Angus

J'pare le coup de pied sauté avec mon avant-bras, et j'recule d'un bond pour esquiver le coup de talon qui suit. Trop puissant pour que j'puisse y risquer mes os, surtout avec l'onde noire qui le recouvre brièvement, au moment où ça serait rentré en contact avec ma tête. En face de moi, Prudence retombe souplement au sol, et se remet en garde, sur la pointe des pieds et les genoux légèrement fléchis.
« On n'avait pas dit qu'on y allait mollo pour l'échauffement ? »
Elle répond pas et se contente d'un sourire un peu large. J’soupire et j’secoue ma main pour faire disparaître la sensation d’engourdissement.

On est dans une des salles close du croiseur, un coin qui sert de zone d’entrainement. C’est pas hyper grand, mais c’est blindé d’acier partout, ce qui fait que les Marines peuvent y aller un peu à fond, en prévision des dangers qu’ils pourraient avoir à affronter. Vu qu’il est super tard, et qu’on est en plein milieu d’un quart, on risque pas d’être dérangé. T’façon, on est rarement dérangé quand on est la plus haute autorité du navire.

D’une impulsion, Prudence se projette en avant, feinte un coup de pied circulaire puis change son appui. Son direct gauche file vers mon visage, j’lève ma garde. J’ressens qu’un choc minime, jusqu’à ce que son crochet du droit frôle ma rate. Mon pas en arrière m’a permis d’éviter ça, mais pas l’énième panard qui s’écrase contre ma cuisse. J’encaisse sans sourciller.

Sans le haki de l’empathie, c’pas forcément facile, même si j’sens que j’suis plus rapide. J’essuie une goutte de sueur qui m’coule dans les yeux, et elle en profite pour raccourcir à nouveau la distance entre nous. Cette fois, pas de feinte de jambe, donc j’me glisse sous son bras et j’lui châtouille les côtes avec mes phalanges. Quand elle essaye de reculer pour remettre un peu d’espace, j’crochette ses appuis, et elle trébuche en arrière.

J’arrête mon tibia à quelques centimètres de son visage alors qu’un frémissement noir scintille brièvement. J’ressors de la zone de touche d’un bond.
« T’aurais pu frapper, qu’elle me reproche en faisant la moue.
- C’est un entrainement, j’suis pas obligé de t’arracher la tête…
- Comme si ç’aurait marché.
- Ouais, ouais, le haki de l’armement, tout ça. Parfois, ça suffit pas.
- Vantard.
- Réaliste.
- Il suffit d’un instant d’ina... »
Elle coupe sa phrase là et se jette en avant, centre de gravité au plus bas. J’suis un peu surpris, d’habitude on entrecoupait les échanges de discussions tranquilles.

J’saute au-dessus de sa balayette, elle se redresse et envoie un coup de talon. Mes bras croisés devant moi encaissent et, sans appui, j’suis projeté un peu en arrière. Un genre de salto vrillé lui permet de rester au contact, face à moi en plus. Si j’étais taquin, j’aurais pu utiliser le Geppou pour appuyer sur l’air et la frapper en plein vol. Mais j’ressens pas vraiment le besoin d’aller à fond.

En tout cas, jusqu’à ce que je sente le mur du fond de la pièce contre mon dos. Là, Prudence change de stratégie, elle virevolte face à moi en enchaînant les feintes et les directs, sans jamais rester plus de quelques instants dans la zone de contact. Ses mèches blondes volent autour de son visage pendant que j’pare tout méthodiquement en la regardant souffler.

D’un autre côté, même si l’exercice est intéressant, il est p’tet pas nécessaire, que j’me dis, surtout quand un poing boosté au haki de l’armement creuse légèrement le revêtement en acier du mur. J’profite qu’elle recule pour glisser sur la droite. Un coup de pied circulaire m’en dissuade promptement.

En voyant les coins de ma bouche s’affaisser légèrement, son rictus à elle s’élargit. Bah, c’pas si mal de voir ça. Mais j’vais pas rester là à prendre des gnons pour autant. J’prends appui sur le mur pour grimper de deux bons mètres, esquivant par là-même une main tendue pour m’attraper, et j’saute dans son dos.

Une pirouette de mon cru, en plein vol, m’permet au passage d’envoyer mon talon vers l’arrière de son crâne. Elle esquive en se tordant le cou, mais est trop déséquilibrée pour me coller des mandales quand j’atterris. J’sautille un peu sur place en me craquant les vertèbres, un sourire moqueur aux lèvres.

« Tss. »
Prudence pose le pied sur le mur avant de se projeter à l’horizontal, comme un boulet de canon, vers moi. Son crochet vole large mais lui sert à modifier son centre de gravité, puis son inertie. Elle tourne, en appui sur les mains, en envoyant des coups de pied. Capoeira, maintenant ? J’me contente de reculer plus vite qu’elle ne marche à l’envers en haussant les épaules.

