Il n'est personne, ou ne l'est plus, lavé et dépouillé de l'illusion d'avoir un jour œuvré pour une cause juste et morale au dehors là-bas, hors de l'enceinte, hors des murs qui l'étreigne et le garde, hors de la jarre qui le contient et l'entrave. La geôle est une étuve, l'éther y est infect, il est gorgé des émanations de méthane qui se faufilent entre les blocs, la geôle est le carcan d'une vie de débauche et d'insouciance, de vanité et d'orgueil, c'est l'étau brûlant et implacable qui le ceint dans sa plus grande solitude, tribut d'un chemin téméraire et trop audacieux d'un homme se voulant être icône. Le pêché d'un seul peut parfois conduire à la faillite de tous, leçon de vie amère et cuisante de la défaite d'un homme trop présomptueux qui précipita la chute évidente et non pas moins définitive des espoirs vains qu'ils avaient nourris.
Il en a accepté la chute et la destitution, en a accepté le sort et l'opprobre des vaincus, la solitude et la déchéance. Il est redevenu ce qu'il fut, un paria voguant parmi les autres, purgé de toute appartenance servile à un ordre supposé vertueux, sur la paillasse au confort tout rudimentaire de l'alcôve où il niche depuis plus d'un an. En proie à ses propres démons et à ces mêmes questionnements insolubles dont il n'a jamais effleuré la moindre résolution, ses pensées malades vacillent et se heurtent aux parois primitive qui encage l'animal qui les habite, à l'intérieur de la jarre comme à l'intérieur de lui-même. Au plus près de ce qu'il est, de son essence et de son identité, il se meurt, perclus dans ses remords et privé de cette énergie d'autrefois qui vivifiait son esprit et irriguait de hargne et de frénésie ses capillaires. Accablé par l'inertie des jours qui passent et se ressemblent, il se fond dans le labeur ingrat des bagnards, dans la léthargie d'une besogne infamante devenue permanence maladive au gré des jours, devenue quotidien des hommes brisées et résolus devant l'adversité. Oublié des siens, il œuvre à son plus pur abandon pour se meurtrir encore davantage, par idéologie d'abord, parce qu'il se sait coupable et qu'il tente en vain de se purger du sang des trépassés et de leurs visages inquisiteurs, fantômes chroniques et ombres éphémères de cette vie d'avant.
Les nuits glaciales apportent tantôt leur lot de souvenirs douloureux, de la violence du golem, des gerbes de sang et du tronc disloqué de Nash, ce sont des réminiscences fugaces et pénibles qui remontent à la surface de la conscience par l'effervescence brulante de l'esprit coupable qui les contient. Son œil torve et fiévreux fixe le plafond vierge et brut de la cellule et dans ses iris se confondent les frères d'armes et partisans qui périssent pour la volonté de quelques uns, dans ses oreilles coule l'immuable partition macabre répétée inlassablement par les même orchestres et conduits par les mêmes chefs à la baguette. Les sonorités se répercutent sur les parois et la fureur de leurs cris hachés percutent le plomb des barreaux de l'isoloir. Lorsqu'enfin la tourmente cesse et que la poussière retombe, leurs lamentations s'engouffrent dans la roche poreuse de la jarre où le détenu gît. Les murs ont des oreilles selon la maxime populaire mais ils délivrent aussi leurs secrets à qui sait les écouter. Ces parois transpirent des vérités rebattues des hommes, constantes captives de la complainte des condamnés qui se succèdent, nourrie par la perdition de ceux qu'ils furent et de ceux qu'ils ne seront jamais plus, des vérités immuables de la désespérance de celui qui combat invariablement le destin arrêté, de l'acharnement qui confine à la démence et à la déraison, de l'aliénation volontaire à celui qui sait, fatalement, qu'il poussera son dernier soupir dans l'indigence de sa couche.
Les ongles de ceux d'avant ont strié la paroi d'entailles, de poinçons, de marques profondes et de stigmates creusés de ceux qui ne veulent pas être oubliés aux limbes du temps. Sa main glisse sur la rugosité de la paroi et effleure ces cicatrices hors des âges, vestiges confus d'époques lointaines mais pourtant si réelles encore aujourd'hui qui unies par le même dénouement livrent des témoignages ésotériques compris de leurs seuls auteurs.
