRENAIT À DIRE ÇA PAR CHEZ NOUS, ON LUI COLLERAIT UNE MUSELIÈRE ET ON LANCERAIT UNE CHASSE AUX SORCIÈRES ANTI-CP DANS TOUT LE PAYS POUR ÊTRE SÛRS QUE LE GM SE SERVIRA PAS DE L'OCCASION POUR SE POINTER. ALORS BIG NEWS, LES RÉVOLUTIONNAIRES CE SONT DES TERRORISTES, ILS ONT DÉCLARÉ LA GUERRE À L'ORGA LA PLUS MONSTRUEUSE DE LA PLANÈTE, ILS SONT TRAQUÉS DE PARTOUT, LA MARINE S'ÉCHINE PLUS À LEUR POURRIR LA GUEULE QU'À SE CHARGER DES PIRATES, CE QU'EST D'AILLEURS DÉBILE PARCE QU'À CÔTÉ DE ÇA Y'A LES EMPEREURS PIRATES ET LES CHIENS D'ARMADA QUI SE BRANLENT LA FIERTÉ À JOUER AUX GAILLARDS INTOUCHABLES, MAIS C'EST UNE AUTRE HISTOIRE. »
« LE TRUC C'EST QUE MALHEUREUSEMENT ON S'EN FICHE DE SAVOIR SI CE QUE FONT LES RÉVOS C'EST BIEN OU PAS BIEN, PARCE QU'AU FINAL S'ALLIER À EUX ET SE JOINDRE À LEUR CAUSE ET -MAIS ALORS PIRE QUE TOUT- LES BALANCER À LA TÊTE DE SON COIN, C'EST JUSTE PEINDRE UNE ÉNORME CIBLE ROUGE SUR LA MAP DU PAYS POUR LEUR DIRE « VENEZ DOOOOONC, JE SUIS L'ENNEMI DU MONDE, J'ME CACHE PAS, VENEZ DONC ME BUTEEER ♥ ». ÇA S'APPELLE DU SUICIDE, VOUS FOUTEZ TOUT LE MONDE DANS LA MERDE, VOUS, VOTRE FAMILLE, VOTRE PAYS JUSQU'AU BOUT, ET RÉSULTAT DES COURSES, LA MARINE VA TELLEMENT INSISTER À VENIR VOUS POURIR ET ENCORE ET ENCORE ET ENCORE ET ENCOOORE QUE MÊME S'ILS VOUS FONT PAS LA DÉLICATESSE DE VOUS VOMIR UN BUSTER CALL À LA FIGURE -VOUS SAVEZ, LA VITRIFICATION MÉTHODIQUE DU DÉCOR AU BOULET DE CANON, LÀ?- TOUTE VOTRE ÎLE FINIRA TELLEMENT INVIVABLE QUE VOUS VOUDREZ LA FUIR ET QUE VOUS ÉMIGREREZ EN MASSE DU PAYS POUR TROUVER REFUGE N'IMPORTE OÙ D'AUTRE. »
« VOUS DEVREZ TOUT LÂCHER. »
« VOUS GALÉREREZ À TROUVER UN NAVIRE QUI VOUS PERMETTRA DE QUITTER LE PAYS, TOUTES VOS ÉCONOMIES Y PASSERONT, VOUS AUREZ DE SACRÉES CHANCES DE FINIR DANS LA MER, VOUS VOUS FEREZ PEUT ÊTRE ARNAQUER PAR DES ESCLAVAGISTES, À MOINS QUE LES DRAGONS CÉLESTES VIENNENT PIOCHER DANS VOS RANGS, ET ÇA ÇA SERA SI VOUS AVEZ EU LA CHANCE DE PASSER LE BLOCUS DE LA MARINE QUI VOUS COULERA À VUE. »
« C'EST LA MERDE? OUI! LE MONDE NOUS FAIT LA TRONCHE? OUI AUSSI! LES RÉVOS AURAIENT RAISON SUR LE FOND AU MOINS SUR CERTAINS POINTS? PROBABLEMENT! SAUF QU'EN FORME C'EST DE LA MERDE ET PAS VIABLE ET JUSTE DU SUICIDE, ALORS RENDEZ-VOUS SERVICE ET LEUR BALANCEZ PAS VOTRE EMPIRE MILLÉNAIRE EN PÂTURE, MERCI. »
« SI C'EST VRAIMENT LA MERDE DANS LE PAYS, TROUVEZ UNE AUTRE ISSUE. TOUT SAUF LA RÉVOLUTION. JE VOUS ASSURE QUE LES MARCHÉS FAUSTIENS, ÇA FINI JAMAIS BIEN. »