« Un peu de créativité, non ?
- Ca a l’air vachement moins pratique sur le pont d’un navire, ou des graviers, ou n’importe quel coin où tu pourrais te planter un truc dans la paume, hein.
- C’est bien de tester des trucs, aussi.
- Mouais.
- Avec l’armement, je ne peux pas me faire transpercer les mains.
- C’est un peu du gâchis, quand même.
- Tant que ça marche.
- Ben justement…
- Tch. »

Elle repart à l’assaut avec son entrain habituel, mais aussi davantage d’agressivité que d’habitude. Ça continue un bon quart d’heure avant qu’on se sépare, tous les deux essoufflés.
« Quelque chose te tracasse, nan ?
- Non, pourquoi tu dis ça ?
- J’sais pas, c’est pas comme d’habitude. »
Elle hausse les épaules.
« Je ne sais pas, j’en ai peut-être assez d’attendre en mer.
- C’est vrai qu’on n’a toujours aucun signe de notre prochaine mission. Mais un peu de boulot nous ferait pas de mal, cela dit.
- Puis je n’aime pas vraiment Mégavéga.
- Ah ? Comment ça s’fait ?
- Trop de science, peut-être.
- Préfère Navarone ?
- Oui, ça doit être ça. »

Ca s’défend, davantage à l’ancienne, surtout quand on est pas forcément à l’aise avec les technologies bizarres qu’ils développent là-bas. Puis on sait jamais sur quoi on va tomber, dans le genre scientos en train de pondre une bombe à partir de trois écrous et un fil en plomb. Nan, Navarone, c’est de la vraie Marine, régulière majoritairement, certes, mais des Marines…

Au bout d’une heure, on commence à fatiguer tous les deux, et y’a de plus en plus de failles dans ses attaques, ses gardes. Sûrement dans les miennes aussi, mais de là où j’suis, c’plus dur à voir. J’esquive une avalanche de coups de pieds fouettés en haut, en bas, en reculant. Quand, d’une impulsion, elle lance une attaque retournée, j’avance brusquement en encaissant sa cuisse sur mon épaule.

Bien trop près pour son confort, elle essaie de reposer le pied au sol, mais j’balaye son seul appui avant tout en poussant sur son épaule. Elle tombe par terre, en amortissant le choc de son bras libre tout en lançant son genou dans ma direction. J’lâche un hoquet de douleur en me laissant tomber sur elle, coude en avant. Ça impacte son sternum et tout l’air de ses poumons jaillit avec un filet de bave assez peu séduisant.

J’ai une main sur sa carotide et l’autre son œil, puis j’roule sur le côté, en position assise. Elle préparait une attaque en ciseau, mais s’est interrompue en voyant que ça servait à rien.
« Pfiou, ça fait du bien, un peu d’exercice. »
Elle se redresse aussi, avec un grognement.
« Ca passe le temps. »
Son regard reste fixé au sol.
« C’est pas grave de perdre, t’sais.
- Hein ? Hum, oui, je pensais à autre chose. »
J’me relève puis j’lui tends la main pour l’aider à faire de même. On s’dirige vers nos affaires, dont on extirpe des serviettes histoire d’essuyer un peu la sueur avant un décrassage plus approfondi. Elle arrête pas de tourner les yeux vers la porte pendant qu’on discute. Finalement, on s’prépare à sortir.

Au moment où j’mets la main sur la poignée, elle s’ouvre de l’autre côté, et j’suis forcé de reculer d’un entrechat pour pas la prendre dans la gueule. J’vois Charme, Blondie et Funeste qui entrent à la file, la mine fermée et les épaules carrées. Ils referment derrière eux, et j’hausse un sourcil interrogateur.
« Salut, vous faites quoi ? S’passe un truc ?
- Peut-être bien, répond Charme. »
Mon regard va des trois lieutenants à Prudence, qui a un air vaguement soulagé sur le visage.
« S’passe un truc. »
Blondie s’accoude à la porte et croise les bras, et surveille du coin de l’œil. Funeste est un pas derrière Charme, les épaules trop détendues pour avoir l’air naturel, les mirettes fixées sur moi, l’expression aussi funeste que son surnom. Prudence jette furtivement le regard dans ma direction quand elle pointe pas au sol, accroupie pas loin.

Ca commence à sentir pas bon. J’comprends pourquoi Prudence avait l’air nerveuse, distraite, pendant l’entrainement. Plus agressive, doivent m’en vouloir pour un truc. J’repasse les jours proches, la mission de l’île Maléfique en revue. En rapport avec le coffre dérobé au Gouverneur ? Ils auraient voulu avoir leur part sans qu’on file tout aux sauvages ? Nan, pas leur genre. Quelque chose que j’ai pu dire ou faire… A part les commentaires désobligeants habituels, rien de bien choquant…

Funeste fait un pas en avant, mais Charme le retient en mettant son bras en travers, et prend une grande inspiration avant de fixer ses yeux noirs sur moi. J’me dérobe pas et j’lui renvoie son regard, l’expression ouverte et attentive.
« Angus, hein ? »
Le début fait un peu cryptique. J’manque pas de le faire savoir :
« Ouais, vous commencez à me connaître, nan ?
- On se pose la question. »
Léger silence.
« Comment ça ? »
Charme hésite encore. De manière surprenant, c’est Prudence qui prend la parole.
« On se demande si tu ne serais pas un agent du Cipher Pol. »

Il me faut qu’une fraction de seconde pour intégrer et tout replacer dans son contexte. Les regards fuyants, ce qui s’est passé tout à l’heure, la réunion des lieutenants ici alors qu’ils ont rien à y foutre… Le premier mécanisme de défense qui m’vient à l’esprit, c’est d’éclater de rire. C’est c’que j’fais, bruyamment. Un beau rire qui sonne pas du tout forcé. Celui pour lequel on est entrainé dans les bureaux.

