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Le mariage de l'Enfer

Rappel du premier message :

Les quais de Manshon, avec son nombre incalculable de bateaux de commerces stationnés, ses petits bureaux d’assurance devant lesquels les capitaines faisaient la queue en vociférant, et son odeur de poisson pas frais…Moka reniflait l’air, maussade, Vasco et Nikolas sur ses talons, l’un de marbre, et l’autre se perdant en imprécations sur les lieux.

- Cet endroit de merde quoi…Pourquoi nous avoir amené ici, dans ce repère à truands ? questionna Vasco, qui avait toujours la langue bien pendue, trop pendue pour un larbin.

- Mon cher Vasco, tu ne sais pas apprécier la beauté rustique de Manshon à sa juste valeur, répliqua Nikolas en le devançant pour se retrouver à la hauteur de Moka. Pas vrai Capitaine ?

Tout autour d’eux, les mafieux, assis en terrasse de café, affairés à négocier avec des marchands, ou simplement stationnés en qualité de guet, les scrutaient, comme si la rumeur du retour du prince déchu avait atteint les sept familles aussitôt son navire amarré au port. Moka n’aimait pas être observé, aussi accéléra-t-il le pas, sans dire un mot. Ses compagnons de routes suivirent la cadence et le groupe s’engagea dans une étroite ruelle, mais ils n’étaient plus seuls.

- Euh…Moka ? Je crois bien qu’on est suivi, souffla Vasco, la main portée au pommeau de son épée.

Sans répondre, Moka quitta la ruelle où il se trouvait, obliqua sur sa droite, traversa les ruines d’une vieille auberge, et gagna un passage plus fréquenté, dans le très fameux Quartier des Plaisirs de Manshon. Ici se trouvait Séréna, Moka le savait depuis qu’il avait entendu deux marins ivres vanter le nouveau cabaret tenue par une ancienne courtisane tombée sur un trésor : le New Morning. A la pensée de Séréna, de ses beaux cheveux sombres, sa démarche à la fois féline et chaloupée, ses hanches affriolantes, Moka esquissa un sourire…qui s’effaça aussitôt à la pensée de la fille qu’il avait eu avec elle.

- Pas un endroit pour élever une enfant, marmonna Moka.

Le pirate reconnut directement le cabaret, avec son enseigne bien en évidence représentant un soleil rougissant, sa façade imitant le style antique, ses hautes fenêtres aux rideaux pourpres : c’était bien le style de Séréna, sulfureux et pompeux à souhait. Avant d’entrer, Moka se tourna vers Nikolas et Vasco, ce dernier semblant d’ailleurs enchanté à l’idée de pénétrer dans les lieux.

- Vasco, Nikolas, restez ici, histoire que personne ne me dérange…J’ai une famille à revoir.

- Bien, tu peux compter sur nous, répondit Nikolas, tandis que Vasco, l’air dépité, s’assit sur le perron de l’établissement.

L’intérieur du cabaret était plutôt luxueux, avec une grande salle principale, à l’éclairage tamisé, et au bout de laquelle une immense estrade destinée aux spectacles dominait une vingtaine de tables. Sur sa droite, un bar, derrière lequel officiait une serveuse au visage angélique qui jurait avec son corps élancé et leste, attira son attention : après tant de jours passés en mer, Moka avait besoin d’un petit remontant. S’installant sur l’un des tabourets placés devant le comptoir, il fixa la belle d’un regard faussement intéressé, et celle-ci, avec un sourire enjoliveur, vint prendre sa commande.

- Alors mon beau, qu’est-ce que je te sers ?

- Hmm…ce que tu jugeras bon de me préparer. J’ai fait une longue traversée en mer qui m’a épuisé, dit Moka.

- Ça sera un Blue Lagoon alors, c’est corsé tu verras, répondit la serveuse en se retournant pour préparer le précieux breuvage.

En attendant, Moka jeta un coup d’œil sur le reste de l’assistance, peu nombreuse à cette heure de la journée. Au niveau de l’une des alcôves privées jouxtant l’entrée, un homme, les cheveux de jais coiffés en arrière, un costume trois-pièces d’anthracite, et une cigarette à la bouche, l’observait avec assistance. Le contact visuel dura plus longtemps que Moka ne le voulait et celui-ci, gêné, reporta son attention sur la belle serveuse qui lui posa justement son verre devant lui.