Je… crois que ça avait marché. Au moins momentanément. A l’exception de certaines poches et d’individus beaucoup trop entêtés, les choses semblaient s’être grandement calmées. Je me fiais à ce que nous pouvions voir depuis le Refuge, en tout cas. La salle du trône était jouxtée d’un grand balcon qui surplombait la Place, et même si ce dernier avait été condamné avec les moyens du bord, nous pouvions encore voir…
« BON, ENSUITE. LES RÉVOS. DÉSOLÉ DE AVOIR BIEN CHIÉ DESSUS AVANT MÊME VOTRE TOUR, MAIS TOUT LE MONDE VA S'EN PRENDRE, Z'EN FAÎTES PAS. ET PUIS BON SÉRIEUSEMENT, TOUT CE BORDEL C'EST DE VOTRE FAUTE AVANT TOUT, HEIN. ALORS POUR MAINTENANT S'IL VOUS PLAÎT, OUVREZ LES YEUX, REGARDEZ QUI EST-CE QUE Y'A EN FACE, QUI EST-CE QUE Y'A AUTOUR, QUI EST-CE QUE Y'A MAJORITAIREMENT DANS VOS PROPRES RANGS LÀ MAINTENANT TOUT DE SUITE SUR LA PLACE DU DRAGON, RÉFLÉCHISSEZ UN BRIN ET AU FINAL, JE VOUS EN SUPPLIE : ABANDONNEZ, PUTAIN. VOUS VOUS BATTEZ PLUS CONTRE LE GM, VOUS VOUS BATTEZ CONTRE LES SOLDATS D'UNE ARMÉE NATIONALE QUI FAIT QUE SE DÉFENDRE. ET QUI VIENT DE FAIRE TOUT SON POSSIBLE POUR GARDER ET RENFORCER SON INDÉPENDANCE, ZUT ! VOUS ÊTES LES AGRESSEURS, MAINTENANT! CES MECS SONT DES HÉROS, DEVRIEZ LES AIDER, PAS VENIR LES ENVAHIR! »
« PIRE ENCORE, LA PLUPART DE VOS FORCES SONT JUSTE DES CIVILS QU'VOUS AVEZ RECRUTÉS, ET JE PARLE DE QUATRE-VINGT POURCENTS GRAND MINIMUM A LA LOUCHE QUE VOUS ENVOYEZ AU CARNAGE ! AU FINAL VOUS FORCEZ UNE ARMÉE À DEVOIR MASSACRER LES GENS QU'ILS DOIVENT DÉFENDRE, CEUX QUI TRAVAILLENT ET QUI STOCKENT POUR QU'ELLE PUISSE CARBURER! VOUS ÊTES SÛR QUE ÇA TOURNE ROND DANS VOTRE TÊTE? ATTEINDRE UN MONDE MEILLEUR ÇA DOIT PASSER PAR UN PEU D'AUTO-MUTILATION, SINON ÇA SERAIT PAS NOBLE ET DENUE DE SACRIFICE, C'EST ÇA LE TRIP? VOTRE TRUC, C'EST JUSTE IRRESPONSABLE. J'L'AI DÉJÀ DIT AUX CIVILS, ÇA VOUS CONCERNE AUSSI. AUTANT ILS ONT PAS LE DROIT D'ACCEPTER DE VOUS METTRE AU POUVOIR OFFICIEL OU DE SE METTRE A VOTRE SUITE, AUTANT C'EST ULTRA CRADE DE VOTRE PART DE LES Y INCITER OU DE LES MANIPULER OU JUSTE LES CONVAINCRE DE LE FAIRE. »
« VOUS DEVEZ LE SAVOIR QUE ÇA NE MARCHERA PAS, CA A JAMAIS MARCE, J'PIGE MÊME PAS QUE VOUS AYEZ ENCORE ESSAYE DE FAIRE ÇA. SI LE MONDE A UN PROB', ET QU'IL FAUT LE SAUVER, VOUS DEVEZ FAIRE COMME BATMAN, ÇA VEUT DIRE QUE VOUS FAÎTES LE BOULOT PUIS VOUS DISPARAISSEZ, VOUS POSEZ PAS UN DRAPEAU DU DRAGON SUR LA PLACE POUR QUE LA MARINE SE POINTE ET DECIDE DE LE RASER. »