« Sérieusement ? Hahaha… Ah. Merde. Sérieusement.
- Oui, reprend Charme, le regard dur. »

J’lève les paumes.
« Bon, j’suppose que si vous le pensez… J’pourrais vous casser la gueule mais j’crois que ça règlerait pas grand-chose, pas vrai ?
- Tu penses en être capable ? Demande Blondie.
- Y’a qu’un seul moyen de l’savoir, mais ça n’a pas d’importance. On va plutôt réfléchir et se demander pourquoi vous pensez ça.
- Au début, pas grand-chose. Le Rokushiki, c’est pas si choquant que ça.
- Nan, y’a pleins de Marines qui l’ont, ouais.
- Encore que peu l’utilisent de manière aussi poussée, mais c’est un détail.
- Reprocher à un type de savoir se battre, c’est moche.
- C’est clairement pas ça qu’on te reproche. »

J’soupire.
« Allons-y, alors, que j’lâche.
- Tu te souviens de la raison pour laquelle tu es dans la Vingtième ?
- Ouais, j’dois bien être celui qu’a le moins de chances d’oublier.
- Et c’est ? »
Ca pue le piège, mais j’ai pas tellement le choix.
« J’vous l’ai déjà dit, en plus. J’me suis embrouillé avec un connard à tifs roses dans Marie-Joie.
- Mais encore ?
- C’était un de ces Marines qui font carrière à signer des papelards. J’lui ai pété le nez. Tu veux en venir où ?
- Tu vois, Angus, j’ai eu une longue carrière, et même si une grande partie a eu lieu au sein de la Vingtième, ça ne m’a pas empêché de nouer des contacts avec d’autres divisions. Par exemple, la 346è Division Carter.
- J’sais pas où ça s’dirige, mais ça serait pas la division de nanas ?
- Si, que des gouines qui se lesbichent entre elles, commente Blondie en s’attirant un regard noir de Charme. Et je sais de quoi je parle, j’ai déjà bien tenté ma chance de ce côté-là. »

Quelques ricanements de bon goût plus tard, Charme se râcle la gorge.
« Toujours est-il que cette division a fait route vers Marie-Joie il y a quelques semaines, et que je leur avais demandé de vérifier quelque chose.
- J’ai eu le droit à une vérification de mes antécédents ? J’dois être privilégié.
- Pour être honnête, je fais ça pour tous les officiers et sous-officiers. »
Les autres lieutenants tournent brusquement la tête vers elle.
« Ne le prenez pas mal, on ne vit pas aussi longtemps que moi sans être prudente. »

On hoche la tête, moi compris.
« Et, si la présence d’un certain Angus semble avérée à Marie-Joie, pas moyen de trouver une trace d’un officier qui avait les cheveux roses. Même en épluchant les registres, le personnel qui était présent dans la capitale, et la base G-0, au moment approximatif des faits…
- Tu vas me faire croire qu’un officier de ta division a pu passer plusieurs jours dans les registres sans autorisation et sans souci ? Autant un coup d’œil en passant, j’veux bien, mais là… »
Une fois de plus, j’reçois un soutien surprenant de la part de Blondie :
« Ouais, je les connais, les suppôts de Trovahechnick, obsédés par les procédures. Aucune chance qu’ils laissent quelqu’un entrer comme ça chez eux. »
Charme fait la moue.
« Peut-être qu’elles ne sont pas toutes homosexuelles. »

On n’a pas le temps de dire un mot de plus qu’elle nous coupe d’un ton sec.
« Le sujet de la source est clos. Bref, tous ces éléments tendent à laisser penser que tu es un agent du Cipher Pol. »

J’ricane.
« C’est pleins de trous, votre truc. Me dites pas que vous êtes pas d’accord ?
- Comme ?
- Vous trouvez pas un type aux tifs roses donc ça y est, tout est inventé ? C’est pas un peu un raccourci, votre truc ?
- Rien n’indique la présence d’un individu aux cheveux roses dans la Marine à Marie-Joie à ce moment de l’année.
- Rien n’indique que le type s’est pas fait une teinture ou une autre connerie. »

Ils sont un peu silencieux.
« C’est pas faux, lâche Blondie.
- T’es dans quel camp ? Demande Prudence.
- Celui de la Marine, donc se sauter dessus entre nous, ça marchera pas forcément bien. Angus nous l’a jamais mise à l’envers jusqu’à présent, donc l’accuser…
- Ce n’est pas parce qu’il n’a encore rien fait que…
- Nous n’allons pas refaire ce débat, impose Charme. Nous avons voté pour éclaircir les choses, donc nous éclaircissons les choses.
- J’vois pas ce que vous allez éclaircir. Vous dites que j’suis CP, vous avez pas de preuves, alors on va pas aller très loin.
- Tu vois Charme ? Je t’avais dit qu’on n’avait pas assez d’éléments.
- Tu étais où il y a dix ans, Angus ? »

Celle-la est facile, j’connais ma fausse biographie par cœur.
« J’sortais de l’équivalent du BAN. C’est obligé de continuer ? J’ai l’impression qu’on perd tous notre temps. »
En vrai, j’ai une goutte de sueur froide métaphorique. Y’a dix piges, dans mes premières missions d’agent bas de gamme, j’ai bossé avec la Vingtième, certains éléments, tout du moins. Charme, déjà à l’époque, et Conway, un sergent de Blondie. J’ai beau avoir un physique ultra ordinaire, si l’un d’eux est foutu d’avoir une excellente mémoire… Nan, impossible. Malgré le regard songeur de la vieille baroudeuse.