- Et voilà beau gosse, lui dit-elle en lui caressant la joue, avant de partir servir un autre client, bien moins avenant.

- Merci, lâcha Moka, sans pourtant oser siroter la boisson, le regard de l’homme derrière lui pesant toujours plus intensément.

Tout d’un coup, Moka se leva, son verre à la main, se dirigea vers l’alcôve où se trouvait l’homme et s’installa juste en face de lui, sur l’un des sofas du renfoncement. Ils restèrent un moment silencieux, jusqu’à ce que l’homme en costume écrase son mégot de cigarette dans un cendrier, soupirant de dépit.

- Alors, c’est vous le fameux Moka ? demanda-t-il, avec cette pointe méprisante dans la voix qui disait à l’intéressé tout le « bien » qu’il pensait de lui.

- Oui, et vous ? Qui êtes-vous ? Vous n’êtes pas aussi « fameux » que moi si je ne vous connais pas, répliqua Moka sur le même ton.

- Moka, il s’agit de mon grand frère Francesco…un caractère de cochon, mais tu t’y feras, lui répondit une voix, suave comme un baiser, qu’il reconnut aussitôt.

Appuyée contre le mur dans une pose très suggestive, ses habits n’en étaient pas moins d’une sobriété qui contrastait avec son passé. Ses longs cheveux noirs, d’habitude laissés au naturel, étaient coiffés avec un chignon sophistiqué, et une robe noire rehaussée de motifs en fil d’argent dessinait à merveille sa silhouette svelte. Autour de son coup, une croix d’or, qui rappela à Moka le coup qu’ils avaient effectué ensemble, le bon vieux temps. Sans attendre plus longtemps, le prince se leva, et prit dans ses bras la femme qu’il aimait.

- Tu m’as manqué Séréna, lui souffla-t-il à l’oreille.

- Toi aussi Moka…

- Bon, les amoureux, je vous dérange ? intervint Francesco, qui s’était lui aussi levé.

- Roh, t’es chiant ! Viens, Moka, il faut que je te montre la petite, dit-elle en lui prenant la main.

Un sourire goguenard aux lèvres à l’adresse de Francesco, il le planta là, et suivit Séréna à l’étage du cabaret, dans ses appartement…il était temps de rencontrer la petite Olivia.
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Me voilà dans une sacrée merde, je titube dans la ville à la recherche d’un endroit où m’abriter, j’entends des canons cracher leurs boulets au loin, dans les rivages, j’espère que Léonardo et les autres vont bien.

Après avoir essayé d’ouvrir plusieurs maisons je finis par en ouvrir une, délabrée, elle semble être abandonnée depuis plusieurs décennies, rien d’étonnant aux vues du mur donnant sur la ville recouvert de lierre.

Je rentre et referme la porte, je m’adosse contre celle-ci et me laisse glisser jusqu’au sol, profitant pour souffler un bon coup, je respire comme un bœuf, je n’ai plus vingt ans malheureusement. Je ne tiens plus du tout autant qu’avant… puis cette merde toxique que je passe à longueur de journée à fumer ne m’aide pas vraiment non plus.

Je cesse de penser, il faut que je me soigne. J’arrache un morceau de ma longue veste blanche, j’enroule le long morceau de tissu autour de ma hanche et je serre à m’en faire quasiment tourner de l’œil. J’ai mal mais au moins j’arrêterai de perdre du sang.

Je finis par me relever difficilement, je grimace tout en haletant, en me relevant un frisson me traverse, depuis tout à l’heure effectivement je sens un différence de température, il fait plus froid.

J’allume encore une cigarette, après tout j’ai un peu de temps devant moi, je choppe mon escargophone et j’appelle mon médecin.

Pulupulupulu...pulupulupulu...pulupulupulu…KOTCHAAAA !

- Capitaine ?!

- Oui, Léonardo, tout ce passe bien de vôtre côté ?

- Euh… bah… euh… Arhye a pris le commande ! Et tout s’est très bien déroulé !

- Je vois… tu vois, j’ai encore du flaire ! Eheh… bon écoute, je vais essayer de rejoindre la berge au Nord, attendez-y moi, j’ai pris un peu de retard car j’ai été blessé, fallait que je bande tout ça.

- Hm… dépêches-toi, il faut que je traite cette blessure au plus vite, importante ou non.

