Automne, 1626.
Shell Town.
À cette époque-là, Franck, le père de Keiran, était veuf et en vie. À cette époque-là, Keiran, le mécanicien, travaillait pour aider financièrement son père.
Le bonhomme, alors âgé de trente-quatre ans, avait parfois à partir sur des îles éloignées pour le travail. Aujourd'hui, le narrateur avait décidé que la scène se passerait sur Shell Town. Très bien.
Ce bout de terre émergé quasiment entièrement recouvert d'une ville, au point où le nom de la ville était plus connu que celui de l'île, était le lieu choisi par le patron de Keiran, une entreprise de réparation et entretien de moteurs divers, pour un séminaire sur le tout dernier système de transmission des flux. Une technologie soi-disant révolutionnaire qui permettrait de faire fonctionner un moteur avec seulement trois quarts de ce qui est actuellement utilisé.
La journée était déjà bien écoulée. Le soleil déclinait lentement vers l'horizon, indiquant l'arrivée prochaine de la nuit. Il devait être aux alentours de dix-sept heures, une heure convenable pour ne rien faire de précis, surtout après deux jours consécutifs d'explications techniques.
- Pas fâché que ça soit fini pour aujourd'hui...
Keiran marchait seul dans une rue de la ville, se dirigeant avec beaucoup de déviations vers le bord de l'eau. Le chemin variant souvent n'était que là pour augmenter le temps passé à marcher.
- Encore deux jours de séminaire... Pfff... Demain devrait être tranquille : seulement une demi-journée de blabla. Et ensuite, démonstration !
Les mains des les poches, les cheveux en bataille, une écharpe rouge foncé autour du cou pour se protéger du vent frais, une veste gris clair, un pantalon noir et une paire de chaussures à mi-chemin entre la basket et le mocassin faisaient office de visuel pour lui.
- Et après, les gens vont croire que j'ai aucun goût...
Un autre détail notable, mais plus discret : un badge était accroché à son pantalon, sur celui-ci se trouvait son nom, celui de l'entreprise de son patron, le mot "Invité" et le logo de la société organisatrice du séminaire.
Keiran n'avait rien de prévu pour cette fin de journée. Il n'avait pas eu envie d'aller boire quelque chose avec ses confrères, empressés d'aller aider les barmen à faire leur chiffre du soir. Il mangerait sûrement quelque chose quand l'envie l'en prendrait, si tant est qu'un lieu soit d'accord de lui servir à manger à l'heure qu'il sera à ce moment.
Au fil de ses pérégrinations, Keiran parvint quand même à atteindre un quai. Le vent soufflait légèrement plus fort ici que dans la ville, là où les bâtiments pouvaient le protéger. Il regarda l'horizon quelques instants.
- Est-ce qu'il y a un banc quelque part ?
Son regard balaya les alentours ; il y avait effectivement des lieux où s'asseoir mais ceux-ci étaient déjà occupés. Un soupir s'échappa de la bouche du mécano. De toute façon, le vent était trop fort pour rester ici confortablement. Il haussa les épaules et pivota sur lui-même, jeta un dernier regard à l'étendue bleue, puis emprunta une direction autre que celle étant son origine. Il longea la mer un moment puis emprunta la première rue à sa gauche, retournant se perdre entre les bâtiments.
Ses déambulations finirent par puiser les dernières réserves nourricières de Keiran. Son estomac lui transmit le message en le tiraillant soudainement.
- Évidemment... Rien de mieux pour avancer dans l'aventure que d'aller manger. Je parie que je vais rencontrer des gens.
Keiran poursuivit sa marche, cette fois dans l'optique de trouver un restaurant pas trop cher. Un rapide coup d’œil autour de lui permit au nouvellement affamé de voir la potence d'un restaurant, quelle veine ! Après avoir soupiré, il s'approcha de l'encadré affichant la carte du restaurant. Son regard se figea quelques instants dans une expression choquée.
Après avoir fait deux pas en arrière, le noiraud se mit en quête d'un restaurant pratiquant des prix qu'il estimerait abordables. L'enseigne qu'il dénicha, deux rues plus loin, affichait certes des prix moins exorbitants mais restaient dans le domaine du non-abordable pour le mécanicien.
- On se décourage pas. On va trouver. Courage.
L'estomac du bonhomme, désormais bien vide, manifesta son mécontentement un peu plus puissamment. La recherche serait plus difficile à présent.
Une demi-heure de recherches suivit le second choc. Les restaurants affichaient des prix assez élevés, trop pour qu'il puisse se permettre ne serait-ce que de manger une entrée. Il avait faim, mal au ventre et devenait un tantinet agressif et impatient. Il lui fallait trouver à manger.