« ALORS BON, SUR LE FOND JE COMPRENDS BIEN TOUTE L'HORREUR QUE CA DOIT ÊTRE D'ÊTRE VOUS. VOUS ÊTES TRAQUÉS DE PARTOUT, VOUS AVEZ FAIT LE CHOIX DE SACRIFIER UNE VIE QUI AURAIT PU ÊTRE NORMALE POUR VOUS FOUTRE DANS LA MERDE, VOUS AVEZ FAIT TOUT CA POUR VOUS METTRE AU SERVICE AU SERVICE DE TOUT LE MONDE, ET MAINTENANT VOUS AVEZ UNE SALOPERIE DE GROS CONNARD CAPITALISTE QUI VOUS FAIT LA MORALE SANS QUE VOUS PUISSIEZ VENIR LUI FAIRE RABATTRE SON CAQUET, J'IMAGINE QUE C'EST DUR. VOUS REMARQUEREZ QUAND MÊME QUE C'EST À VOUS QUE JE DEMANDE D'ÊTRE SOUPLES ET RAISONNABLES ET DE PAS FAIRE LES CONS, ÇA MONTRE BIEN QU'AU NIVEAU DU GM J'AI JUSTE LÂCHÉ L'AFFAIRE. SI VOUS VOULEZ VRAIMENT BIEN FAIRE LES CHOSES, EH BAH FAITES LES BIEN, MAIS ENTERREZ PAS TOUT LE MONDE DANS LA FOULEE, QUOI. »
« ENFIN OUAIS : JE COMPRENDS VOTRE PROBLÈME. JE COMPRENDS QU'ÊTRE RÉVO C'EST DUR, QUE NIVEAU CRÉDIBILITÉ ET LÉGITIMITÉ ÇA SERAIT JUSTE ÉNORME POUR VOUS DE RÉUSSIR À RENVERSER UN PUTAIN DE GOUVERNEMENT OPPRESSIF POUR LIBÉRER UN PEUPLE DE CONTESTATAIRES, ET AUTANT SI C'EST PAS ENCORE PLUS QU'ILS VOUS LAISSENT LES RENNES DE LEUR PAYS EN PURE RECONNAISSANCE. MANQUE DE BOL, ÇA NE PEUT PAS SE FAIRE, ET ENCORE MOINS OUVERTEMENT, ET ENCORE MOINS QUAND VOUS RENVERSEZ LE PAYS PAR LA FORCE! »
« CE QUI SIGNIFIE QU'EN CE QUI VOUS CONCERNE, C'EST MISSION ACCOMPLIE. LE GM EST HORS JEU. L’EMPEREUR A FAIT LE CHOIX D’EN SORTIR, ET AVEC CE QU’ELLE A DIT, L’IMPERATRICE VIENT DE SE GRILLER AU NIVEAU DU GM. ET VOUS AVEZ AIDE A NETTOYER TOUTES LES FORCES CP DANS LE PAYS. ALORS STOP, C’EST FINI !»
« A CONDITION QUE VOUS ACCEPTIEZ DE FAIRE CONFIANCE AU GOUVERNEMENT ACTUEL POUR TENIR SA PAROLE, FORCEMENT. ET SI PAR LE PLUS GRAND DES HASARDS CA N’ETAIT PAS LE CAS ET QUE VOUS ESTIMIEZ QU'ILS ONT JUSTE PIPEAUTÉ DES MENSONGES POUR POUVOIR CALMER LE JEU, JE VOUS CONSEILLERAI DE REVENIR PLUS TARD POUR LES ASSASSINER PROPREMENT. PARCE QUE OUAIS, AUTANT FAIRE ÇA BIEN ET SE CONTENTER DE SNIPER LES DIRIGEANTS SANS IMPLIQUER DES CENTAINES DE MILLIERS DE PERSONNES DANS UNE BOUCHERIE SANS NOM. ET SURTOUT, FAÎTES MOI ÇA DISCRÈTEMENT, VOUS ÊTES PAS OBLIGÉS DE CRIER AU MONDE ENTIER QUE C'EST DU MADE IN RÉVO, C’EST VRAIMENT DE MAUVAIS GOÛT »
Ce qui m’inquiétait… c’était le ciel, qui se faisait de plus en plus orageux. Comme en écho au combat qui menaçait de faire rage en dessous, des éclairs continuaient de crépiter, et les nuages vrombissaient leur colère tout en prenant encore et toujours plus d’ampleur. La pluie s’était tarie, ou réduite à une mince bruine qui menaçait toutefois de reprendre de plus belle. Et même encore bien pire, à en voir les nuages. Eclairés par la foudre malgré la nuit naissante, nous pouvions constater qu’ils étaient tellement noirs… je n’avais jamais vu ça.