- Bien capté Monsieur le Généraliste.

KOTCHA.

Je passe la porte de la bâtisse, alors que je m’apprête à la refermer j’entends une voix lointaine qui crie

- EH ! IL EST LA BAS ! CAPTUREZ-LE !

D’un vif regard, j’ai vite aperçu la Marine à ma poursuite, il semble avoir fini leurs affaires avec les mafieux… bordel !

Je déambule dans les rues, essayant de courir avec l’atroce douleur à la hanche qui à chaque pas me donne l’impression de reprendre ce coup de couteau. Le plus stressant dans cette situation ce sont les pas des soldats que j’entends se rapprocher, les bougres, ils vont plus vite que moi !
Je serre une bonne fois les dents, une immense masse brumeuse noire s’étend dans les rues, elle s’étend dans tout ce quartier, la plus grosse zone que j’ai pu produire ! Et mon ultime effort !

Faire ceci draine dans le peu d’énergie que j’ai, il faut alors que je trouve un équilibre pour courir et garder la zone active dans ce secteur, le temps d’arriver au navire !

Je chope dans le passage un bout de bois, formant ma nouvelle canne et surtout me soulageant un peu ! Les soldats restent immobiles, ils n’osent pas bouger, en revanche chaque bruit s’élevant dans l’air rendent tellement les soldats nerveux qu’ils canardent la direction d’où il provient.

Bon, bien que j’ai remis un long écart entre eux et moi je suis plutôt tiré d’affaire, je continue le pas pressé jusqu’au Nord.

Une fois sortie de ce quartier miteux, j’aperçois enfin mon navire ! Accosté sur la berge tel que je l’avais demandé, Léonardo m’attendant avec quelques-uns de mes gars dont Arhye devant la proue. Je suis heureux, un grand sourire pourfend mon visage, je suis tellement content de les voir, d’où je suis je n’arrive pas à distinguer correctement leurs visages mais leurs habits je les reconnaîtrai entre mille.

Je fais quelques pas accompagné de ma canne, écartant mes bras comme pour les prendre dans mes bras, une douleur brusque me prend à la hanche, la brume ténébreuse se dissipe, quant à moi je me sens lourd… beaucoup trop lourd. Je… suis fatigué… mais les autres sont là… tout va bien !
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- Hoy Daemon ! Reste avec nous !

    Le borgne nous était littéralement tombé dans les bras. Son corps était recouvert de sang et d'ecchymoses. Il n'y était pas allé de main-morte ! Mais Léonardo nous assura qu'il s'en sortirait : ce grand malade s'en sortait toujours, à croire qu'il était de la même engeance que les mauvaises herbes ou les roseaux.
    Matt aida le médecin et deux autres à porter le blessé sur un brancard improvisé tandis que je regardais le ciel, inquiet. L'épouse de Moka me rejoignit, tout aussi tendue :

- Qu'il se dépêche... Cet idiot me cause suffisamment de soucis comme ça. Pas la peine d'en rajouter...
- Il va arriver. Il vous l'a promis.

   La brune ne répondit pas. Que pouvais-je dire d'autre ? Nous étions tous là, impuissants, à attendre que le noble pirate revienne avec sa fille. Francesco vint à nos côtés et nous croisions les doigts, priant intérieurement pour qu'apparaisse enfin le père et son enfant. Le ciel était sombre, les nuages couvraient en partie la lune et les étoiles qui l'entouraient. La mer commençaient à s'agiter tandis que le vent gonflait nos voiles que plusieurs hommes tentaient de manipuler de sorte à ce que le pilote maintienne le navire près de la côte, non sans difficulté. Au loin, le vaisseau de la Marine se laissait porter par le courant, ses mâts brisés manquant de tomber à l'eau.
   Des Grante, il ne devait plus rester grand monde. Le parrain était mort, la plupart de ses capi éliminés, les deux autres à nos côtés, et les rares survivants devraient compter sur le retour prodigue de Charlie et Jaccopo pour empêcher la famille de sombrer.