- Foutue scène... J'ai faim, merde !
Keiran ne put faire que trois mètres avant de s'arrêter. La faim semblait le tirailler de plus en plus fort. La tête commençait à lui tourner un peu. Il devait bien y avoir un restaurant, une buvette, un café, n'importe quoi qui proposait à manger à des prix accessibles aux petits budgets...
Ce que Keiran ignorait c'est que l'objet de ses recherches se trouvait à proximité, trois bâtiments à côté, mais sa méconnaissance de l'île et sa volonté de s'isoler de ses collègues semblaient suffire à le maintenir à distance, comme un karma s'amusant un peu trop avec ce pauvre bougre. Il pourrait sans doute trouver facilement une adresse en demandant aux gens dans les établissements qu'il croisait, mais il n'osait le faire, persuadé qu'on allait le refouler.
Sa bêtise commençait à avoir raison de lui. Sa faim, sa tête, ses jambes le faisaient souffrir. Il marchait toujours, plus lentement. Une porte émit un son sur sa droite, il jeta un œil par réflexe, un homme âgé sortait d'un bâtiment. Il était un peu plus grand que lui, ses cheveux grisonnaient. Il portait une écharpe bleu foncé, un trench coat gris et un joli pantalon en tissu fin.
Keiran vit un encadré à côté de la porte : la carte d'un lieu de restauration ! Le commerce lui avait échappé... Mais du coup... Combien d'autres avait-il manqué ?!
- Oh ! Bonsoir, Monsieur. Vous... Vous allez bien ?
Le vieil homme interrogeait le mécanicien, soit à cause de son air atterré, soit à cause de l'état de fatigue affiché, ou bien était-ce à cause des deux ?
- Bonsoir... Oui... Oui, ne vous inquiétez pas. J'ai... juste faim. Et je n'avais pas vu le café ici.
L'homme sembla soudainement très gêné. Il avait compris que Keiran souhaitait se rendre dans le commerce pour y manger quelque chose.
- C'est que... Je suis le tenancier et je ferme là.
- Quoi ? Noooon...
- Je vous ouvrirai volontiers, mais je n'ai plus rien en cuisine...
L'accablement de Keiran se fit plus grand encore. Il commença à marcher, traînant des pieds suite à cette feinte du destin, qu'il commençait à maudire de plus en plus. Pourquoi l'auteur s'amusait à le faire souffrir comme ça ? Qu'avait-il fait pour mériter ça ?
- Bah... Ce n'est pas grave... Je vais...
- Attendez, Monsieur !
L'homme se plaça à côté de Keiran.
- Je peux vous emmener au "Grumpy Willy" si vous voulez. Ce n'est pas loin. Ce n'est pas le meilleur restaurant, mais vous pourriez y manger quelque chose...
Les yeux de Keiran s'illuminèrent d'une lointaine lueur. Enfin ! Enfin, une aide !
- Oui ! Volontiers ! Emmenez-moi s'il vous plaît !
Le vieil homme se présenta comme s'appelant Jirô, Keiran donna son nom en retour. Tous deux discutèrent, ou plutôt Keiran marmonna, sur le chemin. Le vieil homme tenait son café-bistrot depuis cinq ans et était plutôt content de sa vie. Le premier choc, de voir un homme figé devant son établissement, passé, Jirô s'avéra être un homme sympathique et jovial. Il aurait aimé avoir rencontré l'amour mais, comme il disait en souriant, "On ne peut pas tout avoir." Le mécanicien lui expliqua brièvement qu'il était là pour son métier, son patron l'obligeant à suivre un séminaire ennuyeux sur la mécanique, présentant une technique qui, à ses yeux, ne fonctionnait pas efficacement.
Un peu moins de cinq minutes furent nécessaires pour rejoindre le "Grumpy Willy." L'établissement semblait humble, les lieux étaient propres, la nourriture pourrait être meilleure pour le prix mais restait somme toute convenable. Jirô poussa la porte en bois du restaurant et laissa Keiran entrer.
- Voilà, je vous laisse ici. Vous devriez avoir de quoi vous retaper d'ici peu ! Bon courage !
- Merci ! Merci beaucoup, Jirô ! Je vous revaudrai ça...
Les deux hommes se saluèrent et Jirô quitta les lieux. Keiran s'installa à la table la plus proche, sans faire attention à son occupation potentielle, et s'écroula presque littéralement sur la chaise ; il s'assit et se laissa glisser un peu, de sorte à pouvoir reposer un peu ses lombaires mais garder une hauteur raisonnable pour être visible par les serveurs.