« C’est vrai, on perd notre temps, fait Funeste. »
Tout le monde est surpris de l’entendre parler. Sa voix gratte un peu, mais elle porte largement assez. Il esquive Charme et fait un pas vers moi. Le pas suivant, il a un couteau de chasse dans la pogne.
« On la joue comme ça ? Que j’demande. »
J’fais un pas vers lui aussi, j’tiens un poignard de lancer par la lame dans la droite et un planteur dans la gauche.

Finie l’attitude faussement décontractée dans laquelle on s’cachait à peu près tous. Blondie s’éloigne du mur, porte à la main à sa ceinture, à son pistolet. Prudence se redresse doucement et j’relâche mes épaules. Funeste fait une autre enjambée, interrompue quand Charme l’attrape par le col et le tire en arrière.
« J’ai dit : non. »
Finie l’attitude de discussion, aussi. De sa poigne, elle lui tord le cou et le fixe droit dans les yeux pendant une bonne dizaine de secondes avant qu’il détourne le regard et range son coutelas. Ha, elle rigole pas.

« Je sais pertinemment que ça n’explique pas tout, Angus. Ça ne veut peut-être pas dire que j’ai raison, mais ça ne veut certainement pas non plus dire que j’ai tort. On te surveille de près, maintenant. »

Sur ces mots sympatiques, elle se dirige vers la sortie, suivie par Funeste. Blondie s’écarte pour les laisser passer et sort à leur suite. Prudence est la dernière à partir, après un ultime regard en arrière. Son expression est indéchiffrable.

Chiasserie.


Dernière édition par Alric Rinwald le Mar 2 Mai 2017 - 21:40, édité 1 fois
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Quelques heures plus tard, j’ai expédié mes tâches journalières et j’attends qu’il fasse suffisamment sombre pour sortir de ma piaule. Le hublot est trop étroit pour que j’m’y glisse, donc j’vais au plus simple : je sors normalement sur le pont, les mains dans les poches mais sans mon uniforme de Marine. Trop blanc, trop voyant. J’salue de la tête le seul soldat que j’croise avant de me diriger vers la proue.

Plus loin, devant, au milieu de notre formation, on voit distinctement les lampiottes du cuirassé de Thorn. J’crois qu’il est temps de lui faire une p’tite visite et de faire un point sur la situation actuelle. Ma situation, aussi, parce que si les autres me collent vraiment au fion, la mission va devenir pénible. Même s’ils ont aucune assurance d’avoir la vérité, le simple fait qu’ils en soient soupçonneux arrange pas vraiment mes affaires.

Dans mon rapport journalier à Thorn, j’ai utilisé quelques mots de code pour signaler que j’me radinerai en douce.

Au moment où personne regarde, j’passe par-dessus le bastingage. Le Geppou m’évite de tomber cash dans la flotte. J’m’éloigne rapidement de la coque de mon croiseur, qui m’a quand même aspergé d’écume, et en marchant juste au-dessus des vagues, j’fais ma route vers le navire de mon Commandant d’élite, et chef d’équipe pour cette mission.

Quand j’pose enfin la main sur le bord du pont, avant même de me hisser, j’reprends mon souffle quelques instants. J’ai cru que j’le rattraperais jamais. Sur une dernière inspiration, j’déclenche mon empathie. Aucun patrouilleur à proximité. D’un ultime Geppou, j’me projette sur le pont et j’file vers la cabine de Thorn. L’oreille à la porte, y’a personne, j’m’introduis et j’ferme doucement derrière moi.

Edward Thorn lève les yeux sans le moindre signe de surprise et finit de ranger les quelques papiers qui trainent sur son bureau. La carte, par contre, reste dépliée et couvre la majeure partie de la surface. Le reste de la cabine est spartiate, autant que celle de chaque officier de la Marine : une couchette avec un espace de rangement en-dessous, un gros coffre qui peut servir de table d’appoint, et quelques sièges vissés au sol. Le hublot, fermé, donne sur la nuit noire et peut être caché par un petit rideau, comme maintenant. Seule sa mallette de peintre du Color Trap dénote un peu, accrochée au porte-manteau.