   Je sortis une cigarette, en proposai une aux deux Stracci qui refusèrent d'un mouvement de tête, l'allumai et la portai à mes lèvres. J'avais fini par me faire à l'odeur. Et au goût. Mais le désir venait surtout de tout ce stress que m'imposait la vie de forban.
   Depuis que j'avais rencontré Matt, je voyais le monde différemment : il n'y avait plus de bien ou de mal à proprement parler, tout n'était plus que nuances. Je m'étais retrouvé dans des situations complexes et déroutantes, inattendues pour la majorité d'entre elles, et les quelques personnes que j'avais rencontrées et en qui je pouvais avoir un semblant de confiance ce révélaient être des criminels et des mafieux... Le genre de personnes que jamais je n'aurais pensé côtoyé autrefois.
    Parmi eux : Daemon Wall, ce borgne sanguinaire que je m'étais surpris à suivre malgré nos déboires passées. Cet homme m'avait pris sous son aile sans que je le lui demande et tout était allé plus vite depuis. Mon chemin était désormais tout tracé, tandis que la route derrière moi se teintait de rouge.

   Trop de sang avait coulé. Bien trop selon moi. Je ne m'habituerai jamais à ça.
   Tuer...
   Ceux qui prétendaient que l'acte était simple étaient soit des menteurs, soit des connards antipathiques. Malheureusement je ne pouvais plus faire machine arrière, ma tête étant mise à prix et n'ayant plus de famille pour me protéger. Je devais respecter la parole que je m'étais faite : remuer terre et mer pour retrouver mes parents, les libérer, lever le poing face au Gouvernement Mondial et devenir un modèle pour ceux dont le ressentiment et la colère furent alimentés par celui-ci.

   Mais je ne me voyais pas changer le monde. La Révolution, si tant est qu'elle y parvienne, était plus à même de remplir ce rôle. Et je n'étais pas fait pour diriger un équipage. Qui se tiendrait derrière moi, une tête brûlée de dix-sept ans à peine ? Non. Je deviendrai un guerrier des mers. Un de ceux dont le nom impose le respect lorsqu'on l'entend. Un de ceux que la Marine recherche, respecte et craint à la fois. Un de ceux en qui le capitaine pouvait avoir pleinement confiance.
   Je me tournais vers la cabine dans laquelle se trouvait Léonardo et mon mentor de courte date. Ce dont j'avais besoin pour progresser, c'était d'un homme charismatique, une figure à suivre, avec un but aussi noble que le mien. Quelqu'un comme...

- Moka !

   Je fis volte-face : Séréna pointait les nuages du doigt. Ceux-ci s'écartaient, soufflés par le vent, laissant filtrer les rayons lunaires. Une ombre apparut alors dans les airs, entouré d'étoiles. Tel un ange tombant du ciel, Moka Charlotte descendait vers nous, sur le dos d'une chauve-souris géante.

[...]

- Vous auriez dû voir vos têtes !
- Cesse de rire avec ça ! J'avais imaginé les pires choses !
- Allons, tout va bien. Je suis là, notre fille l'est également, nos amis s'en sont sortis et notre objectif est accompli ! Que demander de plus ?

   En effet, tout était enfin terminé. Nous avions pourtant payé un lourd tribut : des Autres, il ne restait qu'une poignée de mercenaires dont leur chef, Tommy Mouton. Ils étaient partis tôt, dès que leurs blessures furent guéries. Charlie et Jaccopo n'avaient pas tardé non plus, sachant qu'ils avaient des hommes brisés à récupérer ça et là afin d'éviter l'effondrement des Grante. Les deux capi promirent de respecter l'accord passé avec Moka et Séréna concernant le contrôle des affaires de la jeune femme et de la famille sur Manshon. Jaccopo me tapota l'épaule en me disant que nous devions remettre notre duel à plus tard, nos blessures respectives ne nous permettant pas de nous affronter au meilleur de notre forme. Je souris et lui serra la main.

   Nous étions réunis tous ensemble dans le bureau du New Morning. Daemon avait demandé à ce que le navire soit caché dans une crique plus à l'écart, à l'abri des patrouilleurs de la Marine. Nikolas, Vasco, Séréna, Francesco, Matt, Léonardo, Daemon, Moka et moi nous tenions là et discutions des événements :

- Du grand spectacle, l'ami ! Du très grand spectacle ! Un mariage comme on en verra jamais plus si je puis me permettre !
- D'ailleurs, j'espère qu'on en verra plus de ce genre... Parce que ce n'est pas super bon pour la santé, ce genre de "festivités" ! Et je ne parle pas de la nourriture !