Ca n’était pas normal. Qu’est-ce que ça voulait dire ?
C’était un miracle que ce temps n’interfère pas avec notre diffusion. Ou notre matériel. Nous avions les moyens, et avions ce qui se fait de mieux.
Mais si ça continuait, ce ne serait peut-être plus le cas…
Il fallait finir vite, et nous en approchions, compris-je en retournant près de l’empereur. Ce serait à son tour.
« ET MAINTENANT, DU CÔTÉ DU PAYS. VOUS AUSSI, VOUS AVEZ FAIT TRES FORT, ALORS EXPLIQUEZ-MOI. ENVOYER VOTRE ARMÉE CHARCUTER DES CIVILS, C'EST ÇA VOTRE PLAN MAGIQUE ANTICIPÉ CENT COUP D'AVANCE POUR TIRER VOTRE ÉPINGLE DU JEU? VOUS, OUI. ZHOU QUANG, EMPEREUR DE NANOKUTRUK, CO-RESPONSABLE DE CE QUI SE PASSE ICI! FAÎTES MOI UN VIRAGE DE QUATRE-VINGTS-DIX DEGRÉS SUR VOTRE GAUCHE ET REFAITES UN COUCOU À LA CAMÉRA, JE VOUS DONNE L'OCCASION DE PARLER À VOS CONTESTATAIRES POUR ÉVITER LE BAIN DE SANG! »
D'un mouvement de tête, l'empereur s'exécuta. Ce fut comme machinal. Il ne l’attendait pas, ça.
« ON VEUT DES EXPLICATIONS, ET Y A INTERET A CE QU’ELLES SOIENT BIEN FOUTUES ! VOUS AVEZ COMPLÈTEMENT DÉGUEULÉ VOTRE SPEECH DE RETOUR EN LA JOUANT CONQUÉRANT DERNIÈRE-CHANCE, JE NE VEUX PAS DE ÇA! VOUS ME LA REFAITES EN CIVIL, ET J'VEUX QU'ON ME VENDE DU RÊVE SOUS FORME DE SOLIDE, TOUT DE SUITE! EN SACHANT QUE SI VOUS ARRIVEZ A ME CONVAINCRE MOI, CA SUFFIRA PEUT ETRE PAS A LES CONVAINCRE EUX, MAIS JE DEMANDE QUE CA ! »
Et j’étais devant lui, un micro à la main, prête pour la dernière phase. Il fallait l’introduire, et…
« Et vous êtes en direct, annonçais-je. Empereur Zhou Quang de l'Empire de Kanokuni. Le monde entier, mais surtout l’ensemble de vos sujets, sont à votre écoute. Plusieurs d’entre eux sont en colère, et se sont tournés vers des forces extérieures en échange de promesses teintées de mensonges pour obtenir un avenir meilleur. Des forces extérieures qui vont irrémédiablement faire de votre pays une forteresse qui sera ciblée par la fureur du monde dès que la marine et le gouvernement mondial auront reconstitué leurs forces. »
« Contrairement à ce qu'à dit Sigurd, je pense que vos sujets ne sont pas idiots, ils sont au courant de tout ça. Et malgré tout, ils sont prêts à se battre et à mourir pour porter leur projet jusqu’au bout. Ce qui signifie qu’ils ont certainement de bonnes raisons de le faire. Et j'espère sincèrement que vous parviendrez à les apaiser. Vous qui avez toujours été connu pour être un homme de raison, et qui venez de vous illustrer comme étant l’homme d’action qu’on vous reprochait de ne pas être… »
« Imaginez une fin où les contestataires déposeraient les armes, où les révolutionnaires s’en retourneraient par eux-mêmes vers chez eux, où votre armée et votre conjointe n’auraient pas à mener la charge contre vos propres sujets. »
« Faîtes-nous donc un miracle, et donnez une raison à ce que le monde se souvienne de vous comme étant le mille fois loué empereur Zhou Quang, l’Eclairé de Kanokuni. »