L’homme lui-même a toujours sa barbe soigneusement taillée et replace sa mèche en arrière. Ses yeux bleus se posent sur moi puis sur la chaise d’en face. J’m’asseois sans un mot.
« Oui, Lieutenant Angus ?
- C’est la merde, Commandant Thorn.
- Développez.
- Les autres lieutenants suspectent fortement que j’appartiens au Cipher Pol.
- Ah. Comment le sais-tu ?
- Ils me l’ont dit en face, avec les raisons, et qu’ils me lâcheraient plus.
- Ca leur ressemble bien, oui. »

Il soupire.
« Tu t’es raté dans ton infiltration ? Tu as un peu trop parlé ?
- Si c’était qu’ça, j’l’aurais moins mauvaise. Ils ont contrôlé les alibis fournis par le CP et ont trouvé des trucs qui leur ont mis la puce à l’oreille. Ils admettent eux-mêmes que ça prouve rien mais veulent pas en démordre.
- Voilà qui va compliquer singulièrement les choses.
- Justement, j’y ai pas mal réfléchi, du coup. J’sais pas toi, mais… »
J’prends une grande inspiration et j’me gratte la joue. L’image-même du type hésitant.
« J’ai pas l’impression que y’ait vraiment des révolutionnaires infiltrés dans la Division.
- Révolutionnaires affiliés à l’AR ou simples anarchistes ?
- Ni l’un ni l’autre. Bon, p’tet un peu anars sur les bords, mais davantage dans la manière que le but, tu vois ce que je veux dire ?
- Oui, je pense à peu près la même chose.
- Reste que ça s’trouve qu’on les a juste pas trouvés.
- Au bout de plusieurs mois sans action sortant de l’ordinaire.
- J’ai encore quelques soupçons sur Funeste mais… Nan, quoi, franchement, j’vois aucun d’eux faire l’apologie de la Révolution. ‘Sont juste dégoûtés, j’pense. »

Quelques instants de silence. Thorn fait jouer ses doigts rythmiquement sur son bureau.
« Tu préconiserais quelque chose ?
- C’est dur à dire. Ça serait risqué, mais faudrait purger le problème à la racine.
- Qui n’est pas quelqu’un.
- Alvel.
- Alvel. »

J’le fixe pendant qu’il a les yeux dans le vague, sur son bureau. Il reprend la parole :
« L’idée est intéressante, mais non-applicable. La Marine ne voudra jamais attaquer l’île comme ça, sans information supplémentaire.
- Justement.
- Justement quoi ?
- Ben, on pourrait se passer de l’autorisation de la Marine…
- Ah.
- Ouais. »

Il fronce les sourcils.
« J’sais que t’es Marine à la base, et que t’es orienté vers le Cipher Pol par la suite, Edward.
- Comment tu sais ça ?
- Connais tes ennemis, connais encore mieux tes alliés, tout ça. Enfin, peu importe. Il est p’tet possible de faire jouer une action du CP sur Alvel.
- Tu jouerais ta carrière là-dessus ? »
J’remue sur mon siège sans répondre.
« Ah. La mienne aussi.
- Ben, officiellement, c’est toi l’chef d’équipe.
- Certes… Et pourquoi ferais-tu ça ? La satisfaction du devoir accompli ? »
J’fais une grimace désolée.

Nouveau soupir.
« Effectivement, je vois où tu veux en venir. Cela dit, nous pourrions aussi continuer dans le rythme actuel, à essayer de voir si quelqu’un se dévoile, surtout maintenant qu’ils te suspectent, à raison.
- Ouais, sûrement. Mais mon efficacité va être vachement compromise. Si les Lieutenants se sont mis d’accord pour m’surveiller, on peut être sûr que des soldats de mes sections sont dans le coup. Même s’ils savent pas forcément pourquoi.
- Je vois. Tu penses que si on continue comme ça, il vaut mieux que tu sois muté ?
- Ca serait un aveux de culpabilité, cela dit, et les projecteurs seraient directs sur mon remplaçant.
- C’est vrai.
- Mais en même temps, y’a p’tet plus besoin d’un lieutenant CP, si on les élimine de l’équation. Restent les sergents, j’connais mal ceux des autres. Et les hommes du rang, mais s’dur d’avoir de la fluidité pour circuler entre les sections.
- Bref, tu penses que si on continue sur la voie actuelle, il faudra des mois, voire des années avant d’être assuré de quoi que ce soit ?
- Ouais. Et, si on a bien raison, ça résoudrait queud’ en prime.
- Clairement. Et si on expurge Alvel en prenant l’île, la Vingtième pourrait être libérée de ses démons.
- C’était mon idée.
- La faire redevenir une division exemp…
- Faut p’tet pas pousser mémé dans les orties non plus…
- Une division efficace et relativement disciplinée, qui ferait confiance au Gouvernement Mondial.
- Ca paraît difficile d’en demande plus.
- Hum.
- Après, si t’as une autre suggestion de marche à suivre, j’veux bien, mais l’état, ça va pas donner grand-chose. Ou, en tout cas, moi j’vais pas donner grand-chose. »

Il se lève, sort deux verres et une bouteille de vieux rhum de son coffre. J’savais pas que le commandant se gardait une bouteille au chaud pour les soirées solitaires, dis donc. Ou pour les soirées en tête-à-tête avec de charmantes Marines, p’tet ? Il sert un doigt et m’tend un verre avant de reprendre son siège.