   Le borgne mit une gifle à Matt qui le regarda avec le visage outré d'une jeune vierge effarouchée, la main sur la joue :

- Fais pas ta chochotte ! T'es en vie non ? On est tous en vie ! D'ailleurs vous pourriez me remercier d'avoir retenu cet enfoiré de longues-jambes...
- Corazon.
- Ouais, celui-là. Mais putain je vous jure... Ce qui m'a plu, ça reste quand notre petit prince a trucidé le parrain. Bien joué !
- Merci, c'était le but de cette opération après tout.
- Un sacré cadeau de mariage pour ta dulcinée ! T'as de sacrés tripes pour concocter ce genre de plans. Ouais... De sacrés tripes... Et la tête sur les épaules malgré tout...
- Et maintenant, on fait quoi ?

   Tous me regardèrent. Je les dévisageai sans broncher, la tête posée sur mes mains jointes. C'était bien beau de se féliciter, mais le massacre de la veille était bien trop récent pour qu'on fasse la fête : les forces armées devaient retourner l'île pour nous dénicher désormais. Ils ne tarderaient pas à s'intéresser à ce bâtiment s'ils ne manquaient pas trop de jugeote.

- Je suis aussi content que vous, mais il faut passer à l'étape suivante maintenant. On a réussi, c'est super, youhou, tout ça... Mais personne n'avait prévu que la Marine rappliquerait, si ?

   Un silence. Je continuai :

- Faut qu'on se tire. On peut pas rester là. Le navire est prêt et les hommes nous y attendent. Nous devrions nous dire au revoir et penser à la suite de notre voya...
- "Se dire au revoir" ? Qui a dit que nous nous quittions ?

   La remarque me fit réagir : intrigué, je me redressai sur ma chaise, la tête penchée vers Moka :

- Vous ne partez pas. Pas tout de suite en tout cas. N'est-ce pas Daemon ?
- Yep !
- Comment ça ? C'est quoi cette histoire ?
- Comme je disais tout à l'heure : ce gars-là a des tripes et une bonne cervelle. Il a du potentiel. Et il a un objectif concret. Un sacré scénario d'après ce que j'ai compris d'ailleurs ! Un défi je dirais même. Un défi que j'ai bien envie de relever avec lui.
- Oh attend, j'ai peur de comprendre...
- Écoute petit : je suis et je reste ton boss quoi qu'il advienne, imprime-le dans ta caboche ! Mais faut l'avouer, je commence à m'emmerder grave. Ca fait un bail que je suis pirate maintenant et je sais plus trop où je vais. Enfin si ! Mais... Rhaa ! Ce que je veux dire, c'est que j'ai envie de laisser sa chance au nobliau : il sera notre capitaine.

   Je regardais Daemon avec stupéfaction, puis Moka, puis le cyclope, puis le prince, puis ce connard en kimono... J'étais bouche bée et je ne savais pas quoi répondre. Tout le monde me fixait et je sentais la pression monter en moi. J'avais toujours détesté ce genre de situation : quand plusieurs personnes vous dévisagent en l'attente d'une réaction, comme une classe d'élèves suite à la question d'un professeur à votre encontre. Le malaise !
   Je retournai mon attention vers Moka Charlotte. Je ne connaissais pas cet homme depuis longtemps, et dès le début il était parvenu à me faire forte impression. En plus d'avoir le physique adéquat, il avait la mentalité, la prestance et le charisme des hommes de son rang. Il avait ce côté digne qu'ont les êtres dotés du pouvoir de diriger, voyant cela davantage comme un devoir que comme un droit. Un être juste.

   Je ne souris pas. Je ne grimaçai pas. En fait, je restai neutre, assis sagement sur ma chaise à contempler celui que j'allais suivre aux côtés de Daemon, lequel croisait les bras, sachant d'emblée que nos destins étaient scellés. Finalement ma réponse arriva, sans qu'aucun mot ne fusse prononcé. Il n'y avait rien à dire : je croisais les bras et fit signe que j'attendais les premières directives de notre nouveau commandant de bord. Celui-ci nous gratifia tous d'un regard empli de sympathie et de reconnaissance sincère :

- Reprenons des forces. Nous lèverons l'ancre quand j'aurais la certitude que la situation est sous contrôle. Vous n'allez tout de même pas m'empêcher de dire au revoir à ma famille comme il se doit, n'est-ce pas ?
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