Shell Town.
À cette époque-là, Franck, le père de Keiran, était veuf et en vie. À cette époque-là, Keiran, le mécanicien, travaillait pour aider financièrement son père.
Le bonhomme, alors âgé de trente-quatre ans, avait parfois à partir sur des îles éloignées pour le travail. Aujourd'hui, le narrateur avait décidé que la scène se passerait sur Shell Town. Très bien.
Ce bout de terre émergé quasiment entièrement recouvert d'une ville, au point où le nom de la ville était plus connu que celui de l'île, était le lieu choisi par le patron de Keiran, une entreprise de réparation et entretien de moteurs divers, pour un séminaire sur le tout dernier système de transmission des flux. Une technologie soi-disant révolutionnaire qui permettrait de faire fonctionner un moteur avec seulement trois quarts de ce qui est actuellement utilisé.
La journée était déjà bien écoulée. Le soleil déclinait lentement vers l'horizon, indiquant l'arrivée prochaine de la nuit. Il devait être aux alentours de dix-sept heures, une heure convenable pour ne rien faire de précis, surtout après deux jours consécutifs d'explications techniques.
- Pas fâché que ça soit fini pour aujourd'hui...
Keiran marchait seul dans une rue de la ville, se dirigeant avec beaucoup de déviations vers le bord de l'eau. Le chemin variant souvent n'était que là pour augmenter le temps passé à marcher.
- Encore deux jours de séminaire... Pfff... Demain devrait être tranquille : seulement une demi-journée de blabla. Et ensuite, démonstration !
Les mains des les poches, les cheveux en bataille, une écharpe rouge foncé autour du cou pour se protéger du vent frais, une veste gris clair, un pantalon noir et une paire de chaussures à mi-chemin entre la basket et le mocassin faisaient office de visuel pour lui.
- Et après, les gens vont croire que j'ai aucun goût...
Un autre détail notable, mais plus discret : un badge était accroché à son pantalon, sur celui-ci se trouvait son nom, celui de l'entreprise de son patron, le mot "Invité" et le logo de la société organisatrice du séminaire.
Keiran n'avait rien de prévu pour cette fin de journée. Il n'avait pas eu envie d'aller boire quelque chose avec ses confrères, empressés d'aller aider les barmen à faire leur chiffre du soir. Il mangerait sûrement quelque chose quand l'envie l'en prendrait, si tant est qu'un lieu soit d'accord de lui servir à manger à l'heure qu'il sera à ce moment.
Au fil de ses pérégrinations, Keiran parvint quand même à atteindre un quai. Le vent soufflait légèrement plus fort ici que dans la ville, là où les bâtiments pouvaient le protéger. Il regarda l'horizon quelques instants.
- Est-ce qu'il y a un banc quelque part ?
Son regard balaya les alentours ; il y avait effectivement des lieux où s'asseoir mais ceux-ci étaient déjà occupés. Un soupir s'échappa de la bouche du mécano. De toute façon, le vent était trop fort pour rester ici confortablement. Il haussa les épaules et pivota sur lui-même, jeta un dernier regard à l'étendue bleue, puis emprunta une direction autre que celle étant son origine. Il longea la mer un moment puis emprunta la première rue à sa gauche, retournant se perdre entre les bâtiments.
Ses déambulations finirent par puiser les dernières réserves nourricières de Keiran. Son estomac lui transmit le message en le tiraillant soudainement.
- Évidemment... Rien de mieux pour avancer dans l'aventure que d'aller manger. Je parie que je vais rencontrer des gens.
Keiran poursuivit sa marche, cette fois dans l'optique de trouver un restaurant pas trop cher. Un rapide coup d’œil autour de lui permit au nouvellement affamé de voir la potence d'un restaurant, quelle veine ! Après avoir soupiré, il s'approcha de l'encadré affichant la carte du restaurant. Son regard se figea quelques instants dans une expression choquée.
Après avoir fait deux pas en arrière, le noiraud se mit en quête d'un restaurant pratiquant des prix qu'il estimerait abordables. L'enseigne qu'il dénicha, deux rues plus loin, affichait certes des prix moins exorbitants mais restaient dans le domaine du non-abordable pour le mécanicien.
- On se décourage pas. On va trouver. Courage.
L'estomac du bonhomme, désormais bien vide, manifesta son mécontentement un peu plus puissamment. La recherche serait plus difficile à présent.
Une demi-heure de recherches suivit le second choc. Les restaurants affichaient des prix assez élevés, trop pour qu'il puisse se permettre ne serait-ce que de manger une entrée. Il avait faim, mal au ventre et devenait un tantinet agressif et impatient. Il lui fallait trouver à manger.