« Aucun autre moyen ne me vient en tête. Quelles seraient les conséquences en cas d’échec ?
- Là, comme ça, dur à dire. Ça dépendrait des dimensions de l’échec. Faut voir comment la merde retombe, et ça dépendra pas mal du plan qu’on mettra en place.
- Je suppose que tu as une ébauche ?
- Ouais. C’est très vague, faudra négocier avec les patrons. Elcat pour toi, Scorpio pour moi. Majoritairement Elcat vu que tu diriges la mission.
- Je croyais que c’était Yakutsuki Rei, le directeur du CP5.
- L’est sur le terrain, que j’dis en haussant les épaules. C’est Scorpio l’administrateur en attendant, et lui qui décide de la plupart des trucs.
- Hum. Tu penses pouvoir le convaincre.
- Ca doit pouvoir s’faire, avec les bons arguments. Et on peut compter sur lui ensuite pour le vendre à Elcat. »

Le silence devient songeur. J’remue, j’sens, puis j’goûte. Un bon cru, évidemment.
« Pour revenir à l’ébauche ?
- Des Marines peuvent pas se pointer à Alvel. On sait déjà que ça marche pas, et la Vingtième était plus forte d’une bonne centaine d’hommes à l’époque. Nan, faut utiliser d’autres méthodes, des méthodes de Cipher Pol. S’infiltrer sur l’île, puis y faire le nettoyage.
- C’est très optimiste, comme plan. Et il faudrait que la Marine coopère au moins suffisamment pour que la Vingtième disparaisse le temps de l’opération, qui serait ?
- Faut voir, quelques semaines au bas mot. »

« Très bien. Nous soumettons chacun la proposition à nos chefs et nous attendons leur retour. Nous n’avons de toute façon pas de mission immédiate. Je vais également ralentir le rythme pour nous faire arriver plus tard à Mégavéga.
- Ca roule.
- Je te sens enthousiaste.
- Ouais, j’ai l’impression que les affaires reprennent. Si j’avais voulu être Marine, j’aurais embauché direct. Personne aime patiner.
- Tu as l’air de considérer nulle la probabilité qu’un ou plusieurs révolutionnaires soit toujours cachés et plus malins que nous.
- Ouais. Quasi-nulle, par réalisme, mais j’y crois pas. »

J’avale la suite et fin de mon verre.
« Bon, j’t’appelle quand j’ai eu Scorpio pour le debrief, et on avisera. Ca s’trouve, il m’enverra chier.
- Nous verrons.
- Commandant Thorn, que j’dis en saluant.
- Lieutenant Angus. »

Quand j’ferme la porte derrière moi, il fait toujours tourner son rhum et a écarté le rideau qui cachait le hublot. Par la fenêtre, on distingue tout pile la lune.

Quel poseur, putain.
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Dans ma cabine, j’suis allongé sur ma couchette, mon denden blanc à portée de main. J’ai déjà préparé ce que j’allais raconter, une version moins édulcorée que les précédentes. Après être rentré du cuirassé de Thorn, j’me suis bouclé dans ma piaule et j’ai sorti mon escargophone. Premier appel, le standard marijoan. Deuxième appel, le coordinateur, auquel j’ai expliqué une partie de la situation. Il a dit qu’il allait voir si Scorpio était disponible pour prendre la communication.

Ça fait une bonne demi-heure, et j’somnole, à force. Fait longtemps que j’suis debout, aux aurores de la journée précédente. Et c’est bien tôt l’aube de celle-la, heure à laquelle j’suis censé m’lever à nouveau pour faire acte de présence sur le navire et superviser des trucs. Honnêtement, depuis l’temps, ils se supervisent très bien tout seuls, mes Marines.

J’vais p’tet faire la grasse mat’, tiens.

Mon denden s’agite à nouveau, tout en ignorant délibérément la feuille de laitue placée à côté de lui. Appel entrant. J’avale une gorgée d’eau pour faire disparaître la sensation de bouche pâteuse, et j’décroche le combiné.
« Ouais ?
- Agent Rinwald.
- Bonsoir, patron.
- J’espère que ça vaut le coup, Rinwald. J’aimerais bien dormir quelques heures avant de retourner travailler demain. »

Genre j’me tâte la nouille.

« Vous savez, la mission au sein de la Vingtième…
- Evidemment que je sais, Rinwald, je vous ai mis moi-même dessus suite à vos exploits avec le CP0, coupe-t-il avec un ton dégoulinant de sarcasme.
- Oui, bon. Le coordinateur vous a fait un topo ?
- Non, il est parti se coucher. Accouchez. »

J’prends une grande inspiration et j’me lance dans mon grand discours. Celui où ça passe ou ça casse.
« Avec Thorn, le chef d’équipe de la mission, on pense que y’a pas de révolutionnaires dans la Vingtième. Ils l’ont juste toujours mauvaise à cause d’Alvel.
- C’était il y a quoi ? Cinq ans ?
- Sept maintenant.
- Rancunières, les mouettes.
- On pourrait démembrer la Division, mais j’pense que ça améliorerait pas la situation, ils iraient juste essaimer le bordel partout. Soit on les fout tous en retraite, soit on tente un dernier coup d’main à Alvel.
- Qu’est-ce qui vous assure qu’il n’y a pas de révolutionnaire ?
- Ben, on l’a toujours pas trouvé, et nos conclusions concordent entre Thorn, Krueger, et moi-même.
- Ce n’est pas parce…
- Y’a autre chose. Les lieutenants de la Vingtième sont venus m’dire en face qu’ils me suspectaient d’être un agent du CP. »