Le condamné perpétue ce pèlerinage de chair et d'os, préposé malgré lui à entretenir l'histoire de l'outre-tombe, dépositaire du fardeau séculaire des aveux de ceux qui regrettent et tentent de se repentir, mais tout autant de la haine de ceux qui glorifient et immortalisent la gloire longtemps passé d'actes que tous ont oublié.
Il était Wade, il n'est plus qu'un Zeke comme tout un chacun ici.
Il en a accepté la chute et la destitution, en a accepté le sort et l'opprobre des vaincus, la solitude et la déchéance. Il est redevenu ce qu'il fut, un paria voguant parmi les autres, purgé de toute appartenance servile à un ordre supposé vertueux, sur la paillasse au confort tout rudimentaire de l'alcôve où il niche depuis plus d'un an. En proie à ses propres démons et à ces mêmes questionnements insolubles dont il n'a jamais effleuré la moindre résolution, ses pensées malades vacillent et se heurtent aux parois primitive qui encage l'animal qui les habite, à l'intérieur de la jarre comme à l'intérieur de lui-même. Au plus près de ce qu'il est, de son essence et de son identité, il se meurt, perclus dans ses remords et privé de cette énergie d'autrefois qui vivifiait son esprit et irriguait de hargne et de frénésie ses capillaires. Accablé par l'inertie des jours qui passent et se ressemblent, il se fond dans le labeur ingrat des bagnards, dans la léthargie d'une besogne infamante devenue permanence maladive au gré des jours, devenue quotidien des hommes brisées et résolus devant l'adversité. Oublié des siens, il œuvre à son plus pur abandon pour se meurtrir encore davantage, par idéologie d'abord, parce qu'il se sait coupable et qu'il tente en vain de se purger du sang des trépassés et de leurs visages inquisiteurs, fantômes chroniques et ombres éphémères de cette vie d'avant.
Les nuits glaciales apportent tantôt leur lot de souvenirs douloureux, de la violence du golem, des gerbes de sang et du tronc disloqué de Nash, ce sont des réminiscences fugaces et pénibles qui remontent à la surface de la conscience par l'effervescence brulante de l'esprit coupable qui les contient. Son œil torve et fiévreux fixe le plafond vierge et brut de la cellule et dans ses iris se confondent les frères d'armes et partisans qui périssent pour la volonté de quelques uns, dans ses oreilles coule l'immuable partition macabre répétée inlassablement par les même orchestres et conduits par les mêmes chefs à la baguette. Les sonorités se répercutent sur les parois et la fureur de leurs cris hachés percutent le plomb des barreaux de l'isoloir. Lorsqu'enfin la tourmente cesse et que la poussière retombe, leurs lamentations s'engouffrent dans la roche poreuse de la jarre où le détenu gît. Les murs ont des oreilles selon la maxime populaire mais ils délivrent aussi leurs secrets à qui sait les écouter. Ces parois transpirent des vérités rebattues des hommes, constantes captives de la complainte des condamnés qui se succèdent, nourrie par la perdition de ceux qu'ils furent et de ceux qu'ils ne seront jamais plus, des vérités immuables de la désespérance de celui qui combat invariablement le destin arrêté, de l'acharnement qui confine à la démence et à la déraison, de l'aliénation volontaire à celui qui sait, fatalement, qu'il poussera son dernier soupir dans l'indigence de sa couche.
Les ongles de ceux d'avant ont strié la paroi d'entailles, de poinçons, de marques profondes et de stigmates creusés de ceux qui ne veulent pas être oubliés aux limbes du temps. Sa main glisse sur la rugosité de la paroi et effleure ces cicatrices hors des âges, vestiges confus d'époques lointaines mais pourtant si réelles encore aujourd'hui qui unies par le même dénouement livrent des témoignages ésotériques compris de leurs seuls auteurs.
Le condamné perpétue ce pèlerinage de chair et d'os, préposé malgré lui à entretenir l'histoire de l'outre-tombe, dépositaire du fardeau séculaire des aveux de ceux qui regrettent et tentent de se repentir, mais tout autant de la haine de ceux qui glorifient et immortalisent la gloire longtemps passé d'actes que tous ont oublié.
Il était Wade, il n'est plus qu'un Zeke comme tout un chacun ici.