Il est dur à croire que cela fait déjà deux semaines que nous sommes sur l'île. Les jours filent tels les grains de sable du désert filant à travers le chas d'un sablier. Les minutes s'engrènent à un rythme déchaîné dès que l'on est occupé. Depuis que l’ordre du pays a été renversé, il a fallu finir le boulot ; mater les rares révoltes, finir les dernières poches de criminalités, superviser l’entraînement de l'armée « fédérale »,... Mais nous sommes des marins, pas des hommes des sables, nous prenons peu à peu mains à la navigation sur les fleuves de sable, mais j'ai peur que les hommes émoussent leurs compétences navales. C'est pourquoi, j'ai décidé qu'aujourd'hui auront lieu quelques exercices en mer. Un tour de l'île, quelques courses, ce genre de chose. L'océan est assez agité aujourd'hui, c'est la condition propice pour se remettre d'aplomb. De plus, visiter les quelques petites îles qui bordent le pays de sable pourrait s'avérer bénéfique. Il semblerait qu'elles soient totalement délaissées, nul ne sait quelles trouvailles on peut y faire.
Cela me permettra par la même occasion jauger les réactions des gens du cru, un sondage d'opinion de temps en temps peut s'avérer profitable.
Les équipages se mettent en branle, leurs bottes claquent dans les rues tandis qu'ils se rendent au navire en rangs serrés. Les badauds assistent à la procession, étonnés. La totalité des troupes embarquent et les voiles se gonflent en direction de la mer, un fluide constitué d'eau dont l'on pourrait ignorer l'existence si l'on ne quitte jamais le cœur du désert. La transition se fait en douceur, une légère secousse ainsi qu'un vent humide chargé d'iode remplace les mers de sable et un souffle chaud et sec à l'odeur de cendre. Ça fait du bien, l'air marin est de loin bien plus agréable que celui de Jazeda, c'en est presque une véritable libération. Je donne rapidement les consignes, les navires restent en bloc jusqu'au phare qui a salué notre arrivée sur l'île, ensuite nous garderons une formation de combat en poussant à la vitesse maximale pour faire le tour de l'île.
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Hyoundou a été humilié comme, il n'a jamais été humilié ces dernières années. Son boss dans un message très clair et très sec lui a fait comprendre que toute autre erreur entraînerait sa perte. Il lui est conseillé de supprimer ceux qui lui ont fait perdre la confiance du boss. Alors il attend son heure, tapis dans une grotte au large de l'île maudite. A la moindre occasion il chargera sur les navires de ce chien de Kogaku. La noyade est une mort trop douce pour lui. Hyoundou veut le tuer de ses mains, le voir ramper à ses pieds, voir la peur dans ses yeux. Plus jeune, des hommes en blanc avaient voulu l'enfermer pour psychopathie et perversion sexuelle, ce furent ses premières victimes. Mais même malgré cela, il lui reste une blessure dans l'âme, deux yeux flamboyant que les litres de sang ne pouvaient pas éteindre. Cette femme qui l'avait défié du regard après son premier meurtre, sans ciller, complètement stoïque, il était impossible qu'elle ne tremble pas, pourquoi n'a-t-elle pas fui ? Il devait la tuer, lui montrer qu'il pouvait décider de son destin... mais ses yeux... Il n'a pu que fuir.