Y’a un léger silence, le genre de mauvais augure quand on connaît Scorpio.
« Vous avez merdé, Rinwald, c’est ça ?
- C’est les types aux alibis qui ont merdé. Les lieut’nants ont épluché toute ma putain d’biographie pour y chercher les incohérences, et ils ont évidemment trouvé des trucs. C’est suffisamment vague pour qu’ils soient pas sûrs de leur coup, mais ils ont le doute raisonnable.
- Vous savez pourquoi ils vous ont dit ça ?
- Pour me foutre le feu au cul et voir comment j’vais réagir, si j’vais m’trahir.
- Thorn est grillé aussi ?
- Non, Monsieur.
- Evidemment. Donc la marche à suivre serait de faire profil bas et continuer tranquillement. Pas de mutation, ni d’action suspecte.
- Sauf vot’ respect…
- Je déteste quand les agents commencent une phrase comme ça, Rinwald. Ç’a intérêt à valoir le coup. »

J’déglutis. C’est là que ça devient rigolo.
« On s’en fout si les cadres sont soupçonneux et qu’on leur donne implicitement raison. Tant qu’on règle leur problème, en tout cas, ils moufteront probablement jamais. Sans compter qu’ils diraient quoi ? Y’a un agent du CP qui s’est pointé chez eux, on sait pas comment il s’appelle mais voilà, faites gaffe les copains ?
- Tant qu’on résout leur problème, c’est ça ?
- Ouais. Retourner à Alvel et accomplir la mission sur laquelle ils se sont cassés les dents y’a sept ans.
- Envoyez une lettre au QG de la Marine, dans ce cas.
- On sait tous qu’ils voudront pas, sinon ils y seraient déjà retournés.
- Effectivement, Rinwald. Si vous avez raisonné jusque-là, je vous écoute. »

Je l’imagine d’ici. Dans son bureau, les doigts croisés sur son gros bide, il fixe le denden en attendant que j’lui sorte quelque chose d’intéressant. Intéressant pour lui, évidemment. J’me redresse de ma position allongée et j’m’asseois sur le bord de ma couchette, l’escargophone en main.
« Le Cipher Pol pourrait sponsoriser une opération secrète qui ne serait plus du ressort de la Marine, à laquelle la Vingtième participerait, pour prendre Alvel et la purger des pirates.
- Hum… »

J’le laisse réfléchir à l’autre bout de la communication.
« Avantages et inconvénients, Rinwald.
- L’avantage, c’est que si on réussit, la Marine l’aura dans l’os, après avoir merdé pendant sept ans, alors qu’on aura tout résolu en sept mois ou presque.
- Si on réussit.
- Si on s’foire… »
C’est le moment où j’abats ma carte grosse pute.
« La mission est commandée par Edward Thorn, chef d’équipe du CP3. Aucune opération d’ampleur comme celle que j’propose pourrait avoir lieu sans son aval. A priori, il est d’accord aussi, d’ailleurs. Et si la mission est dirigée par le CP3, si ça foire, on peut toujours s’en laver les mains.
- Et si elle réussit, c’est eux qui en retireront le plus gros.
- Il y aura toujours moyen de mettre en valeur le fait que l’idée et l’impulsion venait du CP5.
- Là, vous êtes plus intéressant, Rinwald. »

Après plus de dix ans à travailler au service de Scorpio, j’commence à connaître le bonhomme. Il prend pas de paris perdants. Jamais. C’est toujours les autres qui perdent. On devient pas administrateur du Cipher Pol en étant naïf et honnête. Plus qu’à mettre le dernier coup d’marteau.
« Le seul souci restant, ça serait de convaincre Elcat, que j’glisse.
- Ne vous en faites pas pour Elcat. Si Thorn la contacte, et moi en prime derrière, elle sautera à pieds joints dans la combine. Sans se poser la moindre question. Elle n’est clairement pas devenue directrice du CP3 grâce à sa vision politique. »

J’me passe la main sur le front pour en enlever la fine pellicule de sueur.
« Allons-y, Rinwald. Quelle est l’ébauche de plan ? »
Le plus gros du boulot est fait. J’expose point par point ce que j’ai préparé jusque-là, et qui m’semble possible de faire avec c’que je sais d’Alvel. Au bout d’une dizaine de minutes, j’ai la gorge à nouveau sèche, et j’ai fini. J’bois quelques gorgées, dont le son est comiquement reproduit par l’escargophone.

Scorpio est silencieux quelques instants de plus.
« Cela semble jouable. Complexe, considérant qu’ils ne sont que des Marines, mais peut-être que leur manque de discipline servira enfin à quelque chose. Pour les ressources, je dois pouvoir vous procurer tout ça, en conjonction avec Elcat. Dès qu’elle est convaincue, je vous fais parvenir les dossiers dont nous disposons sur Alvel. Vous m’enverrez ensuite, dans les trois jours, le plan détaillé que vous proposez, Rinwald, pour validation. Ce sera tout. Bonne soirée. »

Il raccroche sans me laisser le temps de placer un mot. A priori, tout a l’air lancé. J’repose le denden à côté de feuille de laitue, qu’il se met à manger goulûment. J’me rallonge, j’ferme les yeux, et j’fais le vide.