- Foutue scène... J'ai faim, merde !
Keiran ne put faire que trois mètres avant de s'arrêter. La faim semblait le tirailler de plus en plus fort. La tête commençait à lui tourner un peu. Il devait bien y avoir un restaurant, une buvette, un café, n'importe quoi qui proposait à manger à des prix accessibles aux petits budgets...
Ce que Keiran ignorait c'est que l'objet de ses recherches se trouvait à proximité, trois bâtiments à côté, mais sa méconnaissance de l'île et sa volonté de s'isoler de ses collègues semblaient suffire à le maintenir à distance, comme un karma s'amusant un peu trop avec ce pauvre bougre. Il pourrait sans doute trouver facilement une adresse en demandant aux gens dans les établissements qu'il croisait, mais il n'osait le faire, persuadé qu'on allait le refouler.
Sa bêtise commençait à avoir raison de lui. Sa faim, sa tête, ses jambes le faisaient souffrir. Il marchait toujours, plus lentement. Une porte émit un son sur sa droite, il jeta un œil par réflexe, un homme âgé sortait d'un bâtiment. Il était un peu plus grand que lui, ses cheveux grisonnaient. Il portait une écharpe bleu foncé, un trench coat gris et un joli pantalon en tissu fin.
Keiran vit un encadré à côté de la porte : la carte d'un lieu de restauration ! Le commerce lui avait échappé... Mais du coup... Combien d'autres avait-il manqué ?!
- Oh ! Bonsoir, Monsieur. Vous... Vous allez bien ?
Le vieil homme interrogeait le mécanicien, soit à cause de son air atterré, soit à cause de l'état de fatigue affiché, ou bien était-ce à cause des deux ?
- Bonsoir... Oui... Oui, ne vous inquiétez pas. J'ai... juste faim. Et je n'avais pas vu le café ici.
L'homme sembla soudainement très gêné. Il avait compris que Keiran souhaitait se rendre dans le commerce pour y manger quelque chose.
- C'est que... Je suis le tenancier et je ferme là.
- Quoi ? Noooon...
- Je vous ouvrirai volontiers, mais je n'ai plus rien en cuisine...
L'accablement de Keiran se fit plus grand encore. Il commença à marcher, traînant des pieds suite à cette feinte du destin, qu'il commençait à maudire de plus en plus. Pourquoi l'auteur s'amusait à le faire souffrir comme ça ? Qu'avait-il fait pour mériter ça ?
- Bah... Ce n'est pas grave... Je vais...
- Attendez, Monsieur !
L'homme se plaça à côté de Keiran.
- Je peux vous emmener au "Grumpy Willy" si vous voulez. Ce n'est pas loin. Ce n'est pas le meilleur restaurant, mais vous pourriez y manger quelque chose...
Les yeux de Keiran s'illuminèrent d'une lointaine lueur. Enfin ! Enfin, une aide !
- Oui ! Volontiers ! Emmenez-moi s'il vous plaît !
Le vieil homme se présenta comme s'appelant Jirô, Keiran donna son nom en retour. Tous deux discutèrent, ou plutôt Keiran marmonna, sur le chemin. Le vieil homme tenait son café-bistrot depuis cinq ans et était plutôt content de sa vie. Le premier choc, de voir un homme figé devant son établissement, passé, Jirô s'avéra être un homme sympathique et jovial. Il aurait aimé avoir rencontré l'amour mais, comme il disait en souriant, "On ne peut pas tout avoir." Le mécanicien lui expliqua brièvement qu'il était là pour son métier, son patron l'obligeant à suivre un séminaire ennuyeux sur la mécanique, présentant une technique qui, à ses yeux, ne fonctionnait pas efficacement.
Un peu moins de cinq minutes furent nécessaires pour rejoindre le "Grumpy Willy." L'établissement semblait humble, les lieux étaient propres, la nourriture pourrait être meilleure pour le prix mais restait somme toute convenable. Jirô poussa la porte en bois du restaurant et laissa Keiran entrer.
- Voilà, je vous laisse ici. Vous devriez avoir de quoi vous retaper d'ici peu ! Bon courage !
- Merci ! Merci beaucoup, Jirô ! Je vous revaudrai ça...
Les deux hommes se saluèrent et Jirô quitta les lieux. Keiran s'installa à la table la plus proche, sans faire attention à son occupation potentielle, et s'écroula presque littéralement sur la chaise ; il s'assit et se laissa glisser un peu, de sorte à pouvoir reposer un peu ses lombaires mais garder une hauteur raisonnable pour être visible par les serveurs.