Va m’falloir que quelques secondes pour m’endormir, et l’aube est dans trois heures.
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On est tous dans la salle d’état-major du cuirassé. Tous, les lieutenants et le commandant. J’ai mauvaise mine. Ça fait une grosse semaine que j’sors pas de ma cabine. Les traits tirés, le visage pâlichon, et des poches sous les yeux, j’suis l’image du malade qui est p’tet en rémission, ou alors aux portes de la mort. Ça tombe bien, la maladie, c’était pile mon alibi pour passer tout mon temps isolé dans ma cabine, à lire les dossiers et préparer le plan.

« On pensait pas te revoir vivant, Angus, fait Prudence.
- J’vais un peu mieux.
- C’est contagieux ? Demande Blondie, toujours altruiste.
- Plus maintenant, d’après le toubib. Restez loin dans l’doute.
- A un moment, on s’est demandé si tu serais pas renvoyé chez toi pour… te rétablir, ajoute Charme. »
La pause est pas anodine. Ils pensaient m’avoir cramé et que j’utiliserais une excuse bidon pour m’barrer, heh ? J’espère qu’ils sont bien accrochés à leurs sièges.

Thorn se racle la gorge.
« Bien, maintenant que nous avons tous pris des nouvelles d’Angus, on peut en venir à l’objet de cette réunion. »
On s’redresse vaguement dans nos sièges tandis que le Commandant se passe la main dans sa barbe.
« Nous sommes provisoirement hors des chartes de la Marine.
- Comment cela ? Demande Charme.
- Tout va devenir plus clair rapidement. Nous avons été réquisitionnés par le Cipher Pol pour une mission d’envergure. »
Ca m’attire quelques regards en coin, que Thorn fait mine de ne pas voir. Moi aussi, la mine basse et l’œil vague et humide.

« L’objectif de la mission est la prise d’Alvel.
- Cela fait des années que la Marine refuse une opération à Alvel, commente Prudence.
- C’est pour cela que nous y allons avec le Cipher Pol, explique Thorn.
- Ca se finira comme l’autre fois. J’étais pas là, mais j’ai toujours pas spécialement envie de tenter ma chance, dit Blondie.
- Cela ne se finira pas forcément différemment, oui, confirme le patron. »

Ça s’voit qu’il gamberge et arrive pas à trouver une manière diplomatique de présenter le truc sans me griller complètement. C’est gentil de se soucier des p’tits camarades. J’lui adresse un rictus ironique, qu’il note en haussant les épaules.

« L’assistance du Cipher Pol se borne à…
- Je croyais qu’on parlait d’une mission pour eux.
- Il faut davantage voir ça comme une faveur qu’ils nous accordent, je pense.
- Ils nous accordent la faveur d’une mission ? Adorable de leur part, commente Prudence. Dis quelque chose, Angus.
- Ouais, sûr. Le CP fournit le matos et l’information pour la mission, et ensuite c’est à nous de nous démerder pour que ça marche. »

Y’a un p’tit silence et ils me fixent tous.
« Ils vont fournir quelques navires, de l’équipement, des caisses de fringues, pour qu’on puisse passer sur des pirates et s’infiltrer sur l’île. L’idée, c’est de débarquer par petits groupes, chacun chapeauté par un lieutenant, et de commencer à intégrer la communauté pirate. Une fois qu’on aura tous creusé notre trou, on pourra éliminer toutes les têtes de valeur et prendre possession de l’île. Et la vision d’Alvel prise par la Vingtième division d’élite de la Marine se réalisera enfin, que j’achève avec un sourire en coin. »

Edward Thorn replace sa mèche en arrière d’un mouvement machinal et reprend la parole.
« Pour l’occasion, ce sera le Lieutenant Angus qui sera aux commandes de l’opération. »
On s’est mis d’accord pour qu’il soit en retrait et crame pas la sienne, de couverture. Faut dire, le taf de CP, c’est un à-côté pour lui, pas comme moi.

« Hé, tombez pas de vos sièges, heh ? Que j’fais dans le silence qui se prolonge en foutant les deux pieds dans l’plat. »

Ils se regardent entre eux, puis les regards retombent sur moi, avant de se tourner vers Charme, le cerveau principal des lieutenants.
« Voilà qui apporte un éclairage nouveau sur toute l’histoire. Mais je suppose que cela n’a aucune importance, finit-elle avec un petit sourire satisfait. Tant que nous pouvons enfin retourner à Alvel. »

Les autres acquiescent plus ou moins rapidement. Ils ont aussi l’air plus ou moins convaincu. Ça suffira bien. Marrant, qu’aucun aille à la confrontation direct, mais ça fait mes affaires. C’est vrai qu’ils en tirent ce qu’ils veulent depuis des piges, donc ça leur va bien de fermer leurs mouilles.

« Pour les détails en eux-mêmes, voilà en gros ce qu’on va faire